1. Il est important de vérifier régulièrement les montants de cotisations provisionnelles calculées sur la base du revenu d’activité de l’avant-dernière année, et de demander une régularisation lorsque le revenu d’activité de l’année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu.
2. Pour les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts, il est possible d’opter pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité.
3. En cas de litige avec un organisme de sécurité sociale concernant l’attribution de points de retraite, il est important de se référer aux textes de loi applicables et de faire valoir ses droits en justice si nécessaire, en apportant la preuve des éléments justifiant une demande de dommages et intérêts.
Mme [D] [K], une professionnelle libérale affiliée à la CIPAV en tant qu’auto-entrepreneur, a demandé la rectification de ses points de retraite complémentaire pour les années 2010 à 2018. Après une décision favorable du tribunal de grande instance de Bobigny en 2019, confirmée par la cour d’appel de Paris en 2023, elle a de nouveau saisi la CIPAV pour rectifier ses points de retraite de base et complémentaire pour la période 2010-2022. La CIPAV a rejeté sa demande, ce qui l’a conduite à saisir à nouveau le tribunal. Les parties ont présenté leurs arguments lors de l’audience, et le conseil de Mme [K] s’est désisté de ses demandes concernant les années 2010 à 2018 en raison de la décision de la cour d’appel. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré pour le 25 janvier 2024.
Sur la demande d’attribution de points au titre du régime de retraite de base
L’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale énonce que les cotisations des travailleurs indépendants sont dues annuellement, calculées sur la base du revenu d’activité de l’avant-dernière année. Les cotisations provisionnelles sont recalculées sur la base du revenu de l’année précédente une fois celui-ci définitivement connu. Les revenus des professions indépendantes sont calculés par référence au revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu. Les travailleurs indépendants peuvent opter pour un calcul mensuel ou trimestriel des cotisations en fonction de leur chiffre d’affaires. Le calcul des cotisations au titre du régime de base se fait sur l’ensemble du chiffre d’affaires sans déduction pour charges pour les micro-entrepreneurs.
Sur la demande d’attribution de points au titre du régime de retraite complémentaire
La cour d’appel de Paris a fait droit à la demande de révision des points attribués à Mme [K] au titre du régime de retraite complémentaire pour les années 2010 à 2018. Les points de retraite complémentaire sont attribués en fonction du chiffre d’affaires. Pour les années 2019 à 2022, Mme [K] a droit à un certain nombre de points en fonction de ses revenus. La CIPAV doit transmettre un relevé de situation individuelle conforme à Mme [K] dans un délai d’un mois.
Sur la demande aux fins d’injonction sous astreinte
La CIPAV doit transmettre un relevé de situation individuelle conforme à Mme [K] dans un délai d’un mois, sans qu’une astreinte ne soit nécessaire.
Sur la demande de dommages et intérêts
Mme [K] a droit à une indemnisation de 1000 euros pour le préjudice moral subi en raison de l’obstruction de la CIPAV à reconnaître ses droits à pension de retraite.
Sur les mesures accessoires
Les dépens sont mis à la charge de la CIPAV. La CIPAV est condamnée à verser 1500 euros à Mme [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire est ordonnée.
– Rectification des points d’assurance vieillesse de base pour Mme [D] [K] pour les années 2010 à 2022 :
– 151,2 points en 2010
– 374,6 points en 2011
– 75,8 points en 2012
– 369,4 points en 2013
– 450,2 points en 2014
– 342 points en 2015
– 361,3 points en 2016
– 327 points en 2017
– 319,8 points en 2018
– 530,1 points en 2019
– 172,6 points en 2020
– 384,7 points en 2021
– 424,1 points en 2022
– Rectification des points d’assurance vieillesse complémentaire pour Mme [D] [K] pour les années 2019 à 2022 :
– 72 points en 2019
– 36 points en 2020
– 72 points en 2021
– 72 points en 2022
– Paiement de dommages et intérêts à Mme [D] [K] :
– 1000 euros
– Paiement au titre de l’article 700 du code de procédure civile à Mme [D] [K] :
– 1500 euros
– Dépens à la charge de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse
Réglementation applicable
– M. [O] a été engagé par la SARL VERSEAUX en janvier 2006.
– M. [O] a démissionné en mars 2008.
– M. [O] a été réembauché par la SARL VERSEAUX en mai 2008.
– M. [O] a informé la SARL VERSEAUX de son départ à la retraite en juin 2017.
