Rupture brutale de relations commerciales et bons de commande ponctuels

Notez ce point juridique

Face à des bons de commande ponctuels et sans aucune exclusivité, le prestataire ne démontre pas qu’il pouvait raisonnablement espérer une poursuite de ses relations commerciales avec son client. Partant la rupture de relations commerciales établies est écartée.

Aux termes de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable en la cause, antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (‘) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (…) ; ».

Le champ d’application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c’est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l’absence de préavis écrit ou l’insuffisance de préavis, lequel doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.


L’affaire concerne un litige entre la société Image & Process et la société Eiffage Rail (anciennement Pichenot) concernant la réalisation d’un film publicitaire. Après des demandes de modifications du film et des désaccords sur le paiement, la société Image & Process a assigné la société Eiffage Rail devant le tribunal de commerce de Lyon pour obtenir le paiement du solde de sa prestation, des dommages et intérêts pour rupture brutale des relations commerciales et des droits d’auteur. Le tribunal a partiellement donné raison à Image & Process, condamnant Eiffage Rail à payer une partie des sommes réclamées. Suite à des appels et incidents, la cour d’appel de Paris a confirmé en partie la décision du tribunal, condamnant Eiffage Rail à payer des dommages et intérêts ainsi que des frais de procédure à Image & Process.

Sur l’exception de litispendance et l’irrecevabilité de l’appel

La société Eiffage Rail n’ayant pas déposé de conclusions postérieurement à l’ordonnance rendue le 22 septembre 2022 par le conseiller de la mise en état et à l’arrêt rendu le 2 décembre 2022 sur requête en déféré, ses conclusions datées du 10 mai 2022 comportent toujours ses demandes au titre de la litispendance et de l’irrecevabilité de l’appel.

Or, par ordonnance en date du 22 septembre 2022, confirmée par arrêt du 2 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté la SAS Eiffage Rail de ses demandes au titre de la litispendance et au titre de l’irrecevabilité de l’appel.

Les demandes formées au titre de la litispendance et de l’irrecevabilité de l’appel par la société Eiffage Rail sont donc irrecevables.

Sur le fond

La société Image & Process soutient que son chiffre d’affaires est aujourd’hui nul alors qu’il était conséquent lorsqu’elle était en relation avec la société Eiffage. Elle fait valoir qu’elle entretenait des relations régulières avec la société Eiffage Rail depuis au moins six ans et que le non-respect du préavis est incontestable. Elle indique qu’après la rupture elle n’a plus bénéficié de commande de la part de toutes les sociétés du groupe.

La société Eiffage Rail soutient qu’aucune des pièces produites par la société Image et Process ne démontre une relation commerciale établie entre elles. Elle insiste sur le fait que des commandes ont été passées à la société Image et Process par les différentes sociétés du groupe Eiffage et non seulement par Eiffage Rail. Elle affirme qu’elle ne faisait appel à la société Image et Process que de manière très épisodique, uniquement lorsqu’elle entendait répondre à certains appels d’offres d’un volume très important.

Aux termes de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable en la cause, antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

Le champ d’application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c’est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec son partenaire commercial.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive

La société Image et Process réclame la somme de 10.000 euros pour procédure abusive.

La société Eiffage Rail forme à son tour une demande à hauteur de 10.000 euros pour procédure abusive.

La société Image et Process, appelante, qui succombe en toutes ses prétentions, ne démontre pas l’existence d’une faute de la société Eiffage Rail à son égard. Elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

La société Eiffage Rail estime que la société Image et Process multiplie les procédures tout en sachant qu’elles sont vouées à l’échec. Elle ne prouve cependant pas que l’exercice de son droit de recours par la société Image et Process aurait dégénéré en abus. Elle sera également déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Image et Process succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Comperot, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il apparaît en outre équitable de la condamner à payer à la société Eiffage Rail la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– La société Image et Process est condamnée à payer la somme de 3.000 euros à la société Eiffage Rail sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
– Les sociétés Image et Process et Eiffage Rail sont déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive
– La société Image et Process est condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Laurent Comperot


Réglementation applicable

– Code de commerce
– Code de procédure civile

Article L. 442-6 I 5° du code de commerce:
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :
5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (‘) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (…) »

Article 700 du code de procédure civile:
« Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Comperot, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il apparaît en outre équitable de la condamner à payer à la société Eiffage Rail la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS
– Me François CORNUT, avocat au barreau de LYON
– Me Laurent COMPEROT, avocat au barreau de PARIS
– Me Nicolas LARCHERES

