Le contrat de franchise peut prévoir que toute communication sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…) réalisée par le franchisé ne peut, sans autorisation préalable du franchiseur, contenir, directement ou indirectement, une évocation de la marque concédée (« Kid’s Poux») ou des signes distinctifs caractérisant le réseau « Kid’s Poux», toute marque, tout signe distinctif désignant un produit distribué par le franchiseur au fournisseur référencé.
Le franchisé est propriétaire du fichier client qu’il a constitué et à des fins commerciales, le franchiseur et le franchisé peuvent utiliser ledit fichier sans que cela ne constitue une atteinte à la propriété du franchisé sur son fonds de commerce et ce, durant l’exécution du contrat ou postérieurement à sa rupture.
1- Attention à respecter les obligations de communication d’informations précontractuelles prévues par le code de commerce, notamment en fournissant un document complet et précis contenant les informations essentielles sur l’entreprise, le marché, le réseau d’exploitants, et les conditions du contrat.
2- Il est recommandé de prouver tout manquement grave du franchiseur à ses obligations contractuelles justifiant une résiliation du contrat, en démontrant des faits concrets et des conséquences préjudiciables pour votre activité.
3- Soyez vigilant quant au respect des clauses contractuelles, telles que la clause de non-réaffiliation, en veillant à ne pas enfreindre les engagements pris en matière de concurrence et de propriété intellectuelle pour éviter des litiges ultérieurs.
L’affaire concerne un litige entre la société Jelevy et la société LNA, lié à un contrat de franchise. La société Jelevy a assigné la société LNA en paiement, mais le tribunal de commerce de Montpellier a débouté la société Jelevy de ses demandes et a condamné cette dernière à payer des sommes à la société LNA. La société Jelevy a fait appel de ce jugement, contestant notamment la validité du contrat de franchise, le consentement vicié, l’absence de transmission d’éléments complets dans le document d’information précontractuelle, et les manquements contractuels de la société LNA. La société Jelevy demande la nullité du contrat de franchise, la restitution de la propriété des pages Facebook et Google, des dommages et intérêts, ainsi que des frais de procédure. La société LNA n’a pas conclu, et la société Alpha Mandataires Judiciaires, en tant que liquidateur judiciaire de la société LNA, n’a pas constitué avocat.
Nullité pour dol et défaut de contrepartie
L’article L. 330-3 du code de commerce impose au franchiseur de fournir un document d’information précontractuel contenant des informations sincères avant la signature du contrat de franchise. La société Jelevy a invoqué la nullité du contrat pour dol et défaut de contrepartie, mais le tribunal a rejeté cette demande, estimant que les informations fournies étaient conformes à la réglementation en vigueur.
Résiliation
La société Jelevy a demandé la résiliation du contrat de franchise pour divers manquements du franchiseur. Cependant, le tribunal a jugé que ces manquements n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la résiliation du contrat. De plus, la société Jelevy avait déjà résilié le contrat par elle-même, rendant la demande de résiliation sans objet.
Clause de non-réaffiliation
Le contrat de franchise prévoyait une clause de non-réaffiliation pour une durée d’un an après la rupture du contrat. Cette clause respectait les conditions légales et a été jugée valable par le tribunal. Les demandes de la société Jelevy concernant cette clause ont été rejetées.
Demandes en paiement de la société LNA
La société LNA, défaillante en cause d’appel, a obtenu gain de cause concernant ses demandes en paiement. La société Jelevy a été condamnée à payer des sommes dues au titre de redevances impayées et de manque à gagner pour le franchiseur. Les demandes de la société LNA ont été confirmées par le tribunal.
– La SCP Alpha Mandataires judiciaires : non statué sur l’opposabilité de l’arrêt
– La société Jelevy : condamnée aux dépens d’appel
– La société Jelevy : demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile rejetée
Réglementation applicable
– Article L. 330-3 du code de commerce
– Article R. 330-1 du code de commerce
– Articles 1130 et 1131 du code civil
– Article 1137 du code civil
– Article 1112-1 du code civil
– Article 1224 du code civil
– Articles 1227 et 1228 du code civil
– Article 472 du code de procédure civile
– Article 954 du code de procédure civile
Texte de l’article L. 330-3 du code de commerce:
« toute personne qui met à la disposition d’une autre un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenu, préalablement à la signature de tous contrats conclus dans l’intérêt commun des parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s’engager en toute connaissance de cause. »
Texte de l’article R. 330-1 du code de commerce:
« Le document prévu au premier alinéa de l’article L. 330-3 contient les informations suivantes : […]. »
Texte des articles 1130 et 1131 du code civil:
« Le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, son caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ; ces vice du consentement est une cause de nullité relative du contrat. »
Texte de l’article 1137 du code civil:
« Le dol est le fait pour un cocontractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges. »
Texte de l’article 1112-1 du code civil:
« celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant. »
Texte de l’article 1224 du code civil:
« la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice. »
Texte des articles 1227 et 1228 du code civil:
« la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice et le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts. »
Texte de l’article 472 du code de procédure civile:
