Une marque ne peut être déposée si elle porte atteinte même de façon indirecte à une IGP (exemple : l’occitane qui porte atteinte à l’IGP « Pays d’Oc »).
Pour les produits de la classe 33 et s’agissant de vins, le consommateur, tant français qu’européen, aura immédiatement à l’esprit la région Occitanie et tout particulièrement le Pays d’Oc, réputé pour ses vins au sein de la région Occitanie.
En raison de l’identité des produits, de l’incorporation partielle de l’appellation protégée et de la proximité conceptuelle entre la marque et l’IGP, l’évocation de l’IGP « Pays d’Oc » par le signe contesté est caractérisée et c’est à juste titre que le directeur général de l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement pour les « vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc » ».
Sur la recevabilité de la pièce n° 7 produite par le directeur général de l’INPI devant la cour :
Le recours exercé contre une décision du directeur général de l’INPI statuant sur une demande d’enregistrement d’une marque est un recours en annulation et, comme tel, la cour d’appel ne peut se prononcer qu’au vu des pièces produites devant ou par le directeur général de l’INPI lors de l’instruction de la demande, à l’exclusion de toute autre pièce postérieure à la décision contestée. La pièce 7, même publiée au BOPI, est irrecevable.
Sur l’annulation pour excès de pouvoir :
En application des dispositions des articles L. 712-2 et R. 712-3 du code de la propriété intellectuelle, la demande d’enregistrement de la marque doit comporter l’énumération des produits et services pour lesquels elle est demandée ainsi que l’énumération des classes correspondantes. Conformément à ces dispositions, la SA Laboratoires M&L a spécifié, dans sa demande d’enregistrement publiée le 11 septembre 2020, la classe 33 pour les produits suivants : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; apéritifs ; cocktails alcoolisés ; liqueurs ; alcool de riz ; rhum ; vodka ; whisky ; vins. ».
En application de l’article L. 712-7 in fine du même code, lorsque les motifs de rejet n’affectent la demande qu’en partie, il n’est procédé qu’à son rejet partiel. L’annulation des décisions du directeur général de l’INPI des 17 octobre 2022 et 14 avril 2023 n’est donc pas encourue de ce chef.
Sur le fond :
Le litige se cantonne désormais au refus d’enregistrement de la marque pour des vins ne bénéficiant pas de l’IGP Pays d’Oc en raison d’une atteinte qui serait portée à cette IGP. En application de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils le sont, sont susceptibles d’être déclarés nuls : (‘)
8° Une marque de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;
9° Une marque exclue de l’enregistrement en vertu de la législation nationale, du droit de l’Union européenne ou d’accords internationaux auxquels la France ou l’Union sont parties, qui prévoient la protection des appellations d’origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties.
– Somme allouée à la SA Laboratoires M&L: dépens
Réglementation applicable
En application des dispositions de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle et du Règlement UE n°1308/2013 du 17 décembre 2013, les indications géographiques enregistrées sont protégées contre toute imitation ou évocation,
En application des dispositions des articles L. 712-2 et R. 712-3 du code de la propriété intellectuelle, la demande d’enregistrement de la marque doit comporter l’énumération des produits et services pour laquelle elle est demandée ainsi que l’énumération des classes correspondantes.
En application de l’article L. 712-7 in fine du même code, lorsque les motifs de rejet n’affectent la demande qu’en partie, il n’est procédé qu’à son rejet partiel.
En application de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclarée nuls : (‘)
8° Une marque de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;
9° Une marque exclue de l’enregistrement en vertu de la législation nationale, du droit de l’Union européenne ou d’accords internationaux auxquels la France ou l’Union sont parties, qui prévoient la protection des appellations d’origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties.
