Contrôle étroit de l’activité des VRP : une faute de l’employeur

Notez ce point juridique

L’employeur qui utilise un dispositif déclaratif de suivi des déplacements a des fins de contrôle non seulement de l’activité du salarié mais de l’organisation de ses journées et ce pour faitre des commentaires négatifs, lui reprocher de démarrer sa journée de prospection après 9 heures, de passer trop de temps en ‘phoning’ ou travail administratif alors même qu’il convient d’observer que le statut de VRP accorde aux personnes qui en relèvent une autonomie en matière d’organisation du travail, est un manquement à l’obligation de loyauté.

Cette attitude constitue de la part de l’employeur un manquement à l’obligation de loyauté inhérente à l’exécution de tout contrat de travail, lequel a causé au VRP un préjudice de 500 euros à titre de dommages et intérêts.


L’affaire concerne le licenciement pour faute grave de M. [J] par la société CREA, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de produits d’entretien de jardinage et bricolage. M. [J] a contesté son licenciement devant le conseil de prud’hommes de Fontainebleau, qui a partiellement statué en sa faveur en lui accordant des commissions de retour sur échantillonnage. M. [J] a interjeté appel de cette décision, demandant une indemnité compensatrice de préavis, des indemnités diverses et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La société CREA a également interjeté appel, soutenant que le licenciement reposait sur une faute grave. Une intervention volontaire de la SAS CREA, successeur de la SARL CREA, a également été enregistrée. L’affaire est en attente de jugement de la cour.

Sur l’intervention volontaire

Eu égard à la transformation de la SARL CREA en SAS, l’intervention volontaire de la SAS CREA aux lieu et place de la SARL CREA sera déclarée recevable.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté

M. [J] sollicite la réparation de son préjudice de ce chef à hauteur de la somme de 3000 euros aux motifs que l’employeur aurait mis en place une surveillance anormale et déloyale de son activité notamment par la mise en place irrégulière d’un système de surveillance de l’activité du véhicule.

Sur le licenciement

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Dès lors que les griefs invoqués dans la lettre de licenciement n’étaient pas matériellement établis, le licenciement de M. [J] pour faute grave a été requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

En application des dispositions légales, M. [J] a droit à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi qu’à une indemnité de clientèle.

Sur le remboursement des indemnités chômage

La société CREA a été condamnée à rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [J] dans la limite de trois mois d’indemnités.

Sur le rappel de commissions au titre de retour sur échantillonages

La société CREA a été condamnée à verser à M. [J] le solde de rappel de commissions à la somme de 203,21 euros brut.

Sur les intérêts

Les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification à l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il a été ordonné à la société CREA de remettre à M. [J] un bulletin de paie ainsi qu’une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société CREA a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel et à verser à M. [J] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de loyauté
– 9.230,16 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis
– 923,01 euros bruts à titre de congés payés afférents
– 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 18.000 euros à titre d’indemnité de clientèle
– 2.813,21 euros brut à titre de commissions de retour sur échantillonnage
– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile


Réglementation applicable

– Code du Travail
– Code de la Sécurité sociale
– Accord national interprofessionnel des VRP
– Code de procédure civile

Article du Code du Travail cité:
Article L.7313-9: « En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui. »

Article du Code de la Sécurité sociale cité:
Article L.911-8: « En application de l’article L.911-8 du code de la Sécurité sociale créé par la loi de Sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, vous pouvez conserver, sous réserve de prise en charge par le régime d’assurance chômage, le bénéfice du régime de frais de santé en vigueur au sein de notre entreprise. »

Article de l’Accord national interprofessionnel des VRP cité:
Article 12: « Les rémunérations et indemnités de rupture sont calculées sur la base de la rémunération moyenne mensuelle brute des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels. »

Article du Code de procédure civile cité:
Article 700: « Il y a lieu de condamner la société CREA aux dépens de première instance et d’appel et à verser à M. [J] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Yoann ALLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152
– Me Véronique REHBACH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1786

Mots clefs associés

– Intervention volontaire
– Dommages et intérêts
– Obligation de loyauté
– Surveillance de l’activité
– Contrôle de l’activité du salarié
– Utilisation du véhicule professionnel
Insuffisance professionnelle
– Licenciement pour faute grave
– Indemnités de licenciement
– Indemnité de clientèle

