Dans le cadre d’une phase d’information et de conseil préalable à la souscription du contrat de progiciel, et même durant celle de réalisation des audit, le prestataire informatique a l’obligation d’anticiper le volume des opérations à réaliser par le personnel de la société et prévoir un système architectural informatique adapté à ce volume.
Il appartient au vendeur d’une solution informatique ou logicielle de prouver qu’il a mis la chose vendue à la disposition de l’acheteur dans le délai convenu. La notion de conformité ou non-conformité est inhérente à l’obligation délivrance.
En matière de fourniture de logiciels informatiques, les obligations du prestataire sont tempérées par celles corrélatives aux clients, de coopération, d’application, de dialogue et de formation du personnel utilisateur. En outre, les usages tolèrent une certaine marge de difficultés notamment pendant la période de mise au point et de paramétrage.
Il ressort des éléments produits que dans le cadre de la phase d’information et de conseil préalable à la souscription du contrat et même durant celle de réalisation des audit, la société [W] n’a pas anticipé le volume des opérations à réaliser par le personnel de la société Lla ni prévu un système architectural informatique adapté à ce volume alors que dans le contrat elle présente Agiris comme le département dédié à la profession comptable libérale.
En la cause, la société Lla a signalé des dysfonctionnements dès le mois de novembre 2011 et les parties au mois de juillet 2012 échangeaient encore sur le sujet de leur suppression, la société [W] expliquant notamment que les difficultés rencontrées étaient consécutives à la montée en charge sur son application et qu’une solution ‘architecture logiciel’ différente pourrait résoudre le problème à la condition que chaque serveur ne dépasse pas les 50 collaborateurs connectés simultanément (entraide comprise).
Malgré cette nouvelle architecture au mois d’octobre 2012 les anomalies ont persisté et selon un courrier de la SA [W] ont été causées par des incompatibilités entre les paramétrages en place des applications et l’utilisation de celles-ci notamment. Elle indiquait entre autre avoir donné de nouvelles instructions et préconisations d’utilisations portant également sur des contrôles à effectuer.
Il est donc établi qu’alors que la solution informatique devait être livrée pour le 31 décembre 2011, au mois de décembre 2012, les salariés collaborateurs de la société Lla qui utilisaient cette nouvelle solution ont continué à rencontrer des difficultés et des ralentissements dans l’accomplissement de leur travail quotidien et il est même établi que pour parer aux difficultés, ils ont dû réaliser certaines prestations à l’aide de l’ancien logiciel dont la maintenance a été poursuivie par mesure de sécurité.
Il ressort des éléments produits que dans le cadre de la phase d’information et de conseil préalable à la souscription du contrat et même durant celle de réalisation des audit, la société [W] n’a pas anticipé le volume des opérations à réaliser par le personnel de la société Lla ni prévu un système architectural informatique adapté à ce volume alors que dans le contrat elle présente Agiris comme le département dédié à la profession comptable libérale.
Si la société [W] a proposé un progiciel à l’essai et qu’elle a réalisé des audits dans le cadre de son obligation d’information et de conseil, la solution proposée n’a pas été évaluée en rapport avec le nombre de salariés et le volume d’activité alors que la solution avait pour objectif que tous les sites de la société Lla puissent utiliser un outil unique, que s’il est toléré un temps de paramétrage, ce dernier a duré au delà d’un temps raisonnable dans la mesure où l’expert a relevé qu’en 2013 des dysfonctionnements persistaient. En outre, la modification technique majeure opérée en dehors de toute obligation d’information préalable n’a pas suffit à résoudre les difficultés et s’il n’est pas contesté qu’aucun procès-verbal de recette n’a été établi et qu’il est admis que cette circonstance ne suffit pas à établir à elle seule, que le logiciel n’aurait fait l’objet d’aucune livraison, en l’espèce il s’infère du précédent développement que la société [W] a manqué à son obligation d’information et de conseil et que si elle a livré une solution informatique comprenant le progiciel litigieux, ce dernier n’était pas conforme aux besoins de la société Lla essentiellement en terme de capacité, que les dysfonctionnement n’ont pas permis l’établissement d’un procès-verbal de recette.
Elle a ainsi été défaillante dans son obligation d’information et de conseil mais également de délivrance.
– Partie demanderesse : 10 000 euros
– Partie défenderesse : 5 000 euros
– Frais de justice : 2 000 euros
Réglementation applicable
Aux termes de l’article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Selon l’article 1604 du même code, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Eric POILLY
– Me Jérôme LE ROY
– Me Xavière CAPORAL
– Me Stéphane DAQUO
– Me Yann BREBAN
Mots clefs associés
– arrêt contradictoire
– infirme le jugement
– résiliation du contrat
– dommages et intérêts
– capitalisation
– dépens d’appel
– article 700 du code de procédure civile
– Arrêt contradictoire :
– Décision rendue par une cour d’appel ou une autre juridiction après que les parties ont été régulièrement convoquées et ont eu la possibilité de présenter leurs arguments.
– Infirme le jugement :
– Action par laquelle une cour d’appel ou une juridiction supérieure annule ou modifie la décision rendue par un tribunal inférieur.
– Résiliation du contrat :
– Procédure juridique mettant fin à un contrat suite à la violation de l’une des clauses par l’une des parties ou par accord mutuel.
