1. Il est important de respecter les procédures prévues par la loi en matière de contestation des décisions des organismes de sécurité sociale. Avant de saisir le tribunal, il est nécessaire de passer par la commission de recours amiable pour les réclamations contre les décisions prises par ces organismes.
2. Lorsque des droits à la retraite sont en jeu, il est essentiel de vérifier la base de calcul des points de retraite, tant pour le régime de base que pour le régime complémentaire. Il convient de s’assurer que les calculs sont effectués conformément aux dispositions légales et réglementaires en vigueur.
3. En cas de litige avec un organisme de sécurité sociale, il est possible de demander des dommages et intérêts pour réparer un préjudice moral. Cependant, il est nécessaire de prouver que ce préjudice a été réellement subi en raison des agissements de l’organisme en question.
Mme [F] [X], affiliée à la CIPAV, a demandé un relevé de carrière pour la période 2011-2021. Après un recours devant la commission de recours amiable, elle a saisi le tribunal judiciaire de Tours, qui a condamné la CIPAV à rectifier ses points de retraite de base et complémentaire. La CIPAV a fait appel, demandant à la Cour de déclarer le recours de Mme [X] irrecevable et de réévaluer ses points de retraite. Mme [X] demande la confirmation du jugement initial et réclame des dommages pour préjudice moral et appel abusif.
Sur la recevabilité du recours de Mme [X]
La Cour a jugé que le recours de Mme [X] devant la commission de recours amiable était recevable, car les mentions figurant sur le relevé de situation individuelle peuvent faire grief au cotisant et sont susceptibles d’être contestées devant la commission de recours amiable.
Sur le fond
La Cour a examiné les arguments de la CIPAV concernant le calcul des cotisations des autoentrepreneurs et a conclu que la demande de Mme [X] était recevable. La CIPAV ne peut opposer ses difficultés de financement à ses adhérents légitimement en droit de demander leurs droits.
Sur la base de calcul des points de retraite de base
Les parties divergeaient sur la base de calcul des points de retraite de base. La Cour a statué que l’assiette des cotisations dues pour le régime de base devait correspondre aux recettes brutes, et a accueilli la demande de Mme [X] en ce sens.
Sur le calcul des points de retraite complémentaire
La Cour a examiné le calcul des points de retraite complémentaire et a conclu que la CIPAV ne pouvait pas se référer à ses propres dispositions statutaires pour déroger au décret en vigueur. La demande de Mme [X] concernant le calcul des points de retraite complémentaire a été également accueillie.
Sur la demande en paiement de dommages et intérêts
Mme [X] réclamait des dommages et intérêts pour le préjudice moral découlant de la minoration de ses droits à la retraite et du stress généré. La Cour a jugé que la persistance de la CIPAV dans l’application d’une position juridiquement erronée constituait une faute de sa part, mais a débouté Mme [X] de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral. La CIPAV a été condamnée aux dépens d’appel et à verser une somme à Mme [X] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
– 6.000 euros : dommages et intérêts pour contrefaçon de droits d’auteur.
– 3.000 euros : réparation de l’atteinte aux droits moraux d’auteur.
– 1.000 euros : dommages et intérêts pour autres préjudices.
– 7.000 euros : frais de procédure selon l’article 700 du code de procédure civile.
– Entiers dépens : frais de justice à la charge de la SAS PROCOPTERE.
Réglementation applicable
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Malaury RIPERT
– Me Amélie TOTTEREAU-RETIF
– Me Dimitri PINCENT
Mots clefs associés
– Recevabilité du recours de Mme [X]
– Document contesté
– Commission de recours amiable
– Relevé de situation individuelle
– Contestation des mentions sur le relevé
– Montant des cotisations
– Nombre de points de retraite
– Autoentrepreneurs
– Forfait social
– Rupture d’égalité
– Principe de proportionnalité
– Base de calcul des points de retraite de base
– Chiffre d’affaires brut
– Recettes effectivement réalisées
– Calcul des points de retraite complémentaire
– Classe de cotisation
– Statuts de la CIPAV
– Dommages et intérêts
– Préjudice moral
– Appel abusif
– Faute de la CIPAV
– Dépens d’appel
– Article 700 du Code de procédure civile
– Recevabilité du recours de Mme [X]: possibilité pour Mme [X] de faire appel d’une décision
– Document contesté: document remis en cause dans le cadre d’un litige
– Commission de recours amiable: instance chargée de régler les litiges entre les parties avant un recours contentieux
– Relevé de situation individuelle: document récapitulant la situation personnelle d’un individu
– Contestation des mentions sur le relevé: remise en cause des informations figurant sur le relevé
– Montant des cotisations: somme à payer pour la couverture sociale
– Nombre de points de retraite: nombre de points acquis pour la retraite
– Autoentrepreneurs: travailleurs indépendants bénéficiant d’un régime simplifié
– Forfait social: contribution sociale sur les revenus du travail
– Rupture d’égalité: situation où une personne est traitée de manière inégale par rapport à d’autres
– Principe de proportionnalité: principe selon lequel une mesure doit être proportionnée à l’objectif poursuivi
– Base de calcul des points de retraite de base: éléments pris en compte pour calculer les points de retraite de base
– Chiffre d’affaires brut: total des ventes réalisées avant déduction des charges
– Recettes effectivement réalisées: montant réellement encaissé par une entreprise
– Calcul des points de retraite complémentaire: méthode de calcul des points de retraite supplémentaire
– Classe de cotisation: catégorie de cotisation sociale
– Statuts de la CIPAV: règles régissant la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse
– Dommages et intérêts: indemnisation versée à une personne ayant subi un préjudice
– Préjudice moral: atteinte subie au niveau psychologique
– Appel abusif: recours en justice jugé injustifié
– Faute de la CIPAV: erreur commise par la CIPAV
– Dépens d’appel: frais engagés pour faire appel
– Article 700 du Code de procédure civile: article permettant de demander le remboursement des frais de justice encourus
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE DES AFFAIRES DE SÉCURITÉ SOCIALE
GROSSE à :
SCP LECAT ET ASSOCIES
Me Dimitri PINCENT
EXPÉDITION à :
CIPAV
[F] [X] épouse [O]
Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS
ARRÊT DU : 16 JANVIER 2024
Minute n°8/2024
N° RG 22/02652 – N° Portalis DBVN-V-B7G-GVW5
Décision de première instance : Pôle social du Tribunal judiciaire de TOURS en date du 17 Octobre 2022
ENTRE
APPELANTE :
CIPAV
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Amélie TOTTEREAU-RETIF, avocat au barreau d’ORLEANS
D’UNE PART,
ET
INTIMÉE :
Madame [F] [X] épouse [O]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS
Dispensée de comparution à l’audience du 14 novembre 2023
D’AUTRE PART,
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats :
En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 NOVEMBRE 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller, chargé du rapport.
Lors du délibéré :
Madame Nathalie LAUER, Président de chambre,
Madame Anabelle BRASSAT-LAPEYRIERE, Conseiller,
Monsieur Xavier AUGIRON, Conseiller.
Greffier :
Monsieur Alexis DOUET, Greffier lors des débats et du prononcé de l’arrêt.
DÉBATS :
A l’audience publique le 14 NOVEMBRE 2023.
ARRÊT :
– Contradictoire, en dernier ressort.
– Prononcé le 16 JANVIER 2024 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
– Signé par Madame Nathalie LAUER, Président de chambre et Monsieur Alexis DOUET, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le Magistrat signataire.
* * * * *
Mme [F] [X] épouse [O], autoentrepreneur, est affiliée à la CIPAV ; elle a sollicité un ‘relevé de carrière’, autrement appelé ‘relevé de situation individuelle’, sur le site ‘GIP info-retraite’, nécessitant, selon elle, la revalorisation des points de retraite de base et complémentaire y figurant pour la période 2011-2021.
Mme [X] a exercé un recours devant la commission de recours amiable par courrier du 10 mars 2022.
Par requête adressée au greffe le 16 mai 2022, Mme [X] a saisi le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours d’une contestation de la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.
Par jugement prononcé le 17 octobre 2022, le tribunal judiciaire de Tours a :
– déclaré recevable et bien fondé le recours de Mme [X],
– condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [X] selon le détail suivant :
‘ 40 points en 2011
‘ 40 points en 2012
‘ 36 points en 2013
‘ 36 points en 2014
‘ 36 points en 2015
‘ 36 points en 2016
‘ 36 points en 2017
‘ 36 points en 2018
‘ 36 points en 2019
‘ 36 points en 2020
‘ 36 points en 2021
– condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [X] selon le détail suivant :
‘ 30,4 points en 2011
‘ 118,3 points en 2012
‘ 238,5 points en 2013
‘ 236,4 points en 2014
‘ 253,2 points en 2015
‘ 251,1 points en 2016
‘ 281,7 points en 2017
‘ 302,4 points en 2018
‘ 334 points en 2019
‘ 200,3 points en 2020
‘ 191,9 points en 2021
– condamné la CIPAV à transmettre à Mme [X] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision,
– débouté la CIPAV et Mme [X] du surplus de leurs prétentions,
– condamné la CIPAV à payer à Mme [X] une somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamné la CIPAV aux dépens.
Par déclaration formée par voie électronique adressée au greffe de la cour le 16 novembre 2022, la CIPAV a relevé appel du jugement.
La CIPAV demande à la Cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* déclaré recevable et bien fondé le recours de Mme [X],
* condamné la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [X] selon le détail suivant :
‘ 40 points en 2011
‘ 40 points en 2012
‘ 36 points en 2013
‘ 36 points en 2014
‘ 36 points en 2015
‘ 36 points en 2016
‘ 36 points en 2017
‘ 36 points en 2018
‘ 36 points en 2019
‘ 36 points en 2020
‘ 36 points en 2021,
* condamné la CIPAV rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [X] selon le détail suivant :
‘ 30,4 points en 2011
‘ 118,3 points en 2012
‘ 238,5 points en 2013
‘ 236,4 points en 2014
‘ 253,2 points en 2015
‘ 251,1 points en 2016
‘ 281,7 points en 2017
‘ 302,4 points en 2018
‘ 334 points en 2019
‘ 200,3 points en 2020
‘ 191,9 points en 2021,
* condamné la CIPAV à transmettre à Mme [X] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision,
* condamné la CIPAV à payer à Mme [X] une somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
* condamné la CIPAV aux dépens,
Statuant à nouveau,
A titre principal,
– déclarer irrecevable le recours formé par Mme [X],
A titre subsidiaire,
– juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme [X],
– attribuer à Mme [X] les points de retraite de base suivants :
‘ 20,0 points en 2011
‘ 78,1 points en 2012
‘ 157,40 points en 2013
‘ 156,0 points en 2014
‘ 167,1 points en 2015
‘ 179,7 points en 2016
‘ 192,3 points en 2017
‘ 201,8 points en 2018
‘ 223,0 points en 2019
‘ 133,7 points en 2020
‘ 128,2 points en 2021,
– attribuer à Mme [X] les points de retraite de base complémentaire suivants :
‘ 1 points en 2011
‘ 10 points en 2012
‘ 9 points en 2013
‘ 9 points en 2014
‘ 18 points en 2015
‘ 26 points en 2016
‘ 26 points en 2017
‘ 27 points en 2018
‘ 30 points en 2019
‘ 18 points en 2020
‘ 16 points en 2021,
– débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,
– condamner Mme [X] à verser à la CIPAV la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Mme [X] demande à la Cour de :
– confirmer le jugement rendu par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours du 27 juin 2022, sauf en ce qu’il a débouté Mme [X] de sa demande en réparation du préjudice moral,
Statuant à nouveau,
– condamner la CIPAV à verser à Mme [X] la somme de 3 000 euros en réparation du préjudice moral,
Y ajoutant,
– condamner la CIPAV à verser à Mme [X] la somme de 5 000 euros en réparation de l’appel abusif,
– condamner la CIPAV à verser à Mme [X] la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel.
Pour un exposé des moyens et arguments des parties, il est expressément renvoyé à leurs écritures respectives, exposées oralement devant la cour, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR :
– Sur la recevabilité du recours de Mme [X]
La CIPAV soutient que le recours de Mme [X] devant la commission de recours amiable est irrecevable, celle-ci n’ayant pas formé de demande préalable devant l’organisme social, de sorte qu’elle était irrecevable à saisir le tribunal, au visa de l’article R. 142-1 du Code de la sécurité sociale.
Elle affirme que le document sur lequel se fondait la requérante, à savoir un extrait du site Internet ‘GIP info retraite’, ne représente pas une décision de la CIPAV elle-même, d’autant que ce document présente un caractère indicatif et provisoire, comme il le mentionne expressément.
Mme [X] réplique sur ce point que le document contesté recèle une comptabilisation de ses droits à la retraite qui, quoique provisoire, est susceptible de lui faire grief, d’autant que le recours au site info retraite est le seul moyen d’avoir accès à une comptabilisation des droits actualisés, que la CIPAV est membre du groupement d’intérêt public en question et que la CIPAV est, selon l’article L. 161-17 III du Code de la sécurité sociale, tenu de mettre à jour le relevé de situation.
Il résulte des dispositions des articles R. 142-1 du Code de la sécurité sociale que les réclamations contre les décisions prises par les organismes de sécurité sociale sont, préalablement à la saisie de la juridiction du contentieux général de la sécurité sociale, soumises à une commission de recours amiable.
Le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés , dont la délivrance est prévue par les dispositions de l’article L. 161-17 III du Code de la sécurité sociale, comportent notamment, pour chaque année et selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension.
Ces éléments sont susceptibles de faire grief au cotisant, puisque les mentions qui y figurent, quoique susceptible de modification, seront à terme pris en compte pour la détermination du montant des pensions qui lui seront servies.
C’est pourquoi l’assuré est recevable à contester devant la commission de recours amiable, puis la juridiction du contentieux général, le montant des cotisations ou nombre de points figurant sur ce relevé (Civ., 2ème 11 octobre 2018, pourvoi n° 17-25.956).
En conséquence, dès lors que les mentions figurant sur le relevé individuel de situation procèdent de décisions prises par les organismes de sécurité sociale compétents pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, ce dernier est recevable à contester devant la commission de recours amiable de l’organisme concerné, puis devant le juge du contentieux de la sécurité sociale, les mentions ou omissions objet du relevé, l’absence de notification n’ayant que pour seule conséquence de ne faire courir aucun des délais de forclusion prévus par ailleurs.
En l’espèce, Mme [X] conteste le nombre de points figurant sur le relevé de carrière dont elle a obtenu la communication au titre des retraites de base et complémentaire.
Elle est donc recevable, par voie de confirmation, à contester ces mentions, soumises à l’examen de la commission de recours amiable, puis du tribunal judiciaire et enfin de la présente cour.
– Sur le fond
La CIPAV explique que les autoentrepreneurs sont redevables d’un forfait social calculé sur le chiffre d’affaire brut réalisé par l’intéressé, diminué de l’abattement forfaitaire pour frais professionnel de 34 %.
Elle souligne le caractère très favorable pour l’autoentrepreneur de ce régime, et évoque une rupture d’égalité entre les autoentrepreneurs et les autres cotisants, ainsi qu’une atteinte au principe de proportionnalité des droits acquis et des cotisations payées, questions qui seront évoquées infra, pour chacun des régimes, de base et complémentaires, sur lesquels porte le litige.
Par ailleurs, la CIPAV souligne que l’URSSAF, chargée du recouvrement des cotisations, ne lui reverse, par l’intermédiaire de l’ACOSS, que 52,5 % du forfait social versé par l’autoentrepreneur et que si un système de compensation par l’Etat des pertes de recettes générées pour les caisses par l’instauration du régime de l’autoentreprise a été mis en place, ce système a été supprimé en 2016.
Cependant, les difficultés de financement ainsi invoquées par la CIPAV, qui ne concernent que ses rapports avec l’Etat, ne peuvent pas être opposés à ses adhérents qui légitimement peuvent, comme Mme [X], demander à bénéficier des droits qui leur sont reconnus par les textes applicables.
– Sur la base de calcul des points de retraite de base
Les parties divergent sur la base de calcul des points attribués au titre du régime de base : la CIPAV retient le chiffre d’affaire brut réalisé par l’intéressé, diminué de l’abattement forfaitaire pour frais professionnel de 34 % appliqué aux autoentrepreneurs, à savoir le bénéfice non commercial net, au moins jusqu’à l’année 2016, sans plus d’explications.
Mme [X] affirme au contraire que c’est le montant du chiffre d’affaires brut qui doit servir d’assiette au calcul, au visa de l’article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale, dérogatoire au droit commun.
Selon les dispositions de l’article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale (devenu L. 613-7), les cotisations et les contributions de sécurité sociale dont sont redevables les travailleurs indépendants mentionnés au II du présent article bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du Code général des impôts sont calculées mensuellement ou trimestriellement, en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée aux mêmes articles, de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et des contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas des dispositions du présent article.
Le libellé de l’article L.133-6-8 applicable entre le 1er janvier 2013 et le 31 décembre 2015 est identique, à la différence près que les assurés pouvaient alors ‘opter, sur simple demande’ à ce régime.
En premier lieu, il n’est pas allégué par la CIPAV, ni établi, qu’en l’espèce Mme [X] n’ait pas opté pour le régime instauré par l’article L. 133-6-8 du Code de la sécurité sociale.
Il n’y a donc pas lieu de distinguer entre les périodes antérieure et postérieure à 2016, la CIPAV ne faisant elle-même aucune distinction dans le montant des points qu’elle propose de retenir, a minima quelle que soit la période.
Il résulte par ailleurs du texte qui vient d’être rappelé que la CIPAV ne peut se référer aux bénéfices non commerciaux déclarés, pour déterminer, à la baisse, le revenu d’activité, et par conséquent, la classe de cotisation de l’affilié, car ce serait contraire aux dispositions dérogatoires qui se réfèrent expressément au chiffre d’affaires ou aux recettes effectivement réalisées, l’abattement de 34 % n’étant prévu que pour le seul calcul des cotisations, mais aucunement pour le calcul des points de retraite.
L’assiette des cotisations dues pour le régime de base doit donc correspondre aux recettes brutes.
Le grief tiré d’une rupture d’égalité entre les autoentrepreneurs et les autres adhérents ne peut être retenu, dans la mesure où le législateur a précisément entendu instaurer un régime dérogatoire en raison des spécificités liées à ce mode d’exercice d’une activité individuelle de faible importance, ce qui justifie une différence de traitement.
Par ailleurs, si le mode de calcul des points de retraite ainsi retenu est plus favorable au cotisant que celui préconisé par la CIPAV, le respect du principe de proportionnalité des droits acquis et des cotisations payées est assuré par l’application, en tout état de cause, d’un barème de points en fonction des chiffres d’affaires déclarés.
La demande de modification du nombre de points retenus au titre du régime de base doit donc, par voie de confirmation, être accueillie, étant précisé que le calcul opéré par Mme [X] sur les bases ainsi rectifiées, sans déduction de l’abattement pour frais professionnels, n’est pas contesté par la CIPAV.
– Sur le calcul des points de retraite complémentaire
Il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux autoentrepreneurs affiliés à la CIPAV, que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité ainsi que l’a d’ailleurs jugé la Cour de cassation (Civ., 2ème 23 janvier 2020, pourvoi n° 18-15.542).
La CIPAV se prévaut des dispositions de l’article 3.12 bis de ses statuts, qui dispose que ‘le nombre de points attribués au bénéficiaire du régime prévu à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale est proportionnel aux cotisations effectivement réglées’.
La CIPAV applique en réalité, dans les calculs retracés dans ses écritures, non seulement un calcul fondé sur le montant des cotisations réglées (prenant en compte, avant 2016, le mécanisme de compensation de l’Etat, alors prévu pour couvrir la perte de recette induite par l’instauration du régime de l’auto-entreprise, sur la cotisation égale à la plus faible cotisation non nulle), mais aussi avec application d’un ratio correspondant à la part des cotisations payées par la cotisante, déduction faite de celles retenues par l’ACOSS.
Or, la CIPAV ne peut pas se référer à ses dispositions statutaires, qui ne peuvent déroger au décret précité, comme l’a jugé l’arrêt de la Cour de cassation précité, nonobstant le caractère obligatoire de ce régime et la publication par décret ministériel de ses statuts.
La CIPAV ne peut pas plus demander l’application des règles du droit commun prévues par l’article 131-6 du Code de la sécurité sociale, puisqu’un régime dérogatoire est prévu pour les autoentrepreneurs par l’article L. 133-6-8.
Il ne peut donc être appliqué un calcul fondé sur le montant des cotisations, de surcroît amoindries en fonction de la part des cotisations reversées par l’ACOSS, ce qui ne relève d’aucune disposition législative ou règlementaire, quoiqu’en ait conclu le rapport public 2017 de la Cour des comptes qui a pu exprimer un souhait, peut-être légitime, d’une évolution des textes, ce qui ne permet pas pour autant à la CIPAV d’enfreindre le droit positif.
D’autre part, comme déjà indiqué, le système dérogatoire instauré en faveur des autoentrepreneurs s’explique par leur situation spécifique, de sorte la rupture d’égalité de ces derniers avec les autres cotisants ne peut être utilement invoquée par la CIPAV.
Enfin, le système de calcul des points par classe, en fonction du chiffre d’affaire réalisé, assure le respect de proportionnalité des droits acquis et des cotisations payées.
C’est pourquoi la demande de Mme [X] afférente au calcul des points de retraite complémentaire sera, également par voie de confirmation, accueillie.
Il y a lieu aussi de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a condamné la CIPAV à transmettre à Mme [X] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision, sous les mêmes conditions d’astreinte.
– Sur la demande en paiement de dommages et intérêts au titre du préjudice moral généré par la minoration des droits à la retraite et par l’appel abusif
L’article 1240 du Code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, et l’article 1241 du même code ajoute que chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
Enfin l’article 9 du Code de procédure civile fait obligation à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l’espèce, Mme [X] réclame la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de la minoration de ses droits à la retraite et du stress généré par le sentiment d’impuissance à obtenir rectification de ses droits. Elle demande également 5 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice moral résultant de l’appel abusif de la CIPAV.
La CIPAV s’y oppose aux motifs que la divergence d’interprétation des textes ne saurait être constitutive d’une faute de sa part.
S’il est exact qu’un différend juridique sur des modalités de calcul de droits à pension ne peut à lui seul constituer une faute notamment au regard de l’abondante jurisprudence suscitée par ces questions, force est de constater qu’au jour de l’introduction du litige, l’arrêt de la Cour de cassation déjà cité était déjà intervenu.
Il doit donc être retenu que la persistance de la CIPAV dans l’application d’une position juridiquement erronée est constitutive d’une faute de sa part, de la même façon que l’exercice d’une voie de recours sur ce même fondement.
Pour autant, Mme [X] ne justifie pas du préjudice moral en découlant à ce double titre ainsi qu’elle allègue.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté Mme [X] de ses demandes de ce chef.
Compte tenu de la solution donnée au présent litige, il convient de condamner la CIPAV aux dépens d’appel et de rejeter sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile.
Il y a lieu, par ailleurs, de faire application de l’article 700 du Code de procédure civile au profit de Mme [X] et de condamner la CIPAV à lui payer la somme de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
Statuant par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Déclare recevable le recours de Mme [F] [X] épouse [O] et rejette la fin de non-recevoir soulevée par la CIPAV ;
Confirme le jugement rendu par le 17 octobre 2022 par le Pôle social du tribunal judiciaire de Tours ;
Y ajoutant,
Déboute Mme [F] [X] épouse [O] de sa demande de dommages-intérêts pour appel abusif ;
Condamne la CIPAV à payer à Mme [F] [X] épouse [O] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et la déboute de sa propre demande à ce titre ;
Condamne la CIPAV aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,