« en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables, et bien fondés. »
Texte de l’article 954 du code de procédure civile:
« la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s’en approprier les motifs. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
– Me Camille DE LA SOUDIERE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
– Me Elizaveta VASINA-DUGUINE, avocat au barreau de BORDEAUX
– Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
– Mme [E] [W] de la SCP ALPHA MJ, liquidateur judiciaire
Mots clefs associés
– Nullité
– Dol
– Défaut de contrepartie
– Document d’information précontractuel
– Contrat de franchise
– Résiliation
– Clause résolutoire
– Savoir-faire
– Réseaux sociaux
– Clause de non-réaffiliation
– Paiement
– Redevances
– Manque à gagner
– Indemnités de résiliation anticipée
– Nullité : caractère de ce qui est nul, c’est-à-dire invalide ou non conforme à la loi
– Dol : manoeuvre frauduleuse visant à tromper une personne pour la pousser à contracter
– Défaut de contrepartie : absence de prestation équivalente à celle fournie par l’autre partie dans un contrat
– Document d’information précontractuel : document devant être remis par le franchiseur au candidat à la franchise avant la signature du contrat
– Contrat de franchise : contrat par lequel une entreprise accorde à une autre le droit d’exploiter son concept commercial
– Résiliation : action de mettre fin à un contrat de manière anticipée
– Clause résolutoire : clause permettant de résilier un contrat en cas de non-respect de certaines obligations
– Savoir-faire : ensemble des connaissances techniques et pratiques nécessaires à l’exercice d’une activité
– Réseaux sociaux : plateformes en ligne permettant de créer et de partager du contenu avec d’autres utilisateurs
– Clause de non-réaffiliation : clause interdisant au franchisé de rejoindre un autre réseau concurrent après la fin du contrat
– Paiement : action de verser de l’argent en échange d’un bien ou d’un service
– Redevances : sommes dues par le franchisé au franchiseur en contrepartie de l’utilisation de son concept
– Manque à gagner : perte de bénéfices causée par un événement empêchant la réalisation d’une transaction
– Indemnités de résiliation anticipée : sommes versées par une partie en cas de résiliation anticipée d’un contrat
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT n°
Grosse + copie
délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
Chambre commerciale
ARRET DU 30 AVRIL 2024
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 22/03999 – N° Portalis DBVK-V-B7G-PQCQ
Décision déférée à la Cour :
Jugement du 25 MAI 2022
TRIBUNAL DE COMMERCE DE MONTPELLIER
N° RG 2021 002514
APPELANTE :
S.A.R.L. JELEVY représentée par son gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Aude DARDAILLON, avocat au barreau de MONTPELLIER, avocat postulant
Représentée par Me Camille DE LA SOUDIERE, avocat au barreau de BORDEAUX substituant Me Elizaveta VASINA-DUGUINE, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant
INTIMEE :
SARL LNA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités au dit siège social
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Gilles BERTRAND de la SCP ELEOM MONTPELLIER, avocat au barreau de MONTPELLIER
PARTIE INTERVENANTE FORCEE :
SCP ALPHA MJ représentée par Mme [E] [W] en qualité de liquidateur judiciaire de la société LNA suivant jugement du Tribunal de commerce de COMPIEGNE du 7 septembre 2022
[Adresse 3]
[Localité 5]
Assignée le 17.10.2022 à personne habilitée
Ordonnance de clôture du 20 Février 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
En application de l’article 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 12 MARS 2024, en audience publique, le magistrat rapporteur ayant fait le rapport prescrit par l’article 804 du même code, devant la cour composée de :
Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre
Mme Anne-Claire BOURDON, conseillère
M. Thibault GRAFFIN, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Audrey VALERO
ARRET :
– Réputé contradictoire
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Danielle DEMONT, présidente de chambre, et par Mme Audrey VALERO, greffière.
EXPOSE DU LITIGE :
La S.A.R.L LNA, immatriculée depuis le 9 janvier 2018 au RCS de Montpellier, dont le siège social était situé à [Localité 7], avait pour activité principale la prise de de participations sous quelque forme que ce soit, directement ou indirectement majoritaire ou non, exclusivement dans des sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale à l’exclusion de la gestion de leur propre patrimoine mobilier ou immobilier.
Les parts sociales de la société LNA étaient réparties entre Mme [L] [Z] (500 parts) et M. [T] [K] (500 parts).
La S.A.R.L INTPL, immatriculée depuis le 29 novembre 2016 au RCS de Montpellier, dont le siège social était situé à [Localité 10] (puis à [Localité 7]) avait pour activité principale le traitement capillaire des poux et des lentes avec des solutions naturelles, la vente de produits liés au traitement des poux et des lentes. Elle exploitait également sous l’enseigne «’Kid’s Poux’» un fonds de commerce à [Localité 9] avec comme activité le traitement capillaire des poux.
Les parts sociales de la société INTPL étaient réparties entre Mme [L] [Z] (50 parts) et M. [T] [K] (50 parts).
Le 10 janvier 2018, par contrat de cession de parts sociales, Mme [L] [Z] a cédé une part sociale possédée dans la société INTPL, et M. [T] [K] a cédé ses 50 parts sociales possédées dans la même société, à la société LNA.
Le 16 mai 2019, M. [J] [S], en tant que candidat franchisé, a signé avec Mme [L] [Z], en tant que franchiseur, un document d’information précontractuel aux fins notamment de présenter l’origine, le concept et la marque «’Kid’s Poux’», la société INTPL, ainsi que le projet de contrat de franchise.