Mots clefs associés

– litispendance
– irrecevabilité de l’appel
– relation commerciale établie
– préavis écrit
– rupture brutale
– dommages-intérêts
– procédure abusive
– dépens
– article 700 du code de procédure civile

– Litispendance : situation dans laquelle deux juridictions sont saisies simultanément d’un même litige.
– Irrecevabilité de l’appel : décision de la cour d’appel de ne pas examiner un appel pour des raisons de forme ou de fond.
– Relation commerciale établie : relation entre deux parties dans le cadre d’activités commerciales régulières.
– Préavis écrit : notification écrite préalable à la résiliation d’un contrat ou d’une relation.
– Rupture brutale : cessation soudaine et sans préavis d’une relation commerciale établie.
– Dommages-intérêts : réparation financière accordée à une partie lésée pour compenser un préjudice subi.
– Procédure abusive : utilisation déloyale ou excessive des voies de recours judiciaires.
– Dépens : frais engagés lors d’une procédure judiciaire, pouvant être mis à la charge de la partie perdante.
– Article 700 du code de procédure civile : disposition permettant au juge d’allouer une somme à une partie pour compenser ses frais de justice.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 11

ARRET DU 22 MARS 2024

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00941 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFARV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de Lyon – RG n° 2019J00069

APPELANTE

S.A.S. IMAGE & PROCESS

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 2]

[Localité 3]

immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 424 294 395

Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09

Assistée de Me François CORNUT, avocat au barreau de LYON

INTIMEE

S.A.S. EIFFAGE RAIL

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

immatriculée au RCS de VERSAILLES sous le numéro 629 800 988

Représentée par Me Laurent COMPEROT, avocat au barreau de PARIS

Assistée de Me Nicolas LARCHERES

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE,chargée du rapport, et Mme Caroline GUILLEMAIN, conseillère.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M.Denis ARDISSON, Président de chambre,

Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,

Madame CAROLINE GUILLEMAIN, Conseillère,

Qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Suivant bon de commande du 17 mars 2016 faisant suite à un devis du 16 mars 2016, la société Pichenot devenue Eiffage Rail a confié à la société Image & Process le soin de réaliser, pour un montant de 14.400 euros HT, un film publicitaire visant à présenter l’activité de la société et son savoir-faire.

La société Image & Process a livré une version définitive du film le 24 mars 2016.

Après demande de la société Pichenot de modifications dudit film, la société Image & Process a émis le 8 avril 2016 un devis supplémentaire pour un montant de 2.160 euros HT que la société Pichenot a refusé, estimant que la rectification des erreurs contenues dans le film faisait partie de la prestation initiale et a annoncé qu’elle ne réglerait que 75 % de la facture.

Après échanges entre les parties, la société Pichenot a proposé de régler 90 % de la facture par courriel du 19 octobre 2016, offre à laquelle la société Image & Process n’a pas donné suite.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 20 juillet 2018, la société Image & Process a mis en demeure la société Pichenot de lui verser la somme de 4.320 euros au titre du solde de sa dernière prestation, celle de 100.000 euros au titre du préjudice relatif à la rupture brutale des relations commerciales et celle de 50.000 euros au titre des droits d’auteur.

Suivant exploit du 27 décembre 2018, la société Image & Process a fait assigner la société Eiffage Rail anciennement Pichenot devant le tribunal de commerce de Lyon afin d’obtenir le paiement du solde de sa dernière prestation et des dommages et intérêts au titre préjudice relatif à la rupture brutale des relations commerciales et au titre des droits d’auteur.

Par jugement du 8 janvier 2020, le tribunal de commerce de Lyon a :

– condamné la société Pichenot dénomination Eiffage Rail à payer à la société Image et Process la somme de 4.320 euros au titre du solde du contrat,

– débouté la société Image et Process de sa demande d’indemnité au titre de la rupture brutale des relations établies,

– condamné la société Pichenot dénomination Eiffage Rail à payer à la société Image et Process la somme de 15.000 euros au titre des droits d’auteur,

– rejeté comme inutiles ou non fondés tous autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires des parties,

– condamné la société Pichenot dénomination Eiffage Rail à payer à la société Image et Process la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamné la société Pichenot dénomination Eiffage Rail aux dépens de l’instance,

– ordonné l’exécution provisoire du jugement.

Sur la déclaration d’appel de la société Eiffage Rail du 27 février 2020 limitée à sa condamnation au paiement de dommages et intérêts fondés sur les droits d’auteur et des frais irrépétibles, ainsi que sur l’appel incident de la société Image et Process du 15 juillet 2020 sur le rejet de sa demande de dommages et intérêts tiré de la rupture brutale de la relation commerciale établie, la cour d’appel de Lyon a, par arrêt de déféré du 25 novembre 2021, dit irrecevable l’appel sur la rupture brutale de la relation commerciale établie et dit recevable l’appel relatif aux droit d’auteur.