En application de l’article L. 721-8, les dénominations enregistrées sont protégées contre :
1° Toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;
2° Toute usurpation, imitation ou évocation (souligné par la cour), même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation » ou d’une expression similaire ;
Selon l’interprétation du Règlement effectué par la CJUE, la notion d’évocation recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, en sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation (CJUE 4 mars 1999 C-87/97). Elle a encore précisé que l’évocation est établie lorsque l’usage d’une dénomination produit, dans l’esprit d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, un lien suffisamment direct et univoque entre cette dénomination et l’AOP. L’existence d’un tel lien peut résulter de plusieurs éléments, en particulier l’incorporation partielle de l’appellation protégée, la parenté phonétique et visuelle entre les deux dénominations et la similitude en résultant, et même en l’absence de ces éléments, de la proximité conceptuelle entre l’AOP et la dénomination en cause ou encore d’une similitude entre les produits couvert par cette même AOP et les produits ou services couverts par cette dénomination (CJUE 9 septembre 2021 C-783/19)
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Joseph MAGNAN
– Me Stéphane GUERLAIN
– Madame [M] [P]
– Madame Valérie GERARD
– Madame Stéphanie COMBRIE
– Mme Marie-Amélie VINCENT
– Madame Valérie VIOLET
– Madame Marielle JAMET
Mots clefs associés
– Motifs
– Recevabilité
– Annulation pour excès de pouvoir
– Code de la propriété intellectuelle
– Dénominations enregistrées
– Protection des dénominations
– Marque de nature à tromper le public
– Protection des appellations d’origine
– Indications géographiques
– Marque exclue de l’enregistrement
– Utilisation commerciale
– Usurpation, imitation ou évocation
– CJUE
– IGP Pays d’Oc
– Marque contestée
– Signe verbal L’OCCITANE
– Parenté phonétique
– Renommée de la marque
– Univers féminin
– Consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé
– Région Occitanie
– Pays d’Oc
– Identité des produits
– Évocation de l’IGP
– Rejet de la demande d’enregistrement
– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un tribunal.
– Demande de nullité du contrat pour dol : Requête visant à annuler un contrat en raison de la présence de dol, c’est-à-dire de manœuvres ou de mensonges ayant induit une partie à consentir au contrat.
– Article 1130 du code civil : Disposition légale stipulant que l’erreur, le dol et la violence sont des vices du consentement pouvant affecter la validité d’un contrat.
– Article 1137 du code civil : Article définissant le dol comme étant un vice du consentement résultant de manœuvres ou de mensonges pratiqués par une partie pour obtenir le consentement de l’autre.
– Preuve du dol : Éléments de preuve nécessaires pour démontrer l’existence de manœuvres ou de mensonges ayant conduit une partie à contracter.
– Contrat de 12.278 euros : Accord commercial ou transaction spécifique d’une valeur de 12.278 euros.
– Exception d’inexécution : Principe selon lequel une partie peut refuser d’exécuter ses obligations contractuelles si l’autre partie n’a pas exécuté les siennes.
– Article 1219 du code civil : Article qui énonce le droit pour une partie de suspendre l’exécution de ses obligations si l’autre partie ne respecte pas les siennes, sous réserve de notification.
– Absence de fonctionnement du site internet : Situation où un site web ne fonctionne pas comme prévu ou convenu, pouvant constituer un manquement contractuel.
– Erreurs sur le site internet : Défauts ou problèmes techniques sur un site web qui peuvent affecter son utilisation ou sa fonctionnalité.
– Conditions générales du contrat : Ensemble des clauses et des règles qui régissent les droits et obligations des parties dans un contrat.
– Mail du 14 septembre 2018 : Correspondance électronique spécifique datée du 14 septembre 2018, pouvant contenir des informations ou des preuves pertinentes pour une affaire.
– Mail du 25 septembre 2018 : Correspondance électronique spécifique datée du 25 septembre 2018.
– Mail du 3 octobre 2018 : Correspondance électronique spécifique datée du 3 octobre 2018.
– Manquements de la société Local.fr : Fautes ou négligences commises par l’entreprise Local.fr dans l’exécution de ses obligations contractuelles.
– Demande en paiement de 12.075,50 euros : Réclamation financière spécifique visant à obtenir le paiement de 12.075,50 euros.
– Article 700 du Code de procédure civile : Disposition légale permettant à une partie de demander une indemnisation pour les frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire qui ne sont pas couverts par les dépens.
– Dépens et frais irrépétibles : Frais de justice qui doivent être payés par la partie perdante (dépens) et frais non inclus dans les dépens mais que le juge peut ordonner à la partie perdante de rembourser (frais irrépétibles).
