Partenariat entre un VTC et Uber : pas de contrat de travail

Notez ce point juridique

1. Il est important de vérifier les dispositions légales et contractuelles avant d’invoquer la nullité d’un acte de procédure. La nullité ne peut être prononcée que si elle est expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

2. Il est essentiel de prouver le grief causé par une irrégularité pour obtenir la nullité d’un acte de procédure. En l’absence de démonstration d’un préjudice, la nullité ne peut être prononcée.

3. Il est crucial de distinguer entre les obligations et les contraintes imposées par une plateforme numérique et les critères de subordination caractérisant un contrat de travail. La liberté de choix, la possibilité de se déconnecter et la gestion autonome de son activité sont des éléments clés pour déterminer le statut d’indépendant d’un travailleur.


Le contrat de prestation de services stipule :

« Sauf accord contraire entre vous et vos chauffeurs, ces derniers sont responsables du choix de la manière la plus efficace et la plus sûre pour se rendre à destination. Vos chauffeurs ou vous devez aussi fournir (à vos frais) l’ensemble de l’équipement, des outils et du matériel requis, à l’exception de l’application chauffeur que nous fournissons. »

L’annexe chauffeur du contrat de prestation de services indique s’agissant de la relation entre le chauffeur et Uber que « Uber ne contrôle ni ne dirige le chauffeur, et ne sera pas réputée diriger ou contrôler le chauffeur, de manière générale ou plus précisément en ce qui concerne l’exécution des services de transport ou l’entretien de quelconques véhicules ».

Il en résulte que le chauffeur est totalement indépendant dans la réalisation de sa prestation de transport alors qu’il n’est nullement établi par l’appelant que la société Uber formule des directives ou des ordres durant l’exécution de la prestation de transport.

En effet, les règles édictées par la charte de la communauté, relatives à un comportement approprié et professionnel, ne sauraient à elles seules s’apparenter à un pouvoir de direction de la part de l’employeur alors qu’il s’agit d’une adhésion nécessaire au regard de l’application des règles légales en matière de transport mais également en considération d’éventuelles infractions pénales.

Au demeurant, il convient de relever que la charte de la communauté ne peut s’analyser en un règlement intérieur alors qu’elle concerne tant les chauffeurs que les usagers.

En outre, il doit être rappelé les dispositions de l’article L. 7342-8 du code du travail qui dispose pour les travailleurs en lien avec des plateformes telles que définies à l’article L. 7341-1 et exerçant l’activité de conduite d’une voiture de transport avec chauffeur.

Ainsi l’article L. 7342-9 de ce code dispose que « dans le cadre de sa responsabilité sociale à l’égard des travailleurs mentionnés à l’article L. 7342-8, la plate-forme peut établir une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation (‘) ».

Au-delà de la seule faculté de se connecter ou non à l’application, il convient également de relever qu’une fois connecté, l’appelant est, conformément à l’article L. 1326-4 du code des transports aux termes duquel « les travailleurs choisissent leurs plages horaires d’activité et leurs périodes d’inactivité et peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité alors que les plateformes ne peuvent mettre fin au contrat lorsqu’un travailleur exerce ce droit », libre de déterminer le temps qu’il souhaite utiliser l’application Uber.

À cet égard, il doit être rappelé qu’il est non contesté que le chauffeur est libre de choisir ses périodes de travail, ses congés, son secteur géographique activé ainsi que ses horaires de course.

De même, le travail au sein d’un service organisé ne peut établir, à lui seul, le caractère fictif du statut d’indépendant et ce, en l’absence de démonstration que l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

Il est rappelé aussi, ainsi que l’a relevé la cour, qu’en restant actif sur l’application Uber, c’est à dire sans se déconnecter, le chauffeur peut se connecter à d’autres applications de mise en relation et accepter des courses proposées par d’autres plateformes.

Ainsi, l’appelant ne démontre nullement qu’il est sous la subordination juridique de la société Uber durant le temps où il assure le transport d’un client.

Sur la nullité de la déclaration d’appel :

Les sociétés intimées font valoir que la déclaration d’appel est entachée de nullité car la décision n’a pas été notifiée à M. [N], ce qui leur cause un grief. M. [N] soutient que l’erreur matérielle portant sur l’adresse a été rectifiée et qu’aucun grief n’est justifié.

En application de l’article 114 du code de procédure civile, aucune nullité ne peut être prononcée sans preuve du grief causé par l’irrégularité.

Il est établi que l’adresse erronée a été rectifiée et que la déclaration d’appel est régulière.

À titre liminaire, les sociétés Uber France et Uber B. V doivent être considérées comme les cocontractants et coemployeurs :

M. [N] estime que les sociétés Uber France et Uber B. V doivent être considérées comme les cocontractants et coemployeurs. Il argumente sur l’absence de contrat écrit précisant la société cocontractante, les pouvoirs de direction exercés par Uber France, et les conditions de partenariat établissant un lien de subordination.

Les éléments justifiés au dossier ne permettent pas de reconnaître aux sociétés intimées la qualité de coemployeurs. Avant de statuer sur l’existence d’un contrat de travail, les sociétés Uber ne doivent pas être mises hors de cause.

Sur la demande de la société Uber sollicitant d’écarter des débats les pièces adverses :

Les sociétés intimées demandent d’écarter des débats certaines pièces versées par M. [N], arguant qu’elles ne sont pas inhérentes à sa situation personnelle. La cour relève que les sociétés intimées n’ont pas fondé juridiquement cette demande et que le principe du contradictoire a été respecté.

La demande des sociétés Uber d’écarter des débats les pièces adverses est rejetée.

Sur la compétence du conseil de prud’hommes :

M. [N] soutient que le conseil de prud’hommes est compétent pour régler les différends liés au contrat de travail entre employeurs et salariés. Les sociétés Uber contestent les critères constitutifs d’un contrat de travail.

La cour analyse les éléments fournis par les parties et conclut que la présomption de non-salariat s’applique à M. [N]. La compétence du conseil de prud’hommes est écartée au profit du tribunal de commerce de Paris.

Sur l’existence d’un lien de subordination :

M. [N] invoque le pouvoir de direction et de contrôle exercé par Uber, tandis que les sociétés Uber contestent l’existence d’un lien de subordination. La cour examine les éléments relatifs à la géolocalisation, au contrôle de la rémunération, à la notation du chauffeur, au pouvoir de sanction, et au travail au sein d’un service organisé.

La cour conclut que M. [N] n’a pas réussi à renverser la présomption de non-salariat édictée par le code du travail. Aucun contrat de travail n’est établi entre les parties.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

M. [N] est condamné aux dépens et débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Aucune raison d’équité ne justifie l’application de cet article en faveur des sociétés intimées.

– M. [M] [N]: Condamné aux dépens d’appel.
– Sociétés Uber France et Uber B.V.: Aucune somme allouée, déboutées de leurs demandes.
– Application de l’article 700 du code de procédure civile: Pas de somme allouée (Dit n’y avoir lieu à application).