La société Image & Process a formé appel par déclaration du 6 janvier 2022 enregistrée le 20 janvier 2022 devant la cour d’appel de Paris à l’encontre du jugement rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité au titre de la rupture brutale des relations commerciales établies et en ce qu’il rejeté comme inutiles ou non fondés tous autres demandes, moyens, fins et conclusions contraires de la société Image & Process.

La société Eiffage Rail a saisi le conseiller de la mise en état d’un incident le 10 mai 2022. Dans ses conclusions sur incident transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mai 2022 elle demandait :

Vu les dispositions des anciens articles 1134 et 1147 du code civil,

Vu les dispositions des articles 100 et 911-1 du code de procédure civile,

Vu les articles L442-1, L442-4 III et D442-3 du code de commerce,

Vu l’arrêt du 25 novembre 2021

Sur l’exception de litispendance,

– de se dessaisir au profit de la cour d’appel de Lyon de l’appel interjeté par la société Image & Process au titre d’une prétendue violation de ses droits d’auteur

Sur l’appel interjeté par la société Image & Process

– de déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société Image & Process ;

En toute hypothèse

– de condamner la société Image & Process à verser à la société Eiffage Rail la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la société Image & Process aux entiers dépens d’appel et de première instance, distraits de droit au profit de Me Comperot sur son affirmation de droit.

Suivant conclusions sur incident transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 28 juin 2022, la SAS Image & Process demandait au conseiller de la mise en état :

Vu l’article 100 du code de procédure civile

Vu le principe de l’estoppel

– de constater qu’il n’y a aucun fondement juridique à la demande de litispendance,

– de constater que la société Eiffage Rail avait soutenu le contraire devant la cour d’appel de Lyon,

– de dire et juger applicable le principe de l’estoppel,

– de constater l’attitude dilatoire et la mauvaise foi de la société Eiffage Rail,

– de dire et juger dénuée de tout fondement le moyen de l’irrecevabilité, en conséquence :

– de rejeter l’intégralité des demandes formées par la société Eiffage Rail dans le cadre du présent incident,

– de condamner la société Eiffage Rail à payer à la société Image & Process la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– de condamner la société Eiffage Rail à payer à la société Image & Process la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Eiffage Rail aux entiers dépens de l’instance.

Par ordonnance en date du 22 septembre 2022, le conseiller de la mise en état a :

– débouté la SAS Eiffage Rail de ses demandes au titre de la litispendance,

– débouté la SAS Eiffage Rail de ses demandes au titre de l’irrecevabilité de l’appel,

– débouté la SAS Image et Process de sa demande au titre de la procédure abusive,

– réservé les dépens et les frais irrépétibles de l’incident, qui seront jugés avec le fond.

La société Eiffage Rail a déposé le 6 octobre 2022 par le réseau privé virtuel des avocats une requête en déféré à l’encontre de l’ordonnance du 22 septembre 2022. Dans ses dernières conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 4 novembre 2022, elle demandait à la cour, en application des articles 916 et 550 et suivants du code de procédure civile, et L. 442-4 et D. 442-3 du code de commerce :

– de déclarer recevable et bien fondée la requête,

– d’infirmer l’ordonnance du 22 septembre 2022, sur l’exception de litispendance,

– de se dessaisir au profit de la cour d’appel de Lyon de l’appel interjeté par la société Image et Process au titre d’une prétendue violation de ses droits d’auteur,

– de déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société Image et Process,

– de condamner la société Image et Process à verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Image et Process aux entiers dépens de 1’appel et de première instance, distraits de droit au profit de Me Compertot sur son affirmation de droit ;

Suivant conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 26 octobre 2022, la société Image et Process demandait à la cour, en application de l’article 100 du code de procédure civile :

– de constater qu’il n’y a aucun fondement juridique à la demande de litispendance,

– de constater que la société Eiffage Rail avait soutenu le contraire devant la cour d’appel de Lyon,

– de dire applicable le principe de l’estoppel,

– de constater l’attitude dilatoire et la mauvaise foi de la société Eiffage Rail,

– de dire dénuée de tout fondement le moyen de l’irrecevabilité,

– de confirmer l’ordonnance du 22 septembre 2022,

– de condamner la société Eiffage Rail à payer la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– de condamner la société Eiffage Rail à payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Eiffage Rail aux entiers dépens de l’instance.