– Indemnité de procédure de 2.500 euros : Somme d’argent que le tribunal peut ordonner à une partie de payer à l’autre en compensation des frais de procédure engagés.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 22 FEVRIER 2024
N° 2024/ 48
Rôle jonction N° RG 22/14347 et 23/06408 – N° Portalis DBVB-V-B7G-BKHSS
JONCTION N° RG 23/06408
S.A. LABORATOIRES M&L
C/
Etablissement Public L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE (INPI)
PROCUREUR GENERAL
Copie délivrée
le : 23-02-24
à :
Me Joseph MAGNAN
Copie délivrée
le : 23-02-24
INPI
Copie délivrée
le : 23-02-24
PG
Décision déférée à la Cour :
Décision de Monsieur le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 3] en date du 01 Septembre 2022 enregistrée au répertoire général sous le n° 200/467559 et en date du 14 Avril 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 20/4675593.
DEMANDERESSE
S.A. LABORATOIRES M&L société anonyme, immatriculée au R.C.S. sous le numéro 305 823 296, agissant poursuites et diligences de son représentant légal, M. [C] [K], Directeur Général domicilié en cette qualité audit siège : [Adresse 4]
représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Stéphane GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS, plaidant
EN PRESENCE DE :
L’INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIÉTÉ INDUSTRIELLE ( INPI) Etablissement public à caractère administratif placé sous la tutelle du Ministère de l’Economie, de l’Industrie et du Numérique, pris en la personne de son Directeur général en exercice domicilié en cette qualité audit siège, [Adresse 1]
représenté par Madame [M] [P], en vertu d’un pouvoi général, entendue en ses observations
Madame la PROCUREURE GENERALE
demeurant [Adresse 2]
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 09 Octobre 2023 en audience publique.
Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Valérie GERARD, Première présidente de chambre a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 février 2024, après prorogation du délibéré
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 février 2024,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Marielle JAMET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 19 août 2020, la SA Laboratoires M&L a déposé une demande d’enregistrement de la marque verbale « L’OCCITANE » n°4675593 pour différents produits et services des classes 1,2, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 11, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 36, 38, 39, 41, 42, 43, 44.
Le 16 octobre 2020, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) a émis des observations et indiqué que la marque ne pouvait être enregistrée pour tous les produits de la classe 33, ni pour les vins bénéficiant de l’indication géographique protégée Pays d’Oc en ce que la marque contreviendrait aux dispositions de l’article L. 711-2 7° du code de la propriété intellectuelle, qu’elle est susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à l’origine, la nature et les qualités du produit au sens de l’article L. 711-28° du code de la propriété intellectuelle et est contraire à la protection des appellations d’origine et des indications géographiques des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties au sens de l’article L. 711-2 9° du code de la propriété intellectuelle.
Le directeur général de l’INPI a émis le 14 décembre 2020, un projet de décision, devenu définitif le 17 octobre 2022, aux termes duquel :
Article un : La demande d’enregistrement n° 20/4675593 est rejetée pour les produits et services suivants : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; vins ; Services d’achat en retour en magasin ; Services de remise en argent ; Services informatiques en rapport avec des cosmétiques ; Services informatiques liés à la beauté et/ou à des cosmétiques » ;
Article deux : La marque sera enregistrée pour les produits et services modifiés suivants : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières et des vins) ; vins bénéficiant de l’indication géographique protégée « « Pays d’Oc » » en classe 33, « Services de remboursement de produits achetés puis retournés en magasin ; Attribution de remises (réduction commerciale) sur factures » en classe 36 et « Plateforme informatique en tant que Service [PAAS] en rapport avec la vente de produits cosmétiques ; Services d’assistance en ligne pour utilisateurs de programmes informatiques liés à la beauté et/ou à des cosmétiques » en classe 42 ;
Article trois : La marque sera enregistrée pour les autres produits et services figurant dans la demande.
Le 27 octobre 2022, la SA Laboratoires M&L a formé un recours en annulation à l’encontre de cette décision. Ce recours a été enregistré sous le n° RG 22-14347.
Le 14 avril 2023, le directeur général de l’INPI a rectifié le dispositif de sa décision devenue définitive le 17 octobre 2022 de la manière suivante :
Article premier : La demande d’enregistrement n° 20/4675593 est partiellement rejetée, pour les « vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc » ».
Article deux : les services suivants : « Services d’achat en retour en magasin ; Services de remise en argent ; Services informatiques en rapport avec des cosmétiques ; Services informatiques liés à la beauté et/ou à des cosmétiques » sont modifiés selon les termes de l’article trois.
