Des contrats conclus à la suite d’appels d’offres successifs permettent de prendre connaissance du cahier des charges, des contraintes et exigences d’un prestataire (Métrobus). Le prestataire était libre de proposer sa propre grille tarifaire lors de l’appel d’offres. Il est donc mal venu d’arguer d’un déséquilibre contractuel significatif.
Quant à l’interdiction de la sous-traitance, à supposer qu’elle soit susceptible de générer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la société avait déclaré au titre du contrat qu’elle avait repris, ne pas avoir besoin de recourir à la sous-traitance.
Enfin, la clientèle du prestataire était variée, ce qui exclut également le déséquilibre significatif.
Aux termes de l’article L. 442-1 I 2°) du code de commerce :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° (…)
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
L’affaire concerne un litige entre la société Métrobus, une régie publicitaire des transports parisiens, et la société PPO Production, spécialisée dans la pose publicitaire. Suite à des difficultés financières de PPO Production, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à son encontre. PPO Production a ensuite assigné Métrobus en justice pour obtenir le paiement de diverses sommes. Le tribunal de commerce de Paris a condamné Métrobus à payer une partie des sommes réclamées par PPO Production, mais a rejeté d’autres demandes. Les deux parties ont fait appel de cette décision. La Selarl Asteren, en tant que liquidateur judiciaire de PPO Production, demande à la cour de confirmer le jugement en sa faveur et de condamner Métrobus à payer des dommages et intérêts supplémentaires. Métrobus, de son côté, demande à la cour de confirmer le jugement initial et de condamner la Selarl Asteren à payer des dommages et intérêts pour appel abusif. La clôture de l’affaire a été prononcée en janvier 2024.
Sur la suspension des contrats de prestations
La Selarl Asteren ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production soulève à titre liminaire le défaut de qualité à prononcer la suspension des contrats du GIE Media transports qui n’a signé aucun contrat avec elle. Elle fait valoir que les contrats ont en effet été signés entre PPO Production et Métrobus. Elle en déduit qu’il n’existe aucune suspension de contrat de prestation opposable à son égard et que la société Métrobus est donc défaillante dans l’exécution de ses contrats.
La Selarl Asteren ès qualités rappelle ensuite les trois conditions cumulatives exigées pour retenir la force majeure. Elle fait valoir que sauf texte contraire des pouvoirs publics, la force majeure ne peut faire l’objet d’une application systématique conduisant, pour toutes les entreprises, à la suspension de l’exécution de leurs obligations contractuelles. Elle soutient que la survenance de la pandémie de Covid 19 ne caractérisait pas une situation de force majeure dans le cadre des rapports contractuels liant les parties dans la mesure où la société PPO Production était bien en possession des moyens humains et matériels nécessaires à l’exécution de sa prestation et pouvait intervenir dans le respect des mesures sanitaires prescrites par l’OMS et exigées par la RATP. Elle fait en outre valoir que Métrobus ne justifie pas de l’annulation des commandes par les annonceurs. Elle explique avoir subi la suspension du contrat qui lui a été imposée par la société Métrobus.
La société Métrobus fait valoir à titre liminaire que le terme « Media Transports » vise la marque ou le nom commercial utilisé par les sociétés du groupe auquel appartient la société Métrobus.
La société Métrobus rappelle ensuite que la clientèle de la société PPO Production était diversifiée et que le chiffre d’affaires qu’elle réalisait auprès d’elle ne représentait que 20 % de son chiffre d’affaires total. Elle fait valoir qu’à compter du 17 mars 2020, les prestations de pose de dispositifs publicitaires ont dû être suspendues dans le métro et le RER parisiens en raison du confinement généralisé ordonné à partir de cette date, et en tout état de cause pour des raisons évidentes tenant à la sécurité sanitaire du personnel de pose et parce que les annonceurs ont massivement annulé ou reporté les commandes passées à une période ultérieure. Elle en déduit que le confinement ordonné entre le 18 mars et le 11 mai 2020 constituait un cas de force majeure. Elle soutient en outre que les difficultés financières de la société PPO Production préexistaient à la période de confinement, en témoigne la requête du ministère public en vue de l’ouverture d’une procédure collective à son égard.
Sur le déséquilibre significatif
La Selarl Asteren, prise en la personne de Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production, soutient qu’elle a embauché du personnel dédié exclusivement à l’exécution des contrats « Métrobus » et que l’interdiction d’avoir recours à la sous-traitance constituait un déséquilibre significatif, puisqu’il n’y avait pas de garantie de commandes minimales permettant de supporter la masse salariale correspondante. Elle estime avoir supporté une masse salariale disproportionnée par rapport au chiffre d’affaires issu des contrats Métrobus.