– Dommages et intérêts :
– Somme d’argent que le tribunal ordonne à une partie de payer à l’autre comme compensation pour un préjudice subi.
– Capitalisation :
– Méthode de calcul des intérêts où les intérêts accumulés à la fin d’une période sont ajoutés au capital principal, et les intérêts futurs sont calculés sur ce nouveau montant.
– Dépens d’appel :
– Frais engagés lors d’une procédure d’appel, incluant les frais de justice et autres dépenses nécessaires pour mener l’appel.
– Article 700 du code de procédure civile :
– Disposition permettant à une partie de demander à l’autre partie le remboursement des frais non couverts par les dépens, tels que les honoraires d’avocat et autres frais liés à la procédure.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRET
N°
S.E.L.A.S. LLA EXPERTS COMPTABLES
C/
S.A.S. SAS [W]
FLR
COUR D’APPEL D’AMIENS
CHAMBRE ÉCONOMIQUE
ARRET DU 22 FEVRIER 2024
N° RG 21/04655 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IHF6
JUGEMENT DU TRIBUNAL DE COMMERCE DE BEAUVAIS EN DATE DU 17 JUIN 2021
PARTIES EN CAUSE :
APPELANTE
S.E.L.A.S. LLA EXPERTS COMPTABLES agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Eric POILLY substituant Me Jérôme LE ROY de la SELARL LX AMIENS-DOUAI, avocats au barreau D’AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Xavière CAPORAL, associée de l’AARPI AVOLEX, avocat au barreau de NANTES
ET :
INTIMEE
S.A.S. [W] agissant poursuites et diligences en son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Stéphane DAQUO, avocat au barreau d’AMIENS et ayant pour avocat plaidant Me Yann BREBAN, avocat au barreau de PARIS
DEBATS :
A l’audience publique du 07 Décembre 2023 devant :
Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre,
Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère,
et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère,
qui en ont délibéré conformément à la loi, la Présidente a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 22 Février 2024.
Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions de l’article 785 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ
PRONONCE :
Le 22 Février 2024 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ; Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier.
DECISION
Souhaitant faire migrer et évoluer son système informatique de gestion des données comptables, vers une solution progiciel assortie d’une mise en service le 31 décembre 2011, dans le but notamment d’uniformiser les solutions utilisées sur ses différents sites, la SELAS Lla experts comptables (ci-après la société Lla) anciennement la société [K] Leduc et associés, a consulté les principaux éditeurs de progiciels et a mandaté au début de l’année 2011 la société Agiris membre du groupe [W] à cette fin.
Invoquant des dysfonctionnements du système déployé, les parties ont convenu de mettre en place une expertise amiable qui s’est déroulée le 15 mars 2013.
Les parties n’arrivant pas à se mettre d’accord sur les causes des difficultés rencontrées, la société Lla a saisi le président du tribunal de commerce de Beauvais aux fins de désignation d’un expert judiciaire.
Un expert a été désigné par ordonnance du 26 septembre 2013 et a déposé son rapport le 25 avril 2018.
Entre temps (courant 2014) la société Lla a changé de prestataire informatique et s’est opposée au paiement des factures émises par la société [W].
Par acte d’huissier en date du 11 janvier 2019 la société Lla a assigné la société [W] devant le tribunal de commerce de Beauvais aux fins de résolution du contrat à ses torts exclusifs et d’ obtenir le remboursement de sommes payées et l’indemnisation de divers préjudices.
Par jugement du 17 juin 2021 le tribunal de commerce de Beauvais après avoir débouté la société [W] de sa demande reconventionnelle, a prononcé la résolution du contrat conclu aux torts exclusifs de la société Lla à payer à la société Lla la somme de 56 569,01 € en remboursement de factures, 11 000 € au titre des frais d’expertise technique, l’a débouté de ses demandes au titre de la maintenance des logiciels, de la prise en charge de la rémunération de M. [B], de la perte de marge sur coûts directs de production, du remboursement de la prime de pénibilité, du coût des groupes de méthode, du coût de formation des collaborateurs, du temps passé pour la migration des dossiers et au titre des serveurs et logiciels Osiatis, l’a condamnée au paiement de la somme de 947 € au titre du remboursement du constat d’huissier et à supporter les dépens et à payer une somme de 15 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration en date du 21 septembre 2021 la SELAS Lla a interjeté appel de ce jugement.
Par conclusions n°5 remises par voie électronique le 27 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la société Lla demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il a :
– jugé que la responsabilité de la société [W] dans l’échec du projet de migration comptable est entière et exclusive et en ce qu’il a prononcé à titre principal la résolution du contrat du 19 avril 2011 aux torts exclusifs de [W] ;
-débouté la société [W] de sa demande reconventionnelle ;
-condamné la société [W] à verser les sommes de 67 656 € ttc au titre du remboursement des factures, 11 000 € de frais d’expertise technique, 947 € au titre du remboursement du constat d’huissier et d’ infirmer le jugement en ce qu’il a :
-dit la demande de la société Lla partiellement bien fondée ;
-prononcé la résolution du contrat conclu entre la société [W] et la société Lla aux torts exclusifs de la société Lla ;
– débouté la société Lla de sa demande au titre de la maintenance, de la prise en charge de la rémunération de M. [B], de la perte de marge sur coûts directs de production, de remboursement de la prime de pénibilité, du coût des groupes de méthode, au titre du coût de formation des collaborateurs, au titre du temps passé pour la migration des dossiers et au titre des serveurs et logiciels Osiatis ;
– sur le montant de l’article 700 du code de procédure civile.