– Intervention volontaire : action délibérée et intentionnelle d’une personne pour participer à une situation ou à un processus
– Dommages et intérêts : somme d’argent versée à une personne en réparation d’un préjudice subi
– Obligation de loyauté : devoir pour une personne de se comporter de manière honnête et loyale envers une autre personne ou une organisation
– Surveillance de l’activité : contrôle exercé sur les actions et les comportements d’une personne dans le cadre de son travail
– Contrôle de l’activité du salarié : supervision des tâches et des performances d’un employé par son employeur
– Utilisation du véhicule professionnel : utilisation d’un véhicule fourni par l’employeur dans le cadre de l’activité professionnelle
– Insuffisance professionnelle : manque de compétences ou de performances suffisantes dans l’exercice d’une profession ou d’un emploi
– Licenciement pour faute grave : rupture du contrat de travail en raison d’une faute sérieuse commise par le salarié
– Indemnités de licenciement : sommes versées par l’employeur au salarié en cas de licenciement
– Indemnité de clientèle : compensation financière versée à un salarié en cas de perte de sa clientèle suite à la fin de son contrat de travail

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 7

ARRÊT DU 21 MARS 2024

(n° 122, 13 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02382 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDJ4S

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 février 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de FONTAINEBLEAU – RG n° 20/00102

APPELANT

Monsieur [A] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Yoann ALLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : D0152

INTIMÉE

S.A.S. CREA

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Véronique REHBACH, avocat au barreau de PARIS, toque : C1786

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 18 janvier 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre,

Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre,

Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller,

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

La société CREA a pour objet la conception, la fabrication et la commercialisation des produits d’entretien de jardinage et bricolage.

Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective des voyageurs représentants placiers.

M. [A] [J] a été embauché par la société CREA, par contrat à durée indéterminée du 1er juin 2015, en qualité de VRP exclusif. Le contrat de travail a fait l’objet de cinq avenants.

Par courrier du 16 mai 2018, M. [J] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 28 mai 2018. Cette convocation était assortie d’une mise à pied à titre conservatoire.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 1er juin 2018, la société CREA a notifié à M. [J] son licenciement pour faute grave.

Contestant la mesure de licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Fontainebleau par requête en date du le 14 août 2020.

Par jugement contradictoire du 12 février 2021, le conseil de prud’hommes a :

– condamné la société CREA à verser la somme de 2.610 euros au titre des commissions de retour sur échantillonnage ;

– condamné le demandeur à verser la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de droit selon l’article R. 1454-28 du code du travail ;

– dit que les entiers dépens sont à la charge du demandeur ;

– débouté le demandeur du surplus de ses demandes.

Par déclaration notifiée par le RPVA le 1er mars 2021, M. [J] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 27 mai 2021, M. [J] demande à la cour de :

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il a :

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 12.811,98 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 1.281,19 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 43.963,59 euros au titre de l’indemnité de clientèle ;

*débouté M. [J] de sa demande subsidiaire tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 3.202,99 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 17.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de loyauté ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer la somme de 5.504,10 euros au titre des commissions de retour sur échantillonnage ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à condamner la société CREA à lui payer les intérêts légaux sur le montant des condamnations qui auraient dû être prononcées à l’encontre de la société CREA et ce à compter de la saisine du conseil de prud’hommes le 13 décembre 2018 ;

*débouté M. [J] de sa demande de capitalisation des intérêts ;

*débouté M. [J] de sa demande tendant à voir ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision de première instance d’un bulletin de salaire et d’une attestation pôle emploi conformes ;

*condamné la société CREA à verser la seule somme de 2.610 euros au titre des commissions de retour sur échantillonnage ;

*condamné M. [J] à verser 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

et, statuant à nouveau,

– constater le caractère non réel et sérieux du licenciement prononcé à l’encontre de M. [J] ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 12.811,98 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 1.281,19 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 43.963,59 euros au titre de l’indemnité de clientèle ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 3.202,99 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 17.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de loyauté ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 5.504,10 euros au titre des commissions de retour sur échantillonnage ;

– condamner la société CREA au paiement des intérêts légaux sur le montant des condamnations qui seront prononcées à son encontre à compter de la saisine du Conseil de Prud’hommes le 13 décembre 2018 ;

– ordonner la capitalisation des intérêts ;

– ordonner la remise sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir d’un bulletin de salaire et d’une attestation pôle emploi conformes ;

– condamner la société CREA à lui payer la somme de 4.500,00 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 26 août 2021, la société CREA demande à la cour de :

– recevoir l’appel interjeté le 1er mars 2021 par M. [J] contre le jugement rendu le 12 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Fontainebleau, Section Encadrement, notifié par courrier du 12 février 2021 ;