Par arrêt du 2 décembre 2022, la cour d’appel de Paris a :

– confirmé l’ordonnance en toutes ses dispositions,

– Y ajoutant,

– condamné la société Eiffage Rail aux dépens du recours,

– condamné la société Eiffage Rail à payer à la société Image & Process la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Après ses premières conclusions d’appelante transmises par RPVA le 23 février 2022 dans le dossier principal n° 22/00941, la société Image & Process a transmis par le même biais de nouvelles conclusions d’appelante, improprement intitulées dans son message « conclusions sur requête en déféré » dans le dossier n° 22/00583 ouvert sur le déféré déposé à l’encontre de l’ordonnance du conseiller de la mise en état du 22 septembre 2022. Dans ces conclusions n° 2 transmises le 8 novembre 2022, la société Image & Process ne réclame plus de dommages et intérêts au titre des droits d’auteur.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 8 novembre 2022, la société Image & Process demande à la cour, au visa des anciens articles 1134 et 1147 du code civil, de l’article L442 et de l’article D 442-3 du code de commerce :

A titre principal

– de déclarer recevable et bien fondé l’appel incident formé par la société Image et Process à l’encontre du jugement rendu le 8 janvier 2020 par le tribunal de commerce de Lyon en ce qu’il a débouté la société Image et Process de sa demande d’indemnité au titre de la rupture brutale des relations établies,

– de l’infirmer de ces chefs et statuant à nouveau,

– de réformer partiellement le jugement rendu le 8 janvier 2020, par le tribunal de commerce de Lyon,

– de condamner la société Eiffage à payer à la société Image et Process la somme de 100.000 euros au titre du préjudice relatif à la rupture brutale des relations commerciales, 

– de condamner la société Eiffage à payer à la société Image et Process la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, 

– de condamner la société Eiffage à payer à la société Image et Process la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– de condamner la société Eiffage aux dépens pouvant être mis en recouvrement par Maître François Cornut sur son affirmation de droit.

Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mai 2022, la société Eiffage Rail demande à la cour, au visa des anciens articles 1134 et 1147 du code civil, des articles 100 et 911-1 du code de procédure civile, et des articles L442-1, L442-4 III et D442-3 du code de commerce :

Sur l’exception de litispendance,

– se dessaisir au profit de la cour d’appel de Lyon de l’appel interjeté par la société Image et Process au titre d’une prétendue violation de ses droits d’auteur.

Sur l’appel interjeté par la société mage et Process

– de déclarer irrecevable l’appel interjeté par la société Image et Process ;

– subsidiairement, de débouter la société Image et Process de l’ensemble de ses demandes ;

– de condamner la société Image et Process à verser à la société Eiffage Rail une somme de 10.000 euros pour procédure abusive ;

– de condamner la société Image et Process à verser à la société Eiffage Rail la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– de condamner la société Image et Process aux entiers dépens d’appel et de première instance, distraits de droit au profit de Me Comperot sur son affirmation de droit.

*

La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 14 décembre 2023.

SUR CE, LA COUR,

Sur l’exception de litispendance et l’irrecevabilité de l’appel

La société Eiffage Rail n’ayant pas déposé de conclusions postérieurement à l’ordonnance rendue le 22 septembre 2022 par le conseiller de la mise en état et à l’arrêt rendu le 2 décembre 2022 sur requête en déféré, ses conclusions datées du 10 mai 2022 comportent toujours ses demandes au titre de la litispendance et de l’irrecevabilité de l’appel.

Or, par ordonnance en date du 22 septembre 2022, confirmée par arrêt du 2 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a débouté la SAS Eiffage Rail de ses demandes au titre de la litispendance et au titre de l’irrecevabilité de l’appel.

Les demandes formées au titre de la litispendance et de l’irrecevabilité de l’appel par la société Eiffage Rail sont donc irrecevables.

Sur le fond

La société Image & Process soutient que son chiffre d’affaires est aujourd’hui nul alors qu’il était conséquent lorsqu’elle était en relation avec la société Eiffage. Elle fait valoir qu’elle entretenait des relations régulières avec la société Eiffage Rail depuis au moins six ans et que le non-respect du préavis est incontestable. Elle indique qu’après la rupture elle n’a plus bénéficié de commande de la part de toutes les sociétés du groupe.

La société Eiffage Rail soutient qu’aucune des pièces produites par la société Image et Process ne démontre une relation commerciale établie entre elles. Elle insiste sur le fait que des commandes ont été passées à la société Image et Process par les différentes sociétés du groupe Eiffage et non seulement par Eiffage Rail. Elle affirme qu’elle ne faisait appel à la société Image et Process que de manière très épisodique, uniquement lorsqu’elle entendait répondre à certains appels d’offres d’un volume très important.

Aux termes de l’article L. 442-6 I 5° du code de commerce dans sa version applicable en la cause, antérieure à l’ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 :

« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers :

5° De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels. (‘) Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. (…) ; ».

Le champ d’application de ce texte est celui des relations commerciales établies, c’est-à-dire les cas où la relation commerciale entre les parties revêtait avant la rupture un caractère suivi, stable et habituel et où la partie victime de l’interruption pouvait raisonnablement anticiper pour l’avenir une certaine continuité du flux d’affaire avec son partenaire commercial.

Le texte précité vise à sanctionner, non la rupture elle-même, mais sa brutalité caractérisée par l’absence de préavis écrit ou l’insuffisance de préavis, lequel doit s’entendre du temps nécessaire à l’entreprise délaissée pour se réorganiser en fonction de la durée, de la nature et des spécificités de la relation commerciale établie, du produit ou du service concerné.

La cour doit procéder à une appréciation in concreto des conditions de déroulement et de la spécificité de la relation.

La société Image et Process se prévaut d’une relation commerciale établie depuis au moins six années avec les sociétés du groupe Eiffage. La présente instance ne concerne cependant que la société Eiffage Rail avec laquelle elle a contracté le 17 mars 2016.

Au soutien de sa demande, la société Image et Process verse aux débats les extraits du Grand-livre Global provisoire (période du 01/10/2009 au 30/09/2011 et période du 01/10/2010 au 30/09/2012) et du Grand-livre Global définitif (période du 01/10/2013 au 30/09/2014, période du 01/12/2014 au 30/09/2015 et période du 30/10/2015 au 30/09/2016.

La société Image & Process explique avoir réalisé avec Eiffage un chiffre d’affaires d’environ 25.000 euros en 2009/2010, de 15.000 euros en 2010/2012, de 92.000 euros en 2013/2014, de 29.000 euros en 2014/2015 et de 32.000 euros en 2015/2016.

Cependant, en affinant l’examen de l’unique document attestant de relations antérieures avec la société Eiffage Rail, la cour relève que les commandes effectuées par la seule société Eiffage Rail contre laquelle une demande au titre de la rupture brutale de la relation commerciale établie est formée aujourd’hui sont de bien moindre importance, de l’ordre de 19.000 euros par an, avec une absence de régularité (pas de commande importante en 2011) et des commandes ponctuelles en fonction des besoins de la société intimée.

Il en résulte que la société Eiffage Rail mais aussi d’autres sociétés du groupe Eiffage ont fait appel à la société Image et Process pour des prestations qui ne sont pas détaillées ‘ seul le Grand-livre étant produit -, aucun contrat n’étant versé aux débats autre que celui conclu en 2016. De la même façon, les échanges intervenus entre les parties entre 2010 et 2016, qui auraient permis d’apprécier le caractère suivi des relations entre elles, ne sont pas produits. La société Image et Process ne démontre donc pas qu’elle pouvait raisonnablement espérer une poursuite de ses relations commerciales avec Eiffage Rail qui faisait appel à elle par des bons de commande ponctuels annuels, sans qu’aucune exclusivité ne soit démontrée. Le caractère établi de la relation commerciale entre la société Image et Process et la société Eiffage Rail n’est pas prouvé.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a débouté la société Image et Process de sa demande d’indemnité au titre de la rupture brutale des relations établies.

Sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive

La société Image et Process réclame la somme de 10.000 euros pour procédure abusive.

La société Eiffage Rail forme à son tour une demande à hauteur de 10.000 euros pour procédure abusive.

La société Image et Process, appelante, qui succombe en toutes ses prétentions, ne démontre pas l’existence d’une faute de la société Eiffage Rail à son égard. Elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

La société Eiffage Rail estime que la société Image et Process multiplie les procédures tout en sachant qu’elles sont vouées à l’échec. Elle ne prouve cependant pas que l’exercice de son droit de recours par la société Image et Process aurait dégénéré en abus. Elle sera également déboutée de sa demande de dommages-intérêts.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Image et Process succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Comperot, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il apparaît en outre équitable de la condamner à payer à la société Eiffage Rail la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

DECLARE irrecevables les demandes formées au titre de la litispendance et de l’irrecevabilité de l’appel par la société Eiffage Rail ;

CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions entreprises ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DEBOUTE les sociétés Image et Process et Eiffage Rail de leurs demandes de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la société Image et Process aux dépens, dont distraction au profit de Maître Laurent Comperot ;

CONDAMNE la société Image et Process à payer à la société Eiffage Rail la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

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