En conséquence :
-condamner la société [W] au paiement des sommes suivantes :
66 944,94 € au titre de la maintenance des logiciels et des matériels CCMX et Osiatis ;
84 056 € au titre de la prise en charge des rémunérations de M. [B] ;
75 394 € au titre de la perte de marge ;
50 133 € au titre du remboursement de la prime ;
54 681 au titre de l’embauche de 2 CC ;
73 632 au titre du coût des groupes de méthode ;
68 736 € au titre du coût de formation des collaborateurs ;
177 750 € au titre du temps passé pour la migration des dossiers ;
48 348 € au titre des serveurs et logiciel Osiatis.
– prononcer subsidiairement la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société [W] et la condamner au paiement des sommes suivantes :
66 944,94 € au titre de la maintenance des logiciels et des matériels CCMX et Osiatis ;
84 056 € au titre de la prise en charge des rémunérations de M. [B] ;
75 394 € au titre de la perte de marge ;
50 133 € au titre du remboursement de la prime ;
54 681 au titre de l’embauche de 2 CC ;
73 632 au titre du coût des groupes de méthode ;
68 736 € au titre du coût de formation des collaborateurs ;
177 750 € au titre du temps passé pour la migration des dossiers ;
48 348 € au titre des serveurs et logiciel Osiatis.
En tout état de cause :
-débouter la société [W] de ses demandes ;
-condamner la société [W] au paiement de 60 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens comprenant les frais d’expertise.
Par conclusions n°4 remises par voie électronique le 27 octobre 2023 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des moyens développés, la SA [W] demande à la cour d’infirmer le jugement en ce qu’il a :
– prononcé la résolution du contrat liant les parties ;
-condamné [W] au paiement de la somme de 56 569,01 € ;
-rejeté la demande de condamnation au paiement d’une somme de 256 611,91 € ;
En conséquence :
– condamner la société Lla à payer à la société [W] la somme de 256 611,91 € au titre des factures impayées outre intérêts de retard au taux légal à compter de la date d’exigibilité des factures et avec capitalisation en application de l’article 1154 du code civil devenu 1343-2 ;
– condamner la société Lla au paiement de 20 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Subsidiairement de limiter la responsabilité de la société [W] à la somme de 56 568 € ht en application de la clause limitative de responsabilité.
SUR CE :
A titre liminaire la cour entend rappeler qu’elle n’est saisie que par le dispositif des conclusions et plus particulièrement par des prétentions et non des moyens et qu’elle n’a vocation qu’à infirmer ou confirmer les dispositions d’un jugement, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes d’infirmations ou de confirmation portant sur les motifs du jugement dont appel.
Compte tenu de la date de souscription du contrat de solution informatique il sera fait application des dispositions du code civil antérieures au 1er octobre 2016.
Sur la demande de résolution et subsidiaire de résiliation
La société Lla prétend à la résolution du contrat passé avec la société [W] aux torts de cette dernière au motif qu’elle a commis des fautes dans l’exécution du contrat en étant défaillante à la conseiller et l’informer sur le système adapté à ses besoins et en manquant à son obligation de délivrance en lui livrant une solution incomplète qui n’a cessé de dysfonctionner.
Elle explique que la mise en place d’un système complexe imposait au prestataire une obligation de conseil lourde pour laquelle elle a été mal accompagnée.
Elle fait valoir que dès la mise en place de la solution elle a signalé à plusieurs reprises des dysfonctionnements qui n’ont pas été résolu, que ces dysfonctionnements n’ont pas permis une migration des données au 31 décembre 2011, que certains progiciels n’ont pas été livrés.
Elle affirme que dans ces circonstances la réception de la solution informatique n’a pas pu être réalisée au 31 décembre 2011 comme prévu contractuellement, que si la société [W] postérieurement à cette date a tenté d’apporter une solution aux dysfonctionnements constatés (pendant 18 mois) même durant l’expertise amiable, elle n’y est pas parvenue de sorte qu’elle a été défaillante dans la mise au point définitive de la solution.
Au soutien de ces motifs et s’appuyant sur le rapport d’expertise judiciaire elle fait grief à la société [W] d’avoir structurellement et substantiellement modifié le projet sans son accord, de ne pas avoir fait signer de procès-verbal de recette après la livraison et d’avoir laissé persister des dysfonctionnements importants (lenteurs du système, pertes de données, problème de synchronisation des bases de données, redémarrage du serveur le dimanche, incompatibilité du progiciel avec la dernière version de Windows serveur de microsoft, des manquements dans la mise en place du web transfert, difficultés pour envoyer les liasses fiscales au 31 janvier 2012 et 2013, celles de 2011 ayant été envoyées à l’aide d’un ancien logiciel).
Elle affirme que les progiciels livrés dysfonctionnent (Isagi, Isapedi, Casav et Isacompta), que les délais de livraison n’ont pas été respectés.
Subsidiairement elle prétend à la résiliation du contrat aux torts de la société [W].