Article trois : La marque est partiellement enregistrée, pour :
– les produits suivants : « boissons alcoolisées (à l’exception des bières, et des vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc ») ; vins bénéficiant de l’IG « Pays d’Oc » » en classe 33 » ;
– les produits et services modifiés suivants :
« Services de remboursement de produits achetés puis retournés en magasin ; Attribution de remises (réduction commerciale) sur factures » en classe 36 et « Plateforme informatique en tant que Service [PAAS] en rapport avec la vente de produits cosmétiques ; Services d’assistance en ligne pour utilisateurs de programmes informatiques liés à la beauté et/ou à des cosmétiques » en classe 42 » ;
– ainsi que pour tous les autres produits et services de la demande d’enregistrement non mentionnés aux articles premier et deux.
Le 9 mai 2023, la SA Laboratoires M&L a formé un recours en annulation à l’encontre de cette décision qui a été enregistré sous le n° RG 23-06408.
Par conclusions notifiées et déposées le 10 mai 2023, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SA Laboratoires M&L demande à la cour de :
– déclarer que la société Laboratoires M&L est recevable et bien fondée en ses recours,
en conséquence, y faire droit :
– déclarer irrecevable la pièce jointe n°7 présentée par l’INPI pour la première fois devant la cour ;
– annuler le premier projet de décision du 1er septembre 2022, devenu définitif le 17 octobre 2022, ainsi que le second projet de décision définitif le 14 avril 2023 rendus par M. le Directeur Général de l’INPI, dès lors que ce dernier a statué sur l’enregistrement de la marque verbale « L’OCCITANE » n°4675593 pour des produits non expressément visés au dépôt, et a en conséquence :
dénaturé les termes du dépôt de la marque,
statué en dehors des limites fixées par le dépôt de la marque,
en conséquence, excédé les pouvoirs qui lui sont conférés ;
– annuler le premier projet de décision du 1er septembre 2022, devenu définitif le 17 octobre 2022 rendu par M. le Directeur Général de l’INPI, en ce qu’il a :
refusé l’enregistrement de la marque verbale « L’OCCITANE » n°4675593 pour les produits suivants « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; vins » ;
modifié le libellé des produits ci-dessus visés au dépôt de la marque verbale « L’OCCITANE » n°4675593 pour le restreindre aux produits suivants (les restrictions imposées par l’INPI étant en rouge et soulignées) : « boissons alcoolisées (à l’exception des bières et des vins) ; vins bénéficiant de l’indication géographique protégée « Pays d’Oc » » ;
– annuler le second projet de décision rendu par M. le Directeur Général de l’INPI définitif le 14 avril 2023, en ce qu’il a :
rejeté la demande d’enregistrement de la marque verbale « L’OCCITANE » n°4675593 pour les « vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc » » ;
modifié le libellé des produits visés au dépôt de la marque verbale « L’OCCITANE » n°4675593 pour le restreindre aux produits suivants (les restrictions imposées par l’INPI étant en rouge et soulignées) : « boissons alcoolisées (à l’exception des bières, et des vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc ») ; vins bénéficiant de l’IG « Pays d’Oc » ».
Elle soutient d’abord que le directeur général de l’INPI a statué en dehors des limites fixées au dépôt et a ainsi excédé ses pouvoirs puisqu’elle n’avait pas demandé d’enregistrement de sa marque verbale pour des vins ne bénéficiant pas de l’IG Pays d’Oc.
Sur le fond, elle affirme qu’il n’y a aucune évocation de l’IGP Pays d’Oc dans sa marque, qu’il n’y a aucun lien direct et univoque entre la maque et l’IGP, le consommateur n’étant en aucun cas amené à avoir à l’esprit, comme image de référence les vins bénéficiant de l’IGP, que les boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ne relèvent d’une des catégories répertoriées à l’annexe VII partie II du Règlement n°1308/2013 et qu’en tout état de cause, l’enregistrement de la marque L’OCCITANE n’aboutirait pas à la protection de l’IGP.