– M. [O] a saisi le conseil de prud’hommes en mars 2018 pour divers rappels de paiements et dommages-intérêts.
– Le conseil de prud’hommes a rendu son jugement en novembre 2020, déboutant M. [O] de la plupart de ses demandes.
– M. [O] a fait appel de ce jugement en décembre 2020.
– M. [O] demande à la cour d’appel de réformer le jugement et de condamner la SARL VERSEAUX à divers paiements.
– La SARL VERSEAUX demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud’hommes et de débouter M. [O] de ses demandes.
– L’ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Dimitri PINCENT
– Me LAMBERTINI
– Maître Malaury RIPERT
Mots clefs associés
– Contrat de travail à durée indéterminée
– Attaché commercial
– SARL VERSEAUX
– Démission
– Réembauchage
– Commerce de détail non alimentaire (convention collective)
– Droits à la retraite
– Conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains
– Heures supplémentaires
– Prime d’ancienneté
– Commissions sur les ventes
– Prime sur objectifs
– Obligation de loyauté
– Jugement du conseil de prud’hommes
– Débouté de diverses demandes
– Appel du jugement
– Réforme du jugement
– Demande de paiement de rappels et dommages-intérêts
– Confirmation du jugement initial
– Ordonnance de clôture
– Contrat de travail à durée indéterminée: contrat de travail qui ne comporte pas de date de fin prévue à l’avance
– Attaché commercial: salarié chargé de prospecter de nouveaux clients et de développer les ventes d’une entreprise
– SARL VERSEAUX: société à responsabilité limitée portant ce nom
– Démission: acte par lequel un salarié met fin à son contrat de travail de manière volontaire
– Réembauchage: fait de réintégrer un salarié dans l’entreprise après l’avoir licencié
– Commerce de détail non alimentaire (convention collective): accord collectif régissant les conditions de travail des salariés du secteur du commerce de détail non alimentaire
– Droits à la retraite: ensemble des droits acquis par un salarié en vue de sa retraite
– Conseil de prud’hommes de Digne-les-Bains: juridiction compétente pour régler les litiges entre employeurs et salariés dans la région de Digne-les-Bains
– Heures supplémentaires: heures de travail effectuées au-delà de la durée légale de travail
– Prime d’ancienneté: prime versée aux salariés en fonction de leur ancienneté dans l’entreprise
– Commissions sur les ventes: rémunération variable versée aux salariés en fonction du montant des ventes réalisées
– Prime sur objectifs: prime versée aux salariés en fonction de l’atteinte d’objectifs préalablement fixés
– Obligation de loyauté: devoir pour le salarié de se comporter de manière loyale envers son employeur
– Jugement du conseil de prud’hommes: décision rendue par le conseil de prud’hommes dans le cadre d’un litige entre employeur et salarié
– Débouté de diverses demandes: rejet de différentes demandes formulées par une partie lors d’un procès
– Appel du jugement: recours formé par une partie insatisfaite contre une décision de justice
– Réforme du jugement: modification d’une décision de justice suite à un appel
– Demande de paiement de rappels et dommages-intérêts: demande formulée par une partie pour obtenir le paiement de sommes dues et des dommages-intérêts
– Confirmation du jugement initial: validation de la décision rendue en première instance
– Ordonnance de clôture: décision mettant fin à une procédure judiciaire
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Tribunal judiciaire de Bobigny
Service du contentieux social
Affaire : N° RG 23/01180 – N° Portalis DB3S-W-B7H-X5JL
Jugement du 02 FEVRIER 2024
TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BOBIGNY
JUGEMENT CONTENTIEUX DU 02 FEVRIER 2024
Serv. contentieux social
Affaire : N° RG 23/01180 – N° Portalis DB3S-W-B7H-X5JL
N° de MINUTE : 24/00224
DEMANDEUR
Madame [D] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0322
Substitué par Me LAMBERTINI, avocat
DEFENDEUR
CIPAV
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Maître Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : D0408
COMPOSITION DU TRIBUNAL
DÉBATS
Audience publique du 11 Décembre 2023.
Madame Pauline JOLIVET, Présidente, assistée de Madame Catherine DECLERCQ et Monsieur Ghislain ROUSSET, assesseurs, et de Monsieur Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Lors du délibéré :
Présidente : Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe
Assesseur : Catherine DECLERCQ, Assesseur non salarié
Assesseur : Ghislain ROUSSET, Assesseur salarié
JUGEMENT
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort, par Pauline JOLIVET, Première vice-présidente adjointe, assistée de Denis TCHISSAMBOU, Greffier.
Transmis par RPVA à : Me Dimitri PINCENT, Maître Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES
FAITS ET PROCÉDURE
Mme [D] [K] exerce une activité libérale depuis 2010. Elle a adhéré au statut d’auto-entrepreneur. Elle s’est vue affilier à ce titre à la Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse (CIPAV).
Elle a sollicité auprès de la CIPAV la rectification de ses points de retraite complémentaire acquis sous le statut d’auto-entrepreneur pour les années 2010 à 2018. En l’absence de réponse, elle a saisi le service du contentieux social du tribunal de grande instance de Bobigny qui, par jugement du 2 septembre 2019 rendu sous la référence RG 19/01727, a notamment :
– déclaré le recours de l’assurée recevable et bien fondé ;
– dit que la Cipav devait attribuer à l’assurée 40 points en 2010, 2011 et 2012, 36 points en 2013, 72 points en 2014 et 36 points en 2015, 2016, 2017 et 2018 au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire ;
– condamné en conséquence la Cipav à modifier les points attribués à l’assurée de 2010 à 2018 au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire en les fixant à 40 points 2010, 40 points en 2011, 40 points en 2012, 36 points en 2013, 72 points en 2014, 36 points en 2015, 36 points en 2016, 36 points 2017 et 36 points en 2018 au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire ;
– condamné la Cipav à verser à l’assurée la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice moral subi ;
– condamné la Cipav à payer à l’assurée la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ce jugement a été confirmé dans toutes ses dispositions par arrêt de la cour d’appel de Paris du 22 décembre 2023 (RG 19/09204).
Par lettre de son conseil du 24 mars 2023, Mme [D] [K] a saisi la commission de recours amiable de la CIPAV aux fins de solliciter la rectification des points de retraite de base et de retraite complémentaire mentionnés sur son relevé de situation individuelle du 20 mars 2023.
Par lettre du 17 mai 2023, la CIPAV a rejeté la demande.
Par requête reçue le 21 juin 2023 au greffe du service du contentieux social du tribunal judiciaire de Bobigny, elle a contesté la décision de rejet de la commission de recours amiable de la CIPAV.
A défaut de conciliation possible, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 11 décembre 2023, date à laquelle les parties, présentes ou représentées, ont été entendues en leurs observations.
Par conclusions valant saisine déposées et soutenues oralement à l’audience, Mme [D] [K], représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis sur la période 2010-2022 selon le détail suivant :
40 points en 2010,40 points en 2012,40 points en 2011,36 points en 201372 points en 2014,36 points en 2015,36 points en 2016,36 points en 2017,36 points en 2018,72 points en 2019,36 points en 2020, 72 points en 2021,72 points en 2022.
– condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis sur la période 2010-2022 selon le détail suivant :
151,2 points en 2010,374,6 points en 2011,75,8 points en 2012,369,4 points en 2013,450,2 points en 2014,342 points en 2015,361,3 points en 2016,327 points en 2017,319,8 points en 2018,530,1 points en 2019,172,6 points en 2020,348,7 points en 2021,424,1 points en 2022.- condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la CIPAV, représentée par son conseil, demande au tribunal de :
– juger du bon calcul des points de retraite complémentaire et de retraite de base de la requérante,
– lui attribuer les points de retraite de base suivants :
99,8 points en 2010,298,7 points en 2011,243,8 points en 2013,299,4 points en 2014,225,7 points en 2015,251,2 points en 2016, 223,2 points en 2017, 213,4 points en 2018, 359,8 points en 2019,115,3 points en 2020,257 points en 2021,334,5 points en 2022,- lui attribuer les points de retraite complémentaire suivants :
48 points en 2019,15 points en 2020,32 points en 2021,35 points en 2022,- la débouter de l’ensemble de ses demandes ;
– la condamner à payer à la CIPAV la somme de 600 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que la demanderesse commet une erreur en se fondant sur son chiffre d’affaires dans le calcul de ses points de retraite de base et complémentaire pour la période antérieure à 2016.
Elle fait valoir que les points de retraite complémentaire 2010-2018 ont déjà été rectifiés conformément à la décision rendue par le tribunal le 2 septembre 2019
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, et conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées à l’audience.
L’affaire a été mise en délibéré au 25 janvier 2024, prorogé à la date figurant en tête du présent jugement.
Conformément à l’autorisation donnée lors de l’audience, par courriel du 22 décembre 2023, le conseil de Mme [K] a transmis l’arrêt de la cour d’appel de [Localité 5] du 22 décembre 2023 qui n’était pas encore en sa possession au moment de l’audience et a indiqué qu’il se désistait de ses demandes au titre de la retraite complémentaire pour les années 2010 à 2018 compte tenu de cette décision.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d’attribution de points au titre du régime de retraite de base
L’article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale dans ses versions successives applicables au litige, énonce que les cotisations des travailleurs indépendants sont dues annuellement.
Elles sont calculées, à titre provisionnel, sur la base du revenu d’activité de l’avant-dernière année. Pour les deux premières années d’activité, les cotisations provisionnelles sont calculées sur un revenu forfaitaire fixé par décret après consultation des conseils d’administration des organismes de sécurité sociale concernés. La loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 a ajouté que « lorsque le revenu d’activité de la dernière année écoulée est définitivement connu, les cotisations provisionnelles, à l’exception de celles dues au titre de la première année d’activité, sont recalculées sur la base de ce revenu.
Lorsque le revenu d’activité de l’année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l’objet d’une régularisation.”
Le dernier alinéa de cet article dispose “lorsque les données nécessaires au calcul des cotisations n’ont pas été transmises, celles-ci sont calculées dans les conditions prévues à l’article L. 242-12-1”.
En application des dispositions de l’article L. 131-6 du même code, les revenus des professions indépendantes sont calculés par référence au revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu.
Aux termes de l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale, dans ses versions successivement applicables à compter du 23 avril 2009 y compris après l’ordonnance n° 2018-470 du 12 juin 2018 qui a transféré les dispositions à l’article L. 613-7 du même code : “par dérogation à l’article L. 131-6-2, les travailleurs indépendants bénéficiant des régimes définis aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts peuvent opter, sur simple demande, pour que l’ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs revenus non commerciaux effectivement réalisés le mois ou le trimestre précédent un taux fixé par décret pour chaque catégorie d’activité mentionnée auxdits articles du code général des impôts. Des taux différents peuvent être fixés par décret pour les périodes au cours desquelles le travailleur indépendant est éligible à une exonération de cotisations et de contributions de sécurité sociale. Ce taux ne peut être, compte tenu des taux d’abattement mentionnés aux articles 50-0 ou 102 ter du même code, inférieur à la somme des taux des contributions mentionnés à l’article L. 136-3 du présent code et à l’article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.
L’option prévue au premier alinéa est adressée à l’organisme mentionné à l’article L. 611-8 du présent code au plus tard le 31 décembre de l’année précédant celle au titre de laquelle elle est exercée et, en cas de création d’activité, au plus tard le dernier jour du troisième mois qui suit celui de la création. L’option s’applique tant qu’elle n’a pas été expressément dénoncée dans les mêmes conditions.
Le régime prévu par le présent article demeure applicable au titre des deux premières années au cours desquelles le chiffre d’affaires ou les recettes mentionnés aux articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassés.
Toutefois, ce régime continue de s’appliquer jusqu’au 31 décembre de l’année civile au cours de laquelle les montants de chiffre d’affaires ou de recettes mentionnés aux 1 et 2 du II de l’article 293 B du même code sont dépassés”.
La version du texte issue de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, applicable aux cotisations dues entre 2012 et 2015 inclus est venu préciser que le calcul selon le taux fixé par décret est fixé “de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants.”
Les modifications apportées à cet article par la loi n° 2015-1702 du 21 décembre 2015 n’ont pas modifié le principe, la loi substituant à la notion de « revenus non commerciaux effectivement réalisés », celle de « recettes effectivement réalisé(e) ». L’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale étant dérogatoire n’opère pas de renvoi aux dispositions de l’article L. 131-6 du même code.
Il résulte de ces textes, nonobstant le renvoi aux articles 50 – 0 et 102 – ter du code général des impôts, qui ne régit que le régime fiscal des auto-entrepreneurs, que les cotisations appelées selon un taux spécifique, sont calculées sur l’ensemble du chiffre d’affaires ou du revenu, à l’exception de la notion de bénéfice et sans référence à une déduction pour charges, dès lors que le cotisant a opté pour le régime micro-social.
Les modifications apportées par la loi n° 2015-1702 n’ont pas eu pour effet de modifier la notion mais d’éviter toute interprétation fondée sur la notion de bénéfice, dès lors qu’à compter de cette date, le régime micro-social est devenu obligatoire pour les auto-entrepreneurs.
Par suite, le calcul opéré sur la base du BNC déclaré pour la période antérieure à 2016 par la CIPAV n’est pas fondé. Le principe de proportionnalité invoqué ne permet pas d’écarter les dispositions légales en vigueur.
Au demeurant, les guides édités par la CIPAV rappellent à cet égard les conditions d’attribution des points, et il en résulte clairement que cette attribution de points est calculée en fonction des tranches de revenu professionnels nets non salariés et non en fonction des cotisations versées ou des bénéfices non commerciaux, sans qu’aucune dérogation à ce principe ne soit prévue relativement aux micro-entrepreneurs.
Dès lors, le calcul doit être fait sur le chiffre d’affaires déclaré sans appliquer d’abattement.
Ce point tranché, les parties sont d’accord sur la formule de calcul et sur les montants de chiffre d’affaire à l’exception de l’année 2012 pour laquelle Mme [K] retient un revenu d’activité alors que la CIPAV ajoute le montant à celui de 2011.
Compte tenu de la rédaction des textes rappelés ci-dessus, il n’y a pas lieu d’additionner les revenus perçus en 2012 à ceux de 2011 quand bien même Mme [K] a cessé son activité entre le 22 décembre 2011 et le 3 janvier 2013.
En appliquant la formule au chiffre d’affaire, les points acquis au titre du régime de base sont :
– 151,2 points en 2010 pour un chiffre d’affaires de 9890 euros,
– 374,6 points en 2011 pour un chiffre d’affaires de 25 011 euros,
– 75,8 points en 2012 pour un chiffre d’affaires de 5211 euros,
– 369,4 points en 2013 pour un chiffre d’affaires de 25 840 euros,
– 450,2 points en 2014 pour un chiffre d’affaires de 32 175 euros,
– 342 points en 2015 pour un chiffre d’affaires de 24 545 euros,
– 361,3 points en 2016 pour un chiffre d’affaires de 26 322 euros,
– 327 points en 2017 pour un chiffre d’affaires de 24 204 euros,
– 319,8 points en 2018 pour un chiffre d’affaires de 23 977 euros,
– 530,1 points en 2019 pour un chiffre d’affaires de 41 192 euros,
– 172,6 points en 2020 pour un chiffre d’affaires de 13 400 euros,
– 384,7 points en 2021 pour un chiffre d’affaires de 29 855 euros,
– 424,1 points en 2022 pour un chiffre d’affaires de 32 918 euros.
Il y a lieu en conséquence de faire droit à la demande de Mme [D] [K] concernant l’attribution de points de retraite de base.
Sur la demande d’attribution de points au titre du régime de retraite complémentaire
Par arrêt du 22 décembre 2023, la cour d’appel de Paris, confirmant le jugement rendu par le tribunal de Bobigny le 2 septembre 2019 sous la référence RG 19/01727, a fait droit à la demande de révision des points attribués à Mme [K] au titre du régime de retraite complémentaire pour les années 2010 à 2018 rappelant que l’assiette de calcul correspond au montant du chiffre d’affaires.
Compte tenu de cette décision, Mme [K] se désiste de sa demande au titre des années 2010 à 2018.
Il convient de relever qu’alors qu’elle soutient que les points de retraite complémentaire ont été rectifiés conformément au jugement rendu, la réponse transmise par la CIPAV le 20 mars 2023 à l’assurée via la messagerie sécurisée comporte toujours les valeurs initiales.
En ce qui concerne la demande au titre des années 2019 à 2022, il résulte des dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 que le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire, géré par la CIPAV et institué par l’article 1er de ce texte, comporte plusieurs classes de cotisations, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite qui procède directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d’administration de cet organisme. Le nombre de ces classes a été porté de six à huit par le décret n° 2012-1522 du 28 décembre 2012, applicable aux cotisations dues à compter du 1er janvier 2013, auxquelles correspondent l’attribution d’un nombre de points de retraite, pour la première de ces classes, fixé à 40 points jusqu’à l’année 2012, puis à 36 points à compter de 2013.
Les dispositions de l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 modifié, sont seules applicables à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV.
Cette dernière ne saurait pour s’opposer à la demande, se fonder sur ses statuts qui ne sont pas applicables à la fixation du nombre de points de retraite ou encore sur les règles de compensation résultant notamment de l’application des articles L. 131-7 et R. 133-10-10 du code de la sécurité sociale qui n’intéressent que les rapports entre l’Etat et cet organisme.
Au cas présent, il est constant que l’intéressée s’est acquittée de ses cotisations telles que déterminées selon les modalités prévues à l’article L. 133-6-8 du code de la sécurité sociale.
Elle a donc droit, en fonction de ses revenus aux points suivants :
année 2019 : 72 points ;
année 2020 : 36 points.
année 2021 : 72 points ;
année 2022 :72 points.
En conséquence, il sera fait droit à la demande de Mme [D] [K] relative au nombre de points acquis au titre du régime de retraire complémentaire pour chacune des années 2019 à 2022 selon les indications ci-dessus.
Sur la demande aux fins d’injonction sous astreinte
Il appartient à la CIPAV, en exécution de la présente décision, de transmettre à Mme [D] [K] un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.
Il n’y a pas lieu toutefois, en l’absence de toute difficulté d’exécution à ce stade, d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts
En application de l’article 1240 du code civil, l’allocation de dommages-intérêts suppose l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien direct et certain entre la faute et le préjudice subi.
Il appartient à celui qui sollicite une indemnisation d’apporter la preuve de ces éléments.
En l’espèce, Mme [D] [K] soutient souffrir d’une légitime exaspération au constat de l’obstruction par la CIPAV qui élude volontairement les apports de la jurisprudence.
La Cipav soutient que, sauf à invoquer une divergence d’interprétation des textes applicables, l’assurée ne justifie pas du caractère fautif de sa position. Elle affirme qu’investie d’une mission de service public, elle a fait une juste application des textes et que de nombreuses juridictions ont statué dans ce sens estimant qu’aucune faute engageant la responsabilité de la Cipav n’était établie.
Au cas d’espèce, en s’obstinant à appliquer les dispositions de ses statuts comme elle l’a fait, la Cipav a laissé l’assurée auto-entrepreneur dans l’incertitude de son droit à pension. Et les informations erronées et incomplètes figurant sur son relevé de situation individuelle ont contraint l’assurée à saisir une nouvelle fois les juridictions pour faire valoir ses droits, la laissant ainsi dans l’inquiétude pendant plusieurs années quant à la détermination de ses droits à pension de retraite. L’assurée a donc justifié par ses productions et explications le préjudice moral qu’elle a invoqué.
Il s’ensuit que la faute de la Cipav ne résidant pas dans une simple divergence d’interprétation des textes applicables mais dans un refus affiché d’admettre la solution dégagée par la jurisprudence de la Cour de cassation, il convient de faire droit à la demande de dommages-intérêts. Le préjudice sera réparé par l’allocation de la somme de 1000 euros.
Sur les mesures accessoires
Les dépens seront mis à la charge de la CIPAV qui succombe en application des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile.
En application des dispositions de l’article 700 du même code, la CIPAV sera condamnée à verser 1500 euros à Mme [D] [K].
La demande de la CIPAV sur ce fondement ne peut qu’être rejetée.
L’exécution provisoire sera ordonnée en application des dispositions de l’article R. 142-10-6 du code de la sécurité sociale.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
Prend acte du désistement de Mme [D] [K] de la demande de rectification des points au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire pour la période de 2010 à 2018 ;
Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à rectifier les points attribués à Mme [D] [K] sur la période de 2010 à 2022 au titre du régime d’assurance vieillesse de base en les fixant comme suit :
– 151,2 points en 2010
– 374,6 points en 2011
– 75,8 points en 2012
– 369,4 points en 2013
– 450,2 points en 2014
– 342 points en 2015
– 361,3 points en 2016
– 327 points en 2017
– 319,8 points en 2018
– 530,1 points en 2019
– 172,6 points en 2020
– 384,7 points en 2021
– 424,1 points en 2022 ;
Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à rectifier les points attribués à Mme [D] [K] sur la période de 2019 à 2022 au titre du régime d’assurance vieillesse complémentaire en les fixant comme suit :
– 72 points en 2019
– 36 points en 2020
– 72 points en 2021
– 72 points en 2022 ;
Dit que la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse doit transmettre à Mme [D] [K] un relevé de situation individuelle modifié sur la base du présent jugement, dans un délai d’un mois à compter de sa notification ;
Déboute Mme [D] [K] de sa demande d’injonction sous astreinte ;
Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à payer Mme [D] [K] la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Met les dépens à la charge de la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse ;
Condamne la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à payer à Mme [D] [K] la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande présentée par la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Ordonne l’exécution provisoire ;
Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification.
Fait et mis à disposition au greffe, la minute étant signée par :
Le greffier La présidente
Denis TCHISSAMBOUPauline JOLIVET