La société [W] s’oppose aux demandes de résolution et prétend reconventionnellement au paiement des factures émises, au motif selon elle qu’elle n’a pas été défaillante dans la mise en oeuvre de ses obligations pré contractuelles et contractuelles.
Elle explique qu’elle n’a pas été défaillante à remplir son obligation d’information et de conseil préalable, que cette dernière a été mise en oeuvre au travers d’une charte d’essai durant un mois et que ce n’est que postérieurement à cette période probatoire qu’un contrat a été passé.
Elle affirme que ce temps d’essai incluait des formations, des tests avec 3 dossiers actifs, des échanges et des bilans avec Lla et que c’est donc après ce temps d’échange et de mise en application que les parties se sont engagées.
Elle précise que les informations et les conseils qu’elle a délivrés étaient adaptés au profil de la société Lla qui n’était pas profane en la matière comme utilisant un système informatique standard depuis plusieurs années et disposant en interne d’un service informatique dirigé par un responsable (M. [B]).
L’obligation de délivrance selon elle a été remplie dans la mesure où la société Lla a pu utiliser la solution implantée, qu’elle fait remarquer que la société Lla est défaillante à rapporter la preuve par la production d’ éléments en provenance de clients que ces derniers auraient été victimes des dysfonctionnements allégués, tels que des déclarations fiscales et sociales hors délai entraînant des pénalités et majorations de retard.
Elle souligne que les dysfonctionnements qui ont pu être rencontrés n’ont pas privé la société Lla de la possibilité d’exercer et qu’elle a apporté des solutions aux différents points listés par elle.
Elle déplore les conditions dans lesquelles l’expertise s’est déroulée et ses conclusions. Elle considère que le rapport d’expertise ne peut fonder une quelconque demande de résolution ou d’indemnisation à défaut d’avoir été réalisé dans les termes de la mission ordonnée par le juge et qu’il doit être écarté. Elle affirme qu’il ne contient pas ailleurs aucune démonstration technique
Elle explique qu’elle a dispensé une formation mais également des prestations d’assistance et de maintenance sans être rémunérée et que la société Lla a reconnu qu’elle a délivré la formation et le bon fonctionnement de la solution informatique,
S’agissant des difficultés de mise en oeuvre avec Microsoft elle soutient avoir mis en place une solution palliative satisfaisante.
Elle fait remarquer que la société Lla n’a pas été bloquée dans son exploitation.
Sur le plan technique elle explique que si 21 points étaient discutés ( non bloquants ), au stade de l’expertise, 4 points restaient en discussion, que la société Lla n’a pas répondu aux propositions amiables, attitude caractérisant un manque de collaboration.
*
La société [W] qui soutient que le rapport d’expertise doit être écarté ne prétend pas à cette demande au dispositif de ses écritures ni à son annulation pour ne pas avoir respecté la mission confiée de sorte que ces moyens sont totalement inopérants. Par ailleurs la cour observe qu’ aucune demande de contre expertise n’a été formulée en cours d’ instance (devant le tribunal et la cour d’appel).
L’expertise étant contradictoire les parties ont pu apporter leurs commentaires techniques dont il sera tenu compte dans la solution à apporter au litige.
Dans le cadre de sa mission l’expert devait décrire :
– les diligences et prestations effectuées par les parties ;
– rechercher les causes de la survenance de ces difficultés ;
– donner toutes informations sur les éventuels manquements de la société Agiris aux obligations de conseil et de mise en garde spécifiques à l’informatique ;
-examiner la qualité du conseil et des analyses ;
-examiner et apprécier les résultats obtenus et vérifier la cohérence entre les besoins et les livrables ;
– dire si les résultats correspondent à ceux qu’était en droit d’attendre la société d’expertise comptable ; dans la négative, indiquer les motifs pour lesquels les résultats obtenus ne sont pas de nature à donner satisfaction ;
-donner son avis sur la pertinence du découpage des bases de données mis en oeuvre par Agiris pour remédier aux difficultés rencontrées par la société d’expertise comptable ;
-donner toutes les indications techniques et financières pour l’éventuelle mise en conformité du progiciel ;
-fournir tous les éléments techniques et de fait de nature à permettre au tribunal de déterminer les responsabilités éventuellement encourues et de chiffrer le préjudice subi par les parties et notamment le coût de mise en place d’une nouvelle solution ;
-décrire les obligations respectives des parties au regard de leurs engagements contractuels, des règles de l’art et de leur qualification et/ou de leurs équipes affectées au projet ;
Du sommaire du rapport il ressort que la mission ordonnée n’a pas été suivie, point par point chronologiquement, et qu’avant de conclure l’expert a organisé 4 réunions comme suit :
– une réunion pour analyser la situation ;
– une réunion pour analyser les griefs techniques ;
– une réunion pour analyser le préjudice financier ;
– une réunion destinée à l’analyse des dires suite à sa proposition de conclusions.
Cependant même si l’expert n’a pas suivi la mission ordonnée de façon chronologique il a répondu à de nombreuses questions figurant dans la mission et les réponses apportées permettent à la cour de disposer d’éléments techniques, qui, associés aux conclusions des parties permettent d’apprécier les conditions de formation et d’exécution du contrat.
*
La cour observe à la lecture des échanges entre les parties, qu’avant tout contentieux la société Lla a proposé une solution amiable au différend.
*
Aux termes de l’article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l’une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n’est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l’engagement n’a point été exécuté, a le choix ou de forcer l’autre à l’exécution de la convention lorsqu’elle est possible ou d’en demander la résolution avec dommages-intérêts. La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.
Selon l’article 1604 du même code, la délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l’acheteur.
Il est admis qu’il appartient au vendeur de prouver qu’il a mis la chose vendue à la disposition de l’acheteur dans le délai convenu et que la notion de conformité ou non-conformité est inhérente à l’obligation délivrance.
En matière de fourniture de logiciels informatiques, les obligations du prestataire sont tempérées par celles corrélatives aux clients, de coopération, d’application, de dialogue et de formation du personnel utilisateur. En outre, les usages tolèrent une certaine marge de difficultés notamment pendant la période de mise au point et de paramétrage.
En l’espèce, avant de conclure le contrat du 19 avril 2011 portant sur la mise à disposition et l’utilisation d’un progiciel et de ses prestations associées, les parties ont passé une convention intitulée ‘charte de mise à l’essai’ des logiciels Agiris destinée à l’essai des progiciels et services Agiris durant une période débutant le 2 mars 2011 et se terminant le 30 avril 2011 durant laquelle la société Agiris a mis à disposition gratuitement des progiciels de la gamme avec accès gracieux à l’assistance technique, la société Lla a réalisé des tests effectifs, sous le contrôle de M. [B] responsable informatique.
En concluant le contrat du 19 avril 2011, la société Lla a reconnu qu’elle souscrivait à la solution proposée suite aux informations et aux démonstrations reçues et a donc souscrit un contrat comportant :
– le droit d’utilisation d’un progiciel intégrant Isacompta, Isarevise, Isaexpert, Isaedi, Isagi, solution en ligne et travail collaboratif ;
– le service d’assistance maintenance du progiciel ;
– les prestations (migrations, paramétrages spécifiques).
Les parties ont convenu d’un calendrier de mise en place et après réalisation d’un audit production comptable, d’un audit de migration des données et après avoir souligné qu’aucun frein majeur à la mise en place n’était identifié, la société [W] a souligné différents points de vigilance en raison des modifications dans la pratique que ce changement allait occasionner.
Elle a notamment indiqué qu’il conviendrait de prévoir de mettre en place un webtranssfert et un boitier SSL pour faciliter la révision et la saisie chez plusieurs clients mais également l’obligation de recodifier à 7 caractères les dossiers, de les récupérer sur 6 ou 8 caractères, que pour les dossiers en surveillance l’exercice n+1 devra être réouvert et que les exercices immobilisations et comptables devront être ouverts dans le module immo.
A ce stade il convient d’observer que la société [W] ne fait pas grief à son client de ne pas été vigilante sur ces différents points.
En revanche, la société Lla a signalé des dysfonctionnements dès le mois de novembre 2011 et les parties au mois de juillet 2012 échangeaient encore sur le sujet de leur suppression, la société [W] expliquant notamment que les difficultés rencontrées étaient consécutives à la montée en charge sur son application et qu’une solution ‘architecture logiciel’ différente pourrait résoudre le problème à la condition que chaque serveur ne dépasse pas les 50 collaborateurs connectés simultanément (entraide comprise).
Malgré cette nouvelle architecture au mois d’octobre 2012 les anomalies ont persisté et selon un courrier de la SA [W] ont été causées par des incompatibilités entre les paramétrages en place des applications et l’utilisation de celles-ci notamment. Elle indiquait entre autre avoir donné de nouvelles instructions et préconisations d’utilisations portant également sur des contrôles à effectuer.
M. [K] pour la société Lla a déclaré dans un courrier qu’au mois de novembre 2012 il avait eu l’espoir que la solution se stabilise en vain.
La société [W] a reconnu dans un courrier avoir accepté de reporter les échéances des factures émises en raison des dysfonctionnements.
Il est donc établi qu’alors que la solution informatique devait être livrée pour le 31 décembre 2011, au mois de décembre 2012, les salariés collaborateurs de la société Lla qui utilisaient cette nouvelle solution ont continué à rencontrer des difficultés et des ralentissements dans l’accomplissement de leur travail quotidien et il est même établi que pour parer aux difficultés, ils ont dû réaliser certaines prestations à l’aide de l’ancien logiciel dont la maintenance a été poursuivie par mesure de sécurité.
Il ressort des éléments produits que dans le cadre de la phase d’information et de conseil préalable à la souscription du contrat et même durant celle de réalisation des audit, la société [W] n’a pas anticipé le volume des opérations à réaliser par le personnel de la société Lla ni prévu un système architectural informatique adapté à ce volume alors que dans le contrat elle présente Agiris comme le département dédié à la profession comptable libérale.
Prenant conscience des difficultés rencontrées et non anticipées dans ses propositions initiales, plusieurs mois après l’installation, elle a proposé un nouveau système architectural qu’elle n’avait pas envisagé dans ses propositions initiales malgré sa qualité de professionnel de l’informatique.
La société Lla n’a eu d’autres solutions et en dehors de toute modification du contrat passé, que d’y souscrire de fait, pour tenter de rendre le système opérationnel, au point que comme l’a relevé l’expert le système a subi une modification stratégique par rapport au projet initial sans régularisation d’un avenant.
L’expert déclare également que si les dysfonctionnements et cette modification n’ont pas bloqué le système informatique, ils ont entraîné des perturbations en terme technique, organisationnels, humains et financiers.
Ces perturbations se sont caractérisées par la perte d’informations issues de l’ancien système et le ralentissement dans le traitement des dossiers clients, il a relevé 26 interventions techniques au cours des années 2012 et 2013 et plus particulièrement portant sur le traitement des liasses fiscales.
L’expert relève que les multiples solutions proposées n’ont pas permis de résoudre les problèmes et que si certains dysfonctionnements pouvaient se régler aisément, pour d’autres la recherche de solution était plus compliquée et qu’il s’est instauré une forte perte de confiance dans les relations contractuelles.
En conséquence, si la société [W] a proposé un progiciel à l’essai et qu’elle a réalisé des audits dans le cadre de son obligation d’information et de conseil, la solution proposée n’a pas été évaluée en rapport avec le nombre de salariés et le volume d’activité alors que la solution avait pour objectif que tous les sites de la société Lla puissent utiliser un outil unique, que s’il est toléré un temps de paramétrage, ce dernier a duré au delà d’un temps raisonnable dans la mesure où l’expert a relevé qu’en 2013 des dysfonctionnements persistaient. En outre, la modification technique majeure opérée en dehors de toute obligation d’information préalable n’a pas suffit à résoudre les difficultés et s’il n’est pas contesté qu’aucun procès-verbal de recette n’a été établi et qu’il est admis que cette circonstance ne suffit pas à établir à elle seule, que le logiciel n’aurait fait l’objet d’aucune livraison, en l’espèce il s’infère du précédent développement que la société [W] a manqué à son obligation d’information et de conseil et que si elle a livré une solution informatique comprenant le progiciel litigieux, ce dernier n’était pas conforme aux besoins de la société Lla essentiellement en terme de capacité, que les dysfonctionnement n’ont pas permis l’établissement d’un procès-verbal de recette.
Elle a ainsi été défaillante dans son obligation d’information et de conseil mais également de délivrance.
En l’espèce si la société [W] a commis des manquements graves à ses obligations contractuelles permettant de mettre fin au contrat à ses torts, il est établi que la société Lla a utilisé la solution informatique certes avec des difficultés, que les dysfonctionnements n’étaient pas bloquants et qu’elle a pu satisfaire ses clients en ayant recours ponctuellement à un ancien logiciel et du fait d’un important investissement du personnel qui a été souligné par l’expert.
Dans ces conditions il convient de prononcer non pas la résolution mais la résiliation du contrat aux torts exclusifs de la société [W].
Sur les conséquences financières
Du fait de la résiliation la société Lla demande à être indemnisée à divers titres.
Elle considère avoir dû faire face à des coûts spécifiques en lien avec les dysfonctionnements pour faire face à sa mission comme suit :
66 944,94 € au titre de la maintenance des logiciels et des matériels CCMX et Osiatis ;
84 056 € au titre de la prise en charge des rémunérations de M. [B] ;
75 394 € au titre de la perte de marge ;
50 133 € au titre du remboursement de la prime ;
54 681 au titre de l’embauche de 2 salariés à durée déterminée ;
73 632 au titre du coût des groupes de méthode ;
68 736 € au titre du coût de formation des collaborateurs ;
177 750 € au titre du temps passé pour la migration des dossiers ;
48 348 € au titre des serveurs et logiciel Osiatis.
A titre liminaire dans le corps de ses conclusions elle prétend à l’inopposabilité de la clause limitative de responsabilité qui doit être réputée non écrite du fait de son caractère dérisoire et qui ne peut trouver à s’appliquer au motif que la société [W] a commis une faute lourde.
A supposer que sa responsabilité puisse être recherchée, la société [W] s’oppose aux demandes et subsidiairement se prévaut de la clause limitative de responsabilité contenue au contrat.
Elle demande la confirmation du jugement ayant majoritairement débouté la société Lla de ses demandes d’indemnisation, au motif que la société Lla a fait le choix en dehors de toute préconisation de maintenir la maintenance d’anciens logiciels, qu’il était prévu que M. [B] serait affecté à la réalisation de ce projet, que le lien de causalité entre perte de marge et les dysfonctionnements n’est pas démontré, que les primes allouées aux salariés résultent d’une décision unilatérale de la société Lla qu’elle n’a pas à supporter, qu’elle ne peut prétendre au remboursement des factures dans la mesure où elle a utilisé le progiciel, que l’intégration d’un nouveau système induit de fait un surcoût de main d’oeuvre que la société Lla devait anticiper, que le temps consacré au groupe de méthode est inclus dans la perte de marge, que le temps de formation des collaborateurs est exclut par une clause limitative de responsabilité, qu’elle est défaillante à démontrer le temps de migration, qu’enfin il n’est pas démontré que la société [W] ait préconisé l’acquisition de certains logiciels.
En l’espèce il n’y a pas lieu de statuer sur la demande portant sur le caractère ‘réputé non écrit de la clause limitative de responsabilité’ ou sur son inopposabilité, contenue dans les conclusions de l’appelante à défaut de prétentions à ce titre au dispositif de ses conclusions.
Son application sera appréciée in fine lorsque le lien de causalité sera établi entre les dysfonctionnements et les préjudices allégués.
L’expert retient que les dysfonctionnements techniques et les perturbations, causés par les progiciels de la société [W] ont engendré des répercutions sur l’environnement organisationnel, lenteurs importantes, suivi des dysfonctionnements et résolution, vérification des résultats des traitements informatiques, traitements palliatifs, redémarrage du serveur le dimanche, multiples interlocuteurs de la société [W] au cours du projet etc…(page 51 du rapport).
Les dysfonctionnements relevés fondant la résiliation du contrat ont indéniablement perturbé le fonctionnement de la société Lla qui a dû faire face à son activité dans un environnement informatique instable, qu’elle a au demeurant dû abandonner pour investir une autre solution en raison de la perte de confiance à l’endroit de son prestataire notamment.
Le lien entre les dysfonctionnements et un préjudice subi par la société Lla est donc établi.
Aux termes de l’article 3 des conditions générales, en cas de manquement grave d’Agiris à ses obligations, et sous réserve pour le client d’apporter la preuve de la faute d’Agiris, la responsabilité d’Agiris pourra être engagée, le droit à réparation du client de son assureur étant limité aux dommages matériels directs dans la limite des dispositions suivantes :
– pour les logiciels : limitation montant de l’assistance maintenance annuelle payée par le client
– pour les matériels et réseaux : limitation au montant payé par le client du matériel en cause
– pour les prestations : limitation montant annuel payé par le client de la prestation en cause.
L’article 4 dispose que la réparation des dommages indirects telles les pertes de données, perte d’exploitation, perte de marge et/ou de bénéfices, frais financiers directs et perte d’image de marque est expressément exclue du périmètre du droit à réparation du client.
Si une clause limitative de responsabilité est valable dès lors que l’indemnisation n’est pas dérisoire et que peut être considéré comme non dérisoire une limitation au montant du contrat, en l’espèce, l’article 4, qui exclut l’indemnisation de tout préjudice indirect telles les pertes de données, perte d’exploitation, perte de marge et/ou de bénéfices, frais financiers directs et perte d’image de marque, associé à l’article 3, qui n’indemnise que les dommages matériels directs, caractérise une volonté du fournisseur d’indemniser de façon dérisoire le client en cas de manquement grave de sorte que ces clauses ne sont pas valables.
En l’espèce la société Lla subit un préjudice matériel car elle doit changer de système mais également un préjudice économique constitué de charges financières supplémentaires auxquelles elle a dû faire face durant la période de paramétrage et de recherche de solutions mais également pour changer de système informatique et mettre en place la migration des données.
En application de l’article 12 du code de procédure civile le juge tranche litige conformément aux règles de droits qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
En l’espèce les postes dont demande paiement la société Lla correspondent au préjudice économique qu’elle prétend avoir subi consécutivement à la résiliation du contrat aux torts de la société [W] de sorte qu’il sera alloué des dommages et intérêts.
Leur montant sera évalué point par point pour aboutir à une évaluation globale du préjudice.
Le préjudice est notamment constitué du :
-coût de maintenance des anciens progiciels pour faire face au volume de travail en lien avec le nombre de salariés notamment ;
-coûts salariaux divers (primes diverses…)
Le coût de maintenance des anciens logiciels n’a pas servi uniquement à faire face aux dysfonctionnements en lien avec l’installation du logiciel [W] de sorte qu’il sera retenu 50 % de ce poste soit 66 944,94 € /2 soit 33 472 €.
Si ces dysfonctionnements ont nécessité un investissement particulier du personnel que la société Lla a récompensé par l’allocation de primes de pénibilité notamment, l’allocation d’un surcroît de rémunération au responsable informatique n’est pas démontrée et ce dernier percevait un salaire pour faire face à cette nouvelle installation rappelant qu’il a été désigné à cette fin dès que le contrat a été signé et qu’il a assuré les essais sur le nouveau progiciel. Les sommes demandées au titre de ce poste de préjudice sont démesurées, il sera alloué 25 000 € au lieu des 134 189 € demandées.
La perte de marge pouvant résulter de l’accroissement des charges auxquelles la société Lla a dû faire face peut faire doublon avec les précédentes demandes sauf à ce que le système défaillant ait causé un ralentissement de la facturation du fait du système et partant à une perte de chiffre d’affaires.
De la pièce 19.3 produite par la société Lla il n’est pas établi une perte de chiffre d’affaires durant le temps d’exploitation du système informatique installé par la société [W], ce dernier étant passé au titre de la production comptable de 5 480 032 € en 2011 à 6 172 409 € en 2014 de sorte que la demande au titre de la perte de marge, outre le fait qu’elle n’est pas sérieusement démontrée elle est déjà prise en compte à travers les sommes allouées au titre des charges supplémentaires.
Les affirmations de l’expert sur l’existence et le chiffrage d’un préjudice de perte de marge ne peuvent être retenues dans la mesure où il n’a été désigné qu’en qualité d’expert en informatique et non en comptabilité et qu’il ne lui a été demandé de fournir aux juridictions saisies que les éléments techniques et de fait, de nature à permettre de déterminer les responsabilités éventuellement encourues, ce qu’il a fait mais également pour permettre aux juridictions de chiffrer le préjudice subi par les parties et notamment le coût de mise en place d’une nouvelle solution.
La demande au titre de la perte de marge est en conséquence rejetée.
