1. L’agent commercial a le droit de réclamer les justificatifs comptables lui permettant de vérifier son droit à commission, conformément à l’article R. 134-3 du code de commerce. Il peut exiger que ces pièces comptables soient certifiées par un expert-comptable et un commissaire aux comptes pour garantir leur fiabilité.
2. La société doit respecter son obligation de communiquer à l’agent commercial toutes les informations nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues. En cas de manquement à cette obligation, l’agent commercial peut avoir droit à un rappel forfaitaire de commissions, en plus du rappel de commissions déjà reconnu.
3. En cas de rupture du contrat d’agence, la société doit prouver l’existence d’une faute grave de l’agent commercial pour justifier la résiliation du contrat sans versement d’indemnités. En l’absence de preuve de cette faute grave, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, conformément aux dispositions de l’article L. 134-12 du code de commerce.
L’agent commercial et la société Lollipops ont conclu un contrat d’agent commercial en février 2007. En avril 2015, la société a résilié le contrat pour faute grave, ce qui a conduit l’agent commercial à intenter une action en justice pour réclamer des commissions et des dommages-intérêts. Le tribunal de grande instance de Lyon a condamné la société à payer des rappels de commissions, une indemnité de préavis et une indemnité de rupture. La société a fait appel de cette décision, demandant notamment la confirmation de la résiliation pour faute grave du contrat. L’agent commercial a également fait appel pour réclamer un rappel de commissions supplémentaire. Les parties ont présenté leurs arguments devant la cour, qui doit maintenant statuer sur le litige.
Sur le rappel de commissions
L’agent commercial réclame un rappel de commissions et estime que la société n’a pas respecté son obligation de lui fournir les justificatifs comptables nécessaires pour vérifier ses droits à commissions. Il demande un rappel forfaitaire de commissions en plus de la somme déjà reconnue par le tribunal.
À titre confirmatif, la société affirme avoir transmis les documents nécessaires à l’agent commercial et lui a versé le montant des commissions restant dues. Elle conteste le droit de l’agent commercial à des commissions pour une période spécifique.
La cour confirme que la société a satisfait à son obligation d’information envers l’agent commercial et rejette la demande de ce dernier pour des commissions supplémentaires basées sur un manquement de la société.
Sur la rupture du contrat
La société reproche à l’agent commercial d’avoir passé des commandes pour un nouveau client sans autorisation, ce qui aurait entraîné des pertes financières. Elle estime que cela constitue une faute grave justifiant la résiliation du contrat.
À titre confirmatif, l’agent commercial nie les accusations et affirme que la société a monté une affaire contre lui. Il conteste la résiliation du contrat et demande la confirmation du jugement sur les sommes allouées.
La cour examine les griefs de la société contre l’agent commercial et conclut qu’ils ne sont pas suffisamment étayés pour prouver une faute grave. Elle confirme le jugement initial sur les indemnités dues à l’agent commercial.
Sur la demande de dommages-intérêts
La société demande des dommages-intérêts pour le préjudice subi en raison des agissements de l’agent commercial. L’agent commercial conteste cette demande.
La cour rejette la demande de dommages-intérêts de la société, estimant qu’elle n’a pas prouvé la faute grave de l’agent commercial. Les demandes des parties au sujet des intérêts et des dépens sont également examinées et tranchées.
En conclusion, la cour confirme le jugement initial sur les différentes demandes des parties et rejette les demandes d’indemnités supplémentaires.
– Charge des dépens d’appel : laissée à chacune des parties
– Demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile : rejetées
Réglementation applicable
– Article 1154 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
– Article 699 du code de procédure civile
– Article 455 du code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– SCP BAUFUME ET SOURBE
– SELAS HADDAD & LAGACHE
– Me Amandine BIAGI
Mots clefs associés
– Motifs de la décision
– Rappel de commissions
– Droit à commission
– Justificatifs comptables
– Expert-comptable
– Commissaire aux comptes
– Obligation de communication
– Contrôle exhaustif
– Rappel de commissions
– Rappel forfaitaire de commissions
– Montant des commissions
– Confirmation du jugement
– Rupture du contrat
– Faute grave
– Résiliation du contrat
– Préavis
– Indemnité compensatrice
– Faute grave de l’agent commercial
– Preuve de faute grave
– Dommages-intérêts
– Préjudice
– Intérêts capitalisés
– Assignation
– Indemnité de rupture
– Intérêts au taux légal
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Motifs de la décision : Raisons légales et factuelles qui justifient le jugement ou la décision d’une autorité judiciaire.
