Aux termes de l’article L. 244-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.
1. Attention à vérifier la régularité des actions en recouvrement diligentées par l’URSSAF, car celles-ci doivent être conformes à la législation en vigueur pour être valables.
2. Il est recommandé de prendre en compte les délais de prescription des actions en recouvrement des cotisations sociales, qui se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.
3. Il est conseillé de bien documenter et justifier toute demande indemnitaire en cas de préjudice financier causé par une faute, afin de pouvoir obtenir réparation en cas de litige.
L’affaire concerne une SASU qui a sollicité l’URSSAF pour bénéficier du dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales en raison des difficultés financières liées à la pandémie de Covid-19. L’URSSAF a refusé cette demande, ce qui a conduit la société à contester cette décision devant la Commission de recours amiable, puis devant le tribunal judiciaire de Paris. La société demande le remboursement d’une somme prélevée par l’URSSAF, conteste une mise en demeure pour le paiement de cotisations et affirme être éligible au dispositif d’aide. L’URSSAF soutient que la société n’est pas éligible en raison de son code APE. Le tribunal doit statuer sur ces différents points, avec un délibéré prévu pour le 15 mai 2024.
Sur l’étendue du litige
L’URSSAF soutient que les moyens tirés de la régularité du recouvrement de l’aide au paiement des cotisations et de la mise en demeure relative au paiement des cotisations de février à mai 2020 excèdent l’objet du litige, celui-ci étant limité à la question de savoir si la demanderesse est en droit de bénéficier du dispositif d’aide en faveur des entreprises en difficultés, impactées par les conséquences financières liées à l’épidémie de Covid-19.
Or, la question de fond de l’éligibilité de la société à ce dispositif n’a vocation à se poser qu’à condition que les actions en recouvrement diligentée par l’URSSAF soient régulières et non prescrites. Ces deux questions entrent donc dans l’objet du litige et il convient d’y répondre.
Sur la régularité de la récupération du montant de l’aide au paiement des cotisations opérée par l’URSSAF
Aux termes de l’article R. 243-6 du code de la sécurité sociale : « I. – Pour chaque établissement, les employeurs déclarent et versent les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent au sens des dispositions de l’article R. 130-2.
(…)
II. – Le versement prévu au I est effectué le mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues, au plus tard aux échéances suivantes :
1° Le 5 de ce mois pour les employeurs dont l’effectif est d’au-moins cinquante salariés et dont la paie est effectuée au cours du même mois que la période de travail ;
2° Le 15 de ce mois dans les autres cas. »
Aux termes de l’article R. 243-43-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007, en vigueur du 1er septembre 2007 au 1er janvier 2024 : « Pour l’exercice des missions définies à l’article L. 213-1, les organismes de recouvrement procèdent à la vérification de l’exactitude et de la conformité à la législation en vigueur des déclarations qui leur sont transmises par les travailleurs indépendants et les employeurs, personnes privées ou publiques. (…) »
L’article R. 243-43-4 du même code, dans sa version issue du décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, en vigueur du 11 juillet 2016 au 1er janvier 2024 : « Lorsqu’à l’issue des vérifications mentionnées à l’article R. 243-43-3, l’organisme de recouvrement envisage un redressement, il en informe le cotisant en lui indiquant :
1° Les déclarations et les documents examinés ;
2° Les périodes auxquelles se rapportent ces déclarations et documents ;
3° Le motif, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé ;
4° La faculté dont il dispose de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre aux observations faites, sa réponse devant être notifiée à l’organisme de recouvrement dans un délai de trente jours ;
5° Le droit pour l’organisme d’engager la mise en recouvrement en l’absence de réponse de sa part à l’issue de ce même délai.
Lorsque le cotisant a fait part de ses observations dans le délai prévu au 4°, l’organisme de recouvrement lui confirme s’il maintient ou non sa décision d’engager la mise en recouvrement pour tout ou partie des sommes en cause.
L’organisme de recouvrement engage, dans les conditions définies à l’article R. 244-1, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard faisant l’objet du redressement :
-soit à l’issue du délai fixé au 4° en l’absence de réponse du cotisant parvenue dans ce délai à l’organisme ;
-soit après l’envoi par l’organisme de recouvrement du courrier par lequel il a été répondu aux observations du cotisant. (…) »
Enfin, l’article L. 244-2 du code de sécurité sociale dispose que toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois.
En l’espèce, la société [3] a effectué sa déclaration sociale nominative de novembre 2020 en intégrant l’exonération exceptionnelle Covid de ses cotisations patronales et l’aide au paiement des cotisations sociales.
Par deux courriers de 7 avril et 8 juillet 2021, l’URSSAF a indiqué à la société que le montant de l’aide au paiement sollicité lui apparaissait incohérent et ne pouvait être pris en compte et l’invitait à rectifier le montant de l’aide déclaré via une régularisation ou à prendre contact avec l’organisme pour justifier de son calcul.
Par décision du 10 septembre 2021, l’URSSAF a refusé à la société [3] le bénéfice du dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales.
La société soutient que ce courrier lui a été adressé à une adresse erronée, sans être contredite pas l’URSSAF qui ne justifie pas de la réception de ce courrier par la société, lequel ne saurait en tout état de cause valoir mise en demeure.
L’URSSAF ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure préalable aux prélèvements opérés sur le compte bancaire de la société en date des 2 décembre 2021, 2 janvier 2022, 2 février 2022 et 2 mars 2022 et ne conteste pas que ceux-ci avaient pour objet la récupération du montant de l’aide au paiement des cotisations retenu par la société ce qui équivaut à un redressement.
Faute d’avoir été précédée d’une mise en demeure, la récupération opérée est donc irrégulière et l’URSSAF sera condamnée à restituer à la société [3] la somme de 28 195 euros.
Sur la prescription de l’action en recouvrement des cotisations sociales des mois de février à mai 2020
Aux termes de l’article L. 244-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.
En l’espèce, la société [3] a formulé une demande d’exonération des cotisations et contributions sociales au titre des mois de février à mai 2020.
L’URSSAF lui a refusé le bénéfice de cette exonération par courrier du 10 septembre 2021. Cette décision, pas plus que la saisine de la commission de recours n’ont eu pour effet d’interrompre le délai de prescription triennale.
Le 10 janvier 2024, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer la somme de 40 581 euros au titre des cotisations (38 650 euros) et majorations de retard (1 931 euros) dues au titre des mois de février à mai 2020.
Or, cette mise en demeure ayant été émise plus de trois ans après l’année civile au titre de laquelle les cotisations étaient dues, soit le 31 décembre 2020, l’action en recouvrement de l’URSSAF est prescrite.
*
Dès lors, et sans besoin de statuer sur la question de l’éligibilité de la société [3] au dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales en faveur des entreprises en difficultés, impactées par les conséquences financières liées à l’épidémie de Covid-19, il sera fait droit aux demandes de la requérante.
Sur la demande indemnitaire
Aux termes de l’article 1240 du code procédure civile, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
En l’espèce, la société affirme que la faute commise par l’URSSAF lui a causé un préjudice financier sans en justifier.
Elle sera donc déboutée de sa demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires
L’URSSAF, qui succombe au principal, est condamnée au paiement des dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [3] l’ensemble des frais qu’elle a dû engager dans le cadre de la présente instance.
A défaut de justificatif des sommes réellement engagés, il apparaît équitable de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, l’ancienneté du litige justifie d’ordonner l’exécution provisoire.
– La SASU [3] est condamnée à rembourser la somme de 28 195 euros par l’URSSAF Île-de-France
– L’URSSAF Île-de-France est condamnée à payer les dépens de l’instance
– L’URSSAF Île-de-France doit verser la somme de 1 500 euros à la SASU [3] au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Code de la sécurité sociale
– Code de procédure civile
Article R. 243-6 du code de la sécurité sociale:
« I. – Pour chaque établissement, les employeurs déclarent et versent les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent au sens des dispositions de l’article R. 130-2.