Par observations récapitulatives notifiées le 19 juin 2023, le directeur général de l’INPI fait valoir :
– sur la rectification, qu’en application de l’article 462 du code de procédure civile il était fondé à rectifier les erreurs matérielles affectant le dispositif de sa décision, la portée du rejet étant pleinement formulée dans le corps de la décision mais traduite de manière non correcte dans le dispositif, qu’il pouvait rectifier l’erreur ainsi commise en raison de l’absence d’effet dévolutif du recours exercé par la SA L’OCCITANE laquelle n’en tire d’ailleurs aucune conséquence sur un vice de forme ou de procédure et que la rectification de cette décision participe d’une bonne administration de la justice en permettant à la cour d’exercer au mieux son contrôle ;
– sur le rejet de la pièce n°7 : qu’il s’agit d’une pièce officielle, publiée au BOPI, produite en réponse aux allégations de la déposant quant à l’existence d’une pratique instable de l’INPI sur les marques OCCITANE déposées pour des vins ;
– sur le bien-fondé du rejet : qu’en application des dispositions de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle et du Règlement UE n°1308/2013 du 17 décembre 2013, les indications géographiques enregistrées sont protégées contre toute imitation ou évocation, qu’en l’espèce la parenté entre la dénomination L’OCCITANE et le nom de l’IGP « Pays d’Oc » résulte de l’identité des produits, d’une incorporation partielle de l’IG par la reprise de l’élément OC , élément à part entière dans l’IG et essentielle à celle-ci, qu’il existe des ressemblances visuelles et phonétiques entre la marque et l’IGP ainsi qu’une proximité intellectuelle par référence à la zone géographique commune .
Par conclusions notifiées et déposées le 14 septembre 2023, Mme la procureure générale après la cour d’appel d’Aix-en-Provence sollicite la confirmation de la décision déférée en relevant qu’il ne fait pas de doute que le consommateur avisé fera directement le lien entre des vins revêtus du signe L’OCCITANE et les vins éligibles à l’indication géographique Pays d’Oc.
MOTIFS
Il y a lieu, pour une bonne administration de la justice, de joindre les recours formés par la SA Laboratoires M&L enregistrés sous les n° RG 2214347 et RG 23-06408 sous le numéro RG 22-14347.
1. Sur la recevabilité de la pièce n° 7 produite par le directeur général de l’INPI devant la cour :
Le recours exercé contre une décision du directeur général de l’INPI statuant sur une demande d’enregistrement d’une marque est un recours en annulation et, comme tel, la cour d’appel ne peut se prononcer qu’au vu des pièces produites devant ou par le directeur général de l’INPI lors de l’instruction de la demande, à l’exclusion de toute autre pièce postérieure à la décision contestée.
La pièce 7, même publiée au BOPI, est irrecevable.
2. Sur l’annulation pour excès de pouvoir :
En application des dispositions des articles L. 712-2 et R. 712-3 du code de la propriété intellectuelle, la demande d’enregistrement de la marque doit comporter l’énumération des produits et services pour laquelle elle est demandée ainsi que l’énumération des classes correspondantes. Conformément à ces dispositions, la SA Laboratoires M&L a spécifié, dans sa demande d’enregistrement publiée le 11 septembre 2020, la classe 33 pour les produits suivants : « Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; apéritifs ; cocktails alcoolisés ; liqueurs ; alcool de riz ; rhum ; vodka ; whisky ; vins. ».
En application de l’article L. 712-7 in fine du même code, lorsque les motifs de rejet n’affectent la demande qu’en partie, il n’est procédé qu’à son rejet partiel.
Il en résulte que contrairement à ce que soutient l’appelante, le directeur général de l’INPI n’est pas tenu d’accepter ou rejeter en bloc, les termes de la demande d’enregistrement. Par ailleurs, il n’est pas discuté que les produits « vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc » » et les « vins bénéficiant de l’IG « Pays d’Oc » », sont une catégorie particulière de vins, nécessairement compris dans la catégorie générale « vins » de la classification et le directeur général de l’INPI a donc pu, sans excéder les pouvoirs qu’il tient des textes susvisés, limiter l’enregistrement sollicité à une catégorie de « vins ».
L’annulation des décisions du directeur général de l’INPI des 17 octobre 2022 et 14 avril 2023 n’est donc pas encourue de ce chef.
Enfin, il n’est pas interdit au directeur général de l’INPI de rectifier une décision comportant une erreur matérielle conformément aux dispositions du code de procédure civile, cette rectification étant soumise également à l’appréciation de la cour par la voie du recours exercé par la requérante.
3. Sur le fond :
Le litige se cantonne désormais au refus d’enregistrement de la marque pour des vins ne bénéficiant pas de l’IGP Pays d’Oc en raison d’une atteinte qui serait portée à cette IGP.
En application de l’article L. 711-2 du code de la propriété intellectuelle, ne peuvent être valablement enregistrés et, s’ils sont enregistrés, sont susceptibles d’être déclarée nuls : (‘)
8° Une marque de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service ;
9° Une marque exclue de l’enregistrement en vertu de la législation nationale, du droit de l’Union européenne ou d’accords internationaux auxquels la France ou l’Union sont parties, qui prévoient la protection des appellations d’origine et des indications géographiques, des mentions traditionnelles pour les vins et des spécialités traditionnelles garanties.
