Caractère professionnel d’une maladie : les modalités

Notez ce point juridique

1. Respectez les délais légaux pour statuer sur le caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident du travail, et informez clairement l’employeur de ces délais ainsi que des étapes de la procédure.

2. Assurez-vous de respecter le principe du contradictoire en permettant à l’employeur de consulter le dossier constitué par la caisse primaire et de formuler des observations, conformément aux dispositions légales.

3. Veillez à démontrer que les conditions préalables à l’application de la présomption d’imputabilité d’une maladie professionnelle sont remplies, notamment en ce qui concerne la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie en question.


L’affaire concerne une salariée de la société [4] ayant déclaré une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et une épicondylite droite comme maladies professionnelles. Après enquête, la CPAM a pris la décision de prendre en charge l’affection de la salariée au titre de la législation sur les risques professionnels. La société [4] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal. Lors de l’audience, la société [4] a formulé plusieurs demandes, notamment concernant la communication des informations par la CPAM et la preuve de l’exposition de la salariée aux risques des maladies déclarées. La CPAM a demandé au tribunal de confirmer sa décision de prise en charge de la maladie de la salariée. Le jugement de l’affaire a été mis en délibéré pour le 05 Mars 2024.

Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/employeur

Les rapports CAISSE/ASSURE et CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants, et la décision rendue n’aura aucun effet sur les droits de l’assuré.

Sur le principe du contradictoire

La caisse dispose d’un délai pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie et doit informer l’employeur des étapes de l’instruction.

Sur le caractère professionnel de la maladie

La maladie de Madame [D] [I] a été reconnue comme professionnelle en raison de son exposition aux travaux du tableau 57B.

Sur la liste limitative des travaux

La société [4] conteste l’exposition de Madame [I] aux travaux du tableau 57B, mais les déclarations concordantes des questionnaires salarié et employeur confirment cette exposition.

Résultat de la décision

La demande de la société [4] de déclarer la décision de la CPAM inopposable est rejetée, et la société [4] est condamnée aux dépens.

– Société [4]: – Recevable en son recours.
– Déboutée de sa demande contre la décision de la CPAM.
– Condamnée aux dépens.
– CPAM de la SARTHE:
– Aucun montant spécifique alloué mentionné dans le jugement.
– Madame [D] [I]:
– Aucun montant spécifique alloué mentionné dans le jugement.
Note: Le jugement ne spécifie pas de montants en termes financiers alloués à chaque partie, mais mentionne les décisions prises concernant les demandes et les responsabilités en matière de dépens.


Réglementation applicable

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me OLIVIA COLMET DAAGE
– Me KATZ

Mots clefs associés

– Claire AMSTUTZ
– Audience publique
– 09 Janvier 2024
– Jugement rendu le 05 Mars 2024
– Madame [D] [I]
– Société [4]
– Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la SARTHE
– Déclaration de maladie professionnelle
– Tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite
– Épicondylite droite
– Certificat médical initial
– Enquête CPAM
– Décision de prise en charge
– Maladie professionnelle du tableau 57 B
– Commission de recours amiable
– Recours au tribunal
– Audience de mise en état
– Audience de renvoi pour plaidoirie
– Non-respect des procédures de notification
– Dossiers d’instruction incomplets
– Preuve de l’exposition aux risques
– Demande de dispense de comparution
– Écritures de la CPAM
– Confirmation du caractère professionnel de la maladie
– Opposition à la société [4] des décisions de prise en charge