(…)
II. – Le versement prévu au I est effectué le mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues, au plus tard aux échéances suivantes :
1° Le 5 de ce mois pour les employeurs dont l’effectif est d’au-moins cinquante salariés et dont la paie est effectuée au cours du même mois que la période de travail ;
2° Le 15 de ce mois dans les autres cas. »
Article R. 243-43-3 du code de la sécurité sociale:
« Pour l’exercice des missions définies à l’article L. 213-1, les organismes de recouvrement procèdent à la vérification de l’exactitude et de la conformité à la législation en vigueur des déclarations qui leur sont transmises par les travailleurs indépendants et les employeurs, personnes privées ou publiques. (…) »
Article R. 243-43-4 du code de la sécurité sociale:
« Lorsqu’à l’issue des vérifications mentionnées à l’article R. 243-43-3, l’organisme de recouvrement envisage un redressement, il en informe le cotisant en lui indiquant :
1° Les déclarations et les documents examinés ;
2° Les périodes auxquelles se rapportent ces déclarations et documents ;
3° Le motif, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé ;
4° La faculté dont il dispose de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre aux observations faites, sa réponse devant être notifiée à l’organisme de recouvrement dans un délai de trente jours ;
5° Le droit pour l’organisme d’engager la mise en recouvrement en l’absence de réponse de sa part à l’issue de ce même délai. (…) »
Article L. 244-2 du code de sécurité sociale:
« Toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. »
Article L. 244-3 du code de la sécurité sociale:
« Les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues. »
Article 1240 du code procédure civile:
« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
Article 696 du code de procédure civile:
« L’URSSAF, qui succombe au principal, est condamnée au paiement des dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile. »
Article 700 du code de procédure civile:
« A défaut de justificatif des sommes réellement engagés, il apparaît équitable de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. »
Article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale:
« S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Maud FAUCHON
– Monsieur [W] [T]
Mots clefs associés
– Litige
– URSSAF
– Aide au paiement des cotisations
– Mise en demeure
– Régularité
– Recouvrement
– Déclarations
– Vérification
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– Cotisations sociales
– Prescription
– Exonération
– Majorations de retard
– Préjudice financier
– Dépens
– Frais
– Exécution provisoire
– Litige : conflit ou désaccord entre deux parties pouvant être résolu par la justice
– URSSAF : Union de Recouvrement des cotisations de Sécurité Sociale et d’Allocations Familiales
– Aide au paiement des cotisations : soutien financier apporté aux entreprises pour les aider à payer leurs cotisations sociales
– Mise en demeure : acte par lequel une personne demande à une autre de remplir une obligation sous peine de poursuites
– Régularité : conformité aux règles et aux normes établies
– Recouvrement : action de récupérer des sommes dues
– Déclarations : formalités administratives consistant à informer les autorités compétentes de certaines informations
– Vérification : action de contrôler la conformité ou l’exactitude de quelque chose
– Redressement : action de corriger une erreur ou une situation défavorable
– Cotisations sociales : contributions financières obligatoires versées par les employeurs et les salariés pour financer la protection sociale
– Prescription : délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Exonération : dispense de paiement de certaines obligations fiscales ou sociales
– Majorations de retard : pénalités financières appliquées en cas de non-paiement dans les délais prévus
– Préjudice financier : dommage causé à une personne ou à une entreprise sur le plan financier
– Dépens : frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Frais : dépenses liées à une activité ou à une opération spécifique
– Exécution provisoire : mise en œuvre d’une décision de justice avant que celle-ci ne soit définitive
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
1 Expédition délivrée à Maître FAUCHON en LS le :
■
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/02922 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLDE
N° MINUTE :
Requête du :
15 Novembre 2022
JUGEMENT
rendu le 15 Mai 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. [3]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 1]
Représentée par Maître Maud FAUCHON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DÉFENDERESSE
U.R.S.S.A.F. ILE-DE-FRANCE DEPARTEMENT CONTENTIEUX AMIABLES ET JUDICIAIRES
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Monsieur [W] [T], muni d’un pouvoir spécial
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde SEZER, Juge
Paulin VINGATARAMIN, Assesseur
Céline VUILLET, Assesseur
assistés de Marie LEFEVRE, Greffière
Décision du 15 Mai 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/02922 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLDE
DEBATS
A l’audience du 06 Mars 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 15 Mai 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE LITIGE
La SASU [3] a sollicité l’URSSAF Ile-de-France afin de bénéficier du dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales en faveur des entreprises en difficulté, impactées par les conséquences financières liées à l’épidémie de Covid-19.
Par deux courriers de 7 avril et 8 juillet 2021, l’URSSAF a indiqué à la société que le montant de l’aide au paiement sollicité lui apparaissait incohérent et ne pouvait dès lors être pris en compte.
Par décision du 10 septembre 2021, l’URSSAF a refusé à la société [3] le bénéfice du dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales.
Par courrier du 11 janvier 2022 (non produit), l’URSSAF a adressé à la société [3] un courrier faisant état d’un délai de paiement au titre des cotisations du mois de décembre 2020.
Par quatre prélèvements en date des 2 décembre 2021, 2 janvier 2022, 2 février 2022 et 2 mars 2022, l’URSSAF a récupéré auprès de la société [3] la somme de 28 195 euros.
Par message électronique du 20 janvier 2022 puis par courrier du 1er juillet 2022, la société a indiqué à l’URSSAF qu’elle n’avait sollicité aucun délai de paiement mais déduit du montant des cotisations dues le montant de l’aide au paiement sollicité.
Par courrier du 15 juillet 2022, la société a saisi la Commission de recours amiable de l’URSSAF, sollicitant un réexamen de sa situation.
En l’absence de réponse de la CRA, la société a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris du rejet implicite de son recours amiable, par courrier du 15 novembre 2022.
Cette affaire a été enrôlée sous le numéro RG 22/02922.
Lors de sa séance du 14 novembre 2022, la commission a rendu une décision au terme de laquelle elle a confirmé l’inéligibilité de la société au dispositif d’aide.
La société [3] a alors saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris d’une nouvelle requête à l’encontre du rejet explicite de son recours par la commission.
Cette affaire a été enregistrée sous le numéro RG 23/00246.
Les parties ont été convoquées à l’audience du 20 septembre 2023 à laquelle la jonction des procédures a été ordonnée sous le seul numéro RG 22/02922 et l’affaire renvoyée au 6 mars 2023 pour permettre à l’URSSAF de répliquer aux dernières écritures de la demanderesse.
Le 10 janvier 2024, l’URSSAF Île-de-France a adressé à la société une mise en demeure d’avoir à payer la somme de 40 581 euros au titre des cotisations des mois de février à mai 2020. La société a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse.
A l’audience du 6 mars 2023, les parties ont toutes deux comparu et ont été entendues en leurs écritures.
Au terme de ses conclusions, la société [3] demande au tribunal de :
Ordonner que la somme de 28 195 euros lui soit remboursée par l’URSSAF ; Juger la demande en paiement des cotisations des mois de février à mai 2020 pour un montant de 40 581 euros prescrit ;Condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ; Débouter l’URSSAF de l’ensemble de ses demandes ; Condamner l’URSSAF au paiement des entiers dépens ; Condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;Ordonner l’exécution provisoire.
Elle soutient tout d’abord que les prélèvements opérés par l’URSSAF en récupération de la somme de 28 195 euros au titre de l’aide au paiement des cotisations sont irréguliers, ceux-ci étant intervenus sans envoi préalable d’une mise en demeure et soutient, invoquant une décision de la cour d’appel de Nancy, que de ce simple fait, la somme correspondante doit lui être restituée.
Elle soutient en outre, sur le fondement de l’article L. 244-3, alinéa 1er et d’un arrêt de la deuxième chambre civile de la cour de cassation du 3 avril 2014 (pourvoi n° 13-15.136) que le délai de prescription de l’action en recouvrement des cotisations sociales est de trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues de sorte que la mise en demeure émise le 10 janvier 2024 au titre des cotisations de février à mai 2020 est irrégulière.
Sur le fond, elle soutient en tout état de cause qu’elle était éligible au dispositif d’aide mise en place dès lors qu’elle exerçait entre février et novembre 2020 une activité principale de régie publicitaire, comme le confirmait son code APE de l’époque, activité visée par le décret n ° 2020-1328 du 2 novembre 2020 ayant modifié le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 fixant la liste des activités ouvrant droit au dispositif d’exonération et d’aide au paiement des cotisations.
Elle fait valoir que la faute commise par l’URSSAF l’a placée dans une situation financière « très compliquée ».
En défense, l’URSSAF Île-de-France demande oralement au tribunal d’entériner la décision de la commission de recours amiable ayant refusé la demande d’aide et d’exonération formulée par la société au motif que son code APE ne lui permet pas d’en bénéficier.
Elle estime que la contestation relative à la reprise des aides opérée par l’URSSAF et à la mise en demeure du 10 janvier 2024 excède les limites du litige.
Elle fait valoir en outre ne pas avoir eu la possibilité de répliquer quant à la prescription soulevée, sans pour autant formuler de demande de renvoi.
Le délibéré a été fixé au 15 mai 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’étendue du litige,
L’URSSAF soutient que les moyens tirés de la régularité du recouvrement de l’aide au paiement des cotisations et de la mise en demeure relative au paiement des cotisations de février à mai 2020 excèdent l’objet du litige, celui-ci étant limité à la question de savoir si la demanderesse est en droit de bénéficier du dispositif d’aide en faveur des entreprises en difficultés, impactées par les conséquences financières liées à l’épidémie de Covid-19.
Or, la question de fond de l’éligibilité de la société à ce dispositif n’a vocation à se poser qu’à condition que les actions en recouvrement diligentée par l’URSSAF soient régulières et non prescrites. Ces deux questions entrent donc dans l’objet du litige et il convient d’y répondre.
Sur la régularité de la récupération du montant de l’aide au paiement des cotisations opérée par l’URSSAF,
Aux termes de l’article R. 243-6 du code de la sécurité sociale : « I. – Pour chaque établissement, les employeurs déclarent et versent les cotisations sociales aux organismes de recouvrement dont ces établissements et leurs salariés relèvent au sens des dispositions de l’article R. 130-2.
(…)
II. – Le versement prévu au I est effectué le mois suivant la période de travail au titre de laquelle les rémunérations sont dues, au plus tard aux échéances suivantes :
1° Le 5 de ce mois pour les employeurs dont l’effectif est d’au-moins cinquante salariés et dont la paie est effectuée au cours du même mois que la période de travail ;
2° Le 15 de ce mois dans les autres cas. »
Aux termes de l’article R. 243-43-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version issue du décret n°2007-546 du 11 avril 2007, en vigueur du 1er septembre 2007 au 1er janvier 2024 : « Pour l’exercice des missions définies à l’article L. 213-1, les organismes de recouvrement procèdent à la vérification de l’exactitude et de la conformité à la législation en vigueur des déclarations qui leur sont transmises par les travailleurs indépendants et les employeurs, personnes privées ou publiques. (…) »
L’article R. 243-43-4 du même code, dans sa version issue du décret n°2016-941 du 8 juillet 2016, en vigueur du 11 juillet 2016 au 1er janvier 2024 : « Lorsqu’à l’issue des vérifications mentionnées à l’article R. 243-43-3, l’organisme de recouvrement envisage un redressement, il en informe le cotisant en lui indiquant :
1° Les déclarations et les documents examinés ;
2° Les périodes auxquelles se rapportent ces déclarations et documents ;
3° Le motif, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé ;
4° La faculté dont il dispose de se faire assister d’un conseil de son choix pour répondre aux observations faites, sa réponse devant être notifiée à l’organisme de recouvrement dans un délai de trente jours ;
5° Le droit pour l’organisme d’engager la mise en recouvrement en l’absence de réponse de sa part à l’issue de ce même délai.
Lorsque le cotisant a fait part de ses observations dans le délai prévu au 4°, l’organisme de recouvrement lui confirme s’il maintient ou non sa décision d’engager la mise en recouvrement pour tout ou partie des sommes en cause.
L’organisme de recouvrement engage, dans les conditions définies à l’article R. 244-1, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard faisant l’objet du redressement :
-soit à l’issue du délai fixé au 4° en l’absence de réponse du cotisant parvenue dans ce délai à l’organisme ;
-soit après l’envoi par l’organisme de recouvrement du courrier par lequel il a été répondu aux observations du cotisant. (…) »
Enfin, l’article L. 244-2 du code de sécurité sociale dispose que toute action ou poursuite effectuée en application de l’article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d’un avertissement par lettre recommandée de l’autorité compétente de l’Etat invitant l’employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois.
En l’espèce, la société [3] a effectué sa déclaration sociale nominative de novembre 2020 en intégrant l’exonération exceptionnelle Covid de ses cotisations patronales et l’aide au paiement des cotisations sociales.
Par deux courriers de 7 avril et 8 juillet 2021, l’URSSAF a indiqué à la société que le montant de l’aide au paiement sollicité lui apparaissait incohérent et ne pouvait être pris en compte et l’invitait à rectifier le montant de l’aide déclaré via une régularisation ou à prendre contact avec l’organisme pour justifier de son calcul.