Réglementation applicable

L’article L. 7342-9 de ce code dispose que « dans le cadre de sa responsabilité sociale à l’égard des travailleurs mentionnés à l’article L. 7342-8, la plate-forme peut établir une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation (‘) ».
L’article L. 8221-6 qui dispose :
« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;
(‘)
II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »
La présomption de non salariat édictée par la disposition précitée étant une présomption simple, il incombe à M. [N] de la renverser en démontrant que les conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle sont susceptibles de justifier une relation de travail.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat postulant
– Me. Sylvie TOPALOFF, avocat plaidant
– Me Harold HERMAN, avocat postulant
– Me. Benjamin KRIEF, avocat plaidant

Mots clefs associés

– Nullité de la déclaration d’appel
– Article 114 du code de procédure civile
– Adresse erronée
– Vice de forme
– Greffe
– Société Uber
– Contrat de travail
– Coemployeurs
– Contrats signés
– Lien de subordination
– Pouvoir de direction
– Contrôle de l’exécution
– Géolocalisation
– Contrôle de la rémunération
– Notation du chauffeur
– Pouvoir de sanction
– Pouvoir de déconnexion
– Service organisé par Uber
– Statut d’indépendant
– Dépendance économique
– Choix de la course
– Propositions de course
– Incompétence du conseil de prud’hommes
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile

– Nullité de la déclaration d’appel : Annulation d’une déclaration d’appel due à des erreurs de forme ou de procédure qui rendent l’appel irrecevable.

– Article 114 du code de procédure civile : Article qui stipule que les faits doivent être prouvés selon les règles applicables, généralement par celui qui les allègue.

– Adresse erronée : Erreur dans l’indication de l’adresse d’une partie dans un acte juridique, pouvant entraîner des conséquences sur la validité de la notification ou de l’acte.

– Vice de forme : Défaut dans les formalités requises par la loi pour la validité d’un acte juridique.

– Greffe : Service d’un tribunal où sont enregistrées les affaires, déposés les dossiers de procédure et où les décisions de justice sont conservées.

– Société Uber : Entreprise multinationale offrant des services de mise en relation de clients avec des conducteurs de véhicules privés par le biais d’une application mobile.

– Contrat de travail : Accord entre un employeur et un employé où l’employé s’engage à travailler sous la direction et le contrôle de l’employeur en échange d’une rémunération.

– Coemployeurs : Situation où plusieurs employeurs exercent conjointement les droits et obligations d’employeur vis-à-vis d’un employé.

– Contrats signés : Accords formalisés par écrit et signés par les parties, conférant une force juridique aux engagements pris.

– Lien de subordination : Relation juridique entre un employeur et un employé où l’employeur a le droit de donner des ordres et des directives, et l’employé a le devoir de s’y conformer.

– Pouvoir de direction : Capacité de l’employeur à diriger ses employés, incluant le droit de donner des ordres et des instructions.

– Contrôle de l’exécution : Surveillance par l’employeur de la manière dont l’employé exécute son travail.

– Géolocalisation : Utilisation de technologies pour déterminer la position géographique d’un objet ou d’une personne.

– Contrôle de la rémunération : Supervision et gestion par l’employeur du paiement des salaires et autres formes de rémunération des employés.

– Notation du chauffeur : Système d’évaluation des performances des chauffeurs, souvent utilisé dans les services de transport comme Uber.

– Pouvoir de sanction : Autorité de l’employeur à imposer des mesures disciplinaires en cas de non-respect des règles de travail par l’employé.

– Pouvoir de déconnexion : Droit de l’employé à ne pas être connecté à des outils de communication professionnels en dehors des heures de travail.

– Service organisé par Uber : Service de transport où Uber coordonne les interactions entre clients et chauffeurs indépendants via son application.

– Statut d’indépendant : Situation d’une personne qui exerce son activité professionnelle de manière autonome, sans lien de subordination juridique avec un employeur.

– Dépendance économique : Situation où un travailleur indépendant dépend principalement d’un seul donneur d’ordre pour ses revenus.

– Choix de la course : Possibilité pour le chauffeur de choisir librement les courses qu’il souhaite effectuer.

– Propositions de course : Offres de transport envoyées aux chauffeurs, que ces derniers peuvent accepter ou refuser.

– Incompétence du conseil de prud’hommes : Situation où le conseil de prud’hommes se déclare incompétent pour juger une affaire, souvent parce qu’elle ne relève pas du droit du travail.

– Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une partie au procès, souvent la partie perdante, selon la décision du juge.

– Article 700 du code de procédure civile : Article permettant au juge d’ordonner à une partie de payer à l’autre une somme d’argent au titre des frais non compris dans les dépens.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 2

ARRÊT DU 29 FÉVRIER 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/06045 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CIGZW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/06753

APPELANT :

Monsieur [M] [N]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Jean-Paul TEISSONNIERE, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : P0268 et par Me. Sylvie TOPALOFF, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS,

INTIMÉES :

S.A.S. UBER FRANCE prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 4]

[Localité 5]/France

Société UBER BV prise en la personne de son représentant légal en exercice y domicilié

[Adresse 7]

[Localité 1]/Pays-Bas

Représentée par Me Harold HERMAN, avocat postulant, inscrit au barreau de PARIS, toque : T03 et par Me. Benjamin KRIEF, avocat plaidant, inscrit au barreau de PARIS,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 84 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport, en présence de Madame [L] [V], élève avocate en stage PPI.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Paule ALZEARI, présidente

Eric LEGRIS, président

Christine LAGARDE, conseillère

Greffière lors des débats : Madame Sophie CAPITAINE

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile

– signé par Marie-Paule ALZEARI, présidente et par Sophie CAPITAINE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

EXPOSÉ DU LITIGE :

La société Uber B.V. est une société de droit néerlandais dont le siège social est situé à Amsterdam aux Pays-Bas.

Uber France SAS a pour activité la fourniture de services d’assistance, de support et de marketing à l’ensemble des filiales du groupe Uber.

M. [M] [N] a immatriculé au registre du commerce et des sociétés le 24 août 2016 sa société Koussou Paris pour un début d’activité le 1er septembre 2016 dont l’activité exercée est « exploitant de véhicules de tourisme avec chauffeurs (VTC) ».

Il a obtenu auprès de la Préfecture une carte professionnelle lui permettant d’exercer, sous le statut d’auto entrepreneur, la profession de conducteur de voitures de transport avec chauffeur (VTC).

M. [N] a conclu par voie électronique avec la société Uber B.V. un contrat de partenariat commercial dont l’objet est la mise à disposition d’une application électronique, chaque course effectuée par l’intermédiaire de cette application donnant lieu au versement de frais de service.

Il a réalisé sa première course en 2016 et continue d’utiliser la plate-forme Uber.

Le 18 septembre 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, au contradictoire des sociétés Uber France SAS, Uber B.V. Uber Managment B.V et Uber Partner support France, afin d’obtenir la requalification de son contrat de partenariat en un contrat de travail à durée indéterminée avec les conséquences indemnitaires découlant de la requalification.

Par jugement en date du 29 novembre 2022, le conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes formulées par le demandeur au profit du tribunal de commerce de Paris.

Selon déclaration du 15 septembre 2023, M. [N] a interjeté appel à l’encontre de cette décision.

