Les articles 344 A et 344 B de l’annexe III au CGI prévoient que la déclaration des comptes à l’étranger doit être jointe à la déclaration de revenus du contribuable qui a la disposition dudit compte bancaire.
En l’occurrence, les éléments recueillis dans le cadre du dossier d’instruction de M. [R] ne font que confirmer ces éléments. En effet, ils établissent que la totalité du portefeuille « clients » de la société GPF créée en 2007 par M. [Y] [O] était composée d’évadés fiscaux venant en grande majorité de France et qu’à partir de 2009, lorsque M. [B] [D] a pris la direction de cette société, il a mis en place un système de fraude fiscale reposant sur l’utilisation de faux prêts, via la société YEWDALE. L’objet de la société GPF était donc de donner une apparence de légalité à des fonds placés sur des comptes à l’étranger et non déclarés.
– Les dispositions de l’article L. 23 C du LPF autorisent l’administration à demander des informations sur l’origine des avoirs détenus à l’étranger, même en l’absence de rectification lors d’un examen de situation fiscale personnelle.
– Il est conseillé de vérifier que l’administration a respecté l’obligation de communication des documents en temps utile, conformément à l’article L. 76 B du LPF, pour garantir le respect du contradictoire et des droits de la défense.
– Il est recommandé de s’assurer que les informations obtenues dans le cadre de l’assistance administrative respectent le principe de spécialité et ne sont pas utilisées à des fins autres que celles prévues par la convention, afin d’éviter toute contestation ultérieure.
L’affaire concerne un contribuable, M. [V], qui a reçu une demande d’informations et de justifications des services fiscaux concernant des avoirs détenus à l’étranger et non déclarés. Malgré ses dénégations quant à être le bénéficiaire économique des comptes en question, l’administration fiscale a appliqué une procédure de taxation et lui a imposé des droits de mutation à titre gratuit. M. [V] a contesté ces impositions, mais ses réclamations ont été rejetées. Il a alors assigné le Directeur régional des finances publiques en justice pour annuler la décision de rejet et obtenir un dégrèvement des sommes imposées. Les parties ont maintenu leurs positions lors des débats, et le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe, avec le Directeur des finances publiques demandant le rejet des demandes de M. [V].
Sur la régularité de la procédure de l’article L. 23 C du LPF
M. [V] conteste la régularité de la procédure de contrôle fiscal sur la base de l’article L. 23 C du LPF, arguant que le service ne peut procéder à un nouveau contrôle après un examen de sa situation fiscale personnelle sans violer le principe de sécurité juridique. Cependant, la contestation est rejetée car l’article L. 23 C autorise l’administration à demander des informations sur les avoirs à l’étranger indépendamment d’un examen de situation fiscale personnelle.
Sur la régularité de la procédure au regard de l’article L. 76 B du LPF
M. [V] conteste l’irrégularité de la procédure en raison du non-respect de l’obligation de communication des documents par l’administration, en vertu de l’article L. 76 B du LPF. Cependant, la contestation est rejetée car toutes les pièces demandées ont été communiquées en temps utile.
Sur l’atteinte au principe de spécialité et sur la violation de la clause d’assistance administrative de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966
M. [V] soutient que l’utilisation d’informations obtenues dans le cadre d’une commission rogatoire internationale en matière pénale pour des fins fiscales viole le principe de spécialité. Cependant, la contestation est rejetée car les informations transmises par les autorités suisses étaient limitées et ne constituaient pas la base principale des redressements fiscaux.
Sur la méconnaissance des dispositions relatives au droit de traitement des fichiers nominatifs
M. [V] affirme que l’administration a utilisé des données personnelles pour constituer un fichier sans en informer la CNIL. Cependant, la contestation est rejetée car le fichier en question était une pièce d’enquête légitime.
Sur la méconnaissance du secret professionnel prévu à l’article L. 103 du LPF
M. [V] allègue une violation du secret professionnel en raison de la mention d’informations sur d’autres contribuables dans un document. Cependant, la contestation est rejetée car cela n’affecte pas les droits de M. [V].
Sur l’absence de confirmation par les autorités suisses
M. [V] demande la confirmation par les autorités suisses des informations le concernant. Cependant, la contestation est rejetée car les informations obtenues étaient en lien avec une autre procédure et n’étaient pas la base des redressements fiscaux.