– Claire AMSTUTZ : Nom de la personne concernée par le dossier
– Audience publique : Séance publique où se déroule le jugement
– 09 Janvier 2024 : Date de l’audience
– Jugement rendu le 05 Mars 2024 : Date à laquelle le jugement a été rendu
– Madame [D] [I] : Identité de la personne concernée
– Société [4] : Nom de la société impliquée dans l’affaire
– Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la SARTHE : Organisme en charge de l’assurance maladie dans la région de la Sarthe
– Déclaration de maladie professionnelle : Notification d’une maladie liée au travail
– Tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite : Pathologie affectant l’épaule droite
– Épicondylite droite : Inflammation de l’épicondyle du coude droit
– Certificat médical initial : Document attestant de l’état de santé initial de la personne
– Enquête CPAM : Investigation menée par la CPAM
– Décision de prise en charge : Décision d’assumer les frais liés à la maladie professionnelle
– Maladie professionnelle du tableau 57 B : Classification de la maladie professionnelle selon un tableau spécifique
– Commission de recours amiable : Instance chargée de régler les litiges entre l’assuré et la CPAM
– Recours au tribunal : Action de saisir le tribunal pour trancher un litige
– Audience de mise en état : Séance visant à préparer le dossier pour le jugement
– Audience de renvoi pour plaidoirie : Séance où les parties présentent leurs arguments
– Non-respect des procédures de notification : Manquement aux règles de notification
– Dossiers d’instruction incomplets : Dossiers manquant d’informations nécessaires
– Preuve de l’exposition aux risques : Éléments démontrant l’exposition aux risques professionnels
– Demande de dispense de comparution : Requête pour ne pas comparaître devant le tribunal
– Écritures de la CPAM : Documents rédigés par la CPAM
– Confirmation du caractère professionnel de la maladie : Validation de l’origine professionnelle de la maladie
– Opposition à la société [4] des décisions de prise en charge : Contestation des décisions prises par la société [4] concernant la prise en charge de la maladie professionnelle

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1/Tribunal judiciaire de Lille N° RG 23/01179 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XKLA
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE LILLE

PÔLE SOCIAL

-o-o-o-o-o-o-o-o-o-

JUGEMENT DU 05 MARS 2024

N° RG 23/01179 – N° Portalis DBZS-W-B7H-XKLA

DEMANDERESSE :

Société [4]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me OLIVIA COLMET DAAGE, avocat au barreau de PARIS, substituée à l’audience par Me KATZ

DEFENDERESSE :

CPAM DE LA SARTHE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Dispensée de comparaître

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Président: Fanny WACRENIER, Vice-Présidente
Assesseur: Christophe DESBONNET, Assesseur pôle social collège employeur
Assesseur: Pierre DEFFONTAINE, Assesseur du pôle social collège salarié

Greffier

Claire AMSTUTZ,

DÉBATS :

A l’audience publique du 09 Janvier 2024, date à laquelle l’affaire a été mise en délibéré, les parties ont été avisées que le jugement serait rendu le 05 Mars 2024.

Le 8 août 2022, Madame [D] [I], salariée de la société [4] a transmis à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la SARTHE une déclaration de maladie professionnelle pour une tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite et pour une épicondylite droite accompagnée d’un certificat médical initial du 11 juillet 2022 mentionnant « tendinopathie de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite + épicondylite droite ».

La CPAM a ouvert deux dossiers d’instruction.

Après enquête, le 30 décembre 2022, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la SARTHE a notifié à la Société [4] une décision de prise en charge de l’affection de Madame [D] [I] « tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit » du 11 juillet 2022 au titre de la législation sur les risques professionnels comme étant une maladie professionnelle du tableau 57 B des maladies professionnelles.

Le 28 février 2023, la Société [4] a saisi la commission de recours amiable afin de contester cette décision.

Par lettre recommandée expédiée le 27 juin 2023, la Société [4] a saisi le tribunal d’un recours à l’encontre de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

L’affaire, appelée à l’audience de mise en état du 5 octobre 2023, a été entendue à l’audience de renvoi fixée pour plaidoirie du 9 janvier 2024.

Lors de celle-ci, la Société [4], par l’intermédiaire de son conseil, a déposé des conclusions auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions soutenus oralement.

Elle demande au tribunal de :

A titre principal,

-Juger que la CPAM n’a pas préalablement aux décisions de prise en charge adressé à l’employeur les lettres l’informant de la date d’expiration du délai prévu pour statuer sur le caractère professionnel des maladies lors de l’ouverture de l’instruction,
-Juger que la CPAM n’a pas préalablement aux décisions de prise en charge adressé à l’employeur les lettres l’informant des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle il peut consulter le dossier ainsi que celle au cours de laquelle il peut formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à sa réception et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation,
-En conséquence, juger que les décisions de la CPAM de prise en charge des maladies de Madame [D] [I] du 11 juillet 2022 et du 17 août 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels lui sont inopposables,

A titre subsidiaire,

– Juger que les dossiers mis à disposition étaient incomplets dès lors qu’ils ne comportaient pas les certificats médicaux de prolongation,

-En conséquence, juger que les décisions de la CPAM de prise en charge des maladies de Madame [D] [I] du 11 juillet 2022 et du 17 août 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels lui sont inopposables,

A titre plus subsidiaire,

-Juger que la CPAM ne rapporte pas la preuve de l’exposition de Madame [D] [I] aux risques des deux pathologies déclarées eu égard à la nature des tâches effectuées par l’intéressée,
-En conséquence, juger que les décisions de la CPAM de prise en charge des maladies de Madame [D] [I] du 11 juillet 2022 et du 17 août 2020 au titre de la législation sur les risques professionnels lui sont inopposables,

En réponse, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la SARTHE a sollicité une dispense de comparution et a déposé des écritures auxquelles il convient de se reporter pour le détail de ses demandes, moyens et prétentions

Elle demande au tribunal de :

-Débouter la société [4] de l’ensemble de ses demandes,
-Confirmer le bien-fondé de la décision de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée par Madame [D] [I] du 11 juillet 2022,
-Déclarer opposable à la société [4] la décision du 30 décembre 2022 de prise en charge la maladie de Madame [D] [I] du 11 juillet 2022 au titre de la législation professionnelle.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur l’indépendance des rapports caisse/employeur et salarié/ employeur.

Les rapports CAISSE/ASSURE et les rapports CAISSE/EMPLOYEUR sont indépendants car le salarié et son employeur ont des intérêts distincts à contester les décisions de la CPAM.

En conséquence, la présente décision n’aura aucun effet sur les droits reconnus à l’assuré qui conservera, quelle que soit la décision rendue avec ce jugement, le bénéfice des prestations qui lui ont été attribuées par la décision initiale de la CPAM.

Sur le principe du contradictoire

Aux termes de l’article R 461-9 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au litige :

« I.- La caisse dispose d’un délai de cent-vingt jours francs pour statuer sur le caractère professionnel de la maladie ou saisir le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles mentionné à l’article L 461-1.

Ce délai court à compter de la date à laquelle la caisse dispose de la déclaration de la maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial mentionné à l’article L. 461-5 et à laquelle le médecin-conseil dispose du résultat des examens médicaux complémentaires le cas échéant prévus par les tableaux de maladies professionnelles.

La caisse adresse un double de la déclaration de maladie professionnelle intégrant le certificat médical initial à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief par tout moyen conférant date certaine à sa réception ainsi qu’au médecin du travail compétent.

II.- La caisse engage des investigations et, dans ce cadre, elle adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, un questionnaire à la victime ou à ses représentants ainsi qu’à l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief. Le questionnaire est retourné dans un délai de trente jours francs à compter de sa date de réception. La caisse peut en outre recourir à une enquête complémentaire.

La caisse peut également, dans les mêmes conditions, interroger tout employeur ainsi que tout médecin du travail de la victime.

La caisse informe la victime ou ses représentants ainsi que l’employeur de la date d’expiration du délai de cent-vingt jours francs prévu au premier alinéa du I lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.

III.-A l’issue de ses investigations et au plus tard cent jours francs à compter de la date mentionnée au deuxième alinéa du I, la caisse met le dossier prévu à l’article R. 441-14 à disposition de la victime ou de ses représentants ainsi qu’à celle de l’employeur auquel la décision est susceptible de faire grief.

La victime ou ses représentants et l’employeur disposent d’un délai de dix jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui sont annexées au dossier. Au terme de ce délai, la victime ou ses représentants et l’employeur peuvent consulter le dossier sans formuler d’observations.

La caisse informe la victime ou ses représentants et l’employeur des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle ils peuvent consulter le dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils peuvent formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation. »

Aux termes de l’article R441-14 du code de la sécurité sociale, « Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d’accident ou de maladie professionnelle ;
2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;
3°) les constats faits par la caisse primaire ;
4°) les informations communiquées à la caisse par la victime ou ses représentants ainsi que par l’employeur ;
5°) les éléments communiqués par la caisse régionale ou, le cas échéant, tout autre organisme.
Il peut, à leur demande, être communiqué à l’assuré, ses ayants droit et à l’employeur.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l’autorité judiciaire »

La jurisprudence de la cour de cassation pose que l’obligation d’information est limitée aux éléments du dossier au vus desquels la caisse envisage de prendre sa décision car ils sont susceptibles de faire grief à l’employeur.

En l’espèce, la société [4] fait grief à la CPAM de ne pas lui avoir adressé, préalablement à la décision de prise en charge, la lettre l’informant de la date d’expiration du délai prévu pour statuer sur le caractère professionnel de la maladies lors de l’ouverture de l’instruction ainsi que de ne pas lui avoir adressé, préalablement à ladite décision, la lettre l’informant des dates d’ouverture et de clôture de la période au cours de laquelle elle pouvait consulter le dossier ainsi que celle au cours de laquelle elle pouvait formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à sa réception et au plus tard dix jours francs avant le début de la période de consultation.

A l’instar de la CPAM, le tribunal constate que par courrier recommandé du 5 septembre 2022 réceptionné le 7 septembre 2022, la CPAM a notifié à la société [4] :

– de la réception du dossier complet de demande de reconnaissance de maladie professionnelle de Madame [D] [I] en date du 5 septembre 2022 ( n° Dossier 222711442)
– de la mise en œuvre d’investigations complémentaires,
– de la demande de compléter le questionnaire en ligne sous 20 jours sur le site https://questionnaires-risquepro.ameli.fr,
– de la possibilité pour l’employeur, lorsque l’étude du dossier sera terminée, de consulter les pièces du dossier et de former des observations du 15 décembre 2022 au 26 décembre 2022, directement en ligne, sur le même site internet,
– qu’au-delà de cette date, le dossier restera consultable jusqu’à la prise de décision,
– de la notification de la décision qui sera rendue au plus tard le 4 janvier 2023.

A ce courrier était joint les 2 exemplaires de déclaration de maladie professionnelle, la copie du certificat médical initial et le courrier à l’attention du médecin du travail.

La société [4] a rempli le questionnaire en ligne le 11 octobre 2022 2022 (n° Dossier 222711442).

Le 30 décembre 2022, sous n° dossier 222711442, la CPAM a notifié à la Société [4] une décision de prise en charge de l’affection de Madame [D] [I] « tendinopathie des muscles épicondyliens du coude droit » du 11 juillet 2022 au titre de la législation sur les risques professionnels comme étant une maladie professionnelle du tableau 57 B des maladies professionnelles.

Il ne fait pas de doute que par son courrier du 5 septembre 2022, la CPAM a clairement informé la société [4] des délais légaux applicables au visa de l’article R 441-8 du code de la sécurité sociale.

La seule obligation de la Caisse à l’issue des investigations est de mettre le dossier à disposition pour consultation, cette obligation ne s’étendant pas à l’information faite dès le début de l’instruction.

La jurisprudence constante de la Cour de Cassation pose que la mise à disposition du dossier à la victime et à l’employeur n’est soumise à aucune forme particulière et que la seule obligation de la CPAM est d’informer l’employeur de la possibilité de consulter le dossier constitué ainsi qu’il résulte des dispositions de l’article R 441-8 du code de la sécurité sociale avec un délai de 10 jours francs pour la consultation/observation.

Tel a bien été le cas en l’espèce,

Ce moyen soulevé par la société [4] tiré de la violation du principe du contradictoire n’est donc pas fondé.

S’agissant des certificats médicaux de prolongation, force est de constater que le texte vise « les divers certificats médicaux détenus par la caisse » sans distinction notamment entre le certificat médical initial et les certificats médicaux de prolongation.

En l’absence des certificats médicaux de prolongation lors de la phase de consultation/observation du dossier par l’employeur, il peut être déduit d’une lecture stricte de l’article R441-14 que la CPAM n’a pas respecté les dispositions claires de l’article R 441-14 du code de sécurité sociale.

Néanmoins, le non-respect desdites dispositions ne peut entraîner l’inopposabilité de la décision de prise en charge qu’autant qu’il est résulté un grief pour l’employeur (article R 461-9).

Le grief invocable ne peut qu’être afférent à la décision contestée à savoir la décision de prise en charge de la maladie professionnelle ou d’accident du travail.

Il y a lieu de rappeler qu’à ce stade, l’enquête menée par la CPAM ne porte que sur le caractère professionnel de l’accident du travail ou de la maladie professionnelle déclaré.

Or la société [4] ne motive pas en quoi consiste son grief relativement à la décision critiquée en elle-même puisqu’elle a bien pu faire valoir ses observations préalablement alors même que seul le certificat médical initial permet à l’employeur de connaître le caractère professionnel de la maladie professionnelle.

De fait, les certificats médicaux de prolongation d’arrêt de travail ne portent pas sur le lien entre l’activité professionnelle et l’AT/MP mais sur le lien entre ce dernier et les soins et arrêts successifs de sorte qu’ils sont étrangers au fondement de la décision de prise en charge de la maladie ou de l’accident, les certificats médicaux de prolongation ne renseignant que sur la persistance de lésions postérieurement à l’accident ou à la maladie déclaré.

L’absence potentielle de communication des certificats médicaux de prolongation reste donc indifférente à la solution du litige en ce qu’elle ne fait pas grief à l’employeur pour la prise de décision.

Ce moyen soulevé par la société [4] tiré de la violation du principe du contradictoire n’est donc pas fondé.

Sur le caractère professionnel de la maladie

Aux termes de l’article L 461-1 du code de la sécurité sociale, « Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d’origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, est assimilée à la date de l’accident :
1° La date de la première constatation médicale de la maladie ;
2° Lorsqu’elle est postérieure, la date qui précède de deux années la déclaration de maladie professionnelle mentionnée au premier alinéa de l’article L. 461-5 ;
3° Pour l’application des règles de prescription de l’article L. 431-2, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle.
Est présumée d’origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d’exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu’elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d’origine professionnelle lorsqu’il est établi qu’elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d’origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu’elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d’un taux évalué dans les conditions mentionnées à l’article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l’origine professionnelle de la maladie après avis motivé d’un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L’avis du comité s’impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l’article L. 315-1.

Les pathologies psychiques peuvent être reconnues comme maladies d’origine professionnelle, dans les conditions prévues aux septième et avant-dernier alinéas du présent article. Les modalités spécifiques de traitement de ces dossiers sont fixées par voie réglementaire.»

Le tableau n°57B des maladies professionnelles est relatif aux Affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail, au niveau du coude.

DESIGNATION DE LA MALADIE
DELAI DE PRISE EN CHARGE
LISTE LIMITATIVE DES TRAVAUX SUSCEPTIBLES DE PROVOQUER CES MALADIES
Tendinopathie d’insertion des muscles épicondyliens associée ou non à un syndrome du tunnel radial.
14 jours
Travaux comportant habituellement des mouvements répétés de
préhension ou d’extension de la main sur l’avant-bras ou des mouvements de pronosupination.

Dans ses rapports avec l’employeur, il appartient à la caisse de démontrer que les conditions préalables à l’application de la présomption d’imputabilité sont remplies.

Sur la liste limitative des travaux

La société [4] expose que dans ses fonctions d’hôtesse de caisse principale, Madame [I] n’est pas exposée au risque du tableau 57 B, ainsi dans ses fonctions d’accueil physique et téléphonique des clients, ses tâches administratives (contrôle audit, comptabilité, validation des journées de vente).

Elle estime que pour les retours clients à l’accueil, si Madame [I] dépose les produits dans les bacs retour, les gros produits de 5kg sont retournés en zone retrait des marchandises et non pas à l’accueil.

Pour les encaissements et contrairement aux déclarations de Madame [I], il s’agit d’une tâche exceptionnelle ne représentant qu’une infime partie de son temps de travail journalier.

Elle estime donc que la CPAM s’est limitée aux seules déclarations de la salariée, non corroborées par des éléments objectifs ; qu’au vu des réponses divergentes, la CPAM aurait dû mener une enquête plus approfondie.

La CPAM indique qu’aux termes de son enquête contradictoire, les questionnaires employeur et salarié se sont révélés concordants s’agissant des tâches exposantes au niveau du poste « retour client » et « encaissement » et que seule la notion de durée d’exposition quotidienne varie entre les deux questionnaires salarié et employeur, précision faite que Madame [I] peut passer jusqu’à 35 minutes par jour au poste encaissement selon le document produit par l’employeur lui-même.

Dans son questionnaire, Madame [I] a déclaré qu’elle effectuait des travaux comportant des rotations du poignet, des travaux comportant des saisies manuelles et/ou des manipulations d’objet ainsi que des mouvements répétés de flexion/extension du poignet à raison de 5,5 heures par jour environ (dépendant de l’afflux de client) sur 5 jours par semaine pour le poste de « retour marchandises » dont elle a donné le détail des tâches.

Elle a déclaré effectuer les mêmes travaux sur le poste « standard téléphonique » avant l’arrivée du standard automatique en juillet 2022 à raison de 3 heures par jour sur 5 jours par semaine.

Elle a également déclaré effectuer les mêmes travaux sur le poste « encaissement caisse magasin » en détaillant les tâches à raison de 2,5 heures par jour sur 3,5 jours par semaine environ, cela dépendant du flux de clients et des semaines.

Dans son questionnaire, la société [4] a également décrit des mouvements comportant de nombreuses saisies manuelles et/ou de manipulations d’objets au poste de « retours clients à l’accueil » (l’hôtesse scanne le ticket de caisse puis le produit, sort un avoir ou rembourse, dépose les produits dans les bacs retour sachant que 90% des produits font moins de 5kg), évaluant le temps de travail journalier à 0,5 heures sur 5 jours.

Au poste encaissement, la société [4] a aussi décrit des mouvements comportant de nombreuses saisies manuelles et/ou de manipulations d’objets au poste de « encaissement en caisse » (le client dépose ses produits sur les rouleaux, l’hôtesse scanne les produits et encaisse), évaluant le temps de travail journalier à 0 heures sur 0 jours au motif que la tâche est exceptionnelle. Il a été joint un tableau Excel de la liste des jours où Madame [I] a réalisé des encaissements depuis janvier 2022.

De ce tableau, il résulte que les tâches de Madame [I] à l’encaissement client ne sont pas exceptionnelles mais simplement inégales selon les mois et que le temps en caisse varie dans la même proportion pouvant aller sur les mois les plus travaillés à ce poste de 25 à 35 minutes par jour.

Le tableau 57B ne prévoit pas dans le cadre de l’exposition au risque de fréquence minimum ou de cadence quant à la réalisation des travaux.

La jurisprudence de la cour de cassation n’exige pas que le salarié atteint de la maladie en cause ait été exposé de façon continue et permanente, ni n’exige que les travaux mentionnés au tableau constituent une part prépondérante de l’activité du salarié.

La liste limitative des travaux du tableau 57 B prévoit un simple caractère habituel sans condition de durée ni de fréquence.

La société [4] ne verse aux débats aucun élément nouveau qui viendrait contredire ses propres déclarations lors de l’enquête.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la condition du tenant au respect de la liste limitative des travaux était démontrée.

En conséquence, ce moyen d’inopposabilité devra être rejeté.

En conséquence de l’ensemble de ces éléments, la société [4] sera déboutée de sa demande tendant à ce que la décision de la CPAM du 30 décembre 2022 qui a reconnu le caractère professionnel de la maladie de Madame [D] [I] du 11 juillet 2022 lui soit déclarée inopposable.

Sur les dépens

La société [4], qui succombe, est condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal statuant, après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et prononcé par mise à disposition au greffe,

DIT la société [4] recevable en son recours.

DEBOUTE la société [4] de sa demande tendant à ce que la décision de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de la SARTHE du 30 décembre 2022 de prise en charge de la maladie du 11 juillet 2022 de Madame [D] [I] au titre de la législation professionnelle lui soit déclarée inopposable,

CONDAMNE la société [4] aux dépens,

DIT que le présent jugement sera notifié à chacune des parties en application de l’article R. 142-10-7 du code de la sécurité sociale.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe du tribunal les jours, mois et an ci-dessus.

La GREFFIERE La PRESIDENTE
Claire AMSTUTZFanny WACRENIER

Expédié aux parties le :
1 CE à la CPAM
1 CCC à:
– Castorama
– Me Colmet

 

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