Le 26 juin 2019, la S.A.S.U. Jelevy, immatriculée au RCS de La Roche-sur-Yon ayant comme activité le traitement capillaire des poux et des lentes, la vente de produits liés au traitement des poux et des lentes, en qualité de franchisé, et M. [J] [S] ont conclu un contrat de franchise avec la société LNA, aux fins d’exploiter une unité de franchise sous l’enseigne «’Kid’s Poux’» dans un fonds de commerce situé à [Localité 6], et ce, pour une durée de 7 ans. L’article 16.1.1 dudit contrat stipulait également «’dans l’hypothèse où le franchisé est une personne morale, le présent contrat est également en conclu en considération de la personne de [S] [Y] qui sera l’interlocuteur permanent du franchiseur’». La société Jelevy était gérée par Mme [Y] [P], épouse [S].
Le 9 juillet 2019, la société Jelevy a ouvert au public les portes de son établissement situé à [Localité 6].
La SARL [Z] Comestiques, immatriculée depuis le 20 janvier 2020 au RCS de Montpellier, avait pour activité principale la production de tous produits capillaires et de tous produits cosmétiques, la commercialisation de tous produits cosmétiques, toutes activités connexes et complémentaires. Mme [L] [Z] et M. [O] [A] en étaient gérants.
Par courrier du 25 octobre 2020, la société Jelevy a informé la société LNA de sa demande de résiliation du contrat pour l’achat d’espace publicitaire sur Facebook et Google en application du paragraphe 4.2 dudit contrat.
Le 27 octobre 2020, le conseil de la société Jelevy a mis en demeure la société LNA de lui rendre les propriétés des pages Facebook et Google My Busines en leur état actuel sans aucune suppression de données afin de respecter la clause 11-3-4 du contrat de franchise.
En réponse du 4 décembre 2020, le conseil de la société LNA a refusé de faire droit à la demande de la société Jelevy concernant la propriété des pages Facebook et Google My Business, a pris acte de la résiliation du contrat d’achat d’espace publicitaire et l’a mis à son tour en demeure de lui régler la somme de 1 299,25 euros au titre d’une somme due pour la période du 1er janvier au 30 novembre 2020.
Le 18 janvier 2021, le conseil de la société Jelevy a mis en demeure la société LNA aux fins de constater la nullité du contrat de franchise, de lui régler la somme de 51’714,09 euros, de restituer les propriétés des pages Facebook et Google My Business ainsi que de lui transmettre l’intégralité des fichiers clients. En réponse du 29 janvier 2021, le conseil de la société LNA a refusé d’y donner une suite favorable.
Par courrier du 18 février 2021, le conseil de la société Jelevy a informé la société LNA de la résiliation du contrat de franchise au torts exclusifs de la société LNA en raison des manquements graves de celle-ci en sa qualité de franchiseur.
Par exploit du 26 février 2021, la société Jelevy a assigné la société LNA pour la voir condamner en paiement.
Par assemblée générale extraordinaire du 14 janvier 2022 de la société INTPL, Mme [L] [Z] a cédé ses parts à la SARL ALBC Institut et a démissionné de son mandat de gérante pour que soit nommé en remplacement Mme [H] [X].
Par jugement contradictoire du 25 mai 2022, le tribunal de commerce de Montpellier a :
– débouté la société Jelevy de ses demandes ;
statuant sur la demande reconventionnelle de la société LNA ;
– condamné la société Jelevy à payer à la société LNA la somme de 2’379,01 euros au titre des factures impayées ;
– dit que la condamnation au paiement au titre des factures impayées portera intérêt égal au taux légal, majoré de 3.5 points sur la somme due, à compter de la date d’échéance de chaque facture jusqu’au paiement effectif ;
– condamné la société Jelevy à payer à la société LNA la somme de 520 euros représentant l’indemnité forfaitaire de frais de recouvrement afférente aux 11 factures impayées ;
– prononcé la résiliation du contrat de franchise conclu entre la société LNA et la société Jelevy aux torts exclusifs de la société Jelevy ;
– condamné la société Jelevy à payer à la société LNA :
– 26’597,45 euros au titre du gain manqué,
– 5 000 euros à titre d’indemnité pour la résiliation anticipée du contrat ;
– rejeté les demandes de la société LNA relatives à la violation des obligations post-contractuelles des articles 19.1, 19,2 et 19.3 de la société Jelevy ;
– rejeté la demande de la société LNA en paiement d’une somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale prévue à l’article 19.5 ;
– condamné la société Jelevy à payer à la société LNA la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire ;
– condamné la société Jelevy aux dépens de l’instance dont frais de greffe liquidés et taxés à la somme de 70,87 euros toutes taxes comprises.
Par déclaration du 21 juillet 2022, la société Jelevy a relevé appel de ce jugement sauf en ce qu’il a :
– rejeté les demandes de la société LNA relatives à la violation des obligations post contractuelles des articles 19.1, 19,2 et 19.3 de la société Jelevy ;
– rejeté la demande de la société LNA en paiement d’une somme de 100 000 euros au titre de la clause pénale prévue à l’article 19.5 ;
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par jugement du 7 septembre 2022, le tribunal de commerce de Compiègne a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l’égard de la société LNA, a fixé provisoirement la date de cessation des paiements au 7 mars 2021 et a désigné la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [E] [W], en qualité de liquidateur judiciaire.