Si la connaissance du coût de mise en place d’une nouvelle solution informatique est importante pour apprécier le montant du préjudice subi par la société Lla, ce dernier ne peut intégrer la totalité du coût annoncé, car la société Lla avait pris la décision de changer de système dont elle doit assumer le coût, le préjudice ne pouvant être constitué que des postes en lien avec un changement aussi rapide de système, la formation et le temps d’adaptation du personnel à la nouvelle installation.
Il ressort des pièces que si la société Lla a engagé en contrat de travail à durée déterminée 2 salariés pour faire face au travail de migration consécutif à l’installation du nouveau progiciel, les contrats ont été conclu au mois de septembre 2011 avant les dysfonctionnements de sorte qu’ils ne sont pas en lien direct avec ces derniers et qu’il n’ont été passés que dans le cadre du changement de solution décidée initialement par la société Lla.
Le coût des groupes de méthode assumé par la société Lla au stade notamment de l’audit préalable à l’installation ne peut pas plus être intégré au poste du préjudice indemnisable dans la mesure où il a été prévu comme pour le précédent pour faire face à l’installation de la nouvelle solution informatique et n’est pas consécutif aux dysfonctionnements constatés, de sorte que ce poste est également écarté. L’analyse est identique pour le poste formation des collaborateurs.
En revanche si la société Lla a dû faire face au coût d’une nouvelle migration, elle ne produit pas la facture de son nouveau prestataire (Quadratus) de sorte que ce préjudice peut être évalué sur la base du contrat résilié qui prévoyait un coût de migration à hauteur de 45 070 € ht intégrant la préparation technique et la mise en place du logiciel, des prestations transversales, un accompagnement aux méthodes, la formation des collaborateurs.
Il sera donc alloué à ce titre 60 000 € (54 000 € +6 000€) au lieu des 177 750 € réclamés.
Enfin il n’est pas rapporté la preuve que la société [W] a préconisé des achats complémentaires de serveurs et de logiciels de façon inutile, de sorte que ce poste ne peut rentrer dans l’indemnisation.
En conséquence la société [W] est condamnée à verser à la société Lla la somme de 118 472 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du préjudice subi en lien avec les manquements durant l’exécution du contrat jusqu’à la mise en place de la nouvelle solution informatique.
Sur l’appel incident de la société [W] au titre du paiement des factures
A titre liminaire la cour observe que la société [W] demande paiement de sommes hors taxes de sorte que ne pouvant statuer ultra petita et si la société Lla se trouve dans l’obligation de payer diverses sommes au titre de prestations fournies, elles seront allouées hors taxes.
En l’espèce la société [W] a émis des factures à compter du 8 mars 2011 jusqu’au 1er décembre 2017 à hauteur de 315 100,92 € ht et la société Lla a payé une somme de 67 656 € ttc selon déclaration non contredite (la société Lla demandant la confirmation du jugement ayant condamné la société [W] au paiement de cette somme consécutivement à la résolution).
La société [W] demande paiement d’une somme de 256 611,91 € ht en tenant compte des sommes déjà payées.
Tenant compte du fait que le contrat a été résilié courant 2014 aux torts de la société [W], à effet à compter de la migration vers le système Quadratus, toutes les factures émises à compter du 1er décembre 2014, au titre d’une maintenance, à hauteur de 147 247,92 € ht sont mal fondées.
Le système ayant été installé et utilisé du fait de dysfonctionnements non-bloquants, et les conséquences des dysfonctionnements étant indemnisées ci-dessus il n’y a pas lieu de condamner la société [W] à rembourser les sommes déjà payées et la société Lla est dans l’obligation de payer les sommes dues au titre de l’installation, des formations, de la maintenance de 2011 à décembre 2014 qui lui ont permis de remplir sa mission d’expert comptable auprès de ses clients à hauteur de 109 363,99 € ht.
La société Lla n’a pas été mise en demeure de payer les sommes litigieuses et le paiement des factures a été suspendu un temps de sorte que la condamnation ne sera assortie de l’intérêt au taux légal qu’à compter de la présente décision.
Il est fait droit à la demande de capitalisation.
Sur les demandes accessoires
La SA [W] qui succombe supporte les dépens d’appel et est condamnée à payer à la société Lla la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour le même motif le jugement est confirmé en ce qu’il a condamné la société [W] aux dépens aux frais d’huissier à hauteur de 947 € et d’expertise technique préalable et judiciaire à hauteur de 11 000 € (6 000 € + 5 000 €).
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe ;
infirme le jugement sauf sur les dispositions relatives aux dépens, les honoraires d’experts, les frais d’huissier et les frais irrépétibles.
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant :
Prononce la résiliation du contrat passé entre la société [W] et la Selas Lla experts comptables aux torts exclusifs de la société [W] à compter de la migration vers le système Quadratus en 2014 ;
Condamne la société [W] à payer à la Selas Lla experts comptables la somme de 118 472 € de dommages et intérêts au titre du préjudice financier subi ;
Condamne la Selas Lla experts comptables à payer à la société [W] la somme de 109 363,99 € ht au titre du solde des factures dues durant la période d’exécution du contrat ;
Ordonne la capitalisation dans les termes de l’article 1343-2 du code civil ;
Condamne la société [W] aux dépens d’appel et à payer à la Selas Lla experts comptables la somme de 10 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, La Présidente,