En application de l’article L. 721-8, les dénominations enregistrées sont protégées contre :
1° Toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée ;
2° Toute usurpation, imitation ou évocation (souligné par la cour), même si l’origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que « genre », « type », « méthode », « façon », « imitation » ou d’une expression similaire ;
Selon l’interprétation du Règlement effectué par la CJUE, la notion d’évocation recouvre une hypothèse dans laquelle le terme utilisé pour désigner un produit incorpore une partie d’une dénomination protégée, en sorte que le consommateur, en présence du nom du produit, est amené à avoir à l’esprit comme image de référence, la marchandise bénéficiant de l’appellation (CJUE 4 mars 1999 C-87/97). Elle a encore précisé que l’évocation est établie lorsque l’usage d’une dénomination produit, dans l’esprit d’un consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, un lien suffisamment direct et univoque entre cette dénomination et l’AOP. L’existence d’un tel lien peut résulter de plusieurs éléments, en particulier l’incorporation partielle de l’appellation protégée, la parenté phonétique et visuelle entre les deux dénominations et la similitude en résultant, et même en l’absence de ces éléments, de la proximité conceptuelle entre l’AOP et la dénomination en cause ou encore d’une similitude entre les produits couvert par cette même AOP et les produits ou services couverts par cette dénomination (CJUE 9 septembre 2021 C-783/19)
En l’espèce, en premier lieu, il ne peut être contesté que l’enregistrement de la marque contestée est sollicité postérieurement à la date d’enregistrement de l’IGP « Pays d’Oc » (17 mars 1978) et pour des produits similaires à ceux couverts par cette IGP s’agissant de vins inclus dans la classe 33.
En second lieu, le signe verbal L’OCCITANE, est construit d’un adjectif féminin qui signifie qui est relatif à l’Occitanie ou à ses habitants (CNTRL.fr), précédé d’un article, ce qui qualifie un élément féminin évoquant la région occitane, sans toutefois que ce signe ne constitue une dénomination géographique au sens strict.
Il incorpore le mot « Oc », partie de la dénomination de l’IGP « Pays d’Oc », élément à part entière et déterminant de cette IGP en ce qu’il la définit sur le plan géographique. Ce terme essentiel est également un élément racine dans le signe contesté, même suivi des deux autres syllabes, de sorte qu’il n’existe une parenté phonétique avec l’IGP.
En troisième lieu, il ne peut être sérieusement contestée au regard des nombreux élément produits par la SA Laboratoires M&L, que le signe verbal « L’OCCITANE » évoque auprès des consommateurs une femme à la beauté méditerranéenne correspondant à l’univers féminin dans lequel la SA Laboratoires M&L inscrit son activité et qu’il peut être admis, au regard des nombreux éléments produits par la requérante, qu’elle a acquis, pour les produits de de l’univers féminin de la cosmétique et du bien-être, une renommée certaine, tant sur le plan national qu’international, qui conduit le consommateur moyennement attentif et avisé à associer directement et immédiatement la marque aux produits de cet univers.
En revanche, tel n’est pas le cas des produits de la classe 33 vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc » pour lesquels le consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé n’aura pas immédiatement à l’esprit le signe connu pour ses produits cosmétiques et de bien-être.
Au contraire, s’agissant de vins, le consommateur, tant français qu’européen, aura immédiatement à l’esprit la région Occitanie et tout particulièrement le Pays d’Oc, réputé pour ses vins au sein de la région Occitanie.
En raison de l’identité des produits, de l’incorporation partielle de l’appellation protégée et de la proximité conceptuelle entre la marque et l’IGP, l’évocation de l’IGP « Pays d’Oc » par le signe contesté est caractérisée et c’est à juste titre que le directeur général de l’INPI a rejeté la demande d’enregistrement pour les « vins ne bénéficiant pas de l’IG « Pays d’Oc » ».
La demande d’annulation est rejetée.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Ordonne la jonction des instances 22/14347 et 23/06408 sous le seul numéro 22/14347 ;
Rejette la demande d’annulation des décisions du directeur général de l’INPI des 17 octobre 2022 et 14 avril 2023,
Condamne la SA Laboratoires M&L aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE