1. Il est important de contester tout relevé de situation individuelle erroné dès lors qu’il participe à la détermination de vos droits à la retraite et est susceptible de vous causer un préjudice. Vous êtes recevable à contester devant la commission de recours amiable puis devant le tribunal tout relevé incomplet ou contenant des erreurs.
2. Assurez-vous de bien comprendre l’assiette de calcul de vos droits à la retraite, notamment en ce qui concerne les auto-entrepreneurs. Vérifiez que les cotisations sont calculées correctement sur la base du chiffre d’affaires déclaré et non sur d’autres critères inappropriés.
3. En cas de litige sur le nombre de points de retraite attribués, référez-vous aux dispositions légales et réglementaires en vigueur, telles que le décret n°79-262 du 21 mars 1979. Assurez-vous que les points de retraite complémentaire et de base sont calculés conformément à ces textes et demandez une rectification si nécessaire.
Mme [Z] [C] a contesté un relevé de situation individuelle de ses droits à la retraite émis par la CIPAV, affirmant que les points de retraite étaient incorrects et non renseignés conformément à la loi. Après avoir saisi la commission de recours amiable puis le tribunal judiciaire de Saint-Denis, qui l’a déclarée irrecevable, Mme [C] a interjeté appel. Elle demande à la cour de rectifier les points de retraite acquis sur la période 2014-2019, de condamner la CIPAV à lui transmettre un relevé de situation individuelle conforme et de lui verser des dommages et intérêts. La CIPAV, de son côté, demande à la cour de confirmer le jugement du tribunal et de calculer les points de retraite de manière différente. La décision sera rendue le 08 février 2024.
Sur la recevabilité du recours
L’appelante conteste la recevabilité d’une contestation du relevé de situation individuelle avant la liquidation des droits, arguant que ce document participe à une comptabilisation des droits à la retraite et est susceptible de lui faire grief. La CIPAV soutient que le relevé n’est pas une décision de la caisse mais un document indicatif et provisoire. Selon les dispositions légales, l’assuré peut contester le relevé s’il estime qu’il est erroné.
Sur la rectification du nombre de points attribués
L’appelante conteste l’assiette de calcul des droits à la retraite en tant qu’auto-entrepreneur, arguant que l’assiette spécifique du chiffre d’affaires ne devrait pas être appliquée. La CIPAV soutient que les cotisations doivent être calculées sur le chiffre d’affaires sans déduction pour charges.
Sur la détermination de l’assiette de calcul des droits à la retraite
L’appelante soutient que le régime des auto-entrepreneurs est dérogatoire et que l’assiette de cotisations devrait être basée sur le revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu. La CIPAV soutient que l’assiette des revenus à retenir correspond au bénéfice non commercial pour les auto-entrepreneurs.
Sur les points de retraite complémentaire
L’appelante conteste le calcul des points de retraite complémentaire attribués aux auto-entrepreneurs, arguant que ceux-ci devraient être fixés en fonction du chiffre d’affaires. La CIPAV soutient que les points doivent être proportionnels aux cotisations effectivement versées.
Sur les points de retraite de base
Les parties s’accordent sur le montant du chiffre d’affaires déclaré par l’appelante, mais contestent la détermination de l’assiette de calcul des droits à la retraite de base. Il est ordonné la rectification des droits à la retraite de base dans les proportions sollicitées.
Sur l’indemnisation sollicitée en réparation d’un préjudice moral
L’appelante demande une indemnisation pour préjudice moral, invoquant son incompréhension et son exaspération face à la position de la CIPAV. La CIPAV soutient avoir fait une juste application des textes et nie toute faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement est infirmé concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile. La CIPAV est condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et est déboutée de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– Rectification des points de retraite complémentaire pour Mme [Z] [C]:
– 36 points pour chaque année de 2014 à 2017
– 72 points pour chaque année de 2018 et 2019
– Rectification des points de retraite de base pour Mme [Z] [C]:
– 17,3 points en 2014
– 69 points en 2015
– 127,6 points en 2016
– 142,7 points en 2017
– 415,5 points en 2018
– 368,7 points en 2019
– Transmission d’un relevé de situation individuelle conforme à Mme [Z] [C] dans un délai d’un mois sans astreinte
– Déboutement de Mme [Z] [C] de sa demande de réparation pour préjudice moral
– Condamnation de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse aux dépens de première instance et d’appel
– Condamnation de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à payer 2.500 euros à Mme [Z] [C] selon l’article 700 du code de procédure civile
– Déboutement de la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse de sa demande selon l’article 700 du code de procédure civile
Réglementation applicable
– Code de la sécurité sociale
– Article L. 161-17
– Article R.161-11
– Article D.161-2-1-4
– Article L.133-6-8
– Article L.131-6
– Article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979
– Article 3-12 bis des statuts de la CIPAV
– Article R.133-30-10 du code de la sécurité sociale
– Article 1240 du code civil
– Article 9 du code de procédure civile
– Article 700 du code de procédure civile
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Dimitri PINCENT
– Me Malaury RIPERT
– Me Patrice SANDRIN
Mots clefs associés
– Recevabilité du recours
– Relevé de situation individuelle
– Contestation du relevé de situation individuelle
– Commission de recours amiable
– Tribunal
– Droits à la retraite
– CIPAV
– Intérêt à agir
– Forfait social
– Auto-entrepreneurs
– Assiette de cotisations
– Bénéfice non commercial (BNC)
– Points de retraite complémentaire
– Décret n° 79-262 du 21 mars 1979
– Classes de cotisation
– Points de retraite de base
– Principe de proportionnalité
– Jurisprudence
– Préjudice moral
– Responsabilité
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Recevabilité du recours : Critères juridiques qui déterminent si un recours peut être entendu par un tribunal, notamment si le demandeur a intérêt à agir, si le recours est formé dans les délais, et si toutes les voies de recours préalables ont été épuisées.
– Relevé de situation individuelle : Document récapitulatif des droits acquis par une personne dans le cadre de sa retraite, incluant les périodes de cotisation et les droits estimés à la retraite.
– Contestation du relevé de situation individuelle : Procédure permettant à un individu de contester les informations contenues dans son relevé de situation individuelle, souvent via la commission de recours amiable ou le tribunal compétent.
– Commission de recours amiable : Instance de première instance dans le cadre de la contestation administrative, permettant de traiter les litiges entre les caisses de sécurité sociale et les assurés.
– Tribunal : Institution officielle ayant autorité pour juger et prononcer des sentences.
– Droits à la retraite : Ensemble des droits qu’un individu accumule au cours de sa vie active pour bénéficier d’une pension de retraite.
– CIPAV : Caisse Interprofessionnelle de Prévoyance et d’Assurance Vieillesse, régime de retraite et de prévoyance pour certaines professions libérales.
– Intérêt à agir : Condition requise pour qu’un justiciable puisse engager une action en justice, nécessitant un lien direct et personnel avec l’objet du litige.
– Forfait social : Contribution payée par les employeurs sur certains éléments de rémunération ou gains qui sont exonérés de cotisations sociales personnelles.
– Auto-entrepreneurs : Statut permettant à des individus de créer facilement leur propre entreprise avec un régime fiscal et social simplifié.
– Assiette de cotisations : Base de calcul sur laquelle les cotisations sociales sont prélevées, souvent le salaire ou le revenu professionnel.
– Bénéfice non commercial (BNC) : Catégorie de revenus imposables concernant les professions libérales et certaines activités non commerciales.
– Points de retraite complémentaire : Unités comptabilisées dans le cadre des régimes de retraite complémentaire, qui s’ajoutent à la retraite de base.
– Décret n° 79-262 du 21 mars 1979 : Texte réglementaire relatif à certaines modalités d’application du code de la sécurité sociale.
– Classes de cotisation : Catégories définissant le montant des cotisations sociales dues en fonction des revenus ou de la situation de l’assuré.
– Points de retraite de base : Unités accumulées dans le cadre du régime de base de la retraite, déterminant le montant de la pension de retraite.
– Principe de proportionnalité : Principe juridique selon lequel les mesures prises doivent être appropriées et nécessaires pour atteindre l’objectif visé, sans excéder ce qui est nécessaire.
– Jurisprudence : Ensemble des décisions de justice qui servent de référence pour l’interprétation des lois dans des cas similaires.
– Préjudice moral : Dommage non matériel subi par une personne, pouvant être compensé par des dommages-intérêts.
– Responsabilité : Obligation de répondre de ses actes et de réparer les dommages causés à autrui.
– Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une partie au procès, souvent la partie perdante.
– Article 700 du code de procédure civile : Disposition permettant au juge d’ordonner à une partie de verser à l’autre une somme d’argent au titre des frais non compris dans les dépens.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
AFFAIRE : N° RG 23/00269 – N° Portalis DBWB-V-B7H-F4CW
Code Aff. :
ARRÊT N° AA
ORIGINE :JUGEMENT du Pole social du TJ de Saint Denis de la Réunion en date du 16 Juin 2021, rg n° 20/00749
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 08 FEVRIER 2024
APPELANTE :
Madame [Z] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentant : Me Dimitri PINCENT, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE :
La caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse – CIPAV
[Adresse 2]
[Adresse 2] / FRANCE
Représentant : Me Malaury RIPERT de la SCP LECAT ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS et Me Patrice SANDRIN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
DÉBATS : En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 28 Novembre 2023 en audience publique, devant Agathe Aliamus, conseillère chargée d’instruire l’affaire, assistée de Monique Lebrun, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 08 Février 2024;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Président : Corinne Jacquemin
Conseiller : Agathe Aliamus
Conseiller : Aurélie Police
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 08 Février 2024
Greffier lors des débats : Mme Monique Lebrun
Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin
* *
*
LA COUR :
EXPOSE DU LITIGE
Mme [Z] [C] a exercé une activité libérale en qualité d’auto-entrepreneur et a été affiliée à ce titre à la caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse (CIPAV) à compter du 1er janvier 2014.
Un relevé de situation individuelle portant sur ses droits à la retraite a été édité le 04 mai 2020 via le site internet GIP info retraite.
Mme [C] a contesté ce relevé en saisissant la commission de recours amiable le 04 septembre suivant au motif que le nombre de points de retraite était tronqué jusqu’en 2015 et non renseigné ensuite en violation de l’obligation légale d’information pesant sur la caisse.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion a été saisi le 12 novembre 2020 sur décision implicite de rejet.
Par jugement du 16 juin 2021, le tribunal a déclaré Mme [C] irrecevable en son recours, l’a débouté de sa demande de dommages et intérêts et l’a condamné aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Mme [C] a interjeté appel par déclaration du 07 juillet 2021.
Ce recours enregistré sous le numéro de rôle 21 / 1215 a fait l’objet d’une ordonnance de radiation le 05 avril 2022 puis d’une réinscription à la demande de l’appelante le 27 février 2023 sous le numéro de rôle 23 / 00269.
Vu les conclusions transmises par voie électronique le 20 avril 2023, visées et soutenues oralement à l’audience du 28 novembre suivant, aux termes desquelles Mme [Z] [C] demande à la cour d’infirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis du 16 juin 2021 et statuant à nouveau, de :
la déclarer recevable en son recours,
condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite complémentaire acquis sur la période 2014-2019 selon le détail suivant :
36 points en 2014,
36 points en 2015,
36 points en 2016,
36 points en 2017,
72 points en 2018,
72 points en 2019,
condamner la CIPAV à rectifier les points de retraite de base acquis sur la période 2014-2019 selon le détail suivant :
17,3 points en 2014,
69 points en 2015,
127,6 points en 2016,
142,7 points en 2017,
415,5 points en 2018,
368,7 points en 2019,
condamner la CIPAV à lui transmettre et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision et, passé ce délai, sous astreinte de 250 euros par jour de retard,
condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi,
en cas de décision d’irrecevabilité sur les exercices 2016-2019, condamner la CIPAV à verser une indemnité supplémentaire de 3.000 euros par année non renseignée en réparation du préjudice causé par le manquement à l’obligation légale d’information de la caisse soit 12.000 euros pour les années 2016 à 2019,
– condamner la CIPAV à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Vu les conclusions réceptionnées au greffe le 02 mai 2023, visées et soutenues oralement à l’audience du 28 novembre suivant, aux termes desquelles la CIPAV demande, pour sa part, à la cour de confirmer le jugement du 16 juin 2021 et de :
A titre principal, déclarer irrecevable le recours formé par Mme [C],
Subsidiairement,
juger du bon calcul des points de retraite de base et complémentaire,
attribuer à Mme [C] les points de retraite de base suivants :
11,4 points en 2014,
45,5 points en 2015,
88,7 points en 2016,
97,4 points en 2017,
290,7 points en 2018,
246,2 points en 2019,
lui attribuer les points de retraite complémentaire suivants :
5 points en 2014,
9 points en 2015,
13 points en 2016,
13 points en 2017,
39 points en 2018,
33 points en 2019,
débouter Mme [Z] [C] de ses demandes,
la condamner à payer à la CIPAV la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d’engager.
A l’issue des débats, les parties ont été informées que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 08 février 2024.
Pour plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées et aux développements ci-dessous.
SUR CE
Sur la recevabilité du recours
L’appelante sollicite l’infirmation du jugement contesté en faisant valoir que la recevabilité d’une contestation du relevé de situation individuelle antérieurement à la liquidation des droits est conforme à la jurisprudence dès lors qu’un tel document participe à une comptabilisation des droits à la retraite et est susceptible de lui faire grief. Elle ajoute que la CIPAV est tenue de mettre à jour le relevé de situation individuelle de ses adhérents de sorte que le relevé partiellement renseigné constitue une décision pouvant être contestée devant la commission de recours amiable puis le tribunal. Elle soutient, à cet égard, avoir intérêt à agir sur la comptabilisation de ses droits sur toute période au titre de laquelle le forfait social a été réglé, ce qui est le cas des années 2016 à 2019 non mentionnées sur le relevé.
Pour sa part, la CIPAV sollicite la confirmation en considérant que le relevé de situation individuelle ne constitue pas une décision de la caisse mais un document indicatif et provisoire dont elle n’est pas l’auteur. Elle soutient qu’une demande préalable devait être formée auprès de l’organisme avant de saisir la commission de recours amiable. Elle relève en outre que ledit relevé ne renseigne aucun trimestre ni aucun point à compter de 2016 et fait valoir que cette absence de mention exclut toute décision et emporte irrecevabilité du recours sur ces périodes.
Selon les dispositions combinées de l’article L. 161-17, R.161-11 et D.161-2-1-4 du même code, le relevé de situation individuelle que les organismes et services en charge des régimes de retraite adressent, périodiquement ou à leur demande, aux assurés comporte notamment, pour chaque année pour laquelle des droits ont été constitués, selon les régimes, les durées exprimées en années, trimestres, mois ou jours, les montants de cotisations ou le nombre de points pris en compte ou susceptibles d’être pris en compte pour la détermination des droits à pension. Il en résulte que l’assuré est recevable, s’il l’estime erroné, à contester devant la juridiction chargée du contentieux de la sécurité sociale le report des durées d’affiliation, le montant des cotisations ou le nombre de points figurant sur le relevé de situation individuelle qui lui a été adressé.
En l’espèce, Mme [C] a obtenu via le site dédié sur internet un relevé de situation individuelle édité le 04 mai 2020 faisant apparaître les droits constitués pour les années 2014 et 2015 au titre de son activité libérale de thérapeute précisant le nombre de trimestres et de points pour le régime de base et le nombre de points pour la retraite complémentaire.
Ce document qu’elle considère erroné au motif, selon les termes de son recours devant la commission de recours amiable (sa pièce n° 1-1), que le nombre de points de retraite attribués est sous-estimé jusqu’en 2015 et omis de 2016 à 2019, participe à la détermination de ses droits et est, en conséquence, susceptible de lui faire grief de sorte qu’elle est recevable à le contester devant la commission de recours amiable d’abord et devant le tribunal ensuite.
Dans ces conditions, le jugement déféré qui a déclaré le recours irrecevable faute de réclamation préalable auprès de la caisse, doit être infirmé en ce compris pour les années 2016 à 2019 dès lors qu’il ne s’agit pas d’un relevé non renseigné mentionnant que les données sont non disponibles ou absentes mais d’un relevé incomplet pour lequel les indications données sont pour certaines contestées et pour d’autres omises, la CIPAV elle-même ayant tiré toutes les conséquences d’une telle absence de droits en indiquant, dans ses écritures, le nombre de points qu’elle reconnait devoir attribuer à l’appelante pour les années 2016 à 2019.
Sur la rectification du nombre de points attribués
Sur la détermination de l’assiette de calcul des droits à la retraite
L’appelante fait valoir le régime des auto-entrepreneurs voulu incitatif et tel qu’il résulte de l’article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale est dérogatoire en ce qu’il prévoit une assiette de cotisations spécifique constituée du chiffre d’affaires et non du revenu retenu pour le calcul de l’impôt sur le revenu au sens de l’article L.131-6 du code de la sécurité sociale applicable aux professionnels libéraux classiques. Elle explique que l’article L.133-6-8 du code de la sécurité sociale tend à garantir aux auto-entrepreneurs l’acquisition de droits identiques à ceux des autres libéraux par référence à un niveau de contribution réputé équivalent en dépit d’une assiette de revenus différente.
Pour sa part, la CIPAV expose la spécificité du statut des auto-entrepreneurs caractérisé par l’application d’un taux unique de cotisations, le forfait social, ainsi que le principe de proportionnalité des droits acquis aux cotisations versées.
La caisse soutient que, pour la période antérieure à 2016, l’assiette des revenus à retenir dans le calcul des points de retraite correspond au bénéfice non commercial (BNC). Elle explique, à cet égard, que l’auto-entrepreneur déclarant un chiffre d’affaires dont les charges n’ont pas été déduites, il convient pour obtenir une assiette de cotisations équivalente au régime de droit commun de calculer les cotisations sur le chiffre d’affaires après abattement de 34 % correspondant au BNC ou encore au bénéfice imposable conformément aux articles L133-6-8 du code de la sécurité sociale et 102 ter du code général des impôts. Elle considère que l’appelante commet une erreur en calculant les points de retraite de base et complémentaire sur son chiffre d’affaires pour la période antérieure à 2016.
Il résulte des dispositions dérogatoires de l’article L.133-6-8 (devenu L.613-7) du code de la sécurité sociale dans ses versions successives que les cotisations et contributions de sécurité sociale dont sont redevables les auto-entrepreneurs, sont calculées mensuellement ou trimestriellement en appliquant au montant de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes effectivement réalisées le mois ou le trimestre précédent, un taux global fixé par décret pour chaque catégorie d’activité, et ce de manière à garantir un niveau équivalent entre le taux effectif des cotisations et contributions sociales versées et celui applicable aux mêmes titres aux revenus des travailleurs indépendants ne relevant pas de ce régime dérogatoire.
Les cotisations et contributions sociales des auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV, calculées et recouvrées par l’ACOSS avant d’être reversées à la CIPAV, sont ainsi calculées à partir d’un taux de cotisation spécifique et global pour l’ensemble des garanties y compris la retraite complémentaire et la retraite de base, appliqué directement sur le chiffre d’affaires encaissé sans référence à la notion de bénéfice ou de déduction pour charges, de sorte que l’application sur l’assiette de calcul des droits d’un abattement comme le fait la CIPAV n’est pas fondé.
Sur les points de retraite complémentaire
L’appelante soutient, à l’instar de la jurisprudence qu’elle rappelle, que l’article 2 du décret n° 79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV de sorte que ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, elle-même déterminée en fonction de son revenu d’activité c’est-à-dire du chiffre d’affaires constituant l’assiette dérogatoire spécifique au forfait social, et ce sans incidence des règles de compensation éventuellement prévues entre l’Etat et la caisse. Elle soutient, en outre, que l’application de la règle de proportionnalité invoquée par la CIPAV ne repose sur aucun fondement ni aucune jurisprudence avérée et est incompatible avec le décret précité qui prévoit un octroi forfaitaire de points. Elle affirme que de nombreuses juridictions ont censuré la pratique de la CIPAV consistant à allouer des points de retraite d’un montant inférieur à ceux attribués en classe A anciennement classe 1.
En réponse, la CIPAV rappelle que le calcul des points de retraite complémentaire repose, à la fois, sur le décret n° 79-262 du 21 mars 2019 instituant un régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire prévoyant huit classes correspondant à un montant de cotisations et entrainant l’attribution d’un nombre de points, et sur ses statuts. Elle relève que les auto-entrepreneurs soumis à un seuil de chiffre d’affaires ne peuvent pas prétendre à 40 points sur la période de 2009 à 2012 ni à 36 points au-delà de 2013 comme le revendique l’intimée dès lors que cela correspond à un revenu supérieur. Elle maintient que les points de retraite complémentaire doivent être calculés en se fondant sur le BNC déclaré et distingue entre la période de 2009 à 2015 pendant laquelle, à la faveur d’une compensation assurée par l’Etat, les affiliés auto-entrepreneurs ont bénéficié de droits correspondant à une cotisation au moins égale à la plus faible non nulle dont ils auraient bénéficié au titre du régime classique, et la période postérieure à la suppression de cette compensation à compter du 1er janvier 2016 pour laquelle la caisse entend faire application du principe de proportionnalité repris à l’article 3-12 bis de ses statuts et considère que, pour les auto-entrepreneurs, le nombre de points attribués au titre de la retraite complémentaire doit être proportionnel aux cotisations effectivement réglées. Elle fait valoir, à cet égard, que les prétentions de l’appelante qui tendent à se voir attribuer des points à une valeur d’achat inférieure à celle fixée par le conseil d’administration de la caisse, entraineraient une rupture d’égalité vis-à-vis des adhérents ne relevant pas du régime de l’auto-entreprise. Elle ajoute que ces modalités de calcul sont validées par le ministère de l’économie et des finances et le ministre des affaires sociales et de la santé et qu’en définitive, la détermination des points acquis par l’appelante résulte uniquement de l’application des dispositions applicables au régime de l’auto-entrepreneur auquel elle a choisi d’adhérer.
Il résulte de l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 que le régime d’assurance vieillesse complémentaire obligatoire géré par la CIPAV comporte huit classes de cotisation forfaitaire (six antérieurement au décret n°2012-1522 du 28 décembre 2012) auxquelles correspond l’attribution d’un nombre de points de retraite qui procède donc directement de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité et dont le montant est fixé par décret sur proposition du conseil d’administration de cet organisme.
Le respect du principe de proportionnalité dont se prévaut la CIPAV entre le montant des cotisations acquittées et les droits acquis découle, en conséquence, de ces dispositions par l’attribution d’un nombre de points de retraite directement issu de la classe de cotisation de l’intéressé déterminée en fonction de son revenu d’activité.
Il est de jurisprudence désormais établie que l’article 2 du décret n°79-262 du 21 mars 1979 est seul applicable à la fixation du nombre de points de retraite complémentaire attribués annuellement aux auto-entrepreneurs affiliés à la CIPAV et qu’en application de ces dispositions, ce nombre de points procède directement de la classe de cotisation de l’affilié, déterminée en fonction de son revenu d’activité (2e Civ. 23 janvier 2020 n° 18-15.542).
L’arrêt précité ajoute que si le montant des pensions de retraite est proportionnel aux cotisations versées, il n’existe pour autant aucun lien direct et impératif entre l’absence de compensation appropriée par l’Etat des ressources de la CIPAV et le montant des prestations que celle-ci sert à ses affiliés.
Il est, en outre, confirmé que les dispositions des articles 3.12 ou 3.12 bis des statuts de la CIPAV ne sont pas applicables en la matière à l’assuré.
En conséquence, s’agissant de la fixation du nombre des points de retraite, la CIPAV ne peut ni se fonder sur ses statuts ni opposer les règles de compensation issues de l’article R.133-30-10 du code de la sécurité sociale qui ne concernaient que ses rapports avec l’Etat, peu important que cette compensation ait été partielle et finalement abrogée.
Il convient, en conséquence, en l’absence de toute contestation sur le règlement effectif des cotisations, de tenir compte du chiffre d’affaires annuel déclaré par l’appelante pour déterminer la classe dont elle relève et par suite le nombre de points de retraite complémentaire devant lui être attribués.
Le chiffre d’affaires repris pour chaque année dans