Par décision du 10 septembre 2021, l’URSSAF a refusé à la société [3] le bénéfice du dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales.
La société soutient que ce courrier lui a été adressé à une adresse erronée, sans être contredite pas l’URSSAF qui ne justifie pas de la réception de ce courrier par la société, lequel ne saurait en tout état de cause valoir mise en demeure.
L’URSSAF ne justifie pas de l’envoi d’une mise en demeure préalable aux prélèvements opérés sur le compte bancaire de la société en date des 2 décembre 2021, 2 janvier 2022, 2 février 2022 et 2 mars 2022 et ne conteste pas que ceux-ci avaient pour objet la récupération du montant de l’aide au paiement des cotisations retenu par la société ce qui équivaut à un redressement.
Faute d’avoir été précédée d’une mise en demeure, la récupération opérée est donc irrégulière et l’URSSAF sera condamnée à restituer à la société [3] la somme de 28 195 euros.
Sur la prescription de l’action en recouvrement des cotisations sociales des mois de février à mai 2020,
Aux termes de l’article L. 244-3, alinéa 1er, du code de la sécurité sociale, les cotisations et contributions sociales se prescrivent par trois ans à compter de la fin de l’année civile au titre de laquelle elles sont dues.
En l’espèce, la société [3] a formulé une demande d’exonération des cotisations et contributions sociales au titre des mois de février à mai 2020.
L’URSSAF lui a refusé le bénéfice de cette exonération par courrier du 10 septembre 2021. Cette décision, pas plus que la saisine de la commission de recours n’ont eu pour effet d’interrompre le délai de prescription triennale.
Le 10 janvier 2024, l’URSSAF a mis en demeure la société de payer la somme de 40 581 euros au titre des cotisations (38 650 euros) et majorations de retard (1 931 euros) dues au titre des mois de février à mai 2020.
Or, cette mise en demeure ayant été émise plus de trois ans après l’année civile au titre de laquelle les cotisations étaient dues, soit le 31 décembre 2020, l’action en recouvrement de l’URSSAF est prescrite.
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Dès lors, et sans besoin de statuer sur la question de l’éligibilité de la société [3] au dispositif d’exonération des cotisations patronales et d’aide au paiement des cotisations sociales en faveur des entreprises en difficultés, impactées par les conséquences financières liées à l’épidémie de Covid-19, il sera fait droit aux demandes de la requérante.
Sur la demande indemnitaire,
Aux termes de l’article 1240 du code procédure civile, « Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »
En l’espèce, la société affirme que la faute commise par l’URSSAF lui a causé un préjudice financier sans en justifier.
Elle sera donc déboutée de sa demande indemnitaire.
Sur les demandes accessoires,
L’URSSAF, qui succombe au principal, est condamnée au paiement des dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En outre, il serait inéquitable de laisser à la charge de la société [3] l’ensemble des frais qu’elle a dû engager dans le cadre de la présente instance.
A défaut de justificatif des sommes réellement engagés, il apparaît équitable de condamner l’URSSAF à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, l’ancienneté du litige justifie d’ordonner l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant par décision contradictoire, rendue en premier ressort, et mise à disposition au greffe,
DECLARE irrégulière la procédure de récupération opérée par l’URSSAF Île-de-France au titre de l’aide au paiement des cotisations sollicitée par la SASU [3] ;
CONDAMNE l’URSSAF Île-de-France à rembourser à la SASU [3] la somme de 28 195 euros ;
DECLARE l’action en recouvrement des cotisations sociales et majorations de retards pour les mois de février à mai 2020, objet de la mise en demeure du 10 janvier 2024, prescrite ;
DEBOUTE la SASU [3] de sa demande de dommages-intérêts ;
CONDAMNE l’URSSAF Île-de-France au paiement des dépens de l’instance ;
CONDAMNE l’URSSAF Île-de-France à payer à la SASU [3] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE l’exécution provisoire ;
Fait et signé à Paris, le 15 mai 2024.
La greffièreLa présidente
N° RG 22/02922 – N° Portalis 352J-W-B7G-CYLDE
EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :
Demandeur : S.A.S. [3]
Défendeur : U.R.S.S.A.F. ILE-DE-FRANCE DEPARTEMENT CONTENTIEUX AMIABLES ET JUDICIAIRES
EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :
A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.
En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.
P/Le Directeur de Greffe
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