Par conclusions du 14 février 2024, la société Jelevy demande à la cour au visa des articles L. 330-3, R. 330-1 et L.341-2 du code de commerce, des articles 1130, 11037, 1112-1, 1224, 1231-1, 1240 et 1169 du code civil, des articles L.5131-7, L.5431-7 et R.5431-2 du code de la santé publique et du règlement européen n°1223/2009 du parlement européen et du conseil du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques, de :
– juger son appel recevable et bien fondé ;
– juger recevables et bien fondées ses demandes ;
– faire droit à l’ensemble de ses demandes ;
– en conséquence, infirmer le jugement entrepris ;
et statuant à nouveau’;
à titre principal,
– juger l’absence de transmission d’éléments complets, précis et sincères dans le document d’information précontractuelle transmis à la société Jelevy par la société INTPL ;
– juger que M. [K] est le gérant de fait de la société LNA ;
– juger le vice de son consentement ;
– juger de l’absence de propriété des marques de la société LNA transmises à la société Jelevy ;
– juger que le contrat de franchise a une contrepartie illusoire’;
– juger de la nullité du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société LNA ;
– juger que les pages Facebook et Google Kid’s Poux [Localité 6] lui appartiennent exclusivement’;
subsidiairement,
– juger de l’ensemble des manquements et fautes contractuels de la société LNA ;
– juger que le contrat de franchise a été résilié aux torts exclusifs du franchiseur ;
– juger comme étant réputé non écrite la clause de non-réaffiliation post-contractuelle (article 19.4 du contrat de franchise) ;
– juger que les pages Facebook et Google Kid’s Poux [Localité 6] lui appartiennent exclusivement ;
– juger le déséquilibre de la clause 19.5 du contrat de franchise ;
– juger comme étant réputé non écrit l’article 19.5 du contrat de franchise ;
en conséquence, à titre principal,
– condamner la société LNA à lui payer la somme de’:
– 46 714,09 euros au titre de la nullité du contrat de franchise, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;
– 460,25 euros au titre des abonnements et paiements web dus ;
– ordonner la restitution de la propriété de la page Facebook Kid’s Poux [Localité 6] de la société Jelevy en modifiant les paramètres des comptes sous une astreinte journalière de 500 euros’HT;
à titre subsidiaire,
– condamner la société LNA à lui payer la somme de :
– 32 785euros au titre de la résiliation du contrat de franchise aux torts exclusifs de la société LNA, assortie des intérêts au taux légal à compter du jour de la demande ;
– 460,25 euros au titre des abonnements et paiements web dus ;
– ordonner la restitution de la propriété de la page Facebook Kid’s Poux [Localité 6] de la société Jelevy en modifiant les paramètres des comptes sous une astreinte journalière de 500 euros HT ;
en tout état de cause,
– ordonner la restitution de la propriété de la page Facebook Kid’s Poux [Localité 6] de la société Jelevy en modifiant les paramètres des comptes sous une astreinte journalière de 500 euros HT ;
– condamner la société LNA à payer la somme de 6 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– acter l’intervention forcée de la société Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [E] [W], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société LNA ;
– juger que la décision à intervenir dans la présente instance l’opposant à la société LNA sera opposable à la SCP Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [E] [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la société LNA’;
et, en conséquence,
– fixer les condamnations que la cour prononcera dans le cadre de la présente affaire au passif de la liquidation judiciaire de la société LNA ;
– juger que lesdites sommes porteront intérêt au taux légal à compter du jour de la demande ;
– fixer la somme de 6000 euros au passif de la liquidation judiciaire de la société LNA, au bénéfice de la société Jelevy, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, pour la mise en cause de la société Alpha Mandataires Judiciaires, représentée par Mme [E] [W], es qualité de liquidateur judiciaire de la société LNA ;
– statuer ce que de droit sur les dépens.
Au soutien de son appel, la société Jelevy fait en substance valoir les moyens’suivants :
– le contrat de franchise est nul puisque son consentement a été vicié’;
– en effet, les documents d’information précontractuels proviennent de la société INTPL et non pas de la société LNA avec qui elle a signé le contrat de franchise’; la société LNA ne lui a transmis aucun document d’information précontractuel’;
– en outre, le document d’information précontractuel est inexact et imprécis;
– ni la société INTPL ni la société LNA ne devait exercer une activité de franchise, puisque cette activité n’est pas mentionnée dans leur statut’;
– l’ensemble des informations relatives à cette activité n’a pas été porté à sa connaissance, notamment les documents d’information précontractuels ; outre la circonstance que le gérant de fait de la société était un certain M. [K], dont les sociétés avaient été liquidées ou placées en redressement judiciaire;
– les contrats de franchise sont également nuls pour absence de contrepartie dans la mesure où les marques transmises ne sont pas la propriété de la société LNA mais de Mme [Z] et de la société INTPL’;
– subsidiairement, il sera jugé que la société LNA ayant manqué à ses obligations contractuelles, les contrats de franchise seront résiliés à ses torts’;
– cette dernière n’a transmis aucun savoir-faire’; elle lui a conseillé d’ouvrir pendant le confinement’; les centrales d’aspiration sont installées dans des caissons totalement fermés contrairement aux préconisations du fabricant’;
– elle a commis d’importantes erreurs de facturation.