La société Métrobus fait valoir qu’aucune des conditions requises pour faire droit à une demande fondée sur le déséquilibre significatif n’est remplie, à savoir la preuve de la soumission et la démonstration de l’existence d’un déséquilibre significatif.
Sur la demande de remboursement du passif social généré par les licenciements
La société PPO Production, représentée par son liquidateur, demande le remboursement du passif social généré par le licenciement des salariés dédiés à Métrobus, soit la somme de 258.616,17 euros.
La société Métrobus s’interroge sur le fondement d’une telle demande et fait valoir que, sur un fondement délictuel, aucune faute ne peut lui être reprochée en lien avec l’embauche ou le licenciement des salariés de PPO Production.
Sur la demande reconventionnelle de Métrobus
La société Métrobus estime que la société PPO Production a fait preuve de déloyauté à son égard et soutient qu’elle a interjeté appel de manière abusive. Elle demandait en première instance la même somme ‘ 10.000 euros ‘ pour procédure abusive.
Elle ne démontre cependant pas que la société PPO Production aurait fait un usage fautif, qui aurait dégénéré en abus, de son droit de recours. Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande de publication
La société PPO réitère en appel sa demande de publication de la décision aux frais de la société Métrobus. Cette demande, compte tenu de l’issue du présent litige dans lequel la société PPO Production succombe en ses prétentions principales, ne peut prospérer et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Métrobus a succombé à l’action, ayant été condamnée en première instance à verser à l’appelante une partie de sa facture. Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. En cause d’appel, la société PPO Production représentée par son liquidateur judiciaire, succombe en ses autres prétentions. Il convient par conséquent de fixer au passif de la procédure collective de la société PPO Production, représentée par la Selarl Asteren prise ne la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire, les dépens d’appel.
Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais engagés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– La société Métrobus : aucune somme allouée
– La société PPO Production : dépens d’appel fixés au passif de la procédure collective
– Chacune des parties : charge de ses propres frais engagés en appel, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Code civil
– Code de commerce
Article 1103 du code civil:
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
Article 1104 du code civil:
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public. »
Article 1218 du code civil:
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur. Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
Article L. 442-1 I 2°) du code de commerce:
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services : De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me [X] [Z] de la SELAFA MJA
– Me Sabah ABDALLAHI de la SELASU ABDALLAHI AVOCAT
– Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES
Mots clefs associés
– Suspension des contrats de prestations
– Force majeure
– Contrats et avenants
– Article 1103 du code civil
– Article 1104 du code civil
– Article 1218 du code civil
– Contrats Métrobus et PPO Production
– Déséquilibre significatif
– Licenciements
– Procédure collective
– Dépens et article 700 du code de procédure civile
– Suspension des contrats de prestations: arrêt temporaire de l’exécution des contrats de prestations entre les parties
– Force majeure: événement imprévisible et irrésistible qui rend impossible l’exécution d’un contrat
– Contrats et avenants: accords écrits entre les parties pour définir les termes et conditions d’une transaction
– Article 1103 du code civil: disposition légale sur la liberté contractuelle des parties
– Article 1104 du code civil: disposition légale sur la bonne foi dans l’exécution des contrats
– Article 1218 du code civil: disposition légale sur la révision des contrats en cas de changement imprévu de circonstances
– Contrats Métrobus et PPO Production: contrats spécifiques entre les parties mentionnées
– Déséquilibre significatif: situation où les obligations des parties dans un contrat sont très inégales
– Licenciements: cessation du contrat de travail d’un employé par l’employeur
– Procédure collective: ensemble de mesures juridiques pour traiter les difficultés financières d’une entreprise
– Dépens et article 700 du code de procédure civile: frais de justice et indemnisation des frais de procédure pour une partie gagnante dans un litige.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRÊT DU 26 AVRIL 2024
(n° , 13 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02607 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFFTT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Décembre 2021 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2020019775
APPELANTES
S.E.L.A.R.L. ASTEREN
prise en la personne de Me [X] [Z], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société PPO PRODUCTION
En remplacement de la SELAFA MJA, en suite de l’ordonnance de M.le Président du TC de BOBIGNY en date du 1er juillet 2023
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Sabah ABDALLAHI de la SELASU ABDALLAHI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0086
INTIMEE
S.A. REGIE PUBLICITAIRE DES TRANSPORTS PARISIENS METROBUS PUBLICITE
Prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 3]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de NANTERRE sous le numéro 542 054 911
Représentée par Me Marie-catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 08 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :
Denis ARDISSON, Président de chambre,
Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE,Conseillère, chargée du rapport,
CAROLINE GUILLEMAIN, Conseillère,
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, conseillère pour le Président empêché, et par Damien GOVINDARETTY, Greffier, présent lors de la mise à disposition.
FAITS ET PROCEDURE
La Régie Publicitaire des Transports Parisiens Métrobus Publicité (ci-après la société « Métrobus ») a pour activité la régie publicitaire de médias des transports parisiens exploités par la RATP. Cette dernière a habilité la société Métrobus à confier à des prestataires tiers les prestations d’affichages publicitaires.
La société PPO Production, qui exerce une activité de pose publicitaire et d’agencement de lieux de ventes, a été créée en février 2016 pour reprendre les activités de la société Manutxpress et les contrats de prestation de PPO Organisation à la suite de la transmission universelle de patrimoine en 2013 de la société Manutxpress à sa société mère, la société [L] [C] Organisation (PPO Organisation).
Divers contrats de prestation de préparation, de pose et d’entretien ont été conclus dont notamment :
– un contrat en date du 19 octobre 2011 entre la société Métrobus et la société Manutxpress ayant pour objet la pose, l’entretien et la dépose des affiches sur les équipements publicitaires du réseau métro et RER parisien,
– un contrat en date du 22 mai 2018 entre la société Métrobus et la société PPO Production ayant pour objet la pose, l’entretien et la dépose des adhésifs publicitaires sur les voussoirs dans les rames de métro des lignes 1, 4 et 14.
La société Métrobus et la société PPO Production ont signé un avenant pour chacun de ces deux contrats le 13 janvier 2020 prorogeant leur durée jusqu’au 31 décembre 2020.
Sur requête du ministère public, le président du tribunal de commerce de Bobigny a fait citer la société PPO Production pour l’audience de chambre du conseil du 28 janvier 2020, afin de vérifier si elle ne se trouvait pas en état de cessation des paiements et s’il convenait d’ouvrir une procédure de redressement ou, à titre subsidiaire, de liquidation judiciaire à son encontre.
En mars 2020, en raison des conditions sanitaires liées au Covid 19, les contrats en cours de pose, d’entretien et de dépose des affiches publicitaires ont été suspendus au sein du réseau de transports en commun parisien.
Par lettre recommandée avec accusé de réception de son conseil en date du 19 mai 2020, la société PPO Production a mis en demeure la société Métrobus de lui régler la somme de 28.055,77 euros TTC au titre de la facture émise pour les prestations du mois de mars 2020.
Par jugement en date du 24 juin 2020, le tribunal de commerce de Bobigny a ouvert une procédure de liquidation judiciaire immédiate sans maintien de l’activité à l’égard de la société PPO Production et a désigné la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] en qualité de liquidateur judiciaire.
La société Métrobus a revendiqué les matériels lui appartenant les 3 et 8 juillet 2020 et les a ensuite récupérés dans les locaux de la société de la société PPO Production.
Le 29 juin 2020, la Selafa MJA a sollicité auprès de la société Métrobus le paiement d’une facture émise par la société PPO Production d’un montant de 21.097,09 euros TTC, en vain.
Soutenant que les contrats « Métrobus » étaient à l’origine de ses difficultés financières, la société PPO Production a, suivant exploit du 29 mai 2020, fait assigner la société Métrobus devant le tribunal de commerce de Paris afin d’obtenir paiement de diverses sommes.
Par jugement du 06 décembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :
– condamné la société Métrobus à payer à la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production la somme de 14.480,40 euros TTC au titre du règlement de la facture du mois de mars 2020,
– débouté la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production de sa demande de paiement de la somme de 34.062 euros au titre des dommages et intérêts pour les manquements contractuels,
– débouté la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production de sa demande de paiement la somme de 696.489 euros au titre du déséquilibre significatif des contrats,
– débouté la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production de sa demande de paiement de la somme de 258.616,17 euros au titre du passif généré par les sommes réglées aux salariés de la société Métrobus,
– débouté la société Métrobus de sa demande au titre de la résistance abusive,
– condamné la société Métrobus à verser à la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté les autres demandes, plus amples ou contraires au présent dispositif,
– dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire,
– condamné la société Métrobus aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,01 euros dont 12,12 euros de TVA.
La Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production a formé appel du jugement par déclaration du 02 février 2022 enregistrée le 11 février 2022.
Par conclusions signifiées par voie électronique le 21 juillet 2022, la société Métrobus a interjeté un appel incident .
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 08 janvier 2024, la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production, en remplacement de la Selafa MJA en suite de l’ordonnance de M. le président du tribunal de commerce de Bobigny en date du 1er juillet 2023, demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1218, 1220, 1231-1 du code civil et des articles L. 442-1-I et L. 442-4 du code de commerce :
De confirmer le jugement en ce qu’il a :
– condamné la société Métrobus à régler à la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production la somme de 14.480,40 euros TTC au titre du règlement de la facture du mois de mars 2020,
– débouté la société Métrobus de sa demande au titre de la résistance abusive,
– condamné la société Métrobus à régler à la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de mandataire judiciaire liquidateur de la société PPO Production la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code procédure civile,
D’infirmer le jugement en ce qu’il a :
– débouté la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production de sa demande de paiement de la somme de 34.062 euros au titre des dommages et intérêts pour les manquements contractuels,
– débouté la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production de sa demande de paiement de la somme de 696.489 euros au titre du déséquilibre significatif des contrats,
– débouté la Selafa MJA prise en la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production de sa demande de paiement de la somme de 258.616,17 euros au titre du passif généré par les sommes réglées aux salariés de la société PPO Production,
– rejeté les autres demandes, plus amples ou contraires au présent dispositif,
Statuant à nouveau, il est demandé à la cour,
– de déclarer recevable et bien fondée la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production en ses demandes, fins, moyens et prétentions,
Et y faisant droit,
– de déclarer que la suspension des contrats « Métrobus » en vigueur à l’initiative de la société Média Transports n’est pas motivée en droit,
– de juger que le GIE Média Transports n’avait pas qualité à prendre cette décision de suspension,
– de condamner la société Métrobus à régler à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production la facture émise par cette dernière pour les prestations de service du mois de mars 2020 soit la somme de 28.055,77 euros TTC augmentée des pénalités de retard calculées sur la base de 3 fois le taux d’intérêt légal à compter de l’échéance de paiement jusqu’au jour du paiement,
– de condamner la société Métrobus à régler à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production la somme de 34.062 euros au titre des dommages et intérêts pour les manquements contractuels de la société Métrobus,
– de déclarer que les contrats « Métrobus » signés par la société PPO Production en vigueur produisent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations d’une part, de la société PPO Production et d’autre part, de la société Métrobus au détriment de la société PPO Production,
– de condamner la société Métrobus à verser à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production la somme de 696.489 euros en réparation du préjudice subi par cette dernière au titre du déséquilibre significatif des droits et obligations des parties à compter du 1er janvier 2015,
– de condamner la société Métrobus à verser à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production la somme de 258.616,17 euros équivalant au passif généré par les sommes réglées aux salariés de la société PPO Production dédiés à la société Métrobus,
– d’ordonner la publication, la diffusion ou l’affichage de la décision à intervenir ou d’un extrait de celle-ci aux frais de la société Métrobus,
– de rejeter l’ensemble des demandes reconventionnelles de la société Métrobus,
– de condamner la société Métrobus à verser à la Selarl Asteren prise en la personne de Maître [X] [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production, la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– de condamner la société Métrobus aux entiers dépens de l’instance.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 21 juillet 2022, la société Métrobus demande à la cour :
– de débouter la Selafa MJA ès qualités de son appel et de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– de confirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Paris le 06 décembre 2021
Y ajoutant,
– de fixer la créance indemnitaire de la société Métrobus au passif de la société PPO Production à un montant de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour appel abusif,
– de condamner la Selafa MJA ès qualités à payer à la société Métrobus la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens.
*
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 25 janvier 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur la suspension des contrats de prestations
La Selarl Asteren ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production soulève à titre liminaire le défaut de qualité à prononcer la suspension des contrats du GIE Media transports qui n’a signé aucun contrat avec elle. Elle fait valoir que les contrats ont en effet été signés entre PPO Production et Métrobus. Elle en déduit qu’il n’existe aucune suspension de contrat de prestation opposable à son égard et que la société Métrobus est donc défaillante dans l’exécution de ses contrats.
La Selarl Asteren ès qualités rappelle ensuite les trois conditions cumulatives exigées pour retenir la force majeure. Elle fait valoir que sauf texte contraire des pouvoirs publics, la force majeure ne peut faire l’objet d’une application systématique conduisant, pour toutes les entreprises, à la suspension de l’exécution de leurs obligations contractuelles. Elle soutient que la survenance de la pandémie de Covid 19 ne caractérisait pas une situation de force majeure dans le cadre des rapports contractuels liant les parties dans la mesure où la société PPO Production était bien en possession des moyens humains et matériels nécessaires à l’exécution de sa prestation et pouvait intervenir dans le respect des mesures sanitaires prescrites par l’OMS et exigées par la RATP. Elle fait en outre valoir que Métrobus ne justifie pas de l’annulation des commandes par les annonceurs. Elle explique avoir subi la suspension du contrat qui lui a été imposée par la société Métrobus.
La société Métrobus fait valoir à titre liminaire que le terme « Media Transports » vise la marque ou le nom commercial utilisé par les sociétés du groupe auquel appartient la société Métrobus.
La société Métrobus rappelle ensuite que la clientèle de la société PPO Production était diversifiée et que le chiffre d’affaires qu’elle réalisait auprès d’elle ne représentait que 20 % de son chiffre d’affaires total. Elle fait valoir qu’à compter du 17 mars 2020, les prestations de pose de dispositifs publicitaires ont dû être suspendues dans le métro et le RER parisiens en raison du confinement généralisé ordonné à partir de cette date, et en tout état de cause pour des raisons évidentes tenant à la sécurité sanitaire du personnel de pose et parce que les annonceurs ont massivement annulé ou reporté les commandes passées à une période ultérieure. Elle en déduit que le confinement ordonné entre le 18 mars et le 11 mai 2020 constituait un cas de force majeure. Elle soutient en outre que les difficultés financières de la société PPO Production préexistaient à la période de confinement, en témoigne la requête du ministère public en vue de l’ouverture d’une procédure collective à son égard.
En vertu de l’article 1103 du code civil :
« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
Aux termes de l’article 1104 du même code :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. »
Aux termes de l’article 1218 du code civil :
« Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.
Si l’empêchement est temporaire, l’exécution de l’obligation est suspendue à moins que le retard qui en résulterait ne justifie la résolution du contrat. Si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations dans les conditions prévues aux articles 1351 et 1351-1. »
Il résulte des pièces versées aux débats par les deux parties qu’ont été conclus les contrats successifs suivants :
« contrat de prestations de préparation pose et entretien » entre Métrobus et Manutxpress représentée par son gérant M. [L] [C] le 19 octobre 2011, ayant fait l’objet de trois avenants les 30 septembre 2014 (cédant le contrat à [L] [C] Organisation dite PPO), 26 septembre 2016 (cédant le contrat à PPO Production société s’ur de PPO) et 13 janvier 2020 (entre Métrobus et PPO Production),
« contrat de prestations de pose et d’entretien de films de protection et de pose, de dépose et d’entretien d’adhésifs publicitaires » entre Métrobus et Manutxpress le 22 mars 2012,
« contrat d’entretien des films de protection et de pose d’entretien et de dépose des adhésifs publicitaires des voussoirs du métro parisien » entre Métrobus et Manutxpress le 27 mai 2014, ayant fait l’objet d’un avenant n° 1 le 30 septembre 2014 cédant ce contrat à [L] [C] Organisation et d’un avenant n° 2 le 2 mars 2015 modifiant la durée du contrat,
« contrat de prestations de prestations de services relatif à l’affichage publicitaire des voussoirs du métro parisien » entre Métrobus et PPO Organisation du 9 mars 2016,
« contrat de prestations de services relatif à l’affichage publicitaire des voussoirs du métro parisien » entre Métrobus et PPO Production le 22 mai 2018, ayant fait l’objet d’un avenant n° 1 le 13 janvier 2020 prolongeant sa durée jusqu’au 31 décembre 2020.
Malgré l’abondance de contrats et avenants signés entre des entités différentes cités par les parties, le présent litige ne concerne que ceux encore en vigueur lors de la période litigieuse, soit à compter du mois de mars 2020, liant la société PPO Production d’une part et la société Régie Publicitaire des Transports Parisiens Métrobus Publicité d’autre part. Ces contrats sont au nombre de deux, à savoir le contrat du 19 octobre 2011 et son avenant n° 3 du 13 janvier 2020 et le contrat du 22 mai 2018 et son avenant n° 1 du 13 janvier 2020.
Les contrats liant Métrobus et PPO Production prévoient notamment les dispositions suivantes :
Le contrat du 19 octobre 2011 transféré en 2016 à PPO Production prévoit en son article 3 « Périmètre », alinéa 3 :
« Toute augmentation ou diminution, temporaire ou définitive, du fait de la RATP, du nombre des Équipements Publicitaires ne pourra entraîner la résiliation du présent contrat ni une quelconque indemnité pour le Prestataire, ce que le Prestataire reconnaît et accepte expressément. Métrobus en informera dès que possible le Prestataire. »
Le contrat du 22 mai 2018 prévoit en son article 1 « Contenu du contrat » in fine : « Ce contrat n’implique aucun engagement minimum de commande de Prestations par Métrobus. »
Ce même contrat prévoit en son article 3 « Périmètre des prestations », alinéas 2 et 3 :
« Le Prestataire est informé que le périmètre d’exploitation de Métrobus et donc le périmètre d’intervention du Prestataire, peut être amené à évoluer pendant la durée du contrat, à la baisse, temporairement ou définitivement, en fonction notamment de (i) décisions de la RATP dans le cadre de travaux qu’elle diligente dans ses stations, (ii) de nouvelles dispositions légales ou réglementaires interdisant l’exploitation de certains Supports publicitaires mais également (iii) des Supports publicitaires présentant une défectuosité rendant temporairement impossible tout affichage publicitaire.
Le Prestataire reconnaît et accepte l’existence de cet aléa, lequel ne pourra entraîner une quelconque indemnité à son profit. »
Les deux contrats précités précisent en leur article 17 intitulé « Force majeure » :
« Aucune des parties ne peut être tenue pour responsable d’un manquement quelconque à ses obligations lié à la survenance d’un cas de force majeure, présentant les caractéristiques définies par la jurisprudence de la Cour de Cassation.
La partie défaillante doit immédiatement avertir l’autre partie de l’existence d’un cas de force majeure.
En cas de persistance de l’événement au-delà de un mois, le contrat peut être rompu par l’une ou l’autre partie, sans qu’aucune indemnité ne soit due de part et d’autre. »
La société PPO Production verse aux débats un extrait Kbis à jour au 17 mai 2020 du GIE Media transports et de la société Régie Publicitaire des Transports Parisiens Métrobus Publicité. Il en ressort que cette dernière est « administrateur-membre » du GIE Media Transports, au même titre que MediaGare et MediaRail. Elle produit également un extrait Kbis de la Société Métropolitaine de Publicité et d’Affichage.
Est également produit par l’appelante un communiqué non daté issu du site de Media Transports, ainsi libellé :
« Face à la pandémie de Covid-19 et dans la lignée des mesures prises par le Gouvernement, protéger nos salariés est la priorité. Dans la situation inédite, nous nous devons en effet de faire preuve de responsabilité, de solidarité et de la plus grande prudence. C’est pourquoi nous avons pris la décision de suspendre la pose de l’ensemble des campagnes publicitaires à compter de ce jour et d’avoir recours au télétravail de manière systématique pour nos collaborateurs. Cette décision s’applique à tous les réseaux de transports en commun exploités par Métrobus, et aux gares SNCF pour Mediagares. »
De nombreux courriels ont été échangés entre M. [B] [J], directeur des opérations, et M. [L] [C] de la société PPO Production. Si l’adresse de courrier électronique de M. [J] et sa signature dans ses courriels comporte le nom « Mediatransports », il ne fait aucun doute que celui-ci s’est toujours exprimé au nom de la société Métrobus quant aux contrats la liant à PPO Production, cette dernière ne lui ayant au demeurant jamais contesté cette qualité. Au surplus, le nom commercial « Media Transports » est utilisé pour les sociétés membres du GIE Media Transports, dont la société Métrobus, de sorte qu’il ne peut être tiré aucun grief de son utilisation pour évoquer les contrats liant PPO Production et Métrobus. Ce moyen est donc inopérant et le jugement sera confirmé sur ce point.
Les échanges de courriels relatifs à la période litigieuse ont ainsi débuté :
le 17 mars 2020 à 12h07, PPO Production écrit à Mediatransports/Métrobus un courriel ayant pour objet « Arrêt des poses pour confinement Covid 19 » : « Nous vous confirmons l’arrêt de toute intervention de poses publicitaires pour le compte de Métrobus et SMPA, conformément aux directives du gouvernement. »
le 17 mars 2020 à 22h50 Métrobus répond « J’en prends bonne note et comprends votre décision. »
le 18 mars 2020 à 12h42 « En lisant votre réponse, je me rends compte que j’ai omis de vous préciser que cet état de fait n’émane pas de notre décision, mais de celles de vos services cf. les différents mails dont celui du lundi 16 qui demande l’annulation de toutes les poses. (‘). »
le 18 mars 2020 à 15h19 : « Le mail du 16 mars (voir en PJ) indiquait aux prestataires uniquement une annulation des poses pour lundi soir et la journée de mardi, pas de toutes les poses. Avez-vous reçu un autre mail en ce sens ‘ »
le 20 mars 2020 à 13h53 « pour information nous n’avons reçu aucun e-mail en ce sens, juste un appel le mardi 17 mars de M. [W] [K] pour nous informer que tous les dépôts SMPA seront fermés pour une durée indéterminée et qu’il n’y aurait aucune pose dans le métro »
Plusieurs courriels suivent jusqu’au 10 avril 2020, par lesquels chacune des parties impute à l’autre l’initiative de la suspension de la pose. La société PPO Production fait état des difficultés financières générées par l’arrêt de ses prestations, et indique son souhait de les poursuivre.
Le 10 avril 2020, M. [B] [J] conclut en ces termes :
« Je vous ai fait part à plusieurs reprises de notre position sur la suspension des contrats en cours. A nouveau, je ne peux donc que vous renvoyer à mes précédents mails.
Je prends néanmoins note du fait que vous contestez le bien-fondé de la suspension des contrats.
A toutes fins utiles, je vous rappelle qu’en tout état de cause les contrats ne mentionnent aucune obligation générale de vous remettre des affiches publicitaires dès qu’aucune campagne ne nous est confiée en amont par des annonceurs, contrairement à ce que vous prétendez. Comme je vous l’ai déjà indiqué, les contrats ne mentionnent aucun volume minimum de prestations, ni aucun niveau minimum de facturation par PPO Production.
J’estime vous avoir apporté toutes les précisions utiles sur le sujet et ne souhaite désormais plus y revenir. »
Le 24 avril 2020, M. [J] a adressé à ses interlocuteurs un courriel intitulé « Fin des mesures de confinement et de la suspension des contrats » afin de fixer les conditions de reprise des prestations. La société PPO Production a retourné l’avenant général Covid RATP signé le 27 avril 2020.
Plusieurs textes ont été publiés pendant la période litigieuse et notamment l’arrêté du 15 mars 2020 complétant l’arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, et le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire.
Ceux-ci instaurent différentes mesures et restreignent la liberté de circulation, seuls les déplacements impérieux étaient ainsi autorisés, afin de garantir la sécurité et la santé des personnes.
Plusieurs annonceurs ont suspendu leur demande de campagne publicitaire pendant la période de confinement généralisé de la population. La société Métrobus produit à cet égard trois courriels d’annonceurs datés du 16 mars 2020 sollicitant le report de leurs campagnes d’affichage.
La pose d’affiches publicitaires dans les transports en commun parisiens, quasi-désertés en cette période particulière, outre l’absence totale de l’effet attendu (campagne destinée à toucher un maximum de personnes), est apparue une activité très secondaire et non essentielle au regard des risques encourus et des restrictions de circulation.
S’il est exact que les moyens de transport en commun continuaient à fonctionner, cette continuité était destinée aux personnes justifiant d’une attestation dérogatoire et notamment les personnels de santé, ceux travaillant dans les magasins d’alimentation, les policiers et les gendarmes et ceux remplissant une mission de service public ou dont le déplacement ne pouvait être différé.
La survenance de la pandémie et l’édiction d’un confinement généralisé avec restrictions drastiques de circulation des personnes caractérisent l’existence d’un cas de force majeure en raison de son imprévisibilité, son extériorité et son irrésistibilité, justifiant ainsi la suspension des obligations des parties. C’était d’ailleurs le sens du premier courriel adressé par PPO Production à Métrobus le 17 mars 2020, prenant acte des mesures gouvernementales et de leurs conséquences sur son activité professionnelle.
La société PPO Production, représentée par son liquidateur judiciaire, réclame le montant intégral de sa facture du mois de mars 2020, d’un montant de 28.055,77 euros TTC alors que ses prestations ont été légitimement suspendues, ainsi qu’il a été vu supra, à compter de la mi-mars 2020. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a condamné la société Métrobus à payer à la société PPO Production la moitié de ladite facture, soit la somme de 14.480,40 euros TTC. De la même manière, en l’absence de manquements de la société Métrobus à ses obligations pendant la période de confinement, le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société PPO Production de sa demande de dommages-intérêts à hauteur de 34.062 euros correspondant à la période du 1er avril au 14 mai 2020.
Sur le déséquilibre significatif
La Selarl Asteren, prise en la personne de Maître [Z], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société PPO Production, soutient qu’elle a embauché du personnel dédié exclusivement à l’exécution des contrats « Métrobus » et que l’interdiction d’avoir recours à la sous-traitance constituait un déséquilibre significatif, puisqu’il n’y avait pas de garantie de commandes minimales permettant de supporter la masse salariale correspondante. Elle estime avoir supporté une masse salariale disproportionnée par rapport au chiffre d’affaires issu des contrats Métrobus.
La société Métrobus fait valoir qu’aucune des conditions requises pour faire droit à une demande fondée sur le déséquilibre significatif n’est remplie, à savoir la preuve de la soumission et la démonstration de l’existence d’un déséquilibre significatif.
Aux termes de l’article L. 442-1 I 2°) du code de commerce :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° (…)
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties. »
La société PPO Production a participé aux mises en concurrence et a répondu que son personnel était réparti entre ses trois activités à savoir « poses publicitaires », fabrication » et « prestations annexes » sans que ses salariés ne soient affectés à un client identifié.
Comme l’ont justement relevé les premiers juges, les contrats entre Métrobus et PPO Production ont été conclus à la suite d’appels d’offres successifs et ont donc permis, connaissance prise du cahier des charges, des contraintes et exigences de la société Métrobus. Il n’est pas davantage démontré que le secteur d’activité dans lequel évoluent les parties, l’affichage publicitaire, se caractérise par l’existence d’un rapport de force déséquilibré et donc d’une soumission d’une partie à l’autre. La société PPO Production était en effet libre de proposer sa propre grille tarifaire lors de l’appel d’offres. En outre, la clientèle de la société PPO Production était variée, comprenant ainsi la SNCF, la RATP, Pernod Ricard notamment.
Quant à l’interdiction de la sous-traitance (article 18 du contrat de 2011), à supposer qu’elle soit susceptible de générer un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties, la société PPO avait déclaré au titre du contrat du 19 octobre 2011 qu’elle avait repris, ne pas avoir besoin de recourir à la sous-traitance et quant au contrat du 22 mai 2018, la sous-traitance n’était pas exclue mais nécessitait l’accord de Métrobus, qui n’a pas été sollicité. Si la société PPO Production soutient que le personnel étant d’ores et déjà recruté, il lui était inutile pour cette raison de sous-traiter, force est de constater qu’elle ne démontre pas l’existence d’un déséquilibre et d’une soumission à des contraintes disproportionnées par son partenaire commercial.
Enfin le volume d’activité issu des contrats « Métrobus », dont la société PPO soutient qu’il était insuffisant pour supporter sa masse salariale, était de toutes façons dépendant des commandes de campagnes publicitaires sur lesquelles la société Métrobus n’avait pas la main. Le recrutement d’un directeur d’exploitation pendant six mois, à la demande de Métrobus ‘ à l’époque à l’égard de Manutxpress en 2011 -, ne caractérise pas davantage un élément de soumission entrant dans les prévisions de l’article L. 442-1 I 2°) du code de commerce.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté la société PPO Production, représentée par son liquidateur judiciaire, de sa demande de dommages-intérêts au titre du déséquilibre significatif.
Sur la demande de remboursement du passif social généré par les licenciements
La société PPO Production, représentée par son liquidateur, demande le remboursement du passif social généré par le licenciement des salariés dédiés à Métrobus, soit la somme de 258.616,17 euros.
La société Métrobus s’interroge sur le fondement d’une telle demande et fait valoir que, sur un fondement délictuel, aucune faute ne peut lui être reprochée en lien avec l’embauche ou le licenciement des salariés de PPO Production.
Au-delà de l’absence de démonstration d’un lien de causalité entre le licenciement d’un personnel prétendument dédié aux contrats Métrobus et au passif social ainsi généré, il convient de rappeler la genèse de l’ouverture de la procédure collective de la société PPO Production.
En effet, le jugement rendu le 24 juin 2020 par le tribunal de commerce de Bobigny qui a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société PPO Production fait suite à une requête du ministère public sollicitant la citation de ladite société. L’acte de citation est daté du 3 janvier 2020 pour l’audience du 28 janvier 2020. Sur l’état du passif de PPO Production, le jugement indique que :
« L’état des privilèges et inscriptions, arrêté à la date du 20 novembre 2019, montre que la société a fait l’objet de 19 inscriptions entre le 12 juin 2017 et le 16 août 2019 de privilèges généraux, ceci pour un montant total de 179.166 euros pour la sécurité sociale. Ces inscriptions démontrent que la société n’est pas en mesure de faire face à ses créances fiscales et sociales échues. L’entreprise a fait l’objet depuis un an d’une injonction de payer pour un montant total de 34.050 euros, ce qui démontre qu’elle est dans l’incapacité de faire face, avec son actif disponible, au passif exigible. »
Les difficultés financières de la société PPO Production sont donc bien antérieures à la suspension de ses contrats en cours avec Métrobus pendant la période de confinement.
Il en ressort que la société PPO Production, représentée par son liquidateur judiciaire, ne rapporte pas la preuve d’une faute de la société Métrobus en lien avec le préjudice né du passif social résultant des licenciements opérés. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a écarté la demande formée à ce titre par la société PPO.
Sur la demande reconventionnelle de Métrobus
La société Métrobus estime que la société PPO Production a fait preuve de déloyauté à son égard et soutient qu’elle a interjeté appel de manière abusive. Elle demandait en première instance la même somme ‘ 10.000 euros ‘ pour procédure abusive.
Elle ne démontre cependant pas que la société PPO Production aurait fait un usage fautif, qui aurait dégénéré en abus, de son droit de recours. Elle sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur la demande de publication
La société PPO réitère en appel sa demande de publication de la décision aux frais de la société Métrobus. Cette demande, compte tenu de l’issue du présent litige dans lequel la société PPO Production succombe en ses prétentions principales, ne peut prospérer et le jugement sera confirmé en ce qu’il l’a rejetée.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Métrobus a succombé à l’action, ayant été condamnée en première instance à verser à l’appelante une partie de sa facture. Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles. En cause d’appel, la société PPO Production représentée par son liquidateur judiciaire, succombe en ses autres prétentions. Il convient par conséquent de fixer au passif de la procédure collective de la société PPO Production, représentée par la Selarl Asteren prise ne la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire, les dépens d’appel.
Il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais engagés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DEBOUTE la société Métrobus de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
FIXE au passif de la procédure collective de la société PPO Production, représentée par la Selarl Asteren prise ne la personne de Maître [X] [Z] ès qualités de liquidateur judiciaire, les dépens d’appel ;
LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais engagés en appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA CONSEILLÈRE POUR LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