Le disant mal fondé,

– l’en débouter intégralement ;

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– en particulier, dire et juger que le licenciement notifié le 1er juin 2018 par la SARL CREA à M. [J] repose sur une faute grave ;

– donner acter à la SARL CREA de ce qu’elle offre de payer à M. [J] la somme de 2.813,21 euros brut au titre des commissions de retour sur échantillonnages, déduction faite de la somme de 2.610,00 euros brut, versée au titre de l’exécution provisoire ;

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [J] à lui payer une indemnité de 500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [J] à lui payer une indemnité de 2.000,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la Cour ;

– condamner M. [J] aux dépens.

La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’instruction a été déclarée close le 22 novembre 2023.

Aux termes de ses conclusions d’intervention volontaire déposées par la voie électronique le 18 janvier 2024, la SAS CREA demande à la Cour de :

– recevoir l’appel interjeté le 1er mars 2021 par Monsieur [A] [J] contre le jugement rendu le 12 février 2021 par le Conseil de Prud’hommes de Fontainebleau, section Encadrement, notifié par courrier du 12 février 2021 ;

Vu la transformation de la SARL CREA en SAS CREA,

Vu les dispositions de l’article 554 du Code de Procédure Civile,

– constater l’intervention volontaire de la SAS CREA aux lieu et place de la SARL CREA ;

– la dire recevable ;

– dire l’appel interjeté par Monsieur [A] [J] mal fondé ;

– l’en débouter intégralement ;

– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

– en particulier, dire et juger que le licenciement notifié le 1er juin 2018 par la SARL CREA à M.[A] [J] repose sur une faute grave ;

– donner acte à la SAS CREA de ce qu’elle offre de payer à M. [A] [J] la somme de 2.813,21 € brut au titre des commissions de retour sur échantillonnages, déduction faite de la somme de 2.610,00 € brut, versée au titre de l’exécution provisoire ;

– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné M. [A] [J] à payer à la SAS CREA une indemnité de 500,00 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner M. [A] [J] à payer à la SAS CREA une indemnité de 2.000,00 € par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile devant la cour ;

– condamner M. [A] [J] aux dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’intervention volontaire

Eu égard à la transformation de la SARL CREA en SAS, l’intervention volontaire de la SAS CREA aux lieu et place de la SARL CREA sera déclarée recevable.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de loyauté

M. [J] sollicite la réparation de son préjudice de ce chef à hauteur de la somme de 3000 euros aux motifs que l’employeur aurait mis en place une surveillance anormale et déloyale de son activité notamment par la mise en place irrégulière d’un système de surveillance de l’activité du véhicule.

La société objecte avoir prévenu l’ensemble des commerciaux par mail du 25 septembre 2017 de l’existence et du contenu du dispositif mis en place, lequel ne porte pas sur la géolocalisation du véhicule nécessitant une déclaration préalable.

Il n’est pas contesté en l’espèce que l’employeur a informé l’ensemble des commerciaux de la mise en place d’un dispositif par mail du 25 septembre 2017 en ces termes :

‘Afin de pouvoir suivre votre activité et pouvoir améliorer votre productivité, nous avons mis en place un nouveau tableau de suivi que les CDV remplissent chaque semaine.

Afin d’être totalement transparent avec vous, je tiens à ce que vous sachiez que nous

recevons depuis une semaine l’activité de votre véhicule.

Nous savons à quelle heure vous démarrez votre journée, le nombre de kms effectués

et le temps passé au volant.

Tous ces éléments vont nous permettre de mieux « driver » votre activité’.

Cette information a été confirmée par le salarié par un mail du 26 septembre 2017.

La question posée n’a pas trait à la licéité ou pas du système mis en place dès lors que n’intégrant pas un système de géolocalisation il ne devait pas faire l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL mais à la finalité de son utilisation.

Or, il s’évince des pièces versées que l’employeur utilisait ce dispositif à des fins de contrôle non seulement de l’activité du salarié mais de l’organisation de ses journées et ce pour faitre des commentaires négatifs, lui reprocher de démarrer sa journée de prospection après 9 heures, de passer trop de temps en ‘phoning’ ou travail administratif alors même qu’il convient d’observer que le statut de VRP accorde aux personnes qui en relèvent une autonomie en matière d’organisation du travail.

Cette attitude constitue de la part de l’employeur un manquement à l’obligation de loyauté inhérente à l’exécution de tout contrat de travail, lequel a causé à M. [J] un préjudice qu’il convient de réparer par le versement d’une somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Sur le licenciement

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied conservatoire, résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; il appartient à l’employeur d’en rapporter la preuve.

Dès lors que l’employeur se place sur le terrain disciplinaire, il supporte intégralement la charge de la preuve invoquée.

Il est constant que l’incompétence ou l’insuffisance professionnelle ne sont fautives que dans la mesure où elles résultent d’un agissement volontaire du salarié.

Ainsi, une insuffisance de résultats ne peut donner lieu à un licenciement disciplinaire que si l’employeur fait la démonstration de la volonté du salarié de ne pas appliquer ses directives.

En l’espèce, aux termes de la lettre du licenciement, qui fixe les termes du litige, l’employeur fait au salarié les reproches suivants :

‘Monsieur,

Par lettre recommandée du 16.05.2018 et lettre remise en mains propres le 17.05.2018, nous vous avons convoqué à un entretien fixé au 28.05.2018 à 14H pour vous entendre sur les fautes qui vous sont reprochées.

Nous vous signifiâmes également une mise à pied à titre conservatoire à compter du 17.05.2018.

Vous vous êtes bien présenté à l’entretien et vous avez été assisté par Madame [E] [V] membre de la DUP.

Monsieur [B] [T], Directeur Commercial, était également présent.

Nous avons pu donc exposer les fautes qui vous sont reprochées et entendre ainsi vos explications.

1- Nous vous avons repraché d’avoir utilisé le 01.05.2018 le véhicule professionnel pour votre usage personnel pour 93 kilomètres.

Nous vous rappelons les termes de votre contrat ‘il est évident que la voiture, le badge autoroure, le téléphone pertable ainsi que le PC et accessoires (imprimante, …) qui sont mis à votre disposition le sont dans un cadre strictement professionnel’.

Le 23.05.2016, suite à un accident que vous aviez eu avec le véhicule Société le dimanche 22 mai 2016, nous vous avions adressé un avertissement et nous vous avions rappelé que le véhicule est mis à votre disposition pour un usage strictement professionnel.

Le 11 décembre 2017, par mail, Madame [D] [Z], Directrice administrative, vous rappelle que l’usage du véhicule professionnel est interdit à titre personnel.

Elle constate que depuis plusieurs mois, vous utilisez le véhicule chaque weekend pour environ 200kms.

Le 27.02.2018, par lettre recommandée avec A.R, nous vous adressons un avertissement pour un usage de véhicule le 24 février 167,2 kms et le 25 février 41.2 kms.

Nous vous rappelions par ailleurs que nous avions con entretien annuel et vous nous aviez annoncé que vous prendrez en compte ce fait en achetant un véhicule.

Malgré ces rappels, ces avertissements, vous continuez a utiliser le véhicule a titre personnel.

Tout ceci est inacceptable et votre refus continuel de vous soumettre aux règles, malgré notre patience et notre compréhension, constitue une faute grave.

2- Nous considérons à ce jour que votre activité professionnelle n’est pas au niveau que l’on pour exiger a un commercial de votre expérience et surtout que vous n’appliquer pas les consignes du la Direction Commerciale.

Votre CA arrêté à fin avril 2018 est équivalent à celui de fin avril 2017. Il faut noter que vous avez une progression de 22K€ pour l’entreprise [7] qui est une enseigne très directive, donc nécessitant peu d’effort commercial avec référencement de plusieurs nouveautés. Et ceci relative à votre niveau d’activité.

Dans le même temps, vos autres collègues ont des progressions significatives

[G] [O] +80%

[H] [N] +48%

[Y] [F] +17%

[I] [U] +11%

[X] [P] +8%

[M] [W] +8%

[C] [S] + 17%

Vous concluez que le niveau de vos résultats est dû à une météo dégradée, ce que nous pouvons admettre en partie, mais effectivement notre activité météo dépendante et ceci est valable pour l4ensemble des secteurs !

Notre reproche ne porte pas que sur le niveau de vos résultats, mais surtout sur votre volonté de ne pas appliquer les directives de vos supérieurs pour améliorer vos résultats.

Nous avons la volonté de nous développer sur la SA et les centrales prioritaires (BCM, [5])

Et à ce jour vous n’avez toujours pas fait les efforts nécessaires.

Sur Le premier trimestre, sur la Centrale U, vus avez fait 5 appels téléphoniques pour 30 magasins avec 1 magasin pour client. Pour CARREFOUR 3 appels pour 40 magasins, avec 1 magasin client. [5], 4 appels pour 26 magasins avec 5 magasins clients. BRICOMARCHE 2 appels pour 28 magasins avec 4 magasins clients.

Votre activité téléphonique est très largement insuffisante pour pouvoir organiser sur ces centrales une véritable prospection.Par ailleurs, ces lacunes ont été soulevées de nombreuse fois. lors des entretiens annuels et par des mails et des courriers recommandées

Le 15.01.2016, par lettre recommandée avec AR, nous vous demandions de développer votre activité sur les GSA et nous vous adressions un avertissement. Nous vous avions fixé un objectif particulier pour le 1° trimestre 2016. Le 08.03.2016, nous avions constaté que vous n’étiez pas encore au niveau.

Le 24.01.2017, par lettre recommandée avec AR, nous constations un retard considérable dans vos objectifs et vos lacunes sur la méconnaissance technique des produits.

Le 06.03.2017, par courrier et mail, nous constations votre non atteint des objectifs.

Lors de vos entretiens annuels, nous avions eu l’occasion de vous reprocher votre manque de productivité par un manque de travail, du non respect de la politique commerciale, du manque de rendez-vous et d’un planning insuffisant.

Cette volonté de ne pas appliquer les consignes claires et précises constitue une faute grave et entraîne des résultats très insuffisants pour une ancienneté de 3 années et tenant compte que nous avons fait preuve d’une grande patience et que nous avons toujours été à vos côtés pour vous soutenir ci nécessaire.

Tous ces éléments nous amènent à vous confirmer votre licenciement pour faute grave et ainsi à compter de ce jour, vous ne faites plus partie de la Société et ce sans préavis.

Nous vous confirmons votre mise à pied du 17.05.2018 jusqu’à ce jour.

En application de l’article L.911-8 du code de la Sécurité sociale créé par la loi de Sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013, vous pouvez conserver, sous réserve de prise en charge par le régime d’assurance chômage, le bénéfice du régime de frais de santé en vigueur au sein de notre entreprise. Pour cela, nous vous demandons de bien vouloir vous référer au courrier joint dont l’objet est : LETTRE D’INFORMATION SUR LA PORTABILITE DES DROITS FRAIS DE SANTE

L’ensemble de vos documents de fin de contrat seront à votre disposition sous huit jours, le temps de calculer l’ensemble de vos commissions.

Nous vous prions d’agréer, Monsieur, l’expression de nos sincères salutations .’

Il s’en évince que l’employeur formule deux griefs qu’il convient d’examiner successivement :

– l’utilisation par le salarié du véhicule professionnel à des fins personnelles le 1er mai 2018 suite à de nombreux rappels à l’ordre ;

– le refus de respecter des consignes de l’employeur entrainant des résultats insuffisants.

S’agissant du premier grief, il doit être rappelé qu’aux termes de son contrat il était mis à la disposition du salarié une voiture de société avec la précision que ce véhicule, tout comme le badge autoroute, le téléphone portable ainsi que le PC, etc, étaient mis à disposition dans un cadre strictement professionnel.

Au soutien de ce grief l’employeur produit :

– le courrier adressé au salarié le 23 mai 2016 lui notifiant un avertissement suite à un accident survenu le week end avec le véhicule de la société alors qu’il n’était pas en activité professionnelle et lui rappelant que son contrat de travail stipule que ce véhicule est mis à sa disposition dans le cadre strictement professionnel ;

– le même jour Mme [Z] [D], directrice administratif, lui rappelait par mail que la société tolérait l’utilisation du véihicule le week-end pour ‘aller chercher sa baguette et ses croissants’ alors que le lieu de l’accident était à 120 kms de son domicile ;

– par mail du 11 décembre 2017, Mme [D] s’interogeait sur le nombre de kilomètres qu’il continuait à faire avec son véhicule à des fins personnelles, lui rappelait que les véhicules de la société ne doivent pas être utilisés à titre personnel et l’encourageait à trouver une solution (achat véhicule ou location) pour ne plus utiliser le véhicule à des fins personnelles autres que ‘d’aller acheter sa baguette le week-end’ alors que le salarié en faisait un usage ‘quasi’ chaque week-end pour environ 200 kms ;

– un deuxième avertissement était notifié le 17 février 2018 au salarié toujours pour l’usage à des fins personnlelles du véhicule ;

– les attestations de quatre employés confirmant l’interdiction d’utiliser à des fins personnelles le véhicule de la société ainsi que le mail en date du 24 mai 2018 interdisant à un salarié l’usage du véhicule à des fins personnelles.

M. [J] soutient qu’une tolérance existait dans la société quant à cette utilisation. Il en veut pour preuve plusieurs mails adressés par son supérieur hiérarchique. Celui-ci lui indiquait par mail en date du 23 mai 2016 suite à un avertissement notifié en raison de l’usage du véhicule à des fins personnelles que cet avertissement avait pour but essentiel de ‘couvrir vis à vis de l’Urssaf’ en cas de contrôle non déclaré d’un véhicule de fonction et lui précisait de ne pas se focaliser sur ce courrier. Suite à son interrogation à propos de déplacements pendant les congés, M. [B], son supérieur hiérarchique, lui avait par mail du 18 juillet 2016 confirmé qu’il pouvait partir en vacances avec ce véhicule à la condition qu’il ne parte pas à l’étranger, ne fasse pas 5000 kms durant les 3 semaines de congé et lui rappelant que ‘l’usage le week end est toléré il faut donc être très prudent’.

Par ailleurs, il souligne que l’employeur ne verse aucune pièce établissant l’utilisation du véhicule à des fins personnelles le 1er mai 2018.

Dès lors, alors que l’employeur avait épuisé son pouvoir disciplinaire lors de la notification du second avertissement le 17 février 2018 et en l’absence de toute pièce attestant de l’usage le 1er mai 2018 du véhicule par M. [J] évoqué dans la lettre de licenciement, le grief n’est pas établi.

S’agissant du second grief, il sera rappelé que si l’insuffisance de chiffre d’affaires ou de résultat est constitutive d’une insuffisance professionnelle, elle ne revêt le caractère d’une faute que s’il est rapporté la preuve qu’elle résulte d’un refus délibéré de se soumettre aux directives et rappels de l’employeur.

En l’espèce, il revient à l’employeur de rapporter la preuve d’un refus par le salarié de suivre les directives par le salarié.

Au soutien de ce grief, l’employeur verse aux débats :

– les compte-rendus d’entretien tenus en 2015, 2016 et 2017 faisant apparaître des observations quant à des lacunes en termes de prospection de la clientèle ;

– un avertissement notifié au salarié le 19 janvier 2016 en ces termes : ‘comme nous l’avons évoqué lors de notre entretien annule du 21 décembre, nous constations que l’activité GSA est très peu développée sur votre secteur puisqu’elle représente seulement 53K€ alors qu’elle est de 214 K€ en moyenne sur les 7 autres secteurs. Ce manque de CA n’est pas compensé par ailleurs puisque votre secteur réalise en 2015 un CA de 588K€ alors que la moyenne des 7 autres secteurs et de 836K€. Nous observons une baisse de CA de 17% environ sur votre secteur entre 2015 et 2014. En 2015, nous notons :

– perte de 4 magasins à l’enseigne Le clerc ;

(14 clients magasins en 2014, 10 magasins clients en 2015) ;

– aucun nouveau client GSA ( hypermarché/supermarché) conquis depuis votre arrivée sur l’enseigne [6].

En conséquence de quoi ce courrier vaut avertissement…

Nous vous demandons d’ici le 30 mars 2016 d’obtenir un courant d’affaire avec au minimum 20 magasins (client société en 2015 ou pas) avec au minimum un CA de 750 K€/magasin. Un point intermédiaire sera fait le 29 février et à cette date il conviendra d’avoir pris 10 commandes dans 10 magasins intermédiaires. La non réalisation de l’objectif intermédiaire pourra mettre en question notre collaboration’ ;

– un courrier en date du 3 mars 2016 adressé au salarié lui précisant qu’il n’avait pas atteint l’objectif intermédiaire fixé le 30 mars 2016 et lui demandant de se remobiliser notamment sur une enseigne pour qu’à fin mars la progression soit de retour ;

– un courrier en date du 24 janvier 2017 émanant du chef des ventes faisant le bilan de l’activité du salarié, lui reprochant son manque de travail et d’anticipation et lui demandant d’atteindre l’objectif de 15 commandes en produits jardins en alimentaire pour le 28/02/2017 ;

– un courrier émanant du chef des ventes en date du 6 mars 2017, lui reprochant de ne pas avoir atteint l’objectif de 15 commandes et lui notifiant la prolongation du délai au 31 mars 2017 ;

– le 26 septembre 2017, M. [X] demandait au salarié de changer sa méthode de travail et d’augmenter sa productivité ;

– des tableaux faisant ressortir le chiffre d’affaires du secteur attribué à M. [J] et que contrairement à ses collègues M. [J] n’a pas enregistré selon l’employeur de progression sur l’exercice 2018 par rapport à l’exercice 2017, alors qu’il enregistrait une part importante de commandes récurrentes ;

– un tableau retaçant le nombre de clients du secteur de juin 2014 à mai 2018, lequel est passé de 185 en 2014 à 240 en juin 2017 et 235 en mai 2018.

Il ressort des pièces versées que le chiffre d’affaires du secteur géré par M. [J] était :

– pour l’année 2014 (de juin à décembre 2014) de 184.057, 79 euros ;

-pour l’année 2015, 354.913, 12 euros, le résultat s’affichant à 523.000 euros (pièce 38) ;

– pour l’année 2016 le tableau communiqué ne comporte pas la dernière page seule de nature à permettre l’appréciation du résultat ; une autre pièce évoque un chiffre d’affaires de 613.000 euros ;

– pour l’année 2017 (arrêté en septembre 2017), 279.076, 86 euros, soit un résultat qui n’est pas établi sur l’année ou 537.000 euros selon la pièce n°38 produite par l’employeur pour l’année ;

– pour l’année 2018 un résultat arrêté au 31 mai 2018 de 445.000 euros.

Par ailleurs, l’employeur soutient que par comparaison avec les autres salariés, M. [J] n’aurait pas connu de progression de ses résultats pour son secteur en avril 2018 par rapport à avril 2017. Or, il s’évince du tableau communiqué (pièces 38 et 39) que le secteur géré par M. [J] présentait un total de 328, 54 K€ en avril 2017 et un total de 353, 99 K€ en avril 2018. Dans ces conditions, la cour s’interroge sur l’absence de progression évoquée alors que par ailleurs le salarié atteignait pourtant en mai 2018 100% de ses objectifs (pièce 44 produite par l’employeur).

L’employeur évoque cependant qu’une partie importante de son secteur recouvrait notamment les magasins [7] ou Jardiland et Botanic qui ‘nécessitaient peu d’effort commercial’ tout en soulignant dans la lettre de licenciement que le salarié avait enregistré une progression à cet égard.

Il est également reproché au salarié de ne pas passer un nombre d’appels téléphoniques suffisant au regard du nombre de magasins relevant de son secteur et d’avoir en conséquence une activité téléphonique et de prospection insuffisante. Or l’employeur ne verse pas de pièce postérieures au 26 septembre 2017, le dernier courrier produit émanant du chef de ventes alors qu’il se place sur le terrain disciplinaire.

Dans ces conditions, il sera relevé à l’examen des pièces produites que la baisse du chiffre d’affaires reprochée est relative et ne met pas en évidence une volonté caractérisée du salarié de résister aux directives de l’employeur qui permettrait de qualifier cette baisse non d’insuffisance professionnelle mais de faute.

En conséquence, le grief n’est pas caractérisé.

Dès lors, les griefs invoqués dans la lettre de licenciement n’étant pas matériellement établis, le licenciement de M. [J] pour faute grave est requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences financières du licenciement

En application des dispositions de l’accord national interprofessionnel des VRP, les rémunérations et indemnités de rupture sont calculées sur la base de la rémunération moyenne mensuelle brute des douze derniers mois, déduction faite des frais professionnels.

Au vu des pièces produites, le salaire de référence sera fixé à 3.076, 72 euros brut.

L’indemnité de préavis correpondant à trois mois de salaire en application de l’article L.7313-9 du code du travail et de l’article 12 de l’accord national interprofessionnel des VRP sera fixée à 9.230, 16 euros, somme à laquelle s’ajouteront les congés payés afférents.

Les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié.

Au jour de son licenciement, M. [J] comptait 3 années d’ancienneté dans l’entreprise qui employait habituellement au moins onze salariés et peut donc prétendre à une indemnité comprise entre 3 et 4 mois.

Compte tenu notamment des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, de son expérience professionnelle et de sa capacité à retrouver un emploi telles qu’elles résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de condamner l’employeur à payer à M. [J] la somme de 10.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L. 7313-13 du code du travail : « En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, en l’absence de faute grave, le voyageur, représentant ou placier a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui.

Le montant de cette indemnité de clientèle tient compte des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié.

Il sera rappelé que l’indemnité de clientèle est destinée, comme l’ indemnité légale de licenciement, à réparer le préjudice subi par le salarié du fait de son départ de l’entreprise. Par conséquent, l’indemnité de clientèle et l’indemnité légale sont destinées aux mêmes fins et ne sont pas cumulables. Seule la plus élevée des deux est due.

L indemnité de clientèle se calcule au jour de la rupture en fonction du préjudice causé au VRP pour l’avenir par la perte de la clientèle qu’il a personnellement apportée, créée ou développée.

En l’espèce, M. [J] sollicite une indemnité de clientèle à hauteur de 43.963, 44 euros, soit deux années de commissions.

Or, il convient de chiffrer la part de clientèle apportée, créée ou développée par le VRP. Il s’agit d’effectuer une comparaison entre la consistance de la clientèle à la date où le VRP a pris ses fonctions et l’importance de la clientèle existant à la date de la cessation du contrat.

La cour remarque en premier lieu qu’une liste de client était annexée au contrat de travail.

M. [J] verse en second lieu aux débats des tableaux de bord de juin 2014 à mai 2018 sur lesquels figurent des données relatives aux nouveaux clients et permettant de constater qu’il a apporté des clients en nombre et en valeur.

En l’état des pièces soumises à son appréciation, la cour fixe à la somme de 18.000 euros euros l’indemnité de clientèle due à M. [J].

Sur le remboursement des indemnités chômage

En application de l’article L. 1235-4 du code du travail dans les cas prévus notamment à l’article L. 1235-3 du code du travail, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage par salarié intéressé.

Il y a lieu d’ordonner à la société CREA de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [J] dans la limite de trois mois d’indemnités.

Sur le rappel de commissions au titre de retour sur échantillonages

Le salarié réclame à ce titre la condamnation de la société CREA à lui verser 5.504, 10 euros correspondant à trois mois de commissions sur la base des commissions perçues au cours des derniers mois d’activité.

La société, qui reconnait le droit du VRP à titre de salaire aux commissions sur les ordres non encore transmis, réplique que son activité est saisonnière et connait deux périodes creuses : les mois de juin et juillet et le mois de décembre, ce que confirment les tableaux d’activité produits et l’évolution du chiffre d’affaires.

Elle produit également le relevé de l’intégralité des ordres passés du mois de juin au mois d’août 2018 ainsi qu’un calcul dont il ressort que le droit à commission de M. [J] s’élève à la somme de 2.813, 21 euros brut.

Au regard des pièces communiquées et du justificatif du versement de la somme de 2.610 euros brut par la société au titre de l’exécution provisoire du jugement, le solde de rappel de commissions sera fixé à la somme de 203, 21 euros brut.

Le jugement sera infirmé.

Sur les intérêts

Il sera rappelé que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification à l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce.

Sur la remise des documents de fin de contrat

Il y a lieu d’ordonner à la société CREA de remettre à M. [J] un bulletin de paie ainsi qu’une attestation destinée à Pôle emploi conformes aux dispositions du présent arrêt.

Il n’y a pas lieu d’assortir cette décision d’une astreinte.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de condamner la société CREA aux dépens de première instance et d’appel et à verser à M. [J] la somme de 3.000 euros au titre de l’artricle 700 du code de procédure civile.

Le jugement sera infirmé.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

DÉCLARE recevable l’intervention de la SAS CREA aux lieu et place de la SARL CREA ;

INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

STATUANT à nouveau et y ajoutant,

DIT le licenciement de M. [A] [J] sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la SAS CREA à payer à M. [A] [J] les sommes suivantes :

– 500 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement par l’employeur à son obligation de loyauté ;

– 9.230, 16 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 923, 01 euros bruts à titre de congés payés afférents ;

-10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

-18.000 euros à titre d’indemnité de clientèle ;

– 2.813, 21 euros brut à titre de commissions de retour sur échantillonnage ;

– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification à l’employeur de la convocation devant le bureau de conciliation et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce ;

DIT que la somme de 2.601 euros déjà versée par la SAS CREA aux lieu et place de la SARL CREA au titre des commission de retour sur échantillonage viendra en déduction de la somme de 2.813, 21 euros retenue par le présent arrêt ;

ORDONNE à la SAS CREA de rembourser aux organismes concernés les indemnités de chômage versées à M. [A] [J] dans la limite de trois mois d’indemnités ;

ENJOINT à la SAS CREA de remettre à M. [A] [J] un bulletin de salaire et l’attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt ;

CONDAMNE la SAS CREA aux dépens de première instance et d’appel ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande.

La greffière, La présidente.

 

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