Sur l’absence de fondement de la procédure d’imposition
M. [V] conteste être le bénéficiaire économique d’une société et affirme avoir agi en tant que mandataire. Cependant, la contestation est rejetée car les éléments recueillis confirment son lien avec la société en question.
Sur les autres demandes
M. [V] est débouté de ses demandes au titre des frais irrépétibles, étant donné le rejet de ses contestations.
– M. [C] [V] : aucune somme allouée
– Dépens : montant non spécifié
Réglementation applicable
– Article L. 23 C du LPF
– Article L. 50 du LPF
– Article L. 76 B du LPF
– Article 1649 A du code général des impôts
– Article 1649 AA du code général des impôts
– Article 755 du CGI
– Article L. 103 du LPF
– Article 344 A de l’annexe III au CGI
– Article 344 B de l’annexe III au CGI
Texte de l’article L. 23 C du LPF:
« (…) lorsque l’obligation prévue au deuxième alinéa de l’article 1649 A ou à l’article 1649 AA du code général des impôts n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l’administration peut demander, indépendamment d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat de capitalisation ou le placement de même nature. »
Texte de l’article L. 76 B du LPF:
« L’administration est tenue de communiquer à l’intéressé, sur sa demande, les documents obtenus de tiers qui ont été utilisés pour l’établissement de l’imposition. »
Texte de l’article L. 103 du LPF:
« Les informations reçues des autorités judiciaires comprenant des éléments concernant d’autres contribuables ne sont pas communicables à un autre contribuable. »
Texte de l’article 344 A de l’annexe III au CGI:
« La déclaration des comptes à l’étranger doit être jointe à la déclaration de revenus du contribuable qui a la disposition dudit compte bancaire. »
Texte de l’article 344 B de l’annexe III au CGI:
« La déclaration des comptes à l’étranger doit être jointe à la déclaration de revenus du contribuable qui a la disposition dudit compte bancaire. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Emmanuel MUNDET
– Maître François KLEIN
Mots clefs associés
– Procédure de l’article L. 23 C du LPF
– Procédure au regard de l’article L. 76 B du LPF
– Principe de spécialité et clause d’assistance administrative
– Droit de traitement des fichiers nominatifs
– Secret professionnel prévu à l’article L. 103 du LPF
– Confirmation par les autorités suisses
– Fondement de la procédure d’imposition
– Méconnaissance des dispositions relatives au secret professionnel
– Absence de confirmation par les autorités suisses
– Méconnaissance du secret professionnel et violation de la clause d’assistance administrative
– Procédure de l’article L. 23 C du LPF: procédure relative à la communication d’informations entre autorités fiscales françaises et suisses
– Procédure au regard de l’article L. 76 B du LPF: procédure de contrôle fiscal en cas de soupçon de fraude fiscale
– Principe de spécialité et clause d’assistance administrative: principe selon lequel les informations transmises dans le cadre de l’assistance administrative ne peuvent être utilisées à d’autres fins que fiscales
– Droit de traitement des fichiers nominatifs: droit de la personne concernée de consulter et de rectifier les informations la concernant
– Secret professionnel prévu à l’article L. 103 du LPF: obligation pour les agents des impôts de garder confidentielles les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leurs fonctions
– Confirmation par les autorités suisses: validation par les autorités suisses des demandes d’assistance administrative
– Fondement de la procédure d’imposition: base légale sur laquelle repose la procédure de taxation
– Méconnaissance des dispositions relatives au secret professionnel: non-respect des règles de confidentialité prévues par la loi
– Absence de confirmation par les autorités suisses: absence de validation des demandes d’assistance administrative par les autorités suisses
– Méconnaissance du secret professionnel et violation de la clause d’assistance administrative: non-respect du secret professionnel et de la clause de spécialité dans le cadre de l’assistance administrative fiscale
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
9ème chambre
2ème section
N° RG 22/00784 –
N° Portalis 352J-W-B7G-CV4OH
N° MINUTE : 3
Assignation du :
10 Janvier 2022
JUGEMENT
rendu le 02 Avril 2024
DEMANDEUR
Monsieur [C] [V]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représenté par Maître Emmanuel MUNDET, de la SELARL G.PALOUX – E.MUNDET, avocat au barreau de NICE, avocat plaidant, et Maître François KLEIN de la SELAS KGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0110
DÉFENDEUR
M. LE DIRECTEUR GENERAL DES FINANCES PUBLIQUES D’ÎLE DE FRANCE ET DE [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par son Inspecteur
Décision du 02 Avril 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/00784 – N° Portalis 352J-W-B7G-CV4OH
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Gilles MALFRE, Premier Vice-Président adjoint
Augustin BOUJEKA, Vice-Président
Alexandre PARASTATIDIS, Juge
assistés de Alise CONDAMINE-DUCREUX, Greffière
DÉBATS
À l’audience du 13 Février 2024 tenue en audience publique devant M. MALFRE, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux conseils des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 02 Avril 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
__________________
Par LRAR du 18 février 2015, les services fiscaux ont adressé à M. [V] une demande d’informations et de justifications quant à des avoirs détenus à l’étranger et non déclarés, en application des dispositions de l’article L. 23 C du livre des procédures fiscales (LPF).