La société LNA a constitué avocat mais n’a pas conclu.
La société Alpha Mandataires Judiciaires, en la personne de Mme [E] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la société LNA, assigné en intervention forcée par acte de commissaire de justice du 17 octobre 2022 par remise à personne morale, n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est datée du 20 février 2024.
MOTIFS DE LA DECISION :
1- Sur la nullité pour dol et défaut de contrepartie
L’article L. 330-3 du code de commerce dispose que toute personne qui met à la disposition d’une autre un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un engagement d’exclusivité ou de quasi exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenu, préalablement à la signature de tous contrats conclus dans l’intérêt commun des parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permettent de s’engager en toute connaissance de cause.
Ce document, dont le contenu est fixé par décret, précise notamment, l’ancienneté et l’expérience de l’entreprise, l’état et les perspectives de développement du marché concerné, l’importance du réseau d’exploitants, la durée, les conditions de renouvellement, de résiliation et de cession du contrat ainsi que le champ des exclusivités.
Lorsque le versement d’une somme est exigé préalablement à la signature du contrat mentionné ci-dessus, notamment pour obtenir la réservation d’une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit.
Le document prévu au premier alinéa ainsi que le projet de contrat sont communiqués vingt jours minimums avant la signature du contrat, ou, le cas échéant, avant le versement de la somme mentionnée à l’alinéa précédent.
L’article R. 330-1 de ce code énonce que le document prévu au premier alinéa de l’article L. 330-3 contient les informations suivantes :
1° L’adresse du siège de l’entreprise et la nature de ses activités avec l’indication de sa forme juridique et de l’identité du chef d’entreprise s’il s’agit d’une personne physique ou des dirigeants s’il s’agit d’une personne morale ; le cas échéant, le montant du capital ;
2° Les mentions visées aux 1° et 2° de l’article R. 123-237 ainsi que la date et le numéro d’enregistrement ou du dépôt de la marque et, dans le cas où la marque qui doit faire l’objet du contrat a été acquise à la suite d’une cession ou d’une licence, la date et le numéro de l’inscription correspondante au registre national des marques avec, pour les contrats de licence, l’indication de la durée pour laquelle la licence a été consentie ;
3° La ou les domiciliations bancaires de l’entreprise. Cette information peut être limitée aux cinq principales domiciliations bancaires ;
4° La date de la création de l’entreprise avec un rappel des principales étapes de son évolution, y compris celle du réseau d’exploitants, s’il y a lieu, ainsi que toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants.
Les informations mentionnées à l’alinéa précédent peuvent ne porter que sur les cinq dernières années qui précèdent celle de la remise du document. Elles doivent être complétées par une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché.
Doivent être annexés à cette partie du document les comptes annuels des deux derniers exercices ou, pour les sociétés dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé, les rapports établis au titre des deux derniers exercices en application du VI de l’article L. 451-1-2 du code monétaire et financier ;
5° Une présentation du réseau d’exploitants qui comporte :
a) La liste des entreprises qui en font partie avec l’indication pour chacune d’elles du mode d’exploitation convenu ;
b) L’adresse des entreprises établies en France avec lesquelles la personne qui propose le contrat est liée par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée ; la date de conclusion ou de renouvellement de ces contrats est précisée ;
Lorsque le réseau compte plus de cinquante exploitants, les informations mentionnées à l’alinéa précédent ne sont exigées que pour les cinquante entreprises les plus proches du lieu de l’exploitation envisagée
c) Le nombre d’entreprises qui, étant liées au réseau par des contrats de même nature que celui dont la conclusion est envisagée, ont cessé de faire partie du réseau au cours de l’année précédant celle de la délivrance du document. Le document précise si le contrat est venu à expiration ou s’il a été résilié ou annulé ;
d) S’il y a lieu, la présence, dans la zone d’activité de l’implantation prévue par le contrat proposé, de tout établissement dans lequel sont offerts, avec l’accord exprès de la personne qui propose le contrat, les produits ou services faisant l’objet de celui-ci ;
6° L’indication de la durée du contrat proposé, des conditions de renouvellement, de résiliation et de cession, ainsi que le champ des exclusivités.
Le document précise, en outre, la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à l’enseigne ou à la marque que la personne destinataire du projet de contrat engage avant de commencer l’exploitation.
Selon les articles 1130 et 1131 du code civil, dans leur rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, le dol vicie le consentement lorsqu’il est de telle nature que, sans lui, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes, son caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ; ces vice du consentement est une cause de nullité relative du contrat.
Selon l’article 1137 suivant, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 en date du 10 février 2016, le dol est le fait pour un cocontractant d’obtenir le consentement de l’autre par des man’uvres ou des mensonges.
Enfin, l’article 1112-1 de ce code, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, prévoit que celle des parties qui connaît une information dont l’importance est déterminante pour le consentement de l’autre doit l’en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d’information ne porte pas sur l’estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu’une information lui était due de prouver que l’autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu’elle l’a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d’information peut entraîner l’annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants.
M. [S] a signé et paraphé le 16 mai 2019 un document d’information précontractuel remis par la société INTPL, représentée par sa gérante, Mme [Z].
La société Jelevy (constituée entre-temps par M. [S]) considère que la société INTPL, qui a effectué cette remise, n’étant pas celle avec laquelle elle a signé le contrat de franchise, à savoir la société LNA, également représentée par Mme [Z], gérante, elle a été trompée sur la personne du franchiseur, qui, de ce fait, ne lui a remis aucun document d’information précontractuel.
Toutefois, l’intuitu personae d’un contrat de franchise au regard de la personne du franchiseur, qu’elle évoque, ne concerne que ledit contrat, et non le document d’information précontractuel, et il lui appartenait de refuser de contracter avec la société LNA si elle considérait que celle-ci n’était pas le franchiseur qu’elle connaissait. Au demeurant, le projet de contrat de franchise annexé au document d’information précontractuel mentionnait la société LNA en qualité de franchiseur.
La société Jelevy ne rapporte la preuve ni de l’existence de man’uvres dolosives à son égard, l’ayant incitée à contracter à l’issue de cette période précontractuelle, ni que la personne du franchiseur était, pour elle, un élément déterminant, étant constaté que les deux personnes morales étaient parfaitement identifiées et représentées par la même personne physique.
Au demeurant, il est justifié que la société LNA est devenue actionnaire majoritaire dans le capital social de la société INTPL suite à une cession de parts sociales en date du 10 janvier 2018 auprès de Mme [Z], qui a conservé quarante-neuf parts, et de M. [K], qui a cédé toutes ses parts sociales.
Le moyen relatif à l’absence de remise de document d’information précontractuel par le franchiseur est inopérant.
La société Jelevy considère que ce document d’information précontractuel transmis était incomplet et imprécis.
Toutefois, les dispositions de l’article R. 330-3 alinéa 1 et 4 du code de commerce prévoient que le franchiseur fasse connaître l’adresse du siège de l’entreprise et la nature de ses activités avec l’indication de sa forme, l’identité du chef d’entreprise s’il s’agit d’une personne physique ou des dirigeants s’il s’agit d’une personne morale ainsi que toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants sans, pour autant exiger, que l’objet social (s’il s’agit d’une personne morale) du franchiseur mentionne expressément une telle activité, étant entendu que celle de holding, concernant la société LNA, qui est le seul franchiseur, est compatible avec celle de société animatrice ou tête de réseau. Ce moyen est inopérant.
Si M. [K] était, selon la société Jelevy, « le véritable gérant » (sic), l’obligation d’information porte, par essence, sur les dirigeants de droit tandis que la présentation de « toutes indications permettant d’apprécier l’expérience professionnelle acquise par l’exploitant ou par les dirigeants » que la dissimulation de cette qualité aurait permise, ne peut porter que sur le même type d’activité que celle, objet de la franchise. Or la société Jelevy mentionne que M. [K] gérait une société [K] Invest, ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du 8 juillet 2015, dont l’objet social était d’être une holding en matière de management et gestion d’entreprise ainsi qu’une société HTF, ayant fait l’objet d’une liquidation judiciaire par jugement du 12 avril 2016, ayant pour activité la conception et la réalisation de formation en matière de transport et logistique.
Par ailleurs, le document d’information précontractuel mentionne, sans dissimulation, M. [K] en qualité de fondateur et actionnaire du concept «Kid’s Poux » et il appartenait à la société Jelevy de se renseigner si elle le jugeait utile, celle-ci se contentant de sous-entendre l’existence d’une interdiction de gérer sans en rapporter la preuve.
De même, ces dispositions limitent à l’année précédant la délivrance du document d’information précontractuel, soit en l’espèce jusqu’en mai 2018, la communication du nombre d’entreprises ayant cessé de faire partie du réseau, de sorte que la société Jelevy, qui soutient, sans indiquer la moindre date, que le départ de la société STBL, qui aurait été la première société franchisée du réseau, lui aurait été dissimulé, ne démontre pas que cette information devait figurer sur la liste de présentation du réseau, constituée par l’annexe 9 du document d’information précontractuel.
Contrairement à ce que soutient la société Jelevy, le document d’information précontractuel ne mentionne nullement que la société LNA a le statut de master franchise suite à l’achat en France d’une franchise espagnole, l’indication de rachat d’un concept n’étant pas précise à cet égard et aucun des éléments produits par la société franchisée ne démontrant un tel achat tandis qu’il expose clairement que la société INTPL a développé le savoir-faire, objet de la franchise ; aucune dissimulation à ce titre n’est caractérisée.
Si la présentation des marques est imprécise dans le cadre d’une synthèse effectuée dans le document d’information précontractuel (article 2.5) et si la marque verbale « Kid’s Poux » a été omise dans l’annexe 3 de celui-ci, les deux autres marques, semi-figuratives, déposées, qui comprennent les terme « Kid’s Poux » sont reproduites, et cette information approximative ne caractérise pas une rétention d’information a fortiori dolosive.
Par ailleurs, si les marques et leurs propriétaires, transmises dans le contrat de franchise, sont, comme elle le soutient, différentes de celles mentionnées dans le document d’information précontractuel, il appartenait également à la société Jelevy de refuser de s’engager si elle avait considéré cet élément comme essentiel et déterminant de son consentement. Enfin, un contrat de franchise n’impose pas au franchiseur d’être propriétaire des marques, dont il concède l’exploitation, tandis que l’article 11.1.1 du contrat de franchise stipule en substance que l’usage par le franchisé des marques concédées est sans emport quant à leur propriété.
Au demeurant, il n’est pas contesté que la société LNA a signé avec la société INTPL un contrat de licence de marque avec faculté de sous-licence. Il en résulte que la société Jelevy ne rapporte pas la preuve d’une absence de contrepartie justifiant la nullité du contrat de franchise en application de l’article 1169 du code civil.
Le document d’information précontractuel contient une présentation du marché national et du marché local identique (annexes 4 et 5), le futur franchiseur recommandant, dans l’article 4 de ce document, au futur franchisé de faire réaliser une étude de marché en fonction, notamment, de son implantation pour lui permettre d’établir son compte de résultat prévisionnel. Il appartenait ainsi à la société Jelevy de réaliser elle-même une analyse d’implantation plus précise si elle le souhaitait.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’aucun man’uvre dolosive au sens de l’article 1137 du code civil, ni aucune rétention d’information au sens de l’article 1112-1 de ce code, n’est établie.
En conséquence, la demande de nullité du contrat de franchise de la société Jelevy sera rejetée ainsi que ses demandes subséquentes au titre des préjudices en découlant.
2- Sur la résiliation
Selon l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Selon les articles 1227 et 1228 suivants, la résolution peut en toute hypothèse être demandée en justice et le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Si la société LNA a incité ses franchisés à continuer à recevoir de la clientèle dans un courrier en date du 15 mars 2020 malgré les arrêtés ministériels en date des 14 et 15 mars 2020, portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, elle a, dès le lendemain, indiqué que les fonds de commerce devaient rester fermés pendant quinze jours, puis pendant la totalité de l’arrêté lié au confinement, tandis que la société Jelevy n’indique nullement avoir ouvert son fonds de commerce et avoir fait l’objet de sanctions à ce titre.
De même, la lettre, en date du 26 octobre 2020, adressée par le médecin du travail à un autre franchisé, ne traduit qu’une interrogation de ce dernier sans que la société Jelevy ne démontre que la qualité de filtration de l’air dans ses propres locaux était à l’origine du risque évoqué.
Pareillement, l’utilisation de produits inadaptés, voire dangereux pour des enfants en bas âge ou d’une mauvaise utilisation pour la clientèle du produit Envie Coco ne concerne, pour l’un, qu’un autre fonds de commerce ([Localité 8]) à une occasion ou, pour l’autre, n’est pas démontrée concrètement au sein de son fonds de commerce, la société Jelevy se bornant à faire état de risques purement théoriques.
La société Jelevy reproche au franchiseur de ne pas lui avoir transmis le savoir-faire, qu’elle qualifie « de service », consistant notamment dans l’extraction des poux et lentes chez l’enfant et l’adulte à l’aide d’aspirateurs spécifiques.
Toutefois, si les aspirateurs fournis n’étaient pas propres à l’activité développée et ont été mal installés, ces désordres sont étrangers à la transmission en elle-même du savoir-faire.
Il en est de même de la distribution de produits étiquetés en contradiction avec les normes existantes, qui a été ponctuelle (quatre mois) ou de produits ne comportant pas de numéros de lots, celle-ci ne portant pas atteinte à l’obligation de délivrance du savoir-faire « de distribution », en ce que la société Jelevy ne rapporte pas la preuve que cet étiquetage irrégulier l’a empêchée d’exercer son activité et d’exploiter ledit savoir-faire.
Aucun de ces éléments ne caractérise un manquement suffisamment grave à l’obligation de délivrance du savoir-faire par le franchiseur justifiant la résiliation du contrat.
L’article 11.3 du contrat de franchise prévoit que toute communication sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, Instagram…) réalisée par le franchisé ne peut, sans autorisation préalable du franchiseur, contenir, directement ou indirectement, une évocation de la marque « Kid’s Poux» ou des signes distinctifs caractérisant le réseau « Kid’s Poux», toute marque, tout signe distinctif désignant un produit distribué par le franchiseur au fournisseur référencé.
L’article 15 de ce contrat précise que le franchisé est propriétaire du fichier client qu’il a constitué et qu’à des fins commerciales, le franchiseur et le franchisé pourront utiliser ledit fichier sans que cela ne constitue une atteinte à la propriété du franchisé sur son fonds de commerce et ce, durant l’exécution du contrat ou postérieurement à sa rupture.
Si le franchisé est propriétaire de sa clientèle locale et de son fichier client, l’usage d’internet et des réseaux sociaux est réglementé par le contrat de franchise ainsi que le contrat d’achat espace publicitaire sur Facebook et Google, signé le 26 juin 2019. La société Jelevy ne conteste pas que les pages Facebook et Google My Business, qu’elle a utilisées, ont été créées par la société LNA.
Il en résulte que la société Jelevy ne démontre pas que la société LNA s’est appropriée le fichier client. La demande de restitution des pages Facebook et Google Kid’s Poux [Localité 6] sera rejetée.
Si les produits distribués n’étaient pas conformes aux normes applicables pendant quelques mois, si des erreurs ont pu survenir dans la facturation, notamment quant à celle des frais de port, et ce, pour des montants limités, la société Jelevy ne rapporte pas que cette distribution ou cette gestion irrégulières l’ont empêchée de poursuivre son activité.
En conséquence, la demande de résiliation du contrat de franchise de la société Jelevy aux torts du franchiseur sera rejetée ainsi que ses demandes subséquentes au titre des préjudices en découlant, étant constaté que cette dernière a, d’ores et déjà, dans un courrier en date du 19 février 2021, prononcée une telle résiliation.
3- Sur la clause de non-réaffiliation
L’article 19.4 du contrat de franchise prévoit que pendant une durée d’un an suivant la rupture, pour quelque cause que soit du contrat, le franchisé s’engage dans le territoire dans lequel est exploitée l’unité franchisée :
– à ne pas s’affilier, adhérer ou participer, de quelque manière que ce soit (notamment en qualité d’associé), directement, indirectement, ou par personne interposée à un réseau exerçant une activité concurrente de celle exercée par le réseau «’Kid’s Poux ».
– à ne pas créer, animer, diriger, participer (notamment an qualité d’associé), directement, indirectement ni par personnes interposée, un réseau exerçant une activité concurrente de celle exercée par le réseau «’Kid’s Poux’» ou ses membres
– plus généralement, à ne pas se lier, directement, indirectement ou par personne interposée, à tout organisme ou groupement exerçant une activité concurrente de celle exercée par le réseau «’Kid’s Poux’».’
L’article 19.5 suivant fixe l’indemnité prévue en cas de non-respect de ladite clause.
Ces dispositions contractuelles respectent les quatre conditions énumérées par l’article L. 341-2 II du code de commerce, en ce que la clause est limitée à l’activité, objet de la franchise, elle est circonscrite à la ville d’implantation, à savoir'[Localité 6], elle est nécessaire à la protection du savoir-faire transmis et la durée prévue n’est pas supérieure à celle requise, de sorte qu’elles ne seront ni réputées non-écrites, ni annulées et les demandes de la société Jelevy à ce titre seront rejetées.
4- Sur les demandes en paiement de la société LNA
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, mais le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables, et bien fondés. Aux termes de l’article 954 dernier alinéa de ce code, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s’en approprier les motifs.
Ainsi, la cour doit examiner la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s’est déterminé pour statuer sur la demande en paiement de la société LNA, défaillante en cause d’appel.
En application de l’article 8.5- « paiement des redevances du contrat de franchise », le tribunal a retenu que la société Jelevy est débitrice, au 22 janvier 2021, au titre de commandes non payées de la somme de 2’379,01 euros, que celle-ci ne conteste pas. La société Jelevy sera donc condamnée au paiement de cette somme et n’ayant pas rempli son obligation de paiement, la résiliation du contrat lui est imputable.
Concernant le manque à gagner de la société LNA, le tribunal, considérant que le franchiseur a droit à l’équivalent des redevances qu’il n’a pas pu percevoir jusqu’au terme normal du contrat, a retenu une redevance moyenne mensuelle de 4 900,35 euros en s’appuyant, de manière très précise, sur le chiffre d’affaires mensuel pour les exercices 2019 et 2020 qu’il a appliqué sur la durée restant à courir, calcul que la société Jelevy critique sans indiquer en quoi ce montant est erroné. Il sera donc retenu.
Enfin, le tribunal a retenu, en application de l’article 18.2 «’indemnités de résiliation anticipée pour inexécution du contrat de franchise’», que la rupture anticipée avait généré un préjudice de 5 000 euros pour la société LNA, qui réclamait la somme de 25’000 euros contractuellement fixée. La société Jelevy conteste ce montant, qu’elle considère disproportionné, sur la base d’un calcul erroné, qui correspond à 25 mois d’une redevance mensuelle à hauteur de 200 euros, alors que la redevance mensuelle moyenne était de 408,36 euros. Cette contestation étant infondée et la société LNA étant réputée s’approprier les motifs du jugement, la cour ne peut que confirmer ce chef de préjudice.
Par ces motifs, le jugement déféré sera confirmé, sauf à seulement constater, et non prononcer, la résiliation du contrat de franchise.
Il sera également complété quant au rejet des demandes de restitution des pages Facebook et Google Kid’s Poux [Localité 6] et de constat du caractère non-écrit des articles 19.4 et 19.5 du contrat de franchise.
5- Sur les autres demandes
Il n’y a pas lieu de statuer sur l’opposabilité du présent arrêt à la SCP Alpha Mandataires judiciaires, celle-ci étant partie à l’instance d’appel en qualité d’intervenant forcé, ce qu’il convient de constater.
Succombant principalement sur son appel, la société Jelevy sera condamnée aux dépens et sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile sera rejetée.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Constate l’intervention forcée de la S.C.P. Alpha Mandataires judiciaires, en la personne de Mme [E] [W], en qualité de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L LNA,
Confirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il a prononcé la résiliation du contrat de franchise,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Constate la résiliation du contrat de franchise aux torts de la S.A.R.L Jelevy,
Rejette les demandes de la S.A.R.L Jelevy de restitution des pages Facebook et Google Kid’s Poux [Localité 6] et de constat du caractère non-écrit des articles 19.4 et 19.5 du contrat de franchise,
Rejette la demande de la S.A.R.L Jelevy fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.R.L Jelevy aux dépens d’appel.
le greffier, le président,