Par requête du 18 septembre 2023, il a sollicité l’autorisation d’assigner à jour fixe.

Par ordonnance en date du 20 octobre 2023, le premier président de la cour d’appel de Paris l’a autorisé à assigner à jour fixe pour l’audience du 24 janvier 2024 à 9h30.

Les assignations ont été déposées les 21 et 22 décembre 2023.

PRÉTENTIONS DES PARTIES :

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 23 janvier 2024, M. [N] demande à la cour de :

«  – Débouter les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V de leur demande tendant au prononcé de la nullité de la déclaration d’appel formée par Monsieur [M] [N]

« – Infirmer la décision du conseil de prud’hommes de Paris rendue le xx en toutes ses dispositions, et

Statuant de nouveau,

– Déclarer la juridiction prud’hommale compétente pour connaître du présent litige opposant Monsieur [M] [N] aux sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V ;

– Prononcer la requalification de la relation contractuelle liant Monsieur [M] [N] et les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V. en contrat de travail ;

– Renvoyer l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Paris ;

– Condamner in solidum les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V. à verser à Monsieur [M] [N] une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile

– Condamner in solidum les sociétés UBER FRANCE SAS et UBER B.V. aux entiers dépens de première instance et d’appel ».

Par dernières conclusions transmises par RPVA le 23 janvier 2024, les sociétés Uber demandent à la cour de :

« – A titre principal :

Prononcer la nullité de la déclaration d’appel de Monsieur [N] pour vice de forme causant un grief aux concluantes dans l’exécution des décisions ;

A défaut

o Confirmer le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris du 29 novembre 2022 en ce qu’il s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de commerce de Paris ;

o Renvoyer, en conséquence, l’affaire devant le Tribunal de commerce de Paris pour afin qu’il soit statué sur le fond de l’affaire ;

Ecarter des débats Ecarter les pièces adverses communes n°25, 41, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 83, 84, 85, 86, 87, 108 123 et 124;

o Condamner l’appelant au versement de la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,

– A titre subsidiaire, si la Cour venait à infirmer le jugement et à juger que le Conseil de prud’hommes de Paris est matériellement compétent :

o Renvoyer l’affaire devant le Conseil de prud’hommes de Paris afin qu’il soit statué sur le fond de l’affaire ;

Si la Cour décidait d’user de la faculté d’évocation prévue par les dispositions de l’article 568 du Code de procédure civile, il lui est demandé de :

– Mettre en demeure les sociétés Uber B.V. et Uber France SAS de conclure sur le fond du litige ;

– Renvoyer l’affaire à la mise en état devant la Cour ;

– Réserver les dépens ».

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION :

Sur la nullité de la déclaration d’appel :

Les sociétés intimées font valoir que la déclaration d’appel est entachée de nullité la décision n’ayant pas été notifiée à M. [N] ce qui leur cause à elles un grief, dans la mesure où cette irrégularité nuit à l’exécution des décisions rendues à leur encontre.

M. [N] soutient que l’erreur matérielle portant sur l’adresse a été rectifiée et qu’il n’est justifié d’aucun grief.

Sur ce,

En application de l’article 114 du code de procédure civile, « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public.

La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

Il est établi que le greffe a notifié le jugement entrepris à une adresse erronée ([Adresse 3]), alors que l’adresse de M. [N] est au 42, cette erreur ayant été rectifiée dans les dernières conclusions de M. [N] en date du 23 janvier 2024, cette erreur n’étant pas au demeurant le fait du greffe.

Pour autant, en présence d’un vice de forme, la société Uber ne justifie d’aucun grief pouvant nuire à l’exécution des décisions, alors que l’adresse de M. [N] qui figure dans divers documents qui lui sont adressés par la société Uber, est celle de l’adresse de la société de ce dernier, et que les dernières conclusions mentionnent son adresse exacte.

La déclaration d’appel est donc régulière.

À titre liminaire, M. [N] estime que les sociétés Uber France et Uber B. V doivent être considérées comme les cocontractants et co employeurs :

A cet égard, il fait valoir que :

– il ne dispose pas d’un contrat écrit, celui-ci ayant été signé électroniquement alors que « la seule désignation de la société Uber, sans aucune précision quant à la nationalité de la société, l’appellation de la société, la situation du siège social, le numéro d’enregistrement à la Chambre du commerce de tel ou tel pays rend difficile l’identification de la société cocontractante » ;

– il résulte des échanges avec la société Uber France que cette dernière a directement exercé les pouvoirs de direction, de contrôle et de sanction propres à l’employeur ;

– au regard des contrats signés, qu’il s’agisse tant des conditions de partenariat que de l’annexe de chauffeur au contrat de prestation de services, il est convenu que le chauffeur est engagé vis-à-vis de la société Uber et de ses sociétés affiliées de sorte que la société Uber France doit être considérée comme affiliée à la société Uber B.V.

Il résulte de la prise en compte de ces éléments tels que justifiés au dossier et, au demeurant, non contestés par les sociétés intimées qu’aucune des sociétés ne doit être mise hors de cause.

À l’opposé, et à ce stade, il ne peut encore leur être reconnu la qualité de co employeurs et ce, avant qu’il soit statué sur l’existence d’un contrat de travail.

Les sociétés intimées seront indifféremment nommées « la société Uber » ou « les sociétés Uber » ou encore Uber.

Sur la demande de la société Uber sollicitant d’écarter des débats les pièces adverses communes n°25, 41, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 83, 84, 85, 86, 87, 108 123 et 124 :

Les sociétés intimées font valoir que M. [N] verse au débat des pièces qui ne sont pas inhérentes à sa situation personnelle, ce dernier ne formulant aucune observation sur cette demande.

Sur ce,

La cour relève que les sociétés intimées ne fondent pas juridiquement cette demande alors que les pièces ont été communiquées dans un délai permettant de s’assurer que le principe du contradictoire a été respecté, que les sociétés Uber ont pu faire dans leurs conclusions les observations utiles sur la nature de ces pièces, et qu’en tout état de cause il appartient au juge d’apprécier la pertinence et la force probante des éléments soumis à son analyse pour déterminer si les pièces concernant d’autres chauffeurs sont de nature à renverser la présomption de non salariat qui pèse sur M. [N].

Dès lors, cette demande sera rejetée.

Sur la compétence du conseil de prud’hommes :

M. [N] fait valoir que :

– le conseil de prud’hommes est compétent pour tous les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient, et règle les différends et litiges nés entre salariés à l’occasion du travail en application des dispositions des articles L. 1411-1 et L. 1411-3 du code du travail, cette compétence s’étendant aux contestations portant sur la formation, la validité, l’interprétation, l’exécution et la cessation du contrat de travail ;

– la preuve de l’existence d’un contrat de travail peut être rapportée par tout moyen alors que la juridiction prud’homale est compétente pour statuer tant sur l’existence d’un contrat de travail que sur la détermination de la qualité de l’employeur ;

– le critère du lien de subordination devient l’élément déterminant du contrat de travail.

Les sociétés Uber rappellent les trois éléments constitutifs sans lesquels il ne peut y avoir de contrat de travail :

– la fourniture d’un travail,

– en contrepartie d’une rémunération,

– l’existence d’un lien de subordination entre les parties se définissant de la manière suivante : l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

Elles soutiennent que ces trois critères sont manquants.

Sur l’existence d’un lien de subordination :

M. [N] invoque le pouvoir de donner des ordres et des directives de la part « d’Uber » et fait valoir que :

– il a été contraint de signer électroniquement divers documents contractuels contenant les règles, ordres et directives prescrits par la société Uber ;

– la charte de la communauté Uber, qui contient une liste de principes à respecter pour l’ensemble des chauffeurs, s’impose au chauffeur puisque le non-respect de l’une des clauses peut constituer une violation substantielle des conditions contractuelles et entraîner la révocation de l’accès à la plate-forme ;

– les ordres et directives peuvent être classifiées en trois catégories :

les ordres et directives de nature administrative,

les ordres et directives de nature comportementale,

les ordres et directives de nature opérationnelle.

Les sociétés Uber soutiennent que :

– la présomption de non-salariat prévue à l’article L.8221-6 du code du travail est applicable et qu’il appartient à M. [N] de renverser la présomption de non salariat en démontrant qu’il exerce son activité dans le cadre d’un lien de subordination juridique permanente, ce qu’il ne fait pas ;

– elle n’ont pas exercé de pouvoir de direction à défaut, pour elles, d’avoir donné des ordres et des directives à l’appelant  qui a librement fait le choix d’obtenir une licence de VTC puis de constituer une société de transport en l’absence de toute intervention par Uber.

Elles rappellent les dispositions de l’article L. 3141-2 du code des transports aux termes duquel les plateformes de mise en relation s’assurent que les chauffeurs disposent bien de l’ensemble de la documentation et des autorisations nécessaires ainsi que d’un véhicule conforme.

Sur ce,

Il n’est pas contesté que, souhaitant travailler comme chauffeur VTC, M. [N] a obtenu sa carte professionnelle de conducteur de voitures de transport avec chauffeur et a exercé son activité en qualité d’auto entrepreneur.

Il est donc soumis aux dispositions de l’article L. 8221-6 qui dispose :

« I.-Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

1° Les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;

(‘)

II.-L’existence d’un contrat de travail peut toutefois être établie lorsque les personnes mentionnées au I fournissent directement par une personne interposée des prestations à un donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci. »

La présomption de non salariat édictée par la disposition précitée étant une présomption simple, il incombe à M. [N] de la renverser en démontrant que les conditions dans lesquelles il exerce son activité professionnelle sont susceptibles de justifier une relation de travail.

L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs.

Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.

En l’espèce, le chauffeur souhaitant obtenir le statut de VTC doit s’inscrire à une formation afin de pouvoir se présenter à un examen et obtenir son diplôme.

Une fois le diplôme obtenu, le prestataire doit faire une demande auprès de la préfecture afin d’obtenir une carte professionnelle de conducteur de Voiture de Transport avec Chauffeur.

La profession de VTC est une profession réglementée par le code des transports.

Une fois cette qualification professionnelle obtenue, le chauffeur VTC peut constituer sa propre société de transport ou devenir salarié d’une société de transport.

Si le chauffeur a fait le choix de créer une entreprise, il lui faudra obtenir une licence VTC auprès du ministère des transports et sa société sera inscrite au registre des VTC.

Dans cette mesure, il ne peut être utilement considéré que l’intéressé a été contraint de s’inscrire au registre des métiers pour contracter avec la société Uber alors qu’il a fait le choix de créer sa propre entreprise.

Ainsi , force est de considérer que M. [N] a fait le choix de créer sa propre entreprise et d’adhérer ensuite à la plate-forme Uber.

Il doit y être ajouté, qu’en l’absence d’une quelconque procédure de sélection ou de recrutement initiée par les sociétés intimées, le critère d’intuitu personae, qui est de l’essence même du contrat de travail, fait nécessairement défaut.

S’agissant des ordres et directives de nature administrative, la société Uber est tenue, en application de l’article L. 3141-2 du code des transports, de vérifier la qualification, les inscriptions et les autorisations nécessaires pour exercer l’activité de chauffeur VTC.

Dès lors, cette vérification nécessaire ne peut être assimilée à un indice de subordination alors qu’il s’agit d’obligations légales pour la société.

Il en est nécessairement de même s’agissant du véhicule utilisé qui doit répondre aux exigences fixées par le code des transports.

À cet égard, il n’est pas contesté que le chauffeur a la liberté de choisir le véhicule qu’il entend utiliser, étant indiqué qu’il est justifié par le procès-verbal de constat sur le fonctionnement de l’application Uber du 29 juillet 2022 produit par les intimées que le chauffeur a le choix de recourir à son véhicule personnel.

Une fois la situation administrative vérifiée et l’inscription validée, le chauffeur a accès à l’application Uber.

De plus, au cas d’espèce, M. [N] ne produit aucun message qui selon lui serait de nature à démontrer l’existence d’ordres et de directives.

Sur la géolocalisation :

M. [N] fait valoir que le système d’exploitation par géolocalisation illustre le pouvoir de contrôle d’Uber par l’exécution de la prestation de transport, le chauffeur étant surveillé et géolocalisé par l’intermédiaire de l’application conducteur et du GPS ;

– la société Uber s’autorise ainsi à contrôler que le trajet effectué est conforme aux indications données par le GPS.

Les sociétés intimées contestent que la géolocalisation des chauffeurs soit un moyen de contrôle de leur activité au motif qu’il s’agit en réalité d’un moyen technique essentiel au fonctionnement de l’application.

Sur ce,

Le contrat de prestation de services accompagné de l’Annexe chauffeurs, prévoit effectivement la géolocalisation des chauffeurs lorsque ces derniers sont actifs sur l’application Uber.

Cette géolocalisation est prévue à des fins de sécurité, de sûreté et pour des raisons techniques.

De fait, la géolocalisation permet nécessairement de mettre en relation les utilisateurs de l’application, eux-mêmes géolocalisés, avec les chauffeurs les plus proches et ce, afin de réduire le temps d’attente de l’utilisateur.

Il doit être précisé que la géolocalisation des chauffeurs est pratiquée par Uber mais également par l’ensemble des plateformes numériques de mise en relation de clients et de conducteurs de voitures de transport avec chauffeur (VTC).

En effet, le dispositif de géolocalisation s’avère nécessairement utile au bon fonctionnement d’une plate-forme et ne caractérise pas, en soi, un lien de subordination.

Ainsi, en l’espèce, à défaut de plus amples éléments autres que contractuels, il n’est nullement démontré que la géolocalisation est destinée à permettre le contrôle des ordres et directives qui seraient donnés.

Dès lors que la géolocalisation est intrinsèque au fonctionnement de l’application et qu’il n’est pas justifié qu’elle soit utilisée pour permettre un contrôle en temps réel de l’activité des chauffeurs, il ne peut être utilement soutenu qu’elle constituerait l’un des indices d’un lien de subordination.

En outre, dès lors qu’il n’utilise pas l’application, le chauffeur n’est pas tenu d’être géolocalisé et donc connecté en permanence.

Le relevé d’état des courses concernant l’intéressé permet de constater que celui-ci a alterné les périodes de forte activité, de moindre activité et même d’absence d’activité, ce qui est de nature à établir une absence de permanence quant à la connexion et à la géolocalisation.

Il n’est donc nullement justifié que l’appelant doive se tenir à la disposition permanente de la société Uber.

Sur le contrôle de la rémunération du chauffeur :

M. [N] soutient que :

– la société Uber exerce un contrôle complet sur sa rémunération puisqu’elle perçoit directement le prix de la course, prélève son pourcentage, émet la facture et reverse le solde au chauffeur ;

– le chauffeur est sous le contrôle économique de la société Uber qui se place en unique décisionnaire du prix de la course et donc de sa rémunération ;

– il doit systématiquement revenir vers la société Uber en cas de divergence sur les tarifs et ne peut régler le problème directement avec le passager.

Les sociétés Uber répondent que :

– le prix minimal garanti proposé par Uber est un prix recommandé que le chauffeur peut, après négociation avec le client, négocier à la baisse ;

– le prix de la course résulte de l’application de la grille tarifaire sur le trajet estimé par un algorithme entre un point A et un point B ;

– le chauffeur ne peut jamais, sauf s’il en décide autrement avec le passager, percevoir pour une course qu’il a acceptée un prix inférieur à celui affiché au moment de la proposition de course acceptée ;

– le chauffeur peut percevoir un prix supérieur si la course est finalement plus longue que prévue ;

– il n’est procédé à des ajustements tarifaires qu’en cas de situations problématiques telles qu’une accusation de fraude ou de sommes facturées pour des courses qui n’ont pas eu lieu ;

– la fixation du prix de la prestation par Uber ne saurait s’analyser en un indice de subordination du chauffeur dès lors que cette pratique est expressément prévue par l’article L. 7342-1 du code du travail.

Sur ce,

La fixation du prix par la plate-forme est légalement prévue en application des articles L. 7341-1 et suivants du code du travail s’agissant des dispositions applicables aux travailleurs indépendants recourant pour l’exercice de leur activité professionnelle à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique.

Ainsi, la fixation des tarifs par la plate-forme ne révèle pas, en soi, l’existence d’un lien de subordination, puisque le prestataire peut accepter ou refuser de contracter après information de la rétribution proposée par la plate-forme.

S’agissant de la facturation établie par la société Uber au nom et pour le compte des chauffeurs par le biais de l’application, elle n’est pas plus un indice de nature à caractériser l’existence d’un lien de subordination.

En effet, ce service fait partie intégrante des services d’intermédiation rendus par la société Uber alors que ce mode de facturation offert aux travailleurs indépendants est parfaitement licite et s’inscrit dans le cadre des dispositions de l’article 289-I-2 du code général des impôts concernant le mandat de facturation.

Le contrat type de prestation de services prévoit expressément l’hypothèse de situations problématiques, en cas d’accusations de fraude ou de sommes facturées pour des courses qui n’ont pas eu lieu, dans lesquelles la société Uber est autorisée à ajuster ou à annuler totalement les tarifs utilisateurs ou les frais supplémentaires de la course.

Enfin, la fixation d’un tarif maximum est insusceptible, à lui seul, de démontrer la réalité d’un lien de subordination alors que ce fait traduit uniquement la volonté de la société Uber, en tant qu’intermédiaire, d’assurer une harmonisation du prix des prestations fournies dans le cadre de l’application.

D’évidence, cette volonté d’harmonisation est conforme à l’intérêt du client.

La possibilité de fixation unilatérale du prix par un cocontractant n’est pas susceptible, en soi, de caractériser l’existence d’un lien de subordination.

Au surplus, au cas d’espèce, M. [N] n’allègue ni ne justifie d’aucun réajustement.

Sur le contrôle par la notation du chauffeur :

M. [N] fait valoir que :

– la société Uber met à la disposition des passagers un service de notation des chauffeurs alors que le chauffeur doit maintenir une évaluation moyenne par les utilisateurs supérieure à l’évaluation minimale moyenne acceptable fixée par Uber aux termes de l’annexe au contrat de prestation de services ;

– dans son règlement, la société Uber stipule que chaque chauffeur est noté sur 5 et qu’une note inférieure à 4,5/5 est problématique.

Les sociétés intimées exposent que :

-la finalité du système de notation n’est pas de contrôler l’activité des chauffeurs mais d’assurer un fonctionnement harmonieux de l’application avec des chauffeurs et des passagers qui en épousent les standards ;

– ce système de notation croisée est aujourd’hui usuel dans les différents types de plateformes de mise en relation et ne peut en aucun cas constituer un indice de subordination.

Sur ce,

Il ressort des stipulations contractuelles que la fixation d’une note moyenne minimale est prévue afin de continuer à bénéficier de l’accès à l’application chauffeur, le règlement prévoyant qu’une note inférieure à 4,5/5 peut entraîner une désactivation de l’accès à l’application.

Cependant, ces dispositions relatives aux conditions d’utilisation de l’application ne relèvent pas d’un pouvoir de sanction de l’employeur alors qu’il doit être rappelé que les évaluations émanent des clients.

Cette pratique de l’évaluation des prestations commerciales est, actuellement très répandue, de telle sorte que le professionnel le mieux noté est le plus fréquemment choisi.

En l’espèce, il n’est nullement établi ni d’ailleurs allégué que la société Uber a mis un terme à la relation en raison d’une insuffisance de l’intéressé au regard de la notation.

Sur le pouvoir de sanction exercé par la société Uber :

M. [N] se réfère aux dispositions de l’article L. 1331-1 du code du travail et fait valoir l’existence d’un « pouvoir de connexion » lorsque le chauffeur est empêché de se connecter à l’application soit, parce qu’il n’a pas signé les conditions de partenariat ou les modifications de ces conditions soit, parce qu’il n’a pas mis en ligne les documents exigés par la société Uber.

Les sociétés intimées font valoir que trois cas peuvent donner lieu à la restriction ou à la désactivation de l’accès au regard des conditions de conformité, de sécurité et de qualité.

Sur ce,

Le contrat type de prestation de services stipule :

« Afin de pouvoir utiliser l’application chauffeur et les services et que votre accès ne soit pas révoqué, votre chauffeur et vous devez être titulaires et conserver l’ensemble des autorisations requises par la loi ou le règlement pour exercer l’activité de transport routier de personnes concernées et effectuer des courses dans le territoire ; et vous conformer à l’ensemble des exigences légales et réglementaires applicables à l’activité de transport routier de personnes concernée. Vous devez vous assurer qu’à tout moment vos chauffeurs détiennent et conservent un permis de conduire de la catégorie adéquate, en cours de validité. »

Ainsi qu’il a été rappelé précédemment, l’obligation pour Uber de s’assurer que les chauffeurs présents sur l’application disposent bien de l’ensemble de la documentation et des autorisations nécessaires est une obligation légale.

Dans cette mesure, ce pouvoir de connexion ne peut s’apparenter à un pouvoir de sanction directement imputable à l’employeur.

Sur le pouvoir de sanction économique :

M. [N] soutient que ce pouvoir s’exerce au travers de l’ajustement des tarifs par le service client de la société Uber si le chauffeur ne respecte pas le trajet qui lui est imposé.

Sur ce,

Il résulte effectivement des dispositions contractuelles que « Uber se réserve le droit d’ajuster le tarif utilisateur pour un cas particulier de services de transport (par exemple si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace, si le chauffeur n’a pas dûment mis fin à un service de transport dans l’application chauffeur, en cas d’erreur technique dans les services Uber (‘) ou d’annuler le tarif utilisateur pour un particulier de services de transport, en cas de plainte d’un utilisateur ».

Cependant, ce pouvoir de sanction économique évoqué n’est pas susceptible, en soi, de caractériser l’existence d’un contrat de travail s’agissant, en réalité, d’une notion de droit économique qui a vocation à s’appliquer dans le cadre de relations commerciales, économiques ou d’affaires.

Il n’est donc pas révélateur d’un indice de subordination mais plutôt d’un indice de subordination économique qui n’est pas, en tant que tel, inhérent à une relation de travail.

En effet, le fait que « Uber se réserve le droit d’ajuster le tarif utilisateur pour un cas particulier de services de transport, par exemple si le chauffeur a choisi un itinéraire inefficace », ne s’apparente pas à un pouvoir de sanction de la part d’un employeur mais résulte des conditions d’utilisation du service d’intermédiation proposé par la plate-forme telles qu’elles ont été acceptées par l’intéressé.

À l’aune des conditions contractuelles, ce droit exercé par Uber relève, non pas du droit disciplinaire, mais éventuellement d’une appréciation de ce droit au regard d’un éventuel abus de position économique.

Sur le pouvoir de déconnexion :

M. [N] fait valoir que :

– la déconnexion, même temporaire, doit être analysée en une sanction ;

– la charte de la communauté Uber à laquelle le chauffeur est tenu d’adhérer prévoit toute une série de principes à respecter, dont certains peuvent entraîner une suspension (temporaire) ou une désactivation (définitive) du compte du chauffeur ;

– la société Uber « se permet également d’adresser au chauffeur des menaces de déconnexion permanente ou temporaire de son compte » ;

– parmi toutes les règles et directives imposées au chauffeur, deux d’entre elles servent régulièrement de fondement à ces menaces : une notation en baisse et un taux d’annulation élevé  ;

– la société Uber dispose d’une part, du pouvoir de déconnexion du chauffeur et d’autre part, de la décision quant à la durée de la déconnexion alors que le chauffeur ne dispose d’aucun recours ;

– le pouvoir de sanction concerne également l’exécution même de la prestation puisque si le chauffeur annule trop de courses, suivant un seuil fixé par la société Uber, il peut se voir déconnecté ;

– la société Uber s’est arrogée un pouvoir absolu de contrôle de sanction discrétionnaire et disciplinaire ainsi que cela résulte du contrat de partenariat et de l’annexe de chauffeur ou encore des conditions de partenariat du 1er juillet 2013.

Les sociétés intimées exposent que :

– afin d’assurer un fonctionnement optimal de l’application, il convient de considérer qu’après trois refus de courses par le chauffeur, ce dernier ne souhaite plus recevoir des propositions de course ;

– il serait inutile de continuer à proposer des courses au chauffeur qui ne souhaite plus travailler par le biais de la plate-forme afin de ne pas léser les passagers et les autres chauffeurs souhaitant recevoir les propositions de courses ;

– le chauffeur est néanmoins invité à se reconnecter ultérieurement et peut se reconnecter par un simple clic ;

– il y a lieu de distinguer un refus de course (qui est la non-acceptation de proposition) ne donnant lieu à aucune conséquence, de l’annulation de la course qui a été acceptée, ce qui constitue une inexécution du contrat de transport.

Sur ce,

En premier lieu, il convient d’observer que le pouvoir de sanction invoqué n’est pas lié à l’existence d’ordres et de directives fournis par la société Uber.

Il doit être rappelé que l’existence d’un lien de subordination se caractérise par le pouvoir de contrôle et son corollaire, le pouvoir de sanction.

Au cas d’espèce, la déconnexion ou désactivation est corrélée au respect ou non par l’utilisateur des règles régissant la plate-forme.

S’agissant du non-respect des règles édictées par la charte de la communauté Uber, respect auquel s’est engagé le cocontractant, la déconnexion/désactivation constitue, non pas le pouvoir de sanction dévolu à l’employeur mais, la faculté donnée à l’une des parties de mettre un terme à la relation dans des conditions qui ont été fixées lors de la conclusion du contrat.

Il doit être considéré que le chauffeur dispose de 15 secondes pour accepter ou refuser la course alors qu’il n’est pas contesté qu’il est libre de refuser une course.

La faculté de refuser une course est établie par la lecture du procès-verbal de constat sur le fonctionnement de l’application Uber du 29 juillet 2022.

La faculté d’accepter ou de refuser une mission ou tâche offerte par l’employeur présumé ou d’en fixer unilatéralement un nombre maximal est nécessairement exclusive d’un lien de subordination et donc d’une relation de travail.

À cet égard, les sociétés intimées font utilement valoir que depuis le mois de juillet 2020, l’application Uber a évolué afin de se conformer aux nouvelles dispositions de la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019.

En effet, depuis cette date, le chauffeur voit apparaître, au moment de la proposition de la course:

– le prix minimal de la course net de frais de services Uber,

– le temps et la distance pour récupérer le passager,

– le temps et la distance de la course.

Ainsi, le contrat de prestation de services prévoit que « vos chauffeurs et vous décidez quelles demandes de courses ils peuvent accepter, refuser ou ignorer ».

L’annexe chauffeur prévoit que « le chauffeur reconnaît qu’Uber ne contrôle pas, et ne prétend pas contrôler : le moment ou la durée de l’utilisation par le chauffeur de l’application chauffeur ou des services Uber ; ou la décision du chauffeur, par l’intermédiaire de l’application chauffeur, de tenter d’accepter ou de refuser la demande de services de transport d’un utilisateur, ou d’annuler une demande de service de transport acceptée, par l’intermédiaire de l’application chauffeur, sous réserve des politiques d’annulation alors en vigueur d’Uber ».

Les sociétés intimées reconnaissent que la déconnexion peut intervenir après trois refus de courses afin de ne pas pénaliser le fonctionnement du système au regard des chauffeurs qui souhaitent travailler mais également des passagers.

Il n’est pas pertinemment contredit que le chauffeur peut se reconnecter ultérieurement par un simple clic alors qu’il est invité par la plate-forme à se reconnecter.

L’invitation à se reconnecter ultérieurement ne constitue nullement une sanction à l’égard du chauffeur alors que le chauffeur qui a été déconnecté automatiquement peut se reconnecter presque immédiatement.

Au demeurant l’article L. 1326-2 du code des transports fait interdiction aux plateformes de mettre fin à la relation contractuelle au motif que les travailleurs ont refusé une ou plusieurs propositions.

À cet égard, il n’est nullement justifié ni d’ailleurs allégué d’une rupture de la relation contractuelle en lien avec les refus de proposition de prestation de transport.

Au surplus, au cas d’espèce, il n’est ni justifié de « menaces » de déconnexion ou de suspension du compte de M. [N].

Sur le travail au sein d’un service organisé par la société Uber :

M. [N] expose que :

– la société Uber a développé un système permettant de dispatcher des courses à des chauffeurs de voiture de transport, son rôle consistant, principalement, à organiser les conditions et modalités de leur connexion au système ;

– en acceptant de signer les documents contractuels édités par la société Uber, le chauffeur est autorisé à avoir accès à l’application développée par Uber à destination des chauffeurs ainsi qu’aux logiciels, sites Web, services de paiement et services d’assistance ;

– dans la mesure où la société Uber autorise ou non l’utilisation et l’accès à la plate-forme, elle a la maîtrise du recrutement par le choix du nombre de chauffeurs alors que le chauffeur ne pourra se connecter que s’il se plie aux conditions éditées par la société Uber ;

– il a été contraint de s’inscrire au registre des métiers pour contracter avec la société Uber qui détermine seule les termes du contrat et a la faculté de les modifier ;

-la société Uber régit la relation entre le chauffeur et le passager alors que la tarification des courses est également définie par Uber ;

– la rémunération de la course, calculée par l’algorithme, est variable suivant les jours et heures de connexion du chauffeur ;

– la société Uber mobilise les chauffeurs par un système d’incitations financières sous forme de bonus afin de pallier une forte demande de courses ;

-la mise en place d’un programme de fidélisation contribue à l’effectivité du pouvoir de direction de la société Uber tout en lui évitant de passer par son pouvoir de sanction.

Les sociétés intimées font valoir que :

– l’application Uber a fondamentalement évolué depuis le mois de juillet 2020 et l’appelant est toujours actif sur l’application ;

– la loi d’orientation des mobilités du 24 décembre 2019 a réaffirmé le statut d’indépendant tout en essayant de renforcer les droits sociaux des travailleurs indépendants auquel ont recours les plateformes de mise en relation par voie électronique ;

– l’ordonnance du 21 avril 2021 relative aux modalités de représentation des travailleurs indépendants recourant pour leur activité aux plateformes et aux conditions d’exercice de cette représentation a permis aux travailleurs indépendants ayant recours aux plateformes d’élire des représentants chargés de négocier avec des représentants des plateformes numériques afin d’assurer un meilleur équilibre entre les acteurs ; cette ordonnance a été ratifiée par la loi du 7 février 2022 et l’ordonnance du 6 avril 2022 a renforcé l’autonomie des travailleurs indépendants des plateformes de mobilité et mis en place l’organisation du dialogue social de secteur ;

– M. [N] ne fournit aucun travail pour le compte de la société Uber qui, elle, réalise une prestation technologique pour lui ;

– Uber n’est pas une entreprise de transports qui sous-traiterait aux chauffeurs les prestations de transport mais un intermédiaire mettant en relation des chauffeurs indépendants et des utilisateurs, proposant, à chacun d’eux, ses services technologiques, le contrat de transport étant conclu directement entre la société de transport et le passager.

Sur ce,

Il ressort des pièces produites aux débats que la société Uber ne rémunère pas l’appelant pour la prestation de transport qu’il réalise par l’intermédiaire de l’application mais, prélève sur le prix de la course la commission due en contrepartie de la prestation technologique fournie.

En pratique, la société Uber collecte le prix de la course auprès de l’utilisateur et rétrocède ensuite à la société de transport ou au chauffeur en retenant une commission en rémunération de sa propre prestation technologique.

S’agissant de l’obligation de s’inscrire au registre des métiers, il a été précédemment reconnu que l’intéressé avait fait le choix d’obtenir une licence de VTC et d’exercer en tant qu’auto entrepreneur, et ce, en l’absence de toute intervention de la société Uber.

De même, le chauffeur a le libre choix de l’acquisition ou de la location d’un véhicule sous réserve que ce dernier soit conforme aux conditions légales pour que celui-ci puisse être utilisé dans le cadre d’une activité de VTC.

Ainsi, il en résulte que l’appelant a choisi de créer son activité indépendante et d’utiliser l’application Uber afin d’avoir accès au vivier de clients potentiels utilisant cette plate-forme, en recevant les propositions de courses, et de bénéficier des prestations technologiques de la plate-forme.

S’agissant de l’intégration à un service organisé, il doit être rappelé que cette intégration constitue simplement un indice mais, est insuffisante , à elle seule, à caractériser une relation salariale.

En effet, le fait d’effectuer son travail au sein d’un service organisé ne constitue pas en soi un indice de l’existence d’un lien de subordination si le travailleur a la liberté d’organiser son activité, n’est astreint à aucune contrainte horaire ni à aucune directive autre qu’organisationnelle au regard de l’utilisation de la plate-forme.

Au demeurant, les chauffeurs utilisateurs de la plate-forme Uber ne sont liés par aucune obligation de non-concurrence ou d’exclusivité.

Ainsi, ils ont la liberté de s’inscrire et travailler par le biais d’autres applications ou bien, d’exercer leur activité en dehors de toute application numérique.

Bien plus, le chauffeur a la possibilité de ne pas se connecter ou se déconnecter de l’application afin d’effectuer des courses en dehors de la plate-forme ou au titre de sa clientèle personnelle.

Encore plus, le chauffeur qui vient d’effectuer une course via la plate-forme Uber peut, avec ou sans déconnexion, se connecter à une autre plate-forme et effectuer une autre course via cette autre application.

Ces éléments sont l’expression des différentes modalités d’utilisation des services.

A cet égard, le contrat de prestation de services accompagné de l’annexe chauffeur rappelle sans ambiguïté la liberté des chauffeurs de travailler en dehors de l’application :

« Vous êtes entièrement libres de choisir d’exercer votre activité de manière indépendante (auprès de votre clientèle personnelle) ou en ayant recours aux services d’autres centrales de réservation ou de toute autre catégorie d’intermédiaires, y compris des concurrents d’Uber. En particulier, vos chauffeurs sont libres d’utiliser une application mobile éditée par tout concurrent d’Uber, alors même qu’ils utilisent l’application chauffeur. »

Cette absence d’obligation d’exclusivité a d’ailleurs été constatée par le procès verbal de constat sur le fonctionnement de l’application Uber.

À l’opposé, les sociétés intimées mettent en exergue qu’elles ont créé la catégorie de « chauffeur favori » qui permet au passager, satisfait d’une course, d’inscrire le chauffeur concerné dans ses « chauffeurs favoris ».

Ainsi, lorsqu’un passager souhaite pré-réserver une course, celle-ci sera en priorité proposée à ses « chauffeurs favoris ».

L’objectif de cette nouvelle fonctionnalité est, en pratique, de permettre la création d’un lien privilégié entre les passagers et les chauffeurs afin, potentiellement, que ces derniers puissent développer leur clientèle personnelle dans l’application.

À cet égard, les dispositions contractuelles s’agissant du contrat de prestation de services et de la Charte de la communauté Uber prohibent uniquement le fait pour le chauffeur de contacter le passager sans l’accord de celui-ci et ce, pour des raisons évidentes de sécurité.

En effet, le contrat de prestation de services prévoit uniquement que « ni vos chauffeurs ni vous ne devez contacter, sauf accord exprès de sa part, aucun utilisateur ni utiliser ces informations personnelles à d’autres fins que la fourniture de la course concernée ».

Sur le caractère fictif du statut d’indépendant du chauffeur :

M. [N] soutient que :

– son indépendance n’est qu’apparente alors qu’il n’a pas le choix de la course et du client ;

– s’agissant de l’obligation de travailler, le droit du travail n’interdit pas que le salarié décide du moment où il se tient à la disposition de l’employeur, l’obligation de se tenir à la disposition de l’employeur n’étant pas un critère de qualification du contrat de travail mais un effet de ce dernier ;

– à partir du moment où il se connecte à l’application, il se tient à la disposition de la société Uber, dans cette mesure, dans l’attente d’une course et jusqu’au moment où le client arrive à destination, il est sous la subordination de la société Uber ;

– s’agissant de la liberté du chauffeur de choisir le moment où il se tient à la disposition de la société Uber, cette liberté est indifférente pour la société Uber qui dispose en permanence d’une réserve de main-d »uvre disponible ;

– il n’est pas libre de décider quand il travaille puisque c’est la société Uber qui attribue les courses.

Sur ce,

Le contrat de prestation de services stipule :

« Sauf accord contraire entre vous et vos chauffeurs, ces derniers sont responsables du choix de la manière la plus efficace et la plus sûre pour se rendre à destination. Vos chauffeurs ou vous devez aussi fournir (à vos frais) l’ensemble de l’équipement, des outils et du matériel requis, à l’exception de l’application chauffeur que nous fournissons. »

L’annexe chauffeur du contrat de prestation de services indique s’agissant de la relation entre le chauffeur et Uber que « Uber ne contrôle ni ne dirige le chauffeur, et ne sera pas réputée diriger ou contrôler le chauffeur, de manière générale ou plus précisément en ce qui concerne l’exécution des services de transport ou l’entretien de quelconques véhicules ».

Il en résulte que le chauffeur est totalement indépendant dans la réalisation de sa prestation de transport alors qu’il n’est nullement établi par l’appelant que la société Uber formule des directives ou des ordres durant l’exécution de la prestation de transport.

En effet, les règles édictées par la charte de la communauté, relatives à un comportement approprié et professionnel, ne sauraient à elles seules s’apparenter à un pouvoir de direction de la part de l’employeur alors qu’il s’agit d’une adhésion nécessaire au regard de l’application des règles légales en matière de transport mais également en considération d’éventuelles infractions pénales.

Au demeurant, il convient de relever que la charte de la communauté ne peut s’analyser en un règlement intérieur alors qu’elle concerne tant les chauffeurs que les usagers.

En outre, il doit être rappelé les dispositions de l’article L. 7342-8 du code du travail qui dispose pour les travailleurs en lien avec des plateformes telles que définies à l’article L. 7341-1 et exerçant l’activité de conduite d’une voiture de transport avec chauffeur.

Ainsi l’article L. 7342-9 de ce code dispose que « dans le cadre de sa responsabilité sociale à l’égard des travailleurs mentionnés à l’article L. 7342-8, la plate-forme peut établir une charte déterminant les conditions et modalités d’exercice de sa responsabilité sociale, définissant ses droits et obligations ainsi que ceux des travailleurs avec lesquels elle est en relation (‘) ».

Au-delà de la seule faculté de se connecter ou non à l’application, il convient également de relever qu’une fois connecté, l’appelant est, conformément à l’article L. 1326-4 du code des transports aux termes duquel « les travailleurs choisissent leurs plages horaires d’activité et leurs périodes d’inactivité et peuvent se déconnecter durant leurs plages horaires d’activité alors que les plateformes ne peuvent mettre fin au contrat lorsqu’un travailleur exerce ce droit », libre de déterminer le temps qu’il souhaite utiliser l’application Uber.

À cet égard, il doit être rappelé qu’il est non contesté que le chauffeur est libre de choisir ses périodes de travail, ses congés, son secteur géographique activé ainsi que ses horaires de course.

De même, le travail au sein d’un service organisé ne peut établir, à lui seul, le caractère fictif du statut d’indépendant et ce, en l’absence de démonstration que l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail.

Il est rappelé aussi, ainsi que l’a relevé la cour, qu’en restant actif sur l’application Uber, c’est à dire sans se déconnecter, le chauffeur peut se connecter à d’autres applications de mise en relation et accepter des courses proposées par d’autres plateformes.

Ainsi, l’appelant ne démontre nullement qu’il est sous la subordination juridique de la société Uber durant le temps où il assure le transport d’un client.

Il convient d’y ajouter que le critère de la dépendance économique n’est pas de nature, à lui seul, à caractériser l’existence d’un contrat de travail et ce, en l’absence de démonstration d’une subordination juridique.

L’absence de choix de la course n’est pas établie alors qu’à l’opposé, il est justifié que l’appelant reçoit des propositions de course en fonction de sa localisation et de celle du passager. En l’espèce, une course est proposée en priorité au chauffeur se trouvant le plus proche de l’utilisateur.

L’appelant dispose donc du pouvoir d’accepter ou de refuser la proposition de prestation.

À cet égard, il doit être rappelé les nouvelles conditions de l’application Uber depuis le mois de juillet 2020 telles qu’elles ont été détaillées précédemment.

Au regard de ces nouvelles dispositions, le chauffeur dispose donc d’un certain nombre d’informations sauf s’agissant de l’identité du client qui, par définition, n’est pas connue du chauffeur antérieurement à une première prise en charge.

À cet égard, l’absence de choix du client en tant que tel n’est donc pas déterminante au regard du lien de subordination étant rappelé qu’à côté de l’application Uber, le chauffeur a la possibilité, par la fidélisation de clients, de créer sa propre clientèle alors qu’à l’opposé, la société Uber ne fait pas le choix du client mais est simplement un intermédiaire entre le chauffeur VTC et l’usager.

Il se déduit de l’ensemble de ces éléments que M. [N] échoue à renverser la présomption de non salariat édictée par l’article L. 8221-6 du code du travail et donc à établir l’existence d’un contrat de travail qui le lierait aux sociétés intimées.

Le jugement est donc confirmé en ce que le conseil de prud’hommes de Paris s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris en considération de l’inscription au répertoire des métiers.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

L’appelant, qui succombe, doit être condamné aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

À l’opposé, aucune raison d’équité ne commande de faire application de cet article au profit des sociétés intimées.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

REJETTE la demande tendant à déclarer nulle la déclaration d’appel ;

DÉBOUTE les sociétés Uber France et Uber B. V de leur demande d’écarter des débats les pièces adverses communes n°25, 41, 45, 46, 47, 48, 49, 50, 51, 52, 53, 54, 55, 56, 57, 69, 70, 71, 72, 73, 74, 75, 76, 77, 78, 83, 84, 85, 86, 87, 108 123 et 124 ;

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [M] [N] aux dépens d’appel ;

DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente

 

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