– Rappel de commissions : Action de réclamer le paiement de commissions dues mais non payées dans le passé.
– Droit à commission : Droit pour un agent ou un intermédiaire de recevoir une rémunération pour les services rendus ou les transactions facilitées.
– Justificatifs comptables : Documents qui prouvent les opérations financières et qui sont utilisés pour la tenue des comptes.
– Expert-comptable : Professionnel chargé de la gestion comptable, de l’audit et du conseil fiscal pour des entreprises ou des particuliers.
– Commissaire aux comptes : Personne indépendante chargée de vérifier les comptes d’une société pour s’assurer de leur exactitude et de leur conformité avec les normes comptables.
– Obligation de communication : Devoir légal de partager des informations nécessaires dans le cadre d’une procédure judiciaire ou contractuelle.
– Contrôle exhaustif : Examen complet et détaillé d’une situation, d’un document ou d’un ensemble de données.
– Rappel forfaitaire de commissions : Paiement fixe demandé pour des commissions non versées antérieurement.
– Montant des commissions : Somme d’argent due à un agent ou intermédiaire en rémunération de ses services.
– Confirmation du jugement : Acte par lequel une cour supérieure valide la décision prise par une cour inférieure.
– Rupture du contrat : Fin anticipée d’un contrat suite à une décision unilatérale d’une des parties ou par accord mutuel.
– Faute grave : Manquement sérieux aux obligations contractuelles justifiant une rupture immédiate du contrat sans indemnité.
– Résiliation du contrat : Termination formelle d’un contrat par l’une des parties ou par effet de la loi.
– Préavis : Période annoncée à l’avance durant laquelle un contrat reste en vigueur avant sa résiliation effective.
– Indemnité compensatrice : Somme versée pour compenser la perte subie en raison de la fin anticipée d’un contrat.
– Faute grave de l’agent commercial : Manquement sérieux par un agent commercial à ses obligations professionnelles.
– Preuve de faute grave : Éléments de preuve nécessaires pour démontrer la gravité de la faute commise par une partie dans un contexte contractuel.
– Dommages-intérêts : Compensation financière accordée pour réparer un préjudice subi.
– Préjudice : Dommage ou perte subie par une personne du fait des agissements d’une autre.
– Intérêts capitalisés : Intérêts qui s’ajoutent au capital initial et sur lesquels des intérêts sont à leur tour calculés.
– Assignation : Acte de procédure par lequel une partie est convoquée devant une juridiction pour répondre à une demande formée contre elle.
– Indemnité de rupture : Somme versée en compensation de la fin d’un contrat.
– Intérêts au taux légal : Intérêts calculés à un taux fixé par la loi sur les sommes dues.
– Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une des parties à l’issue d’un procès.
– Article 700 du code de procédure civile : Disposition légale permettant au juge d’ordonner à une partie de verser à l’autre une somme couvrant les frais non inclus dans les dépens.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/01659 – N° Portalis DBVX-V-B7E-M4U7
Décision du Tribunal Judiciaire de LYON
Au fond du 05 février 2020
(chambre 1 cab 01 A)
RG : 15/13207
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
1ère chambre civile A
ARRET DU 11 Janvier 2024
APPELANTE :
S.A.S. RAND FRERES venant au droit de la société LOLLIPOPS
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par la SCP BAUFUME ET SOURBE, avocat au barreau de LYON, avocat postulant, toque : 1547
Et ayant pour avocat plaidant la SELAS HADDAD & LAGACHE, avocat au barreau de PARIS
INTIME :
M. [S] [H] [Z]
né le 16 Août 1968 à [Localité 9] (JURA)
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Amandine BIAGI, avocat au barreau de LYON, toque : 1539
* * * * * *
Date de clôture de l’instruction : 23 Mars 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 05 Octobre 2023
Date de mise à disposition : 11 Janvier 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Anne WYON, président
– Julien SEITZ, conseiller
– Thierry GAUTHIER, conseiller
assistés pendant les débats de Séverine POLANO, greffier
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Anne WYON, président, et par Séverine POLANO, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Le 8 février 2007, M. [Z] (l’agent commercial) et la société Lollipops, spécialisée dans la vente d’accessoires de mode, aux droits de laquelle est venue la société Rand frères (la société), ont conclu un contrat d’agent commercial à durée indéterminée, à effet au 10 février 2007.
Après avoir invoqué, en avril 2015,des difficultés survenues par le fait de l’agent lors du paiement d’une commande effectuée par l’entremise de celui-ci, la société lui a notifié, par lettre recommandée avec accusé de réception du 29 avril 2015, la résiliation du contrat d’agent commercial pour faute grave avec effet immédiat.
En suite d’échanges entre les parties, la société a adressé le 16 juillet 2015 le règlement de la somme de 30 532,45 euros, correspondant aux commissions qu’elle estimait dues à l’agent commercial et a maintenu sa décision de résilier le contrat pour faute grave.
Le 6 novembre 2015, l’agent commercial a assigné la société devant le tribunal de grande instance de Lyon en paiement de commissions et en versement de dommages-intérêts.
Par jugement du 5 février 2020, le tribunal judiciaire de Lyon a :
– condamné la société à payer à l’agent commercial la somme de 11 850,83 euros HT, au titre de rappels de commission, outre intérêts de droit à compter du 6 novembre 2015, avec capitalisation des intérêts par application de l’article 1154 du code civil ;
– condamné la société à payer à l’agent commercial la somme de 18 227,46 euros à titre d’indemnité de préavis ;
– condamné la société à payer à l’agent commercial la somme de 145 819,68 euros à titre d’indemnité de rupture ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes ;
– condamné la société à verser à l’agent commercial la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance, avec recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 code de procédure civile;
– ordonné l’exécution provisoire du jugement.
Par déclaration transmise au greffe le 28 février 2020, la société a relevé appel de cette décision.
Dans ses dernières conclusions, n° 3, déposées au greffe le 4 février 2021, la société mandante demande à la cour de :
– débouter l’agent commercial en toutes ses demandes, fins et conclusions,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
* condamné la société à verser à l’agent commercial la somme de 18 227,46 euros HT à titre de d’indemnité de préavis,
* condamné la société à verser à l’agent commercial la somme de 145 819,68 euros à titre de d’indemnité de rupture,
* condamné la société à verser à l’agent commercial la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance, avec recouvrement conformément aux dispositions de l’article 699 code de procédure civile ;
* débouté la société du surplus de ses demandes ;
– confirmer le jugement en ce qu’il a :
– rejeté la demande de l’agent commercial visant à ce qu’elle soit condamnée à lui verser la somme de 48 305,75 euros à titre de rappel de commissions ;
– condamné la société à verser à l’agent commercial la somme de 11 850,83 euros HT en solde de tout compte, au titre des rappels de commission, outre intérêts de droit à compter du 6 novembre 2015, avec capitalisation des intérêts en application de l’article 1154 du code civil ;
– statuant à nouveau :
* dire et juger bien fondée la résiliation pour faute grave du contrat d’agent commercial;
* condamner l’agent commercial à lui verser la somme de 15 000 euros à titre de dommages-intérêts ;
* condamner l’agent commercial à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les entiers dépens de l’instance.
Dans ses conclusions n° 2 déposées le 11 décembre 2020, l’agent commercial demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a jugé que la résiliation du contrat d’agent commercial n’était pas la conséquence d’une faute grave de sa part et en ce qu’il a condamné la société à lui payer les sommes de :
* 11 850.83 euros HT outre intérêts de droit à compter du 6 novembre 2015 avec capitalisation des intérêts, à titre de rappel de commissions ;
* 18 227.46 euros HT à titre de rappel de commissions sur préavis ;
* 145 819.68 euros à titre d’indemnité de rupture ;
* 3 000.00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la société de l’intégralité de ses demandes ;
– infirmer le jugement pour le surplus,
– condamner la société à lui payer la somme totale de 48 305.75 euros HT à titre de rappel de commissions, outre TVA au taux en vigueur, et sous déduction de la somme déjà réglée au titre de l’exécution provisoire dont est assorti le jugement ;
– dire et juger que les intérêts sur l’intégralité des condamnations sont dues à compter de la demande en justice avec capitalisation,
– ajoutant au jugement :
– condamner la société à lui payer la somme de 8 000 euros à titre de participation sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’à supporter les dépens de première instance et d’appel, avec distraction au profit de son conseil.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 23 mars 2021.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se reporter aux conclusions des parties ci-dessus visées, pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le rappel de commissions
L’agent commercial fait valoir le droit qui lui est reconnu par l’article R. 134-3, alinéa 2, du code de commerce de réclamer les justificatifs comptables lui permettant de vérifier son droit à commission. Il considère, même si le texte ne le prévoit pas, qu’il est en droit d’exiger que les pièces comptables produites soient certifiées par un expert-comptable et un commissaire aux comptes. Il estime qu’un simple avis de l’expert-comptable est insuffisant.
Il considère que la société n’a, dès lors, pas respecté son obligation de communiquer l’intégralité des justificatifs comptables – concernant la période commencée le 1er janvier 2013 – permettant un contrôle exhaustif de ses droits à commissions. Il estime qu’il ne lui est pas possible de vérifier par lui-même les prises d’ordre enregistrées sur son secteur.
Ainsi, il demande la confirmation du jugement en ce qu’il lui a reconnu un rappel de commissions de la somme de 11 850,83 euros HT mais considère en outre que le manquement de la société dans la communication des justificatifs lui ouvre droit au paiement d’un rappel forfaitaire de commissions, qu’il chiffre à 6 mois et, en fonction de la moyenne mensuelle des commissions qu’il a perçues en 2013 et 2014 (6 075,82 euros), il demande ainsi le paiement de la somme totale de 48 305,75 euros HT.
À titre confirmatif, la société indique que, par lettre du 16 juillet 2015, elle a transmis à l’agent commercial des documents, certifiés conformes, qu’elle liste, et a adressé un chèque de 30 562,45 euros correspondant au montant des commissions restant dues à cette date. Elle conteste que les dispositions de l’article R. 134-3 du code de commerce permettent à l’intimé d’exiger la production de toutes les pièces qu’il demande ainsi que la certification de ces pièces par un expert-comptable et un commissaire aux comptes. Elle estime ainsi avoir satisfait au droit d’information de l’agent commercial.
Elle considère que l’intimé ne peut prétendre au versement de commissions pour la période du 19 avril au 6 novembre 2015.
Sur ce,
C’est par des motifs pertinents, qui répondent aux conclusions d’appel, et que la cour adopte que le tribunal, au regard des dispositions de l’article R. 134-3, alinéa 2d, du code de commerce, a retenu que la société avait satisfait à son obligation de fournir à l’agent commercial toutes les informations nécessaires pour vérifier le montant des commissions qui lui sont dues.
Au demeurant, au-delà du seul moyen, écarté par le tribunal et la cour, tiré de l’insuffisance de certification des documents produits par la société, l’agent commercial ne conteste pas l’analyse effectuée par le tribunal des documents produits par la société, aux termes de laquelle les premiers juges ont reconnu que l’intimé était titulaire d’une créance de 11 850,83 euros hors taxe au titre des rappels de commissions. Ainsi, la cour estime que c’est de manière inopérante que l’agent commercial invoque, pour prétendre à une créance supérieure, l’exclusivité dont il bénéficiait contractuellement ou encore l’applicabilité de son droit à commission sur les ventes en ligne, moyens dont il ne tire en outre aucune conséquence précise sur ses demandes.
En conséquence, faute de démonstration par l’intimé d’un manquement de la société a son obligation d’information, la demande de l’agent commercial en paiement de commissions forfaitaires, qu’il fonde uniquement sur l’existence de ce manquement, doit être rejetée.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat
À titre infirmatif, la société, s’appuyant sur les dispositions de l’article L. 134-4 du code de commerce, indique avoir découvert que l’agent commercial, pour éviter le rejet de commandes conclues avec une société en redressement judiciaire (la société Oumiak, exploitant la boutique le Dressing, située à [Localité 6] et dirigée par M. [C]), a passé des commandes pour un nouveau client, la société Valmo 73 (exploitant un magasin à [Localité 5] et dont Mme [M] était la dirigeante), en créant lui-même un compte pour cette société, et ce, afin de s’assurer le paiement d’une commission. Elle indique que les marchandises commandées n’ont pas été réglées.
Elle considère justifier que la dirigeante de la société Valmo 73 n’a jamais passé les commandes litigieuses et que l’agent commercial avait passé des commandes pour la société Oumiak en 2013, avant son placement en redressement judiciaire.
Elle reproche également à l’agent commercial de ne pas avoir donné de suite à son courriel du 13 avril 2015, l’invitant à lui transmettre des informations sur cette situation, ainsi qu’à sa lettre recommandée du même jour et à un courriel du 15 avril. Elle soutient que, lors de la réunion du 20 avril 2015, l’agent commercial s’est tu et a refusé de s’expliquer.
Elle indique que, si aucune suite pénale n’a été donnée à sa plainte, la faute civile de l’agent commercial peut être reconnue.
Elle estime ainsi que l’agent commercial ne s’est pas comporté loyalement, au regard des dispositions de l’article L. 134-4 du code de commerce, et a commis une faute grave, justifiant la résiliation du contrat.
Elle considère en conséquence qu’il ne peut prétendre aux commissions au titre de la période de préavis ou à une indemnité.
À titre confirmatif, l’agent commercial soutient que Mme [M] est à l’origine de la manipulation visant à son éviction.
Il indique avoir clairement expliqué la situation dans sa lettre du 23 avril 2015 et fourni les précisions que la société lui demandait, expliquant en outre les raisons pour lesquelles il n’avait pas immédiatement déféré aux sollicitations de la société depuis le 13 avril.
Il se prévaut des liens établis entre M. [C] et la société pour justifier des conditions dans lesquelles cette situation est intervenue, sans qu’il en soit responsable.
Il conteste la valeur des déclarations de Mme [N], employée de la société Oumiak.
Il attribue cette situation au mélange des intérêts entre M. [C], Mme [M] et Mme [T], devenue l’épouse de M. [C] et dont le magasin revend les produits Lollipops, fournis par l’appelante.
Il estime que la société s’est emparée de prétendus problèmes, invoqués par des clients de mauvaise foi, pour alimenter un grief contre lui.
Il fait valoir qu’il n’aurait pas eu d’intérêt au comportement qui lui est reproché.
Il demande par ailleurs la confirmation du jugement, sur le montant des sommes allouées.
Sur ce,
Comme l’a justement rappelé le tribunal, aux termes de l’article L 134-11 du code du commerce, lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis. La durée du préavis est de trois mois pour la troisième année commencée et les années suivantes.
L’article L 134-12 du code du commerce dispose qu’en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf si l’agent n’a pas notifié au mandant, dans un délai d’un an à compter de la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits.
L’article L 134-13 du code du commerce prévoit notamment que la réparation n’est pas due dans le cas où la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial. Il appartient alors au mandant de prouver l’existence d’une faute grave laquelle est définie comme celle qui porte atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rend impossible le maintien du lien contractuel.
En l’espèce, dans sa lettre de rupture du 29 avril 2015, la société reproche substantiellement à l’agent commercial :
– d’avoir passé des commandes (« preview été 2015 n° 2103135 et 2103136 ») au nom de la société Valmo 73 alors que le réel bénéficiaire de cette marchandise était la société Oumiak, en liquidation judiciaire, le « total de marchandises détournées (s’élevant) à 11 147,42 euros (factures n° 79595 79596) » ;
– de n’avoir pas apporté « quelque réponse que ce soit (aux) légitimes interrogations (de la société) avant (son) courrier mensonger du 23 avril manifestement destiné à allumer un contre-feu et tenter d’obtenir fallacieusement un accord avec notre société ».
Il sera relevé que l’agent commercial, après la lettre de résiliation du 29 avril 2015, a assigné la société le 6 novembre 2015 pour réclamer le versement, notamment, de l’indemnité de rupture, de sorte que le délai d’un an prévu par l’article L. 134-12 susvisé a été respecté.
Sur le second des griefs énoncés dans la lettre de rupture, la cour relève qu’il est établi que l’agent commercial, interrogé par la société depuis le 13 avril 2015 sur la situation évoquée par Mme [M] dans sa lettre du 31 mars 2015 (pièce n° 6 de l’appelant), a formellement répondu le 23 avril 2015. Il convient de relever le laps de temps relativement réduit entre la demande d’explication et la réponse de l’agent commercial et, ce, alors qu’il est communément admis qu’un échange verbal est intervenu entre les parties à ce sujet le 20 avril 2015, à la suite d’une réunion. Si les parties contestent la teneur de cet entretien, aucun élément versé aux débats ne permet d’en définir objectivement les termes.
La cour estime ainsi, comme le tribunal, qu’à défaut de reposer sur des éléments suffisamment objectifs, ce second grief n’est pas établi.
En ce qui concerne le premier grief, la société reproche à l’agent commercial, d’avoir passé, en connaissance de cause, des commandes au nom d’une société (Valmo 73) alors qu’une autre en était la réelle bénéficiaire (Oumiak). Elle considère que l’agent commercial a ainsi détourné des marchandises.
Les bons de commande, datés du 29 septembre 2014, sont produits au dossier (pièces n° 3.1 et 3.2 de l’intimé). Ils sont tous les deux établis au nom de la société Valmo 73 (pour la livraison et la facturation).
Les parties s’accordent sur ce que ces commandes concernaient la gamme « été preview » de la société.
Les bons de livraison correspondants sont produits (pièces n° 5.1 et 5.2 de l’intimé). Ils visent tous deux Mme [M], dirigeante de la société Valmo 73, comme destinataire. Le premier, daté du 10 décembre 2014, est signé par M. « [C] [R] » et le second, daté du même jour, est signé sans mention du signataire. La signature est toutefois manifestement distincte de celle figurant sur le précédent bon de livraison, lequel comporte le tampon humide de la société Valmo 73.
La société admet (p. 28 des conclusions) que ce second bon a été signé par Mme [M].
Les factures correspondantes, établies au nom de Mme [M], ont été dressées le 8 décembre 2014 (pièces n° 4.1 et 4.2. de l’intimé).
Les parties n’émettent aucune critique quant au lien existant entre les marchandises visés par les bons de commande, les factures et les bons de livraisons.
Il résulte de ce qui précède que les documents établis l’ont été au nom de la société Valmo 73, tandis qu’il n’est pas discuté que les marchandises ont été livrées à ce magasin, l’un des bons portant en outre mention du tampon humide de la société avec signature de Mme [M] (courriel du 13 avril 2015, pièce n° 7 de l’appelante), ce qui présume de commandes effectuées par la société Valmo 73 et livrées à celle-ci.
Ainsi, il appartient à la société de démontrer, contre cette présomption, que l’agent commercial – auquel il reproche un « détournement » de marchandises – a sciemment permis l’établissement de ces documents au nom de la société Valmo 73 alors que les deux commandes devaient en réalité bénéficier à la société [C].
Pour imputer l’établissement d’un faux bon de commande à l’agent commercial, la société s’appuie, pour l’essentiel, sur les déclarations de Mme [M] et M. [C].
Mme [M] s’est en effet plainte (courriel du 13 avril 2015, pièce n° 7 de l’appelante) des relances adressées par la société aux fins du paiement des deux commandes.
Il sera noté qu’il n’est cependant produit aucune copie de ces relances par l’appelante et que celle-ci s’est manifestée plus de quatre mois après la livraison des marchandises.
Mme [M] soutient encore (même pièce) qu’elle aurait demandé à l’agent commercial, durant « tout l’hiver », de « changer les facturations pour [Localité 6] [la société Oumiak] ou a été livré(e) la marchandise ». Aucun document n’est produit pour justifier de ces demandes de Mme [M]. Il résulte en outre des bons de livraisons ci-dessus indiqués que celle-ci était parfaitement informée de ce que des marchandises avaient été commandées et livrées au nom de son entreprise.
M. [C], dirigeant de la société Oumiak, indique (courriel du 22 avril 2015 ; pièce n° 10 de l’appelante) à la fois que la commande était bien destinée à son magasin tout en écrivant ne pas avoir demandé à l’agent commercial de prendre la commande sur la société de Mme [M] et en lui imputant ce fait. Il indique également (courriel du 10 avril 2015), que la « commande et la livraison » ont été « effectu(és) à la boutique de [Localité 5] de (son) ex-compagne pour des raisons pratiques », ce qui suggère en toute hypothèse qu’il était tout à fait informé de cette situation. Mmes [M] écrit par ailleurs (pièce n° 43 de l’appelante) que M. [C] est à l’origine de ces commandes.
MM. [M] et [C] imputent ainsi à l’agent commercial des commandes et livraisons qui auraient faussement été établies par l’agent commercial alors qu’ils étaient informés, particulièrement M. [C], de la teneur de ces documents.
Il sera noté en outre qu’il n’est pas justifié d’une quelconque manifestation de leur part, et particulièrement de Mme [M], au moment de la livraison.
En outre, comme cela résulte des conclusions et pièces du dossier, il doit être relevé que Mme [M] et M. [C] ont entretenu une relation personnelle. Quelle que soit la teneur exacte de cette relation au moment des faits, alors qu’il est soutenu par la société qu’ils n’entretenaient plus de relations intimes, cette situation doit être mise en regard avec le fait que M. [C] a estimé « pratique » de commander et livrer les produits dans l’entreprise, distincte, de Mme [M] et qu’il est acquis que celle-ci a signé l’un des deux bons de livraison.
Leur relation était ainsi encore d’une teneur suffisante pour qu’ils admettent, à tout le moins, un croisement de leurs intérêts professionnels.
Les seules déclarations faites par MM. [M] et [C] dans les documents produits par la société ne sont ainsi pas de nature à établir l’implication de l’agent commercial dans le montage fautif allégué par la société pour justifier de la résiliation.
A hauteur d’appel, la société se prévaut en outre de la pièce n° 40, dont elle indique qu’elle se rapporte aux commandes litigieuses, ce qui n’est pas contesté. Ce document est un courriel du 20 octobre 2014, par lequel un salarié de la société a confirmé la commande à Mme [M] et la société Valmo 73, en utilisant l’adresse de courriel « [Courriel 8] ».
Dans la pièce n° 41, le même salarié interpelle par courriel du même jour l’agent commercial quant à l’exactitude du courriel du destinataire, qu’il indique à son interlocuteur comme mentionnée dans « ta fiche boutique ». Le salarié suggère d’utiliser une autre adresse de courriel, dont il précise qu’elle appartient à M. [C] (« [Courriel 7] »).
Pour la société, les mentions contradictoires entre les bons de commande et de livraison et l’adresse de courriel indiquée pour ces ventes confortent et établissent la duplicité de l’agent commercial, pour avoir indiqué comme cocontractant la société Valmo 73, alors que le réel bénéficiaire était la société Ouimak, dirigée par M. [C].
Toutefois, il n’est ni justifié ni produit la réponse de l’agent commercial au second des courriels susvisés. En outre, dans ce courriel, si son auteur se réfère à la fiche boutique, qu’il attribue à l’agent commercial, les conditions dans lesquelles ces fiches ont été établies, transmises ou pouvaient être modifiées, et par qui, ne sont ni décrites ni justifiées par la société.
Il n’en résulte aucun certitude que cette identification du destinataire de la commande (M. [C]), par son adresse de courriel, soit le fait de l’agent commercial.
En outre, au regard de l’imbrication des intérêts entre Mme [M] et M. [C], le fait que, selon toute vraisemblance, l’adresse courriel de celui-ci ait été indiquée comme contact ne permet pas d’établir que cette situation était étrangère à Mme [M] et d’exclure toute volonté de commande de sa part.
Par ailleurs, la société se prévaut de ce qu’une salariée de la société Ouimak (boutique de [Localité 6]), exploitée par M. [C], indique (pièce n° 9, lettre du 30 mars 2015, attestation du 22 mai 2021, pièce n° 45 de l’appelante) avoir réceptionné la marchandise de la société, qu’elle a étiquetée puis vendue et que Mme [M] « n’a rien eu en sa possession », « a servi d’intermédiaire lors de la livraison » effectuée dans sa boutique de [Localité 5]. Cependant, ce faisant, le témoin atteste de faits concernant une autre entreprise que celle qui l’emploie. Leur relation implique que le témoin ait eu une connaissance du fonctionnement des deux entreprises, jusqu’à savoir la destination des marchandises reçues par l’une et l’autre et les conditions dans lesquelles elles ont été commercialisées.
Cependant, ces documents ne précisent aucune circonstance dans lesquelles le témoin a pu constater de tels faits. Ils n’apparaissent, dès lors, pas probants. Ils ne permettent pas de rapporter suffisamment la preuve de l’existence du montage frauduleux reproché par la société à l’agent commercial.
Il sera en outre relevé que l’article 6 du contrat d’agent commercial, relatif au versement des commissions, prévoit une rémunération pour les commandes directement prises par l’agent, ce qui serait le cas en l’espèce, mais à la condition qu’elles soient payées.
Dans ces conditions, il apparaît difficile – la société n’apportant aucun élément probant sur ce point – d’admettre que l’agent commercial aurait eu un intérêt – tout au moins en ce qui concerne son droit à commission – à établir des bons de commande à l’ordre d’une société, à l’insu de celle-ci, ce qui excluait tout règlement de sa part, afin d’en faire bénéficier une société en redressement judiciaire.
Au surplus, la société érige en postulat que les commandes ne lui auraient pas été réglées, du fait des dénégations de Mme [M], mais elle ne produit aucun élément – notamment comptable – en justifiant.
Il sera rappelé qu’il résulte de l’application de l’article 1153 du code civil que l’incertitude et le doute subsistant à la suite de la production d’une preuve doivent être nécessairement retenus au détriment de celui qui a la charge de cette preuve.
En considération de ce qui précède, la cour estimant qu’il persiste une incertitude et un doute quant à l’existence de la faute grave commise par l’agent commercial, il doit être retenu que les moyens de droit et de fait invoqués par la société sont insuffisants pour établir la matérialité des faits qu’elle lui reproche. Ceux-ci servant de fondement au manquement à l’obligation de loyauté qu’elle entend également imputer à l’agent commercial, au regard des dispositions de l’article L. 134-4 du code de commerce, ce grief n’est, dès lors et également, pas établi.
Dans ces conditions, outre les motifs des premiers juges, que la cour adopte, il doit être retenu que la société ne rapporte pas la preuve de ce que l’agent commercial ait commis des faits ayant porté atteinte à la finalité commune du mandat d’intérêt commun et rendu impossible le maintien du lien contractuel.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
C’est par ailleurs par des motifs pertinents, non contestés par les parties et que la cour adopte, que le tribunal a calculé les indemnités dues à l’agent commercial, à raison de l’absence de faute grave.
Le jugement sera également confirmé de ce chef.
Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société
À titre infirmatif, la société soutient qu’elle a subi un préjudice en conséquence des agissements de l’agent commercial, qui doivent conduire à condamner celui-ci à lui verser la somme de 15 000 euros.
À titre confirmatif, l’agent commercial soutient que cette demande n’est fondée ni en son principe, ni en son montant.
La cour ayant considéré que la société ne rapportait pas suffisamment la preuve de l’existence de la faute grave qu’elle reproche à l’agent commercial, sa demande en versement de dommages-intérêts sera, de manière confirmative, rejetée.
Sur les autres demandes
L’agent commercial demande que les sommes allouées au titre du préavis et de son indemnité soient assorties d’intérêts capitalisés en application de l’article 1154 du code civil, à compter du jour de sa demande en justice.
Toutefois, en application de l’article 1153-1, devenu 1231-7, du code civil, si les commissions dues au titre du préavis en application de l’article L. 314-11 du code de commerce sont de nature contractuelle et doivent porter intérêts au taux légal à compter de l’assignation, soit 6 novembre 2015, l’indemnité de rupture, même prévue par l’article L. 134-12 du code de commerce, est de nature indemnitaire et ne pourra donner lieu au paiement d’intérêts au taux légal qu’à compter du jugement en ayant arrêté le principe et le montant.
En application de l’article 1154, devenu 1343-2, du code civil, il doit être retenu que ces intérêts produiront eux-mêmes intérêts lorsqu’ils seront échus pour une année entière.
Les appels respectifs des parties n’ayant pas été accueillis, elles devront supporter les dépens qu’elles ont engagés au titre de cette instance.
Par ailleurs, l’équité commande de rejeter leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant par arrêt contradictoire, rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y AJOUTANT,
Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens d’appel ;
REJETTE les demandes des parties fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE