La publication des actes au bureau des hypothèques

Notez ce point juridique

1. Attention à la publication des actes au bureau des hypothèques pour éviter l’irrecevabilité de la demande en nullité de vente immobilière :

Selon l’article 28 4° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 : ‘Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :

1° Tous actes, même assortis d’une conditions suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs:

a) mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l’article L. 132-3 du code de l’environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ;

b) bail pour une durée de plus de douze années, et, même pour un bail de moindre durée, quittance ou cession d’une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus ;

c) Titre d’occupation du domaine public de l’Etat ou d’un de ses établissements publics constitutif d’un droit réel immobilier délivré en application des articles L. 34-1 à L. 34-9 du code du domaine de l’Etat et de l’article 3 de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 ainsi que cession, transmission ou retrait de ce titre.

(…)

4° Les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu’ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° :

c) Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort ;’

L’article 30 du même décret ajoute dans son 5° :

‘5° Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l’article 28-4°, c, et s’il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d’une copie de la demande revêtue de la mention de publicité.’

2. Il est recommandé de prouver le point de départ du délai de prescription en cas de dol pour éviter que l’action en nullité ne soit considérée comme prescrite.

3. Il est conseillé de démontrer des faits de nature à faire prendre conscience du dommage pour éviter la prescription de l’action en dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil.


Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] ont investi dans un bien immobilier locatif dans le cadre du régime fiscal de Robien, avec l’aide de Madame [N] [A], agent commercial indépendant pour Omnium Finance. Après avoir constaté des irrégularités dans leur investissement, ils ont engagé des poursuites judiciaires contre la SCI Les Girondins, Madame [N] [A], le Crédit Foncier de France, Axa France Vie et Axa France Iard. Le tribunal de grande instance de Libourne a rejeté leurs demandes, les condamnant aux dépens. En appel, ils demandent l’annulation de la vente pour dol, la résolution du contrat de prêt, la restitution du capital investi, des dommages et intérêts, ainsi que des frais. Les parties défenderesses contestent les demandes des appelants, arguant notamment de la prescription des actions en nullité et en indemnisation. La société Finzzle Capital demande à être mise hors de cause, tandis que le Crédit Foncier de France réclame le remboursement des fonds prêtés en cas de nullité de la vente. Les sociétés Axa France Vie et Axa France Iard demandent la mise hors de cause de la première et le maintien des cotisations perçues. La SCI Les Girondins demande le rejet des demandes des appelants pour prescription et absence de preuve de dol. La décision de la cour est attendue après l’ordonnance de clôture rendue le 26 février 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I-Sur l’irrecevabilité de la demande en nullité pour défaut de publicité foncière

La SCI Les Girondins soutient que faute pour eux d’avoir publié leur assignation en nullité de vente immobilière au bureau des hypothèques de Libourne, l’action des consorts [X] et [L] doit être déclarée irrecevable.

Selon l’article 28 4° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 :

‘Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :

1° Tous actes, même assortis d’une conditions suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs:

a) mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l’article L. 132-3 du code de l’environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ;

b) bail pour une durée de plus de douze années, et, même pour un bail de moindre durée, quittance ou cession d’une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus ;

c) Titre d’occupation du domaine public de l’Etat ou d’un de ses établissements publics constitutif d’un droit réel immobilier délivré en application des articles L. 34-1 à L. 34-9 du code du domaine de l’Etat et de l’article 3 de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 ainsi que cession, transmission ou retrait de ce titre.

(…)

4° Les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu’ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° :

(…)

c) Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort ;’

L’article 30 du même décret ajoute dans son 5° :

‘5° Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l’article 28-4°, c, et s’il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d’une copie de la demande revêtue de la mention de publicité.’

Mais, bien qu’ils ne s’en expliquent pas dans leurs conclusions, les appelants produisent aux débats une copie de l’assignation du 30 juin 2016 portant mention d’une publication et d’un enregistrement au service de la publicité foncière de [Localité 9], le 7 juillet 2017.

Par conséquent l’irrecevabilité n’est pas encourue de ce chef.

II-Sur la prescription de l’action en nullité pour dol

L’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 , applicable en l’espèce, prévoyait que ‘dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.’

Si l’article 2224 issu de l’ordonnance précitée prévoit désormais que ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’, il demeure qu’en application du texte précédemment applicable, le point de départ du délai de prescription se situe au moment où les manoeuvres dolosives invoquées sont révélées à l’acquéreur ainsi que l’erreur en résultant.

La charge de la preuve du point de départ d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir (Com. 24 janv. 2024, no 22-10.492 B.).

Les consorts [X] et [L] invoquent deux erreurs provoquées par les manoeuvres dolosives qu’ils imputent à Mme [A] : une erreur sur la valeur vénale du bien qu’ils ont acquis le 20 janvier 2006 aux termes du contrat de réservation réitéré ensuite par acte authentique, le 23 juin 2006 et une erreur sur la valeur locative réelle de ce bien.

En effet, selon eux, alors que l’appartement leur a été vendu pour une somme de 144 810 €, une estimation réalisée le 25 mars 2016 concluait à une valeur vénale variant entre 70 000 et 80 000 €.

Par ailleurs, alors qu’on leur avait promis que cet appartement se louerait moyennant un prix de 531 € par mois, il a fallu très vite en baisser le montant à 421 € en 2010 et subir de longues périodes de vacance.

Ils soutiennent que ces erreurs sans lesquelles ils n’auraient pas contracté, ont été provoquées par les mensonges de Mme [A] et que ce n’est que respectivement les 25 mars 2016 et 1er janvier 2015 qu’ils ont découvert les tromperies des vendeurs.

Par conséquent, affirment-ils, le point de départ de la prescription ne saurait être antérieur de sorte que leur action en nullité, engagée les 1er, 4 et 18 juillet 2016, ne doit pas être considérée comme prescrite.

Force est de constater que les intimés ne démontrent pas que les consorts [X] et [L] ont eu connaissance de la valeur réelle de leur bien avant l’estimation à laquelle ils ont fait procéder le 25 mars 2016.

Au demeurant, il est effectivement peu probable qu’ils s’en soient préoccupés plus tôt puisqu’ils étaient tenus de conserver et de louer leur appartement pendant 9 ans pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux liés à cette opération.

Ils n’ont dû songer à le revendre qu’à compter de 2015 comme ils l’indiquent eux-mêmes.

Pour ce qui concerne la valeur locative de l’appartement, la constatation de sa dégradation s’imposait nécessairement en même temps que baissaient les loyers et que s’allongeaient les périodes de vacance mais d’une part, cet aspect de l’opération ne peut être dissocié de l’évolution de la valeur vénale de l’appartement puisque c’est l’ensemble de l’opération qui doit être considérée et d’autre part, s’il y a bien eu en 2010, une vacance du logement suffisamment longue pour contraindre les propriétaires à baisser significativement le loyer, il n’y a plus eu par la suite de vacance un tant soit peu significative.

Par conséquent, il ne peut être considéré que cette seule difficulté a pu convaincre les acquéreurs de l’erreur qu’ils avaient faite de sorte que la prescription devait courir à compter de janvier 2010.

La prescription ne peut donc être considérée comme acquise et le jugement sera infirmé sur ce point.

III-Sur l’annulation de la vente pour dol

Selon l’article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de la réforme du droit des obligations, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol exige en conséquence que soit rapportée la preuve de manoeuvres dolosives émanant du cocontractant ayant vicié le consentement et emporté erreur dans son esprit.

M. [H] [X] et Mme [O] [L]-[P] reprochent à Mme [A] de leur avoir fait croire qu’elle travaillait en toute indépendance et leur proposait donc une solution patrimoniale spécialement conçue pour eux et sélectionnée parmi d’autres alors qu’elle était chargée exclusivement par la SCI Les Girondins de vendre ses produits.

Ils affirment que les simulations qui leur ont été présentées les 14 et 23 mars 2006 présentaient comme certain, selon l’hypothèse envisagée et l’effort d’épargne consenti, que le bien acquis pour 144 810 € se valoriserait de 2 % par an et qu’à l’issue de la période de défiscalisation de neuf ans, celui-ci vaudrait 159 149 € voire 182 687 € et qu’ils disposeraient d’un capital disponible de 81 601 € ou de 103 410 € alors qu’en réalité toutes les estimations auxquelles ils ont eu recours dès 2015 faisait apparaître une valeur vénale n’excédant pas 70 000 à 80 000 € tandis que la cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2006 permet de constater qu’en réalité, lors de l’acquisition de ce bien, s’agissant d’un immeuble pouvant être classé dans la catégorie ‘moyen’ en termes de qualité, celui-ci ne valait pas plus de 86 846 €.

Ils considèrent que les manoeuvres dolosives dont ils ont été victimes procédaient également des affirmations erronées concernant le rendement locatif de l’appartement puisqu’alors que Mme [A] leur garantissait un loyer de 531 € par mois augmentant de 2 % chaque année, ils ont été confrontés à des difficultés de location s’étant traduites par des vacances et ayant nécessité de le baisser.

Les consorts [X] et [L] qui soutiennent que leur préjudice est constitué par la perte de chance d’éviter le risque, dont la réalisation est certaine, que la valeur du bien ne permette pas de réaliser un capital net supérieur à l’effort d’épargne subi, soulignent que les documents qui leur ont été remis ne faisaient état d’aucun risque financier, qu’en réalité le contexte local était particulièrement défavorable de sorte qu’il était acquis dès l’origine que les perspectives de rentabilité vantées par Mme [A] étaient irréalisables.

Mais c’est de façon quelque peu contradictoire que les appelants étaient leur démonstration sur la valeur réelle de leur acquisition tant lors de celle-ci que plusieurs années plus tard alors que par ailleurs, ils affirment que leur demande n’est pas fondée sur une surévaluation du bien lors de son achat ni même lors de d’une éventuelle revente (cf p45 de leurs conclusions).

En tout état de cause, l’erreur sur la valeur du bien vendu ne peut justifier la résolution de la vente sauf si celle-ci résulte d’un dol.

En l’espèce, pour ce qui concerne la valeur réelle de l’appartement lors de son acquisition au regard du prix effectivement payé, aucune indication n’est fournie sur la cote sur laquelle s’appuient les consorts [X] et [L], notamment sur sa fiabilité.

Par ailleurs, il n’apparaît pas, et il n’est d’ailleurs pas allégué, que pour rendre le prix demandé crédible, des manoeuvres quelconques, un argumentaire spécifique ou des documents aient été présentés de manière à convaincre les acheteurs.

Ceux-ci devaient en revanche, comme pour tout achat immobilier par un acquéreur normalement diligent, se livrer à des vérifications minimales et ne peuvent donc se plaindre d’avoir payé un prix excessif.

Ce prix de départ étant acquis, une valorisation de 2 % par an n’apparaissait pas nécessairement excessive même s’il n’est guère contestable qu’en effet, l’appartement présente aujourd’hui une valeur vénale bien en deçà de son prix d’achat.

S’agissant du loyer, il importe de relever que le loyer annoncé de 531 € par mois a pu être appliqué lors de la première location et ce sans attente puisque l’appartement a pu être loué à ce prix dès le 1er juin 2007, la date de livraison se situant au 30 mars 2007.

Ce loyer a été maintenu jusqu’au 8 mars 2009.

Si par la suite, il a en effet été nécessaire de le baisser, il n’a en revanche été observé que des périodes de vacance de durée limitée et peu fréquentes, soit 10 mois entre le 8 mars 2009 et le 12 janvier 2010 et 4 mois entre le 14 octobre 2013 et le 15 février 2014.

Depuis lors, il n’est pas fait état d’une période de vacance quelconque.

Les documents remis aux acquéreurs et en particulier les simulations ne garantissaient en rien le maintien du loyer ni une absence de vacance à telle enseigne au demeurant qu’au contraire, qu’une assurance spécifique était proposée à ce sujet.

De plus, en tout état de cause, les simulations incriminées n’ont pu influer sur le choix opéré par M. [X] et Mme [L]-[P] puisque postérieures à la signature par eux du contrat de réservation du 20 janvier 2006.

Enfin, Mme [A] justifie avoir elle-même souscrit à un programme parfaitement similaire, certes en un lieu différent, mais cela démontre qu’elle croyait elle-même à ce type de montage et contribue à exclure toute mauvaise foi de sa part.

Dans ces conditions, la preuve n’est donc pas rapportée de l’existence d’un dol et l’annulation de la vente sera donc écartée.

IV-Sur la prescription de l’action en dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil

M. [X] et Mme [L] estiment que Mme [A], qui se présentait comme spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine, était tenue à une obligation d’information et de conseil dont elle s’est abstenue.

Elle avait donc, selon eux, le devoir d’attirer leur attention sur les risques encourus et de mettre en balance les avantages et les inconvénients des divers investissements répondant à leurs objectifs et de ne pas se limiter à les diriger exclusivement vers la résidence ‘Les Girondins’.

Qu’elle ne saurait s’exonérer par la seule mention figurant sur les documents remis que ceux-ci n’avaient aucune valeur contractuelle.

Il lui reprochent de n’avoir fourni qu’une information purement théorique sans s’être renseignée concrètement sur les perspectives réelles du placement qu’elle leur conseillait.

La société Finzzle Capital, Mme [A] et la SCI Les Girondins invoquent la prescription de l’action formée sur ce fondement.

Il est constant à ce sujet que selon l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et donc applicable en l’espèce, les actions en responsabilité extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

La loi susvisée a néanmoins réduit le délai de prescription à 5 ans.

Plus précisément, s’agissant d’un investissement locatif immobilier, la manifestation du dommage pour l’acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l’impossibilité d’obtenir la rentabilité envisagée lors de la conclusion du contrat (Civ 3, 26 oct. 2022, 21-19.899).

Par conséquent, il n’est pas nécessaire que, contrairement à l’hypothèse du dol, l’erreur ait été découverte et il suffit qu’il existe des faits de nature à laisser penser à l’acquéreur qu’il a subi un préjudice.

Mais encore faut-il qu’il existe de tels faits.

Par ailleurs, la charge de la preuve de l’acquisition de la prescription repose sur celui qui l’invoque.

Or, les intimés, et plus particulièrement la société Finzzle Capital, n’invoquent qu’un seul fait, à savoir la vacance du logement pendant une durée de dix mois, entre mars 2009 et janvier 2010, pour en déduire que le point de départ de la prescription doit se

– M. [H] [X] et Mme [O] [L]-[P] sont condamnés aux dépens d’appel
– Aucune somme n’est allouée au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Article 28 4° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955
– Article 30 du même décret
– Article 1304 du code civil
– Article 1116 du code civil
– Article 2270-1 du code civil

Article 28 4° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955:
‘Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :
1° Tous actes, même assortis d’une conditions suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs:
a) mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l’article L. 132-3 du code de l’environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ;
b) bail pour une durée de plus de douze années, et, même pour un bail de moindre durée, quittance ou cession d’une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus ;
c) Titre d’occupation du domaine public de l’Etat ou d’un de ses établissements publics constitutif d’un droit réel immobilier délivré en application des articles L. 34-1 à L. 34-9 du code du domaine de l’Etat et de l’article 3 de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 ainsi que cession, transmission ou retrait de ce titre.
(…)
4° Les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu’ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° :
(…)
c) Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort ;’

Article 30 du même décret:
‘5° Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l’article 28-4°, c, et s’il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d’une copie de la demande revêtue de la mention de publicité.’

Article 1304 du code civil:
‘Dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.
Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.’

Article 1116 du code civil:
‘Le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.’

Article 2270-1 du code civil:
‘Les actions en responsabilité extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.’

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX
– Me Constance DUVAL-VERON de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS
– Me Asher OHAYON
– Me Eva VIEUVILLE
– Me Hervé JEAN JACQUES
– Me de PERTUIS
– Me Valérie MONPLAISIR
– Me Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY-CUTURI-WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE)
– Me Alice CARRERE
– Me Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX
– Me SIMOUNET
– Me Anaïs MALLET

Mots clefs associés

– Nullité
– Publicité foncière
– Assignation
– Décret n° 55-22
– Prescription
– Action en nullité pour dol
– Code civil
– Manoeuvres dolosives
– Erreur
– Valeur vénale
– Valeur locative
– Délai de prescription
– Dommages et intérêts
– Devoir de conseil
– Obligation d’information
– Conseiller en gestion de patrimoine
– Simulation
Marché local immobilier
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile

– Nullité: caractère de ce qui est nul, invalide
– Publicité foncière: formalité administrative visant à rendre opposables aux tiers les actes relatifs à un bien immobilier
– Assignation: acte de procédure par lequel une personne est convoquée à comparaître devant un tribunal
– Décret n° 55-22: décret de loi datant de 1955
– Prescription: extinction d’un droit par le non-exercice de celui-ci pendant un certain laps de temps
– Action en nullité pour dol: action en justice visant à annuler un contrat pour dol (manoeuvre frauduleuse)
– Code civil: recueil de lois régissant les relations entre les individus
– Manoeuvres dolosives: agissements frauduleux visant à tromper une personne
– Erreur: fausse représentation de la réalité
– Valeur vénale: valeur marchande d’un bien immobilier
– Valeur locative: montant du loyer que pourrait générer un bien immobilier sur le marché locatif
– Délai de prescription: période pendant laquelle un droit peut être exercé avant d’être prescrit
– Dommages et intérêts: réparation financière accordée à une personne ayant subi un préjudice
– Devoir de conseil: obligation pour une personne de conseiller et d’informer une autre partie
– Obligation d’information: devoir de fournir des informations complètes et exactes à une personne
– Conseiller en gestion de patrimoine: professionnel spécialisé dans la gestion et l’optimisation du patrimoine d’une personne
– Simulation: acte visant à donner l’apparence de la réalité sans en avoir les effets juridiques
– Marché local immobilier: marché immobilier localisé à une zone géographique spécifique
– Dépens: frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: article permettant au juge de condamner une partie à verser une somme à l’autre partie pour ses frais de justice

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE BORDEAUX

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

————————–

ARRÊT DU : 02 MAI 2024

N° RG 21/00762 – N° Portalis DBVJ-V-B7F-L5WK

Monsieur [H] [C] [Y] [X]

Madame [O] [K] [U] [L]

c/

Madame [N] [A]

S.A.S. GROUPE OMNIUM FINANCE

S.C.I. LES GIRONDINS

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

S.A. AXA FRANCE VIE

Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD

Nature de la décision : AU FOND

Grosse délivrée le :

aux avocats

Décision déférée à la cour : jugement rendu le 22 décembre 2020 (R.G. 16/01322) par le Tribunal judiciaire de LIBOURNE suivant déclaration d’appel du 08 février 2021

APPELANTS :

[H] [C] [Y] [X],

demeurant [Adresse 4]

[O] [K] [U] [L],

demeurant [Adresse 4]

Représentée par Me Pierre FONROUGE de la SELARL KPDB INTER-BARREAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

INTIMÉES :

[N] [A]

née le 13 Août 1970 à [Localité 7]

de nationalité Française, demeurant [Adresse 6]

Représentée par Me Constance DUVAL-VERON de l’AARPI MONTESQUIEU AVOCATS, avocate au barreau de LIBOURNE

Assistée par Me Asher OHAYON, avocat au barreau de PARIS

S.A.S. GROUPE OMNIUM FINANCE

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

sur appel provoqué de Mme [N] [A] en date du 24.06.21

demeurant [Adresse 1]

Représentée par Me Eva VIEUVILLE, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me Hervé JEAN JACQUES, substitué par Me de PERTUIS

S.C.I. LES GIRONDINS

demeurant [Adresse 5]

Représentée par Me Valérie MONPLAISIR, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A. CREDIT FONCIER DE FRANCE

demeurant [Adresse 2]

Représentée par Me Carolina CUTURI-ORTEGA de la SCP JOLY-CUTURI-WOJAS AVOCATS DYNAMIS EUROPE (ADE), avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Me Alice CARRERE, avocate au barreau de BORDEAUX

S.A. AXA FRANCE VIE

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au dit siège

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me SIMOUNET, substituée par Me Anaïs MALLET

Compagnie d’assurance AXA FRANCE IARD

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

demeurant [Adresse 3]

Représentée par Me Emmanuelle MENARD de la SELARL RACINE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX

Assistée par Me SIMOUNET, substituée par Me Anaïs MALLET

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 mars 2024 en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Jacques BOUDY, Président,

Monsieur Alain DESALBRES, Conseiller,

Monsieur Rémi FIGEROU, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Mélody VIGNOLLE-DELTI

ARRÊT :

– contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] ont souhaité procéder à un investissement immobilier locatif dans le cadre du régime fiscal dit de Robien, afin de se constituer un capital tout en réduisant leur impôt sur le revenu. Pour cela ils se sont adressés à Madame [N] [A], exerçant l’activité d’agent commercial indépendant pour le compte exclusif de la société Omnium Finance activité pour laquelle cette dernière était assurée au titre de sa responsabilité civile personnelle auprès de la CNA Insurance.

Madame [N] [A] a effectué pour ces derniers deux simulations, l’une du 14 mars 2006; l’autre du 23 mars 2006.

M. [H] [X] et Mme [O] [L]-[P] avaient signé le 20 janvier 2006 un contrat de réservation à leur domicile en présence de Madame [N] [A] pour un bien sis sur la commune de [Localité 11] [Adresse 8] et promu par la SCI Les Girondins via la société Omnium Finance qui leur a été notifié le 20 février 2006 par la SCI Les Girondins.

Le contrat de réservation indiquait qu’il portait sur un appartement T3 d’une surface habitable de 58,65 m2 d’un jardin de 122,74 m2, d’une terrasse de 5,60 m2 au rez-de-chaussée lot D04 avec parking au prix TTC de 144 810 € soit 121.078,60 € HT, la date de livraison étant fixée de manière prévisionnelle en mars 2007, le dépôt de garantie étant de 1.700 €.

Les acquéreurs signaient en outre, notamment, une autorisation de déblocage des fonds par laquelle ils autorisaient l’organisme financier à payer à la SCI les sommes nécessaires au fur et à mesure des appels de fonds et de l’avancement des travaux le 20 janvier 2006, un mandat de livraison donné à Omnium Gestion, cette prestation étant offerte à condition qu’Omnium Gestion assure la gestion du bien, un mandat de gestion faisant état d’un loyer de 531€ prévoyant le bénéfice d’une assurance garantie vacances locatives souscrite par le gestionnaire auprès de Gan Eurocourtage le 20 janvier 2006. Ils signaient en outre auprès de la Lyonnaise Garantie un certificat d’assurance du contrat groupe prévoyant le bénéfice de garanties « revente résidence principale et revente investissement » dénommée Valorio Omnium.

Le 17 décembre 2010, ils résiliaient leur contrat d’assurance Gan Eurocourtage souscrit par Omnium Gestion-CICG et le 19 mai 2010 ils résiliaient le mandat de gestion la résiliation étant effective au 31 janvier 2011.

Ils donnaient le 7 juin 2010 un nouveau mandat de gestion au cabinet Lafon-Dubosc à [Localité 9].

Ils finançaient l’opération grâce à un prêt de 151.166 € à taux variable et initial de 3,15% l’an souscrit auprès du Crédit Foncier de France d’une durée de 300 mois, durée d’amortissement initiale, prêt capé. Le taux montait jusqu’à 6,2% l’an et la durée à 347 mois après un an de remboursement et des échéances de 843,12 €. Estimant ce taux élevé, ils demandaient à bénéficier d’un taux fixe ce qui leur était refusé, le 16 juillet 2008 par le Crédit Foncier. Le 11 août 2008 ils obtenaient de la banque un décompte des sommes dues s’élevant à 157 185,54 €.

Le 12 mars 2013, ils remboursaient partiellement leur prêt à hauteur de 54.000€.

L’assurance emprunteur était souscrite auprès d’Axa Assurance.

Le 13 juin 2006, ils ont signé une procuration pour la vente en l’état futur d’achèvement à l’étude de Maître [G] notaire à [Localité 10] et le 23 juin 2006 la vente a été régularisée chez Maître [D] notaire à [Localité 9].

Par actes d’huissier des ler juillet, 4 juillet et 18 juillet 2016, Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] ont fait assigner la SCI Les Girondins, Madame [N] [A], le Crédit Foncier de France, Axa France Vie et Axa France Iard devant le tribunal de grande instance de Libourne afin notamment d’obtenir l’annulation de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement pour dol.

Par acte en date du 15 novembre 2018, Madame [N] [A] a fait assigner la SAS Groupe Omnium Finance devant le tribunal de grande instance de Libourne en intervention forcée, afin d’obtenir la jonction de la procédure avec celle enrôlée sous le numéro 16/01322, sa condamnation en son lieu et place si l’action principale est déclarée fondée, sa condamnation au paiement d’une somme de 2 800 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens.

Par jugement en date du 22 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Libourne a :

– déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de Monsieur [H] [X] et de Madame [O] [L],

– rejeté l’intégralité des prétentions des parties,

– condamné Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] aux dépens dont distraction au profit de Maître Vieuville avocat.

Par déclaration électronique en date du 8 février 2021, Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] ont interjeté appel de cette décision.

Dans leurs dernières conclusions en date du 13 novembre 2023, Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] demandent à la cour de :

– déclarer l’appel régulier, recevable et bien fondé,

– infirmer le jugement rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Libourne en ce qu’il a déclaré irrecevable comme étant prescrite leur action engagée sur le fondement du dol et sur le fondement d’un manquement à une obligation de conseil et d’information à l’encontre de la SCI Les Girondins, Madame [N] [A], le Crédit Foncier de France, S.A. Axa France Vie, S.A. Axa France Iard,

– juger qu’ils n’ont été en mesure de découvrir leur préjudice que le 25 mars 2016, date à laquelle ils ont été informés de la perte de valeur de leur bien, soit au terme de la période de défiscalisation fixée au 1er juin 2016,

– juger que leur action par actes d’huissiers des 1er juillet, 4 juillet et 18 juillet 2016 à l’encontre de la SCI Les Girondins, Madame [N] [A], le Crédit Foncier de France, S.A. Axa France Vie, S.A. Axa France Iard est recevable et non prescrite

Statuant à nouveau,

– constater l’existence d’un dol manifeste ayant entaché la formation du contrat de vente conclu le 23 juin 2006 entre la SCI Les Girondins et eux,

– prononcer la nullité de l’acte authentique de vente en l’état futur d’achèvement conclu,

entre la SCI Les Girondins et eux et reçu par Maître [T] [D], notaire à Libourne, le 23 juin 2006,

– ordonner la publication de l’arrêt au service de la publicité foncière,

– prononcer la résolution du contrat de prêt souscrit par eux auprès du Crédit Foncier de France pour un montant de 151.166 euros,

– ordonner que la restitution subséquente du capital mis à leur charge par le prêteur et restant à rembourser, sera déduite de l’ensemble des sommes versées par eux, comprenant le remboursement du capital mais aussi les intérêts réglés ou tout autre frais liés à ce prêt,

– prononcer la résiliation des adhésions au contrat d’assurance souscrit auprès d’Axa France Vie, S.A. Axa France Iard,

– ordonner que les parties devront être remises en l’état et que :

– le prix de vente d’un montant de 144.810 euros devra leur être restitué par la SCI Les Girondins avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir et capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil,

– Ils devront transférer à la SCI Les Girondins la propriété de l’immeuble litigieux étant précisé que la restitution du bien litigieux n’aura à intervenir qu’après le règlement des sommes qui leur sont dues par la SCI Les Girondins,

– dire que les loyers perçus resteront au bénéfice des concluants de même que l’avantage fiscal dont ils auraient joui, à titre de dommages et intérêts complémentaires.

– dire qu’ils devront restituer au Crédit Foncier de France les sommes mises à leur disposition, soit au total la somme de 151.166 euros et le Crédit Foncier de

France devra leur restituer le montant du capital, des intérêts, frais et accessoires de toute nature du prêt acquittés par eux arrêté à la date de l’arrêt à intervenir étant précisé que la SCI Les Girondins sera condamnée à les relever et les garantir ainsi que Crédit Foncier de France des restitutions précitées,

– condamner la SCI Les Girondins et Madame [N] [A] in solidum à les relever et les garantir de toute somme qui pourrait être due par eux envers l’administration fiscale suivant l’annulation de la vente du bien litigieux,

– constater qu’ont participé ou profité du dol ou encore ont failli à leur devoir de

renseignement la SCI Les Girondins et Madame [N] [A], et qu’en tout état de cause, leurs agissements ont causé un préjudice aux acquéreurs,

– condamner in solidum la SCI Les Girondins et Madame [N] [A] à leur payer la somme provisoirement arrêtée à la date des présentes à 12.000,00 euros à titre de dommages et intérêts, complémentaires à l’annulation de la vente,

– dire que les sommes allouées à titre de dommages et intérêts, porteront intérêts de droit à compter de la demande en justice, avec capitalisation dans les conditions de l’article 1154 du Code civil,

– déclarer que l’opération qui leur a été présentée était une opération financière complexe de long terme (i) ayant pour support un bien immobilier géré par un tiers, (ii) intégralement financée par un emprunt remboursé par la perception de loyers, par les réductions d’impôt procurées par le dispositif d’incitation fiscale Scellier avec en complément un effort d’épargne mensuel, (iii) destinée à permettre, suivant la revente du bien au terme de l’engagement de location, le remboursement du prêt contracté et la réalisation d’un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni et donc la constitution d’un capital,

– déclarer que Madame [A] est intervenue dans le cadre d’un démarchage pour leur présenter l’opération était tenue à leur égard à une obligation d’information, à un devoir de conseil et de mise en garde,

– déclarer que dans le cadre de cette opération, les perspectives de valorisation du bien au terme de l’engagement de location revêtaient une importance essentielle pour ne pas dire cruciale dès lors que la possibilité d’atteindre l’objectif assigné à l’opération (la constitution d’un capital) dépendait très étroitement et principalement de la valeur du bien au terme de l’engagement de location,

– déclarer qu’il appartenait en conséquence à Madame [A] de se renseigner sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location pour (i) les informer utilement et satisfaire à son obligation d’information, (ii) vérifier que l’opération proposée était adaptée à l’objectif de constitution d’un capital et satisfaire à son devoir de conseil,

– déclarer qu’en s’abstenant de réaliser la moindre étude sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location et en leur communiquant l’étude financière faisant état de perspectives de valorisation du bien litigieux au terme de l’engagement de location totalement irréalistes et fondées sur des données purement théoriques, Madame [A] a manqué à son obligation d’information et à son devoir de conseil,

– déclarer que Madame [A], nécessairement consciente en sa qualité de professionnel des risques qu’elle leur faisait courir aurait dû attirer leur attention sur le caractère purement théorique des informations des études financières relatives aux perspectives de réalisation d’un capital et les risques pour eux à s’engager dans une opération dont la réussite était fondée sur des données purement théoriques et qu’à aucun moment, cette mise en garde n’a été opérée, la seule mention du caractère non contractuel de l’étude financière étant parfaitement insuffisante à caractériser une telle mise en garde,

– déclarer que quand bien même ils n’ignoraient pas que l’investissement proposé (comme d’ailleurs tout investissement) comportait une part d’aléa, l’absence d’étude préalable par Madame [A] sur les perspectives réelles de valorisation du bien au terme de l’engagement de location et la communication sans mise en garde d’une information y relative totalement irréaliste, les ont conduit à s’exposer à un risque certain ou quasi-certain qui s’est réalisé,

– déclarer que les manquements de Madame [A] et de la SCI Les Girondins à leur obligation d’information, à leur devoir de conseil et de mise en garde les ont privé de la chance d’éviter le risque certain ou quasi certain qui s’est réalisé (i) que la valeur du bien au terme de l’engagement de location ne permet pas de réaliser un capital net supérieur à l’effort d’épargne fourni, (ii) que la valeur du bien au terme de l’engagement de location ne permet même pas de rembourser le solde du capital restant dû auprès de l’établissement ayant financé l’opération litigieuse, (iii) d’avoir ainsi, et pendant de nombreuses années, fourni en vain un important effort d’épargne (sans constituer le moindre capital),

– condamner in solidum, avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir, la SCI Les Girondins et Madame [N] [A] au paiement de la somme de 43.276 euros au titre de la réparation de leur préjudice,

– déclarer que les manquements de la SCI Les Girondins et Madame [N] [A] à leur obligation d’information et à leur devoir de conseil sont aussi pour eux la cause d’un préjudice moral distinct du préjudice financier causé par le stress lié à la présente procédure initiée pour faire valoir leurs droits,

– condamner, in solidum avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’arrêt à intervenir, la SCI Les Girondins et Madame [N] [A] au paiement de la somme de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause,

– condamner, in solidum la SCI Les Girondins, Madame [N] [A], le Crédit Foncier de France, S.A. Axa France Vie, S.A. Axa France Iard au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens,

– déclarer infondées les intimées en leur argumentation,

– les débouter de toutes leurs demandes, fins et conclusions contraires.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 février 2024, Madame [N] [A] demande à la cour de :

A titre liminaire,

– confirmer le jugement rendu le 22 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de Libourne

– déclarer irrecevables comme prescrites les demande de M. [X] et Mme [L],

– rejeter l’intégralité des prétentions fins et conclusions de M. [X] et Mme [L] à son encontre,

Et si par impossible l’action était déclarée recevable et le jugement infirmé sur la

prescription,

A titre principal,

– la déclarer recevable en ses demandes,

– rejeter la demande de nullité pour dol,

– débouter Madame [L] et Monsieur [X] de toutes les demandes fins et conclusions à son encontre,

– condamner solidairement Madame [L] et Monsieur [X] aux entiers dépens et à lui payer une somme de 12.000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,

– débouter la SAS groupe Omnium Finance de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions à son encontre,

Et si par impossible la Cour recevait favorablement les demandes de réparations et

condamnation des appelants,

– condamner in solidum la SAS groupe Omnium Finance et la SCI Les Girondins,

Dans ses dernières conclusions en date du 28 septembre 2021, la SCI Les Girondins demande à la cour de :

– dire et juger Monsieur [X] et Madame [L] irrecevables en leur action et en leurs demandes dès lors qu’ils ont omis de procéder à la publication de leur acte introductif d’instance auprès du service de publicité foncière de [Localité 9],

– dire et juger Monsieur [X] et Madame [L] irrecevables en leur action et en leurs demandes en tant qu’ils sont prescrits,

En conséquence et en tout état de cause,

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

A titre subsidiaire,

– dire et juger que Monsieur [X] et Madame [L] ne rapportent nullement la preuve

d’un quelconque dol,

– dire et juger que Monsieur [X] et madame [L] ne rapportent nullement la preuve

d’un quelconque préjudice,

– les débouter de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions, tant en principal,

qu’intérêt et frais,

A titre très subsidiaire,

– dire et juger que Madame [A] et la société SAS groupe Omnium Finance ont commis des fautes et manquements dans le cadre de leur obligation de conseil renforcée à son égard, dans le cadre de l’exécution du mandat qui leur a été confié, à l’origine des préjudices subis par la concluante.

– dire et juger que Madame [A] et la société SAS Groupe Omnium Finance ont engagé leur responsabilité à son égard,

– condamner in solidum Madame [A] et la société SAS groupe Omnium Finance à la garantir et la relever indemne de toutes condamnations, tant en principal qu’intérêts et frais, susceptibles d’intervenir à son encontre au profit des consorts [X] et [L] et de toutes parties à la procédure.

– condamner en outre la société SAS groupe Omnium Finance à lui payer la somme de 144.810 euros à titre de dommages et intérêts suite à sa perte de chance subie par la concluante dans l’hypothèse où le tribunal viendrait à prononcer la nullité de la vente de l’immeuble,

– dire et juger que cette somme sera assortie des intérêts au taux légal avec capitalisation des intérêts sur le fondement des dispositions de l’art. 1154 du Code civil.

En toute hypothèse,

– débouter toutes les parties de toutes leurs demandes dirigées à son encontre,

– condamner in solidum toutes parties succombantes à lui payer une somme de 4.000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions du 19 février 2024, le Crédit Foncier de France demande à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement attaqué en toutes ses dispositions

– débouter l’ensemble des parties des demandes qu’elles pourraient formulées à son encontre,

A titre subsidiaire,

Si par impossible la cour infirmait le jugement attaqué et prononçait la nullité du contrat

de vente du 23 juin 2006 et par voie de conséquence, la résolution ou la nullité du contrat de prêt souscrit,

– condamner Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] à lui restituer les fonds qui leur ont été remis en vertu du contrat de prêt, à savoir la somme de 151.166 euros, avec intérêts au taux légal sur chacun des déblocages de fonds, jusqu’au paiement en restitution, sous déduction des règlements qui auront pu être faits par les emprunteurs ;

– condamner in solidum les parties jugées responsables de la nullité de la vente ayant

entraîné la résolution ou la nullité du prêt, à réparer son entier préjudice direct réel et certain à savoir :

– la différence entre les intérêts conventionnels qu’elle aurait perçu sur les sommes débloquées au profit de Monsieur [H] [X] et de Madame [O] [L] jusqu’à la restitution des fonds prêtés, étant précisé que cette somme s’élève à 33.340,15 € au 6 décembre 2023, à parfaire, et les intérêts au taux légal que lui devront Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L],

– les primes d’assurance, étant précisé que cette somme s’élève à 8 978,56 € au 6 décembre 2023 €, à parfaire,

– ordonner le maintien des garanties hypothécaires (privilège de prêteur de deniers, hypothèque conventionnelle) dont il dispose sur l’immeuble financé, jusqu’au remboursement de toutes les sommes qui lui reviendront en vertu du jugement à intervenir.

– condamner in solidum les parties qui succomberont à lui verser la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC de première instance, outre les entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions en date du 11 août 2021, les sociétés Axa France Vie et Axa France Iard demandent à la cour de :

A titre principal,

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne en date du 22

décembre 2020 en ce qu’il a débouté Monsieur [X] et Madame [L] de ses demandes pour cause de prescription,

A titre subsidiaire, si par impossible la cour infirmait le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne,

– prononcer la mise hors de cause de la société Axa France Iard,

– déclarer que seule la Compagnie Axa France Vie est le contractant direct de Madame [O] [L] et Monsieur [H] [X],

– déclarer que la compagnie Axa France Vie s’en remet à l’appréciation souveraine de la cour sur les demandes formulées par les appelants, étant précisé que l’accessoire suivant le principal, l’annulation du contrat de prêt rendrait de facto caduque l’adhésion au contrat d’assurance groupe emprunteur,

– déclarer bien fondée la compagnie Axa France Vie à conserver les cotisations perçues jusqu’alors, la résiliation n’ayant d’effet que pour l’avenir,

– condamner Monsieur [X] et Madame [L] ou toute partie succombante à régler à la compagnie Axa France Vie la somme de somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions en date du 23 janvier 2024, la société Finzzle Capital demande à la cour de :

– débouter les appelants de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– rejeter toute demande formée au titre de l’appel provoqué ;

– confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Libourne en date du 22 décembre 2020 en ce qu’il a :

– déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de Monsieur [H] [X] et de Madame [O] [L],

– rejeté l’intégralité des prétentions de Monsieur [H] [X] et de Madame [O] [L],

– condamné Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] aux dépens, dont distraction au profit de Maître Vieuville, avocat,

Statuant à nouveau,

A titre liminaire,

– juger qu’elle n’est, à aucun moment, intervenue dans la préparation, la signature ou encore l’exécution de l’investissement immobilier réalisé par Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] et n’a, par voie de conséquence, aucun intérêt à se défendre à l’encontre de ces appelants de Madame [N] [A], de la SCCV Les Girondins ou encore, de la SA Crédit Foncier de France,

– rejeter, en conséquence, comme irrecevables les prétentions tant de Madame [N] [A] que de toutes autres parties intimées et en particulier de la SCCV Les Girondins ou encore, de la SA Crédit Foncier de France, en ce qu’elles sont formulées à son encontre mettre, en conséquence, celle-ci hors de cause, aux frais et dépens exclusifs de Madame [N] [A] ayant diligenté l’appel provoqué,

A titre principal,

– juger que le point de départ de la prescription des actions en nullité et en indemnisation doit être fixé au plus tard le 12 janvier 2010, date de la seconde location de l’appartement litigieux, intervenue après une période de vacance locative,

– rejeter, en conséquence, comme prescrites la demande de nullité portant notamment sur le contrat notarié de vente en l’état futur d’achèvement du 23 juin 2006, formulée par Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L], ainsi que toutes prétentions indemnitaires constituant l’accessoire de ses demandes d’annulation,

– rejeter comme prescrites les demandes subsidiaires d’indemnisation, formulées à l’encontre de Madame [N] [A] par Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L], ou qui seraient formulées à son encontre,

A titre subsidiaire,

– débouter Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] de leurs demandes en nullité et responsabilité pour dol ou encore manquements prétendus aux devoirs d’information et de conseil concernant la vente en l’état futur d’achèvement qu’ils ont conclue avec la SCCV Les Girondins, suivant acte reçu par Maître [T] [D], Notaire, le 23 juin 2006, ainsi que du prêt conclu avec la S.A Crédit Foncier de France,

– débouter Monsieur [H] [X] et Madame [O] [L] de l’ensemble de leurs prétentions indemnitaires tant celles constituant l’accessoire de leurs demandes d’annulation que celles formulées de manière autonome

A titre infiniment subsidiaire,

– débouter Madame [N] [A] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions récursoires en tant que formulées à son encontre,

– débouter la S.A Crédit Foncier de France de l’ensemble de ses demandes subsidiaires telles qu’elles seraient de nouveau formulées à son encontre,

En tout état de cause et reconventionnellement,

– condamner Madame [N] [A] et, in solidum avec elle, toute autre partie succombante, à lui payer une indemnité de 15.000,00 € hors taxe sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamner enfin Madame [N] [A] et, in solidum avec elle, toute autre partie succombante, aux entiers dépens tant de première instance que d’appel, le tout avec distraction au profit de Maître Eva Vieuville, avocat, sur ses affirmations de droit, en application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 février 2024.

Pour une plus ample connaissance du litige et des prétentions et moyens des parties, il est fait expressément référence aux dernières conclusions et pièces régulièrement communiquées par les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I-Sur l’irrecevabilité de la demande en nullité pour défaut de publicité foncière

La SCI Les Girondins soutient que faute pour eux d’avoir publié leur assignation en nullité de vente immobilière au bureau des hypothèques de Libourne, l’action des consorts [X] et [L] doit être déclarée irrecevable.

Selon l’article 28 4° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 :

‘Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles :

1° Tous actes, même assortis d’une conditions suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs:

a) mutation ou constitution de droits réels immobiliers, y compris les obligations réelles définies à l’article L. 132-3 du code de l’environnement, autres que les privilèges et hypothèques, qui sont conservés suivant les modalités prévues au code civil ;

b) bail pour une durée de plus de douze années, et, même pour un bail de moindre durée, quittance ou cession d’une somme équivalente à trois années de loyers ou fermages non échus ;

c) Titre d’occupation du domaine public de l’Etat ou d’un de ses établissements publics constitutif d’un droit réel immobilier délivré en application des articles L. 34-1 à L. 34-9 du code du domaine de l’Etat et de l’article 3 de la loi n° 94-631 du 25 juillet 1994 ainsi que cession, transmission ou retrait de ce titre.

(…)

4° Les actes et décisions judiciaires, énumérés ci-après, lorsqu’ils portent sur des droits soumis à publicité en vertu du 1° :

(…)

c) Les demandes en justice tendant à obtenir, et les actes et décisions constatant, la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision d’une convention ou d’une disposition à cause de mort ;’

L’article 30 du même décret ajoute dans son 5° :

‘5° Les demandes tendant à faire prononcer la résolution, la révocation, l’annulation ou la rescision de droits résultant d’actes soumis à publicité ne sont recevables devant les tribunaux que si elles ont été elles-mêmes publiées conformément aux dispositions de l’article 28-4°, c, et s’il est justifié de cette publication par un certificat du service chargé de la publicité foncière ou la production d’une copie de la demande revêtue de la mention de publicité.’

Mais, bien qu’ils ne s’en expliquent pas dans leurs conclusions, les appelants produisent aux débats une copie de l’assignation du 30 juin 2016 portant mention d’une publication et d’un enregistrement au service de la publicité foncière de [Localité 9], le 7 juillet 2017.

Par conséquent l’irrecevabilité n’est pas encourue de ce chef.

II-Sur la prescription de l’action en nullité pour dol

L’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 , applicable en l’espèce, prévoyait que ‘dans tous les cas où l’action en nullité ou en rescision d’une convention n’est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court dans le cas de violence que du jour où elle a cessé; dans le cas d’erreur ou de dol, du jour où ils ont été découverts.’

Si l’article 2224 issu de l’ordonnance précitée prévoit désormais que ‘les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer’, il demeure qu’en application du texte précédemment applicable, le point de départ du délai de prescription se situe au moment où les manoeuvres dolosives invoquées sont révélées à l’acquéreur ainsi que l’erreur en résultant.

La charge de la preuve du point de départ d’un délai de prescription incombe à celui qui invoque cette fin de non-recevoir (Com. 24 janv. 2024, no 22-10.492 B.).

Les consorts [X] et [L] invoquent deux erreurs provoquées par les manoeuvres dolosives qu’ils imputent à Mme [A] : une erreur sur la valeur vénale du bien qu’ils ont acquis le 20 janvier 2006 aux termes du contrat de réservation réitéré ensuite par acte authentique, le 23 juin 2006 et une erreur sur la valeur locative réelle de ce bien.

En effet, selon eux, alors que l’appartement leur a été vendu pour une somme de 144 810 €, une estimation réalisée le 25 mars 2016 concluait à une valeur vénale variant entre 70 000 et 80 000 €.

Par ailleurs, alors qu’on leur avait promis que cet appartement se louerait moyennant un prix de 531 € par mois, il a fallu très vite en baisser le montant à 421 € en 2010 et subir de longues périodes de vacance.

Ils soutiennent que ces erreurs sans lesquelles ils n’auraient pas contracté, ont été provoquées par les mensonges de Mme [A] et que ce n’est que respectivement les 25 mars 2016 et 1er janvier 2015 qu’ils ont découvert les tromperies des vendeurs.

Par conséquent, affirment-ils, le point de départ de la prescription ne saurait être antérieur de sorte que leur action en nullité, engagée les 1er, 4 et 18 juillet 2016, ne doit pas être considérée comme prescrite.

Force est de constater que les intimés ne démontrent pas que les consorts [X] et [L] ont eu connaissance de la valeur réelle de leur bien avant l’estimation à laquelle ils ont fait procéder le 25 mars 2016.

Au demeurant, il est effectivement peu probable qu’ils s’en soient préoccupés plus tôt puisqu’ils étaient tenus de conserver et de louer leur appartement pendant 9 ans pour pouvoir bénéficier des avantages fiscaux liés à cette opération.

Ils n’ont dû songer à le revendre qu’à compter de 2015 comme ils l’indiquent eux-mêmes.

Pour ce qui concerne la valeur locative de l’appartement, la constatation de sa dégradation s’imposait nécessairement en même temps que baissaient les loyers et que s’allongeaient les périodes de vacance mais d’une part, cet aspect de l’opération ne peut être dissocié de l’évolution de la valeur vénale de l’appartement puisque c’est l’ensemble de l’opération qui doit être considérée et d’autre part, s’il y a bien eu en 2010, une vacance du logement suffisamment longue pour contraindre les propriétaires à baisser significativement le loyer, il n’y a plus eu par la suite de vacance un tant soit peu significative.

Par conséquent, il ne peut être considéré que cette seule difficulté a pu convaincre les acquéreurs de l’erreur qu’ils avaient faite de sorte que la prescription devait courir à compter de janvier 2010.

La prescription ne peut donc être considérée comme acquise et le jugement sera infirmé sur ce point.

III-Sur l’annulation de la vente pour dol

Selon l’article 1116 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur au 1er octobre 2016 de la réforme du droit des obligations, le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté. Il ne se présume pas et doit être prouvé.

Le dol exige en conséquence que soit rapportée la preuve de manoeuvres dolosives émanant du cocontractant ayant vicié le consentement et emporté erreur dans son esprit.

M. [H] [X] et Mme [O] [L]-[P] reprochent à Mme [A] de leur avoir fait croire qu’elle travaillait en toute indépendance et leur proposait donc une solution patrimoniale spécialement conçue pour eux et sélectionnée parmi d’autres alors qu’elle était chargée exclusivement par la SCI Les Girondins de vendre ses produits.

Ils affirment que les simulations qui leur ont été présentées les 14 et 23 mars 2006 présentaient comme certain, selon l’hypothèse envisagée et l’effort d’épargne consenti, que le bien acquis pour 144 810 € se valoriserait de 2 % par an et qu’à l’issue de la période de défiscalisation de neuf ans, celui-ci vaudrait 159 149 € voire 182 687 € et qu’ils disposeraient d’un capital disponible de 81 601 € ou de 103 410 € alors qu’en réalité toutes les estimations auxquelles ils ont eu recours dès 2015 faisait apparaître une valeur vénale n’excédant pas 70 000 à 80 000 € tandis que la cote annuelle des valeurs vénales immobilières et foncières au 1er janvier 2006 permet de constater qu’en réalité, lors de l’acquisition de ce bien, s’agissant d’un immeuble pouvant être classé dans la catégorie ‘moyen’ en termes de qualité, celui-ci ne valait pas plus de 86 846 €.

Ils considèrent que les manoeuvres dolosives dont ils ont été victimes procédaient également des affirmations erronées concernant le rendement locatif de l’appartement puisqu’alors que Mme [A] leur garantissait un loyer de 531 € par mois augmentant de 2 % chaque année, ils ont été confrontés à des difficultés de location s’étant traduites par des vacances et ayant nécessité de le baisser.

Les consorts [X] et [L] qui soutiennent que leur préjudice est constitué par la perte de chance d’éviter le risque, dont la réalisation est certaine, que la valeur du bien ne permette pas de réaliser un capital net supérieur à l’effort d’épargne subi, soulignent que les documents qui leur ont été remis ne faisaient état d’aucun risque financier, qu’en réalité le contexte local était particulièrement défavorable de sorte qu’il était acquis dès l’origine que les perspectives de rentabilité vantées par Mme [A] étaient irréalisables.

Mais c’est de façon quelque peu contradictoire que les appelants étaient leur démonstration sur la valeur réelle de leur acquisition tant lors de celle-ci que plusieurs années plus tard alors que par ailleurs, ils affirment que leur demande n’est pas fondée sur une surévaluation du bien lors de son achat ni même lors de d’une éventuelle revente (cf p45 de leurs conclusions).

En tout état de cause, l’erreur sur la valeur du bien vendu ne peut justifier la résolution de la vente sauf si celle-ci résulte d’un dol.

En l’espèce, pour ce qui concerne la valeur réelle de l’appartement lors de son acquisition au regard du prix effectivement payé, aucune indication n’est fournie sur la cote sur laquelle s’appuient les consorts [X] et [L], notamment sur sa fiabilité.

Par ailleurs, il n’apparaît pas, et il n’est d’ailleurs pas allégué, que pour rendre le prix demandé crédible, des manoeuvres quelconques, un argumentaire spécifique ou des documents aient été présentés de manière à convaincre les acheteurs.

Ceux-ci devaient en revanche, comme pour tout achat immobilier par un acquéreur normalement diligent, se livrer à des vérifications minimales et ne peuvent donc se plaindre d’avoir payé un prix excessif.

Ce prix de départ étant acquis, une valorisation de 2 % par an n’apparaissait pas nécessairement excessive même s’il n’est guère contestable qu’en effet, l’appartement présente aujourd’hui une valeur vénale bien en deçà de son prix d’achat.

S’agissant du loyer, il importe de relever que le loyer annoncé de 531 € par mois a pu être appliqué lors de la première location et ce sans attente puisque l’appartement a pu être loué à ce prix dès le 1er juin 2007, la date de livraison se situant au 30 mars 2007.

Ce loyer a été maintenu jusqu’au 8 mars 2009.

Si par la suite, il a en effet été nécessaire de le baisser, il n’a en revanche été observé que des périodes de vacance de durée limitée et peu fréquentes, soit 10 mois entre le 8 mars 2009 et le 12 janvier 2010 et 4 mois entre le 14 octobre 2013 et le 15 février 2014.

Depuis lors, il n’est pas fait état d’une période de vacance quelconque.

Les documents remis aux acquéreurs et en particulier les simulations ne garantissaient en rien le maintien du loyer ni une absence de vacance à telle enseigne au demeurant qu’au contraire, qu’une assurance spécifique était proposée à ce sujet.

De plus, en tout état de cause, les simulations incriminées n’ont pu influer sur le choix opéré par M. [X] et Mme [L]-[P] puisque postérieures à la signature par eux du contrat de réservation du 20 janvier 2006.

Enfin, Mme [A] justifie avoir elle-même souscrit à un programme parfaitement similaire, certes en un lieu différent, mais cela démontre qu’elle croyait elle-même à ce type de montage et contribue à exclure toute mauvaise foi de sa part.

Dans ces conditions, la preuve n’est donc pas rapportée de l’existence d’un dol et l’annulation de la vente sera donc écartée.

IV-Sur la prescription de l’action en dommages et intérêts pour manquement au devoir de conseil

M. [X] et Mme [L] estiment que Mme [A], qui se présentait comme spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine, était tenue à une obligation d’information et de conseil dont elle s’est abstenue.

Elle avait donc, selon eux, le devoir d’attirer leur attention sur les risques encourus et de mettre en balance les avantages et les inconvénients des divers investissements répondant à leurs objectifs et de ne pas se limiter à les diriger exclusivement vers la résidence ‘Les Girondins’.

Qu’elle ne saurait s’exonérer par la seule mention figurant sur les documents remis que ceux-ci n’avaient aucune valeur contractuelle.

Il lui reprochent de n’avoir fourni qu’une information purement théorique sans s’être renseignée concrètement sur les perspectives réelles du placement qu’elle leur conseillait.

La société Finzzle Capital, Mme [A] et la SCI Les Girondins invoquent la prescription de l’action formée sur ce fondement.

Il est constant à ce sujet que selon l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 et donc applicable en l’espèce, les actions en responsabilité extra contractuelle se prescrivent par dix ans à compter de la manifestation du dommage ou de son aggravation.

La loi susvisée a néanmoins réduit le délai de prescription à 5 ans.

Plus précisément, s’agissant d’un investissement locatif immobilier, la manifestation du dommage pour l’acquéreur ne peut résulter que de faits susceptibles de lui révéler l’impossibilité d’obtenir la rentabilité envisagée lors de la conclusion du contrat (Civ 3, 26 oct. 2022, 21-19.899).

Par conséquent, il n’est pas nécessaire que, contrairement à l’hypothèse du dol, l’erreur ait été découverte et il suffit qu’il existe des faits de nature à laisser penser à l’acquéreur qu’il a subi un préjudice.

Mais encore faut-il qu’il existe de tels faits.

Par ailleurs, la charge de la preuve de l’acquisition de la prescription repose sur celui qui l’invoque.

Or, les intimés, et plus particulièrement la société Finzzle Capital, n’invoquent qu’un seul fait, à savoir la vacance du logement pendant une durée de dix mois, entre mars 2009 et janvier 2010, pour en déduire que le point de départ de la prescription doit se situer à cette dernière date.

Ils ne sauraient en revanche soutenir que les consorts [X] et [L] ne peuvent retenir la date de fin de l’amortissement fiscal ou celle de l’estimation du bien, le 25 mars 2016, au motif que ce serait laisser à la seule discrétion des acquéreurs le choix du point de départ de la prescription puisqu’il est patent que précisément, faute d’estimation, ceux-ci ne pouvait prendre conscience de leur préjudice.

La seule constatation d’une vacance, certes longue, ne peut être considérée comme un fait de nature suffisante à leur faire prendre conscience du dommage.

Par conséquent, la prescription de l’action en dommages et intérêts n’était pas effective et le jugement sera réformé sur ce point.

V-Sur le manquement au devoir d’information et de conseil

M. [H] [X] et Mme [O] [L]-[P] soutiennent que Mme [A] était tenue d’un devoir d’information et de conseil et ne pouvait donc se cantonner à leur délivrer une information purement théorique.

Qu’il lui appartenait de se renseigner elle-même sur les caractéristiques du bien qu’elle proposait et sur ses perspectives de valorisation sans mettre uniquement l’accent sur ses aspects favorables.

Qu’elle était débitrice d’un devoir de conseil distinct de son obligation d’information et de renseignement .

Ils associent la SCI Les Girondins aux fautes ainsi reprochées au motif que celle-ci, en sa qualité de mandataire, ne saurait s’en exonérer.

Cependant, s’il est exact que Mme [A] était tenu d’une obligation d’information et de conseil, celle-ci doit s’apprécier différemment de celle-ci d’un conseiller en gestion de patrimoine indépendant que les consorts [X] et [L] seraient allés consulter de leur propre chef.

En l’espèce, ceux-ci, qui affirment eux-mêmes avoir été démarchés sans pour autant préciser dans quelles conditions exactes, ne pouvaient ignorer que la démarche de Mme [A] était donc de nature commerciale et qu’elle n’agissait qu’en vue de placer un seul produit.

L’ensemble des documents de présentation, à mi-chemin entre le document publicitaire et la plaquette financière, ne pouvait leur laisser aucun doute à cet égard.

Il ne peut lui être reproché par conséquent d’avoir adopté une position nécessairement laudative dès lors qu’elle ne s’accompagnait pas d’un comportement déloyal ou d’informations délibérément erroné.

Il n’est pas démontré qu’en l’espèce, elle ait fourni des indications inexactes et les simulations, au demeurant postérieures à la signature du contrat de réservation, n’apparaissaient pas grossièrement exagérées.

Rien ne permet non plus de considérer que Mme [A] savait, ou aurait savoir, que le marché local immobilier entraînerait une dégradation de la valeur de l’appartement et de sa rentabilité.

Par conséquent, aucune faute ne peut être établie à la charge de Mme [A] et le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande sur le fond.

VI- Sur les demandes annexes

Les consorts [X]-[L], qui succombent dans leur appel, en supporteront la charge des dépens.

Par ailleurs, il ne sera pas fait application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire, mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Infirme le jugement du tribunal judiciaire de Libourne en date du 22 décembre 2020 en ce qu’il a déclaré irrecevables comme prescrites les demandes de M. [H] [X] et de Mme [O] [L]-[P],

Statuant à nouveau de ce chef,

Déclare recevables les demandes de M. [H] [X] et de Mme [O] [L]-[P] en annulation de vente et en dommages et intérêts,

Confirme le jugement en ce qu’il les a déboutés de l’intégralité de leurs demandes,

Dit n’y avoir lieu de faire application de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [H] [X] et Mme [O] [L]-[P] aux dépens d’appel.

La présente décision a été signée par Monsieur Jacques BOUDY, président, et Madame Mélody VIGNOLLE-DELTI, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top