Régime de retraite : dommages et intérêts pour défaut d’information

Notez ce point juridique

1. Assurez-vous de respecter les délais de recours préalable et contentieux mentionnés dans la notification de la décision contestée. Si ces délais ne sont pas mentionnés dans la notification, vous ne pouvez pas être opposé une forclusion de votre recours.

2. Vérifiez régulièrement votre relevé de situation individuelle pour vous assurer qu’il est à jour et reflète correctement vos droits à la retraite. En cas d’absence de données ou d’informations erronées, vous pouvez contester le contenu de ce relevé devant la commission de recours amiable et la juridiction compétente.

3. En cas de préjudice causé par une omission ou une faute de l’organisme de sécurité sociale, vous pouvez demander des dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun. Assurez-vous de bien évaluer votre préjudice et de le justifier pour obtenir une indemnisation appropriée.


Mme [F] [M] [H], affiliée en tant qu’auto-entrepreneur à la CIPAV en 2016, a saisi le tribunal judiciaire de Valence en octobre 2021 suite au rejet implicite de sa demande de rectification de ses points de retraite pour les années 2016 à 2019. Le tribunal a jugé en sa faveur en mai 2022, ordonnant à la CIPAV de rectifier ses points de retraite. La CIPAV a interjeté appel en mai 2022.

La CIPAV conteste la recevabilité du recours de Mme [M] [H] et propose un calcul différent des points de retraite, basé sur les cotisations versées. Elle soutient que les points attribués sont conformes aux règles du régime de l’auto-entrepreneur.

Mme [F] [M] [H] demande la confirmation du jugement initial, réclamant des dommages et intérêts pour préjudice moral et pour non-respect de l’obligation d’information de la CIPAV.

Les parties ont exposé leurs arguments lors de l’audience de novembre 2023, et la décision de la cour est attendue en janvier 2024.

Sur la recevabilité du recours

La CIPAV a soulevé la forclusion du recours de Mme [M] [H] introduit le 6 octobre 2021 devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale. Cependant, le tribunal a écarté ce moyen car la CIPAV n’a pas mentionné les délais et voies de recours dans l’accusé réception de la demande de Mme [M] [H].

Sur le deuxième moyen d’irrecevabilité du recours

Mme [M] [H] a sollicité un relevé de situation individuelle qui ne comportait aucune information sur ses droits acquis. Les dispositions du code de la sécurité sociale permettent à l’assuré de contester le contenu du relevé s’il le juge erroné, sans attendre la liquidation de ses droits à retraite.

Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice

La CIPAV a manqué à ses obligations de mise à jour des informations disponibles pour Mme [M] [H], lui causant un préjudice. Le tribunal a condamné la CIPAV à verser à Mme [M] [H] une somme de 8 000 euros en dommages et intérêts.

Sur les autres demandes de dommages et intérêts

Mme [M] [H] a été déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour la minoration de ses droits à la retraite, car son recours était jugé irrecevable.

Sur les autres demandes

La CIPAV a été condamnée à verser des dommages et intérêts à Mme [M] [H] ainsi que les frais irrépétibles d’appel. Les dépens de première instance et d’appel seront supportés par la CIPAV.

– Condamnation de la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à M. [U] 8 000 euros pour dommages et intérêts.
– Condamnation de la CIPAV à verser à M. [P] [U] 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles d’appel.


Réglementation applicable

– Article 700 du code de procédure civile
– Article D.131-5-1 du code de la sécurité sociale
– Articles L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale
– Article 102 ter du code général des impôts
– Article D. 131-5-3 du code de la sécurité sociale
– Article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979
– Articles L 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale
– Article 455 du code de procédure civile

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Malaury RIPERT
– Me Manon ALLOIX
– Me Dimitri PINCENT
– Me Alexia JACQUOT

Mots clefs associés

– Motivation
– Recevabilité du recours
– Forclusion
– Commission de recours amiable
– Délai de recours
– Relevé de situation individuelle
– Droit à l’information sur la retraite
– Contestation du relevé de situation individuelle
– Liquidation des droits à retraite
– Dommages et intérêts
– Préjudice
– Responsabilité civile
– Montant des dommages et intérêts
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Article 700 du code de procédure civile

– Motivation: Raisons ou justifications qui poussent une personne à agir d’une certaine manière.
– Recevabilité du recours: Conditions nécessaires pour qu’un recours soit jugé recevable par une autorité compétente.
– Forclusion: Perte du droit d’agir en justice en raison du non-respect d’un délai légal.
– Commission de recours amiable: Instance chargée de régler les litiges entre un particulier et une administration avant de saisir le tribunal.
– Délai de recours: Période pendant laquelle une personne peut contester une décision devant une juridiction.
– Relevé de situation individuelle: Document récapitulant les droits à la retraite d’un individu.
– Droit à l’information sur la retraite: Droit pour chaque individu d’être informé sur ses droits à la retraite.
– Contestation du relevé de situation individuelle: Action visant à contester les informations contenues dans le relevé de situation individuelle.
– Liquidation des droits à retraite: Processus par lequel les droits à la retraite d’une personne sont transformés en une pension.
– Dommages et intérêts: Réparation financière accordée à une personne ayant subi un préjudice.
– Préjudice: Atteinte subie par une personne dans ses droits ou dans son intégrité physique ou morale.
– Responsabilité civile: Obligation de réparer un dommage causé à autrui.
– Montant des dommages et intérêts: Somme d’argent accordée à la victime pour compenser son préjudice.
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire et qui peuvent être mis à la charge de la partie perdante.
– Frais irrépétibles: Frais non compris dans les dépens et qui ne peuvent pas être récupérés par la partie gagnante.
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition permettant au juge d’allouer une somme d’argent à la partie ayant obtenu gain de cause pour compenser ses frais de justice.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C3

N° RG 22/02094

N° Portalis DBVM-V-B7G-LMJU

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

la SCP LECAT ET ASSOCIES

Me Dimitri PINCENT

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU MARDI 16 JANVIER 2024

Appel d’une décision (N° RG 21/00604)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence

en date du 03 mai 2022

suivant déclaration d’appel du 30 mai 2022

APPELANTE :

La CAISSE INTERPROFESSIONNELLE DE PREVOYANCE ET D’ASSURANCE VIEILLESSE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Manon ALLOIX, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMEE :

Madame [F] [M] [H]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS substitué par Me Alexia JACQUOT, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de M. Fabien OEUVRAY, Greffier,

DÉBATS :

A l’audience publique du 14 novembre 2023,

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président chargé du rapport, M. Pascal VERGUCHT, Conseiller et Mme Elsa WEIL, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs observations,

Et l’affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l’arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Mme [F] [M] [H] a été affiliée sous le statut d’auto-entrepreneur à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à compter du 1er avril 2016 du fait de son activité de traductrice.

Le 6 octobre 2021, elle a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Valence d’un recours à l’encontre du rejet implicite par la commission de recours amiable de la CIPAV saisie le 1er juillet 2020 de sa demande de rectification du nombre de ses points de retraite acquis au titre du régime de base et du régime complémentaire, pour les années 2016 à 2019, après avoir pris connaissance de son relevé de situation individuelle du 1er mai 2020.

Par jugement RG 21/00604 du 3 mai 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Valence a :

– reçu Mme [M] [H] en son recours,

– l’a déclaré bien fondé,

– enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [M] [H] comme il suit :

36 points en 2016

36 points en 2017

36 points en 2018

36 points en 2019

– enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis par Mme [M] [H] comme il suit :

44,6 points en 2016

70,6 points en 2017

28 points en 2018

155,3 points en 2019

– enjoint la CIPAV à procéder à la rectification du relevé de situation individuelle, dans le délai d’un mois à compter du caractère définitif de la décision,

– dit n’y avoir lieu à astreinte,

– condamné la CIPAV aux entier dépens,

– débouté les parties de leurs demandes indemnitaires fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.

Le 30 mai 2022, la CIPAV a interjeté appel de ce jugement.

Les débats ont eu lieu à l’audience du 14 novembre 2023 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 16 janvier 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La CIPAV selon ses conclusions notifiées par RPVA le 19 juillet 2023 reprises à l’audience demande à la cour de :

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :

– reçu Mme [F] [M] [H] en son recours ;

– déclaré ce recours bien fondé ;

– enjoint la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis par Mme [M] [H] comme il suit :

* 36 points en 2016,

* 36 points en 2017,

* 36 points en 2018,

* 36 points en 2019,

– enjoint à la CIPAV à rectifier les droits sur le régime de retraite de base acquis par Mme [M] [H] comme il suit :

* 44,4 points en 2016,

* 70,6 points en 2017,

* 28 points en 2018,

* 155,3 points en 2019,

– enjoint à la CIPAV à procéder à la rectification du relevé de situation, dans le délai d’un mois à compter du caractère définitif du jugement ;

– dit n’y avoir lieu à astreinte,

– condamné la CIPAV aux entiers dépens,

– débouté les parties de leur demande indemnitaire fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau,

A titre principal,

– déclarer irrecevable le recours formé par Mme [F] [M] [H],

A titre subsidiaire,

– juger du bon calcul des points de retraite de base et de retraite complémentaire de Mme [M] [H],

– attribuer à Mme [M] [H] les points de retraite de base suivants :

30,9 points de retraite de base en 2016

48,2 points de retraite de base en 2017

18,7 points de retraite de base en 2018

103,7 points de retraite de base en 2019

– attribuer à Mme [M] [H] les points de retraite complémentaire suivants :

4 points de retraite complémentaire en 2016

7 points de retraite complémentaire en 2017

3 points de retraite complémentaire en 2018

14 points de retraite complémentaire en 2019

– débouter Mme [M] [H] de l’ensemble de ses demandes,

– condamner Mme [M] [H] à lui verser la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.

Sur la recevabilité du recours, elle soutient que le recours de Mme [M] [H] est irrecevable dès lors qu’il n’est pas fondé sur une décision qu’elle aurait prise, faisant grief et susceptible de contestation devant la commission de recours amiable mais uniquement sur un document indicatif et provisoire consistant en un extrait du site internet « GIP INFO RETRAITE », n’émanant pas de ses services.

Elle estime que Mme [M] [H] n’a pas formulé de demande préalable auprès d’elle et qu’elle ne pouvait donc saisir directement la commission de recours amiable, puis la juridiction sociale.

Elle observe que ce document ne renseigne aucun trimestre ni aucun point et ne peut donc être considéré comme une décision contestable de la CIPAV.

Elle ajoute que ce recours est irrecevable faute d’avoir été formé dans les deux mois du rejet implicite par la commission de recours amiable saisie le 1er juillet 2020.

Sur le calcul des points de retraite de Mme [M] [H], à titre liminaire, elle rappelle que le statut auto-entrepreneur est un statut dérogatoire au régime « normal » ouvrant droit à un régime de cotisation spécifique et permettant, pour chaque période d’affiliation, en fonction du chiffre d’affaires déclaré et donc du montant cotisé, de valider des trimestres de retraite et d’acquérir des points de retraite de base et de retraite complémentaire.

Elle explique que la simplification du mode de calcul s’est traduite par l’application d’un taux unique de cotisations, dit forfait social, au chiffre d’affaires déclaré couvrant l’ensemble des cotisations et contributions sociales de l’auto-entrepreneur.

Selon l’article D.131-5-1 du code de la sécurité sociale, pour les professionnels libéraux affiliés à la CIPAV relevant du régime de l’auto-entrepreneur, le taux du forfait social est fixé à 22 % depuis le 1er janvier 2018 (22,9 % en 2015).

Quant au régime de retraite de base elle détaille année par année, tranche par tranche, le nombre de points acquis par Mme [M] [H], tout en indiquant notamment que, selon l’article D. 131-5-3 du code de la sécurité sociale, à compter du 13 décembre 2018, les montants des cotisations recouvrées pour les adhérents de la CIPAV relevant du régime de l’auto-entrepreneur sont répartis dans les proportions suivantes :

– cotisation invalidité-décès : 2,5 %,

– cotisation d’assurance vieillesse de base tranche 1 : 25 %,

– cotisation d’assurance vieillesse de base tranche 2 : 5 %,

– cotisation d’assurance vieillesse complémentaire : 20 %.

Ainsi la CIPAV ne perçoit que 52,5 % du forfait social acquitté par l’auto-entrepreneur dont 30 % sont affectés au régime de base, 20 % au régime complémentaire et 2,5 % pour l’invalidité-décès.

En application du principe de proportionnalité des droits accordés par rapport aux cotisations versées, elle a recalculé les points de retraite du régime de base :

– à partir de 2016 : en divisant les cotisations découlant du forfait social appliqué au chiffre d’affaires par la valeur du point des tranches I et II.

Elle retient ainsi les nombres de points suivants selon les calculs figurant dans ses écritures auxquelles il est renvoyé pour plus amples détails.

Au titre de l’année 2016 (chiffre d’affaires : 3 237 euros): elle retient 30,9 points de retraite de base.

Au titre de l’année 2017 (chiffre d’affaires : 5 223 euros) : elle retient 48,2 points de retraite de base.

Au titre de l’année 2018 (chiffre d’affaires : 2 099 euros): elle retient 18,7 points de retraite de base.

Au titre de l’année 2019 (chiffre d’affaires : 11 874 euros): elle retient 103,7 points de retraite de base.

S’agissant du régime de retraite complémentaire, elle oppose que ses statuts approuvés par arrêté ministériel s’appliquent à tous les assurés, qu’ils relèvent du régime général ou auto-entrepreneur.

Elle soutient d’une part qu’il convient d’opérer une distinction avant et après le 1er janvier 2016, date à compter de laquelle a été supprimée la compensation du régime par l’Etat qui correspondait à la différence entre la plus faible cotisation non nulle dont le revenu d’activité permettait à l’assuré de bénéficier et la part du forfait social affectée au régime complémentaire et acquittée par l’assuré.

D’autre part, elle explique qu’à compter du 1er janvier 2016, le nombre de points attribués au titre du régime complémentaire est proportionnel aux cotisations effectivement réglées et que selon ce principe de proportionnalité, pour chaque année d’affiliation, le rapport entre le montant des cotisations payées par l’adhérent et la valeur du point détermine directement le nombre de points devant être attribués à ce titre.

Sur la contestation de Mme [M] [H] portant sur l’application d’une réduction non sollicitée, elle répond que la détermination des points acquis par Mme [M] [H] ne résulte que de l’application des dispositions réglementaires applicables au régime de l’auto-entrepreneur et elle estime que l’ACOSS était légitime à utiliser comme référence la première classe de cotisation réduite de 75 % qu’elle a donc appliquée pour le calcul des droits au titre de la retraite complémentaire.

Sur la demande d’indemnisation de Mme [M] [H], elle soutient qu’elle n’a fait qu’appliquer les textes et que, sauf à invoquer une divergence d’interprétation de textes complexes, l’intimé ne justifie pas du caractère fautif de sa position.

Mme [F] [M] [H] au terme de ses conclusions notifiées par RPVA le 18 juillet 2023 reprises à l’audience demande à la cour de :

– confirmer le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence du 3 mai 2022, sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande en réparation du préjudice moral et de sa demande indemnitaire au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros en réparation du préjudice moral,

Y ajoutant,

En cas de décision d’irrecevabilité sur les exercices 2016-2019,

– condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3.000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l’obligation légale d’information de la caisse soit 12 000 euros pour les années 2016 à 2019,

– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 4.000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Elle soutient que son action est recevable en ce qu’il a été jugé par la Cour de cassation suivant arrêt du 11 octobre 2018, qu’un recours contre un relevé de situation individuelle était recevable puisqu’il retranscrivait les droits à la retraite comptabilisés pour chaque caisse de retraite dont le professionnel relève, la CIPAV renvoyant d’ailleurs sur le site dédié au groupement d’intérêt public Info Retraite et qu’il vaut décision individuelle dématérialisée de la caisse qui peut lui faire grief.

Elle fait valoir qu’elle a obtenu la confirmation au moyen de son relevé de situation tel qu’établi par la CIPAV que celle-ci refusait de lui faire bénéficier, comme à tous ses adhérents auto-entrepreneurs, de l’article 2 du décret 79-262 du 21 mars 1979 en ne renseignant aucun droit acquis en violation de l’obligation légale d’information.

Elle ajoute que la CIPAV est tenue de mettre à jour ce relevé de situation et ne peut donc se prévaloir de l’absence d’indications qu’il contient.

Sur le calcul des points de retraite s’agissant du régime complémentaire, elle précise que selon plusieurs arrêts définitifs de diverses cours d’appel, le nombre de points de retraite alloués ne peut être inférieur à ceux de la classe A et que la règle de proportionnalité alléguée par la CIPAV est sans fondement textuel ou jurisprudentiel et est incompatible avec l’octroi de points forfaitaires.

Elle considère que le revenu de référence est le chiffre d’affaires ou les recettes et non le bénéfice et ce, sans qu’il y ait lieu d’appliquer un abattement de 34 %.

Sur sa demande de réparation d’un préjudice moral, elle explique qu’elle subit une minoration de ses droits à la retraite et éprouve un stress considérable pour parvenir à la rectification de ses droits.

Si sa demande de rectification était jugée irrecevable pour les années 2016-2019 non renseignées dans le relevé de situation individuelle, elle réclame des dommages et intérêts à la CIPAV pour n’avoir pas actualisé ce relevé, ainsi qu’elle en a l’obligation par application des dispositions des articles L. 161-17, R. 161-11 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale.

Pour le surplus de l’exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

1. Sur la recevabilité du recours.

La CIPAV soulève la forclusion du recours de Mme [M] [H] introduit le 6 octobre 2021 devant la juridiction du contentieux de la sécurité sociale pour n’avoir pas saisi la juridiction du contentieux de la sécurité sociale dans les deux mois suivant sa saisine le 1er juillet 2020 de la commission de recours amiable sur refus implicite.

Cependant l’article R. 142-1-A-III° du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige dispose que :

‘S’il n’en est disposé autrement, le délai de recours préalable et le délai de recours contentieux sont de deux mois à compter de la notification de la décision contestée. Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée ou, en cas de décision implicite, dans l’accusé réception de la demande’.

La CIPAV ne justifiant pas avoir accusé réception du recours de Mme [M] [H] devant la commission de recours amiable le 1er juillet 2020 en lui indiquant les délais et voies de recours, ne peut donc lui opposer une quelconque forclusion de sa saisine du pôle social du tribunal judiciaire de Valence le 6 octobre 2021, de sorte que le tribunal a écarté ce moyen à bon droit.

Sur le deuxième moyen d’irrecevabilité du recours, l’article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 dispose que :

I.-Les assurés bénéficient gratuitement d’un droit à l’information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes (…)

III.-Toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.

Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes.

L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés’.

Ainsi l’article R. 161-10 du code de la sécurité sociale a prévu que :

‘Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l’information sur leur retraite prévu par l’article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d’inscription des intéressés au répertoire national d’identification des personnes physiques pour la mise en ‘uvre des droits à l’information sur la retraite prévus à l’article précité sont (…) :

– 6° Le groupement d’intérêt public institué par l’article L. 161-17-1″.

Enfin l’article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale énonce que :

‘Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.

Le délai d’un an fixé au premier alinéa du présent article est décompté de date à date à partir de la réception de la précédente demande par l’organisme ou le service y ayant répondu.

Le relevé est accessible en ligne pour l’assuré.

La demande est adressée à l’un des organismes ou services mentionnés à l’article R. 161-10 parmi ceux en charge de la gestion de l’un des régimes dont le bénéficiaire relève ou a relevé et dont il n’a pas obtenu, à la date laquelle il adresse sa demande, la liquidation ou, en cas de retraite progressive, la liquidation provisoire de la ou des pensions dont cet organisme ou service a la charge’.

Et l’article D. 161-2-1-4 :

‘Sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :

1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date;

2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.

L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé’.

En application de ces textes, Mme [M] [H] affiliée depuis le 1er avril 2016 a sollicité le 1er mai 2020 sur le site en ligne INFO RETRAITE du Groupement d’Intérêt Public UNION RETRAITE un relevé de situation individuelle qui ne comporte aucune information sur ses droits acquis mais seulement les mentions ‘données non disponibles’, ‘pas de données carrière’ et sous un astérisque la phrase : ‘Si vos droits les plus récents ne figurent pas sur ce document, ils seront enregistrés prochainement par vos régimes’.

Qu’il s’agisse d’un relevé de situation individuelle que les organismes adressent d’initiative à partir d’un certain âge à leurs assurés ou d’un relevé individuel sollicité par l’assuré auprès d’une caisse de retraite en particulier ou du GIP info retraite à laquelle elles adhèrent, les dispositions combinées applicables des articles L. 161-17, R. 161-10 et D. 161-2-1-4 du code de la sécurité sociale sont donc identiques.

Ce relevé de situation individuelle comporte d’après les dispositions de l’article R. 161-11 du code de la sécurité sociale :

– 5° : Selon les régimes, les dates de début et, s’il y a lieu, de fin d’affiliation ou de services ou les années au titre desquelles des droits ont été constitués. (…)

– 8° : Pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension, en mentionnant, s’il y a lieu, le fait générateur de cette prise en compte lorsqu’il a une incidence sur l’âge d’ouverture ou le montant de la pension’.

Le relevé de situation traduit donc, à la date où il est établi, l’état des droits à retraite d’un assuré auprès d’une caisse. Qu’il soit délivré à titre informatif permet précisément d’en contester le contenu s’il fait grief, sans qu’il puisse être opposé un délai de forclusion à cette contestation de l’assuré qui justifie d’un intérêt à agir né et actuel.

Il en résulte que l’assuré est recevable, s’il l’estime erroné, à contester devant la commission de recours amiable, puis la juridiction du contentieux général, le report des durées d’affiliation, montant des cotisations ou nombre de points figurant sur son relevé de situation individuelle, sans attendre la liquidation de ses droits à retraite.

En revanche le relevé de situation individuelle délivré à l’assurée qui fait état d’une absence de données, ne peut caractériser une ou des décisions prises par un organisme de sécurité sociale compétent pour la détermination des droits à retraite d’un assuré social, à la différence d’un relevé dont les mentions feraient apparaître une absence des droits.

L’assurée ne peut dès lors former une réclamation en se fondant sur un tel relevé qui ne matérialise aucune décision de la CIPAV (cf cassation civile 2 – 1er décembre 2022 pourvoi n° 21-12.784).

Par conséquent au visa des dispositions de l’article R. 142-1 du code de la sécurité sociale dans leur rédaction applicable au litige prévoyant que les décisions d’un organisme de sécurité sociale sont soumises à une commission de recours amiable,

le jugement doit être infirmé pour avoir déclaré recevable le recours de Mme [M] [H] portant sur les années 2016, 2017, 2018 et 2019 non renseignées.

La demande de dommages et intérêts formée par Mme [M] [H] contre la CIPAV pour n’avoir pas tenu à jour ce relevé sera examinée ci-après.

– 2. Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice lié à l’absence de renseignements sur les années 2016 à 2019 dans le relevé de situation individuelle.

Il ressort des textes applicables au litige du code de la sécurité sociale que :

– article L. 161-17 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction en vigueur depuis le 1er janvier 2017 :

I.-Les assurés bénéficient gratuitement d’un droit à l’information sur le système de retraite par répartition, qui est assuré selon les modalités suivantes (…)

III.-Toute personne a le droit d’obtenir, dans des conditions précisées par décret, un relevé de sa situation individuelle au regard de l’ensemble des droits qu’elle s’est constitués dans les régimes de retraite légalement obligatoires.

Les régimes de retraite légalement obligatoires et les services de l’Etat chargés de la liquidation des pensions sont tenus d’adresser périodiquement, à titre de renseignement, un relevé de la situation individuelle de l’assuré au regard de l’ensemble des droits qu’il s’est constitués dans ces régimes.

L’assuré bénéficie d’un service en ligne lui donnant accès à tout moment à son relevé actualisé, l’informant sur les régimes dont il relève et lui permettant de réaliser certaines démarches administratives et d’échanger avec les régimes concernés des documents dématérialisés’.

– article R. 161-10 du code de la sécurité sociale :

‘Les organismes ou services en charge des régimes de retraite dont relèvent ou ont relevé les bénéficiaires du droit à l’information sur leur retraite prévu par l’article L. 161-17 et qui sont autorisés à collecter et conserver le numéro d’inscription des intéressés au répertoire national d’identification des personnes physiques pour la mise en ‘uvre des droits à l’information sur la retraite prévus à l’article précité sont (…) :

– 6° Le groupement d’intérêt public institué par l’article L. 161-17-1″.

– article D. 161-2-1-5 du code de la sécurité sociale :

‘Le relevé de situation individuelle mentionné au premier alinéa du III de l’article L. 161-17 est délivré, à la demande du bénéficiaire, soit par courrier au plus tous les ans, soit par tout moyen de communication électronique sécurisé.

Le délai d’un an fixé au premier alinéa du présent article est décompté de date à date à partir de la réception de la précédente demande par l’organisme ou le service y ayant répondu.

Le relevé est accessible en ligne pour l’assuré.

La demande est adressée à l’un des organismes ou services mentionnés à l’article R. 161-10 parmi ceux en charge de la gestion de l’un des régimes dont le bénéficiaire relève ou a relevé et dont il n’a pas obtenu, à la date laquelle il adresse sa demande, la liquidation ou, en cas de retraite progressive, la liquidation provisoire de la ou des pensions dont cet organisme ou service a la charge’.

– article D. 161-2-1-4 :

‘Sous réserve de l’application des dispositions des 3° et 4° de l’article 3 du décret n° 2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l’information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale (deuxième partie : Décrets en Conseil d’Etat), le relevé de situation individuelle mentionné au III de l’article L. 161-17 comporte, pour chacun des régimes dont relève ou a relevé le bénéficiaire :

1° Les données mentionnées à l’article R. 161-11 connues par les organismes ou services en charge de la gestion de ces régimes à la date à laquelle le relevé est établi, compte non tenu, s’il y a lieu, des cotisations dont l’assuré est redevable à cette date;

2° La désignation de chacune des catégories de périodes, situations ou événements non pris en compte dans les données mentionnées au 1° du présent article et susceptibles d’affecter l’âge de liquidation ou le montant des droits à pension dans chacun des régimes.

L’indication de la délivrance du relevé à titre de renseignement, le caractère provisoire des données figurant sur le relevé et l’absence d’engagement de l’organisme ou du service ayant délivré le relevé ou en charge de la gestion du ou des régimes concernés de calculer la pension sur la base de ces données sont mentionnés sur le relevé’.

Mme [M] [H] affiliée depuis 2016 auprès de la CIPAV a obtenu le 1er mai 2020 sur le site en ligne INFO RETRAITE du Groupement d’Intérêt Public UNION RETRAITE un relevé de situation individuelle ne comportant mention d’aucun droit acquis à retraite de base ou complémentaire, alors qu’il n’est pas contesté qu’elle s’est bien acquittée de son forfait social en tant qu’auto-entrepreneur.

Manifestement, la CIPAV a manqué sans s’en expliquer à ses obligations de mise à jour des informations disponibles pour Mme [M] [H] sur l’étendue de ses droits à retraite constitués année par année en contrepartie des cotisations versées, la mettant tout à la fois dans l’impossibilité de les vérifier et d’exercer utilement un recours immédiat et la plaçant dans l’incertitude quant à l’étendue et au montant de ses droits futurs à pension.

Cette omission fautive lui cause donc un préjudice ouvrant droit à dommages et intérêts sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun de l’article 1240 du code civil, qui seront évalués à la somme de 2 000 euros par année manquante soit 8 000 euros au total, somme que la CIPAV sera condamnée à lui verser.

– 3. Sur les autres demandes de dommages et intérêts.

Mme [M] [H] sollicite des dommages et intérêts pour la minoration de ses droits à la retraite mais son recours pour les voir rectifiés sur la base du relevé à néant qui lui a été délivré étant jugé irrecevable, son préjudice n’est pas encore constitué avant la détermination de ceux-ci.

Elle sera par conséquent déboutée de cette demande.

4. Sur les autres demandes.

Les dépens de première instance et d’appel seront supportés par la CIPAV condamnée à verser des dommages et intérêts à l’intimée.

Il parait équitable d’allouer à cette dernière la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel à la charge de la CIPAV qui succombe aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Infirme le jugement RG n° 21/00604 rendu le 3 mai 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Valence.

Statuant à nouveau,

Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à Mme [F] [M] [H] la somme de 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de renseignements sur ses droits acquis à la retraite de base et complémentaire pour les années 2016 à 2019.

Déboute Mme [M] [H] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice moral.

Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) aux dépens de première instance et d’appel.

Condamne la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV) à verser à Mme [F] [M] [H] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour frais irrépétibles.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier Le président

 

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