Par une lettre reçue le 20 avril 2015, le contribuable a indiqué ne pas être le bénéficiaire économique du compte en question ouvert dans les livres de la banque suisse HSBC PRIVATE BANK, au nom de la société ALDEVIC HOLDING CORP.
L’administration fiscale lui a cependant transmis par LRAR du 11 février 2016 une mise en demeure de fournir les précisions demandées relatives aux comptes bancaires qu’elle vise.
M. [V] a présenté ses observations par lettre reçue le 21 mars 2016, en maintenant qu’il n’était pas l’ayant droit économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP.
Par une proposition de rectification du 9 août 2016, les services fiscaux ont fait application de la procédure de taxation prévue à l’article 755 du code général des impôts (CGI) au montant des avoirs le plus élevé connu, sur la période de décembre 2005 à décembre 2006, soit la somme de 971 764 US dollars (USD) (812 764 euros), montant considéré comme un patrimoine acquis à titre gratuit imposable. Au visa de l’article 755 du CGI et du tableau III de l’article 777 du même code, la somme susvisée a été soumise aux droits de mutation à titre gratuit au taux de 60 %.
Par lettre reçue le 13 octobre 2016, M. [V] a contesté l’intégralité des impositions et sollicité un recours hiérarchique. Le service a maintenu ces impositions à la suite du recours hiérarchique.
Les impositions supplémentaires, d’un montant de 487 658 euros, ont fait l’objet d’un avis de mise en recouvrement (AMR), le 26 avril 2017.
Le contribuable a contesté ces impositions supplémentaires par une réclamation initiale reçue le 10 juillet 2017 et une réclamation complémentaire reçue le 12 février 2018, qui ont fait l’objet d’une décision de rejet le 4 novembre 2021.
C’est dans ces conditions que par acte du 5 janvier 2022, M. [V] a fait assigner le Directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de [Localité 5] devant le tribunal judiciaire de Paris, afin que soit annulée la décision de rejet du 4 novembre 202l, ensemble, l’AMR du 26 avril 2017, qu’il soit prononcé le dégrèvement de la somme de 487 658 euros et que l’administration fiscale soit condamnée à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions du 3 août 2023 signifiées le 18 août 2023, le Directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et de [Localité 5] conclut au débouté des demandes du requérant.
Par conclusions du 3 octobre 2023, M. [V] maintient ses demandes.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 décembre 2023.
SUR CE
Sur la demande principale :
1) Sur la régularité de la procédure de l’article L. 23 C du LPF
M. [V] rappelle avoir fait l’objet d’un d’examen de sa situation fiscale personnelle (ESFP) au titre des revenus des années 2010 et 2011, dans le cadre duquel il a été interrogé sur la détention d’un compte bancaire à l’étranger et qui s’est conclue par une absence de rectification. Il estime dès lors que le service ne peut pas par la suite procéder à un nouveau contrôle sur le fondement de l’article L. 23 C du LPF, sans porter atteinte au principe de sécurité juridique et fiscale, alors que l’article L. 50 du LPF interdit à l’administration fiscale de renouveler un contrôle portant sur la même période et pour la même imposition.
Cependant, cette contestation manque en droit, dans la mesure où il résulte des termes mêmes de l’article L. 23 C du LPF fondant les rehaussements notifiés dans la proposition de rectification du 9 août 2016 que, lorsque l’obligation prévue au deuxième alinéa de l’article 1649 A ou à l’article 1649 AA du code général des impôts n’a pas été respectée au moins une fois au titre des dix années précédentes, l’administration peut demander, indépendamment d’une procédure d’examen de situation fiscale personnelle, à la personne physique soumise à cette obligation de fournir dans un délai de soixante jours toutes informations ou justifications sur l’origine et les modalités d’acquisition des avoirs figurant sur le compte ou le contrat de capitalisation ou le placement de même nature.
2) Sur la régularité de la procédure au regard de l’article L. 76 B du LPF
Le demandeur considère que la procédure est irrégulière, en ce que l’administration n’a pas, malgré plusieurs demandes, respecté l’obligation de communication des documents en méconnaissance des dispositions de l’article L. 76 B du LPF, ce qui porte atteinte au principe du contradictoire et aux droits de la défense et entraîne la décharge des impositions.
Il précise que par lettre du 29 décembre 2016, il a sollicité communication de l’ensemble des documents obtenus de tiers et qui fondent la taxation prévue à l’article 755 du CGI mais qu’en réponse, l’administration ne lui a transmis qu’une partie de ces documents, le 16 janvier 2017.
Il estime que le caractère incomplet de cette communication résulte du fait qu’à la suite d’une nouvelle demande formulée le 12 mai 2017, il lui a été adressé le 9 juin 2017 les pièces suivantes : le témoignage de Mme [K] [A], la liste des comptes gérés par la société GPF ainsi que le prêt YEWDALE, relevant que cette communication complémentaire est intervenue postérieurement à la mise en recouvrement, de sorte qu’il n’a pas été mis en mesure, en temps utiles, de s’assurer de la sincérité des informations obtenues par l’administration fiscale. Il ajoute qu’il importe peu que ces éléments aient été communiqués à la suite d’une demande du 12 mai 2017, alors que leur communication avait été sollicitée dès le 29 décembre 2016 et que ces pièces complémentaires fondent la proposition de rectification.
Ceci étant rappelé.
Dans sa lettre du 23 décembre 2016 (pièce 16 du demandeur), M. [V] n’a sollicité communication que du formulaire d’identification de clientèle de la banque HSBC, qui le mentionne comme ayant droit économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP.
Par lettre du 16 janvier 2017 (pièce 17 du demandeur), l’administration a transmis cette pièce et, en outre, le mandat de gestion et le carton de signature, les informations de la banque HSBC en possession du service à la suite de la transmission du Parquet de Nice, le « profil client pour clients gérés par un gestionnaire de fortune externe » et le carton de signature du compte ouvert au Crédit Suisse.
Le conseil de M. [V] a formulé une nouvelle demande de communication de pièces, par lettre du 12 mai 2017, visant : le témoignage de Mme [A], la liste des comptes gérés par la société GPF, le prêt YEWDALE, le virement de la société GREYSTONE vers la société YEWDALE et le formulaire d’identification de clientèle.
En réponse, le 9 juin 2017, le service a communiqué les trois premières pièces avec certains passages occultés, pour des motifs de confidentialité liés à la vie privée ou au secret fiscal, a sollicité des précisions quant au quatrième document sollicité, la cote D1166/1 visée ne correspondant pas à l’intitulé, et a rappelé que le cinquième document avait déjà été communiqué.
Par conséquent, l’ensemble des pièces sollicitées ont été communiquées, M. [V] ne précisant d’ailleurs pas le ou les documents qui auraient fondé la proposition de rectification et qui ne lui auraient pas été transmis.
En outre, il ne saurait être imputé à l’administration le fait que la demande initiale de communication ne portait que sur une seule pièce et que ce n’est que postérieurement à la mise en recouvrement que les autres pièces utiles ont été réclamées.
Cette contestation sera par conséquent rejetée.
3) Sur l’atteinte au principe de spécialité et sur la violation de la clause d’assistance administrative de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966
M. [V] rappelle que tant l’article 28 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière fiscale que l’article 2 de la convention européenne d’entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 à laquelle la France et la Suisse sont parties, stipulent qu’en vertu du principe de spécialité, il est interdit à un État d’utiliser des renseignements fournis par un autre État à des fins autres que celles prévues par la convention, sauf accord de l’autre État.
Au cas d’espèce, il relève que les informations obtenues de M. [R], juge d’instruction, qui les détenait lui-même dans le cadre d’une commission rogatoire internationale avec la Suisse, en matière pénale, ne pouvaient pas être utilisées en matière fiscale. Il en conclut que le juge d’instruction a porté atteinte au principe de spécialité précédemment rappelé, alors que les autorités suisses lui avaient indiqué, par une lettre du 28 février 2013, que les informations transmises ne pouvaient pas être utilisées dans une procédure autre, notamment administrative et civile.
Ceci étant rappelé.
Comme le relève justement M. [V], les documents transmis par les autorités suisses le 28 février 2013, en exécution partielle d’une commission rogatoire du 11 septembre 2022 complétée le 4 octobre 2022, destinés à M. [R], juge d’instruction, ne pouvaient pas être utilisés à des fins fiscales.
En effet, la transmission des autorités suisses rappelle que les renseignements obtenus peuvent être utilisés dans le cadre de la procédure pénale en question ou d’une autre procédure pénale et, avec l’accord préalable de ces autorités, non établi en l’espèce, pour d’autres procédures que des procédures pénales, de nature administratives ou civiles.
Cependant, les éléments transmis dans le cadre de cette entraide judiciaire internationale ne sont constitués que d’un tableau de quatre pages listant diverses sociétés, ce listing provenant de la société GPF.
Or, de première part la proposition de rectification du 9 août 2016 se fonde sur les informations détenues par le service, à la suite de la transmission par le Parquet de Nice, dans le cadre du dossier « [S] », soit l’identité, la date et le lieu de naissance de M. [V], deux références d’IBAN, trois soldes de compte et l’indication comme « profil client » : la société ALDEVIC HOLDING CORP.
De seconde part, cette proposition rappelle les éléments recueillis par l’administration fiscale dans le dossier d’instruction, en application des articles L. 81, L. 82 C, R*81-4 (dans sa version alors applicable) et L. 101 du LPF, soit, outre le listing communiqué par les autorités suisses, l’audition de Mme [A] mentionnant que M. [V] était client de la société GPF, qu’il était l’ayant droit économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP et que le prêt consenti par la société YEWDALE à la société GREYSTONE présidée par M. [V] était fictif, destiné à masquer la fraude fiscale, un document indiquant les sommes virées par la société GREYSTONE au profit de la société YEWDALE, ainsi que le formulaire d’identification de clientèle mentionnant la société ALDEVIC HOLDING CORP, la qualité d’ayant droit économique de M. [V] et les adresses professionnelle et personnelle de ce dernier.
Ces autres éléments provenant du dossier d’instruction ne sont pas soumis au principe de spécialité puisqu’ils ne proviennent pas des autorités suisses, outre qu’ils n’ont fait que confirmer les éléments déjà en possession du service.
Il est dès lors indifférent que l’administration ait visé le listing communiqué par les autorités suisses, alors que les informations initialement détenues et celles régulièrement obtenues du dossier d’instruction et non concernées par le principe de spécialité constituent les éléments essentiels motivant la proposition de rectification.
Cette contestation sera donc rejetée.
4) Sur la méconnaissance des dispositions relatives au droit de traitement des fichiers nominatifs
M. [V] considère que l’administration fiscale a utilisé des données pour constituer le fichier « BUP », soit un document de synthèse comportant notamment des données nominatives à caractère personnel, et devait donc déclarer ce fichier auprès de la Commission nationale informatique et libertés (CNIL). Il ajoute que le fichier « BUP» n’est pas agrégé au fichier EVAFISC et constitue à part entière un système de traitement des données créé à partir des informations transmises par M. [S].
Décision du 02 Avril 2024
9ème chambre 2ème section
N° RG 22/00784 – N° Portalis 352J-W-B7G-CV4OH
Il souligne que n’ayant pas été informé de l’existence de ce ficher, il n’a pas été en mesure d’exercer son droit de rectification sur les informations le concernant.
Ceci étant rappelé.
Il est rappelé, au vu des termes de l’arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 28 septembre 2016, cité par l’administration fiscale, que le 2 septembre 2009, sur instruction du procureur de la République de Nice, les services de la gendarmerie ont remis aux services de la DNEF (Direction Nationale des Enquêtes Fiscales) un CD ROM contenant la copie réalisée par les services de l’IRCGN (Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale) de données informatiques contenues sur les supports informatiques saisis au domicile de M. [S]. Le 12 janvier 2010, ces mêmes services de la gendarmerie ont remis un CD ROM complémentaire aux services de la DNEF. Après analyse de la structure des fichiers et agrégation des données, il a été établi des fiches de synthèse individuelles relatives à un certain nombre de personnes titulaires de comptes ouverts auprès de la banque HSBC PRIVATE BANK SUISSE.
Ce document de synthèse, dénommé fichier « BUP » est une pièce d’enquête, dont l’administration fiscale a régulièrement obtenu communication pour fonder des redressements fiscaux.
M. [V] n’est donc pas fondé à soutenir que ce document aurait dû être déclaré comme fichier nominatif, afin qu’il puisse exercer son droit de rectification.
5) Sur la méconnaissance du secret professionnel prévu à l’article L. 103 du LPF
M. [V] fait valoir que l’examen du fichier « BUP » porte atteinte au secret professionnel puisque si un certain nombre d’informations a été volontairement masqué, la dernière page de ce fichier mentionne l’identité et l’adresse de MM. [L] et [G] [N].
Or, il rappelle que la transmission d’informations reçues des autorités judiciaires comprenant des éléments concernant d’autres contribuables n’est pas communicable à un autre contribuable, en vertu des dispositions de l’article L. 103 du LPF.
Cependant, cette violation alléguée du secret professionnel, à la supposer établie, ne concerne nullement M. [V], de sorte qu’elle n’est pas de nature à remettre en cause la régularité du contrôle fiscal.
6) Sur l’absence de confirmation par les autorités suisses
M. [V] souligne que le service reconnaît avoir interrogé le l2 mars 2015 les autorités fiscales suisses, dans le cadre du précédent examen de sa situation fiscale personnelle dont il a fait l’objet, mais sans fournir la réponse de ces autorités, ce qui laisse à penser que cette réponse n’a pas confirmé le fait qu’il serait l’ayant droit économique de la société ALDEVIC.
Il affirme que les rehaussements ne sont pas uniquement fondés sur les informations transmises par le Parquet de Nice et sollicite la production de la demande adressée aux autorités fiscales suisses, en application des dispositions des lois du 17 juillet 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés et du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public.
Ceci étant rappelé.
L’administration rappelle avoir demandé des renseignements concernant M. [V] aux autorités fiscales suisses le 12 mars 2015 dans le cadre de l’examen de sa situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012.
Or, le présent litige concerne les droits d’enregistrement dus au titre de l’année 2006, outre que, comme précédemment rappelé en premier lieu, la procédure dont il est question, en ce qu’elle est fondée sur l’article L. 23 C du LPF, est indépendante d’un précédent examen de la situation fiscale personnelle.
En outre et dans tous les cas, les éléments issus de cette assistance administrative ne sont pas évoqués dans la proposition de rectification, de sorte que leur défaut de communication ne porte pas atteinte aux droits de M. [V], en ce qu’ils ne fondent pas les rehaussements contestés.
7 ) Sur l’absence de fondement de la procédure d’imposition
M. [V] soutient ne pas être le bénéficiaire économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP et avoir disposé d’une procuration pour une opération déterminée. Il ajoute que le carton de signature qui lui est opposé le désigne comme simple mandataire et non pas comme ayant droit économique de cette société, précisant avoir bénéficié de cette qualité de mandataire en vue de réaliser une opération d’achat d’une usine, opération conforme à l’activité d’import/export et de commerce de détail de textiles de sa société GREYSTONE.
Il affirme que le témoignage de Mme [A] prête à caution, en ce qu’il comporte des informations erronées et est le fruit d’une confusion.
Il rappelle avoir nécessairement eu des liens avec la société YEWDALE (dont les gestionnaires sont MM. [Y] [O] et [B] [D]), dès lors que cette société est actionnaire de sa société GREYSTONE.
Il se prévaut d’un courrier du 17 mars 2016 de Me Thierry Ulmann, avocat suisse, qui affirme qu’il est impossible, compte tenu du secret bancaire, d’effectuer une démarche auprès de la banque en vue de confirmer qu’il n’est pas le bénéficiaire économique de la structure ALDEVIC HOLDING CORP.
En outre, il précise que les prêts qu’il a accordés à la société YEWDALE, à titre personnel, n’étaient pas fictifs et ont entièrement été remboursés.
Il note enfin qu’en vertu des dispositions de l’article 344 A de l’annexe III au CGI, dans sa version antérieure au 1er janvier 2019, seules les personnes titulaires d’un compte à l’étranger ou bénéficiaires d’une procuration leur permettant d’agir au profit d’une personne ayant la qualité de résident étaient tenues de déclarer les comptes à l’étranger. Il souligne que ce n’est que postérieurement au 1er janvier 2019 que cette obligation déclarative a été étendue aux comptes détenus visant un bénéficiaire économique ou ayant droit économique du compte.
Il relève par ailleurs que la société ALDEVIC HOLDING CORP n’étant pas domiciliée en France, les dispositions susvisées ne lui étaient pas applicables.
Ceci étant rappelé.
Comme précédemment relevé en troisième lieu, il résulte des termes de la proposition de rectification que le rappel des droits repose avant tout sur les informations détenues par le service, à la suite de la transmission par le Parquet de Nice, dans le cadre du dossier « [S] », qui reprennent l’identité de M. [V] et le désignent comme ayant droit économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP, mentionnée comme titulaire des comptes bancaires non déclarées.
Les éléments recueillis dans le cadre du dossier d’instruction de M. [R] ne font que confirmer ces éléments. En effet, ils établissent que la totalité du portefeuille « clients » de la société GPF créée en 2007 par M. [Y] [O] était composée d’évadés fiscaux venant en grande majorité de France et qu’à partir de 2009, lorsque M. [B] [D] a pris la direction de cette société, il a mis en place un système de fraude fiscale reposant sur l’utilisation de faux prêts, via la société YEWDALE. L’objet de la société GPF était donc de donner une apparence de légalité à des fonds placés sur des comptes à l’étranger et non déclarés.
Or, les déclarations de Mme [A], même si elles comportent des imprécisions, indiquent clairement que M. [V] était un des clients de la société GPF et était désigné comme bénéficiaire économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP.
Il en est de même du formulaire d’identification de clientèle, qui indique que M. [V] était bénéficiaire économique de la société ALDEVIC HOLDING CORP.
L’attestation du 25 mars 2015 des administrateurs de la société ALDEVIC HOLDING CORP mentionnant que le contribuable n’aurait pas cette qualité ne saurait avoir un caractère probant, en ce qu’elle a été établie par MM. [O] et [D], vu leur rôle précédemment rappelé dans la société GPF.
Le carton de signature qui désignerait M. [V] comme simple mandataire de la société ALDEVIC HOLDING CORP et non ayant droit économique, n’est pas de nature à remettre en cause les éléments précédemment rappelés.
Par ailleurs, les articles 344 A et 344 B de l’annexe III au CGI prévoient que la déclaration des comptes à l’étranger doit être jointe à la déclaration de revenus du contribuable qui a la disposition dudit compte bancaire.
Le service ayant reconnu que les documents d’ouverture du compte ne sont pas signés, avec des informations sur l’identité du bénéficiaire du compte pouvant être imprécises, il a été demandé à M. [V] d’obtenir confirmation auprès de la filiale suisse de la banque HSBC qu’il n’était pas le véritable titulaire des comptes bancaires.
Or, le requérant ne justifie pas d’avoir effectué cette demande, la lettre de Maître [I] du 17 mars 2016 qu’il produit à cet égard se contentant d’indiquer qu’il est impossible, compte tenu du secret bancaire, d’entamer une telle démarche auprès de la banque.
Enfin, il ne saurait être contesté que M. [V] était soumis à l’obligation déclarative prévue par les articles 344 A et 344 B de l’annexe III au CGI, dans leur rédaction applicable au litige, du fait de sa qualité de bénéficiaire économique du compte bancaire ouvert au nom de la société ALDEVIC HOLDING CORP. Il importe peu à cet égard que cette société ne soit pas domiciliée en France, alors que le contribuable qui est résident fiscal en France, en est le bénéficiaire économique.
M. [V] sera par conséquent débouté de ses demandes.
Sur les autres demandes :
M. [V] n’étant pas accueilli en ses contestations, il sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement, en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉBOUTE M. [C] [V] de ses demandes ;
LE CONDAMNE aux dépens.
Fait et jugé à Paris le 02 Avril 2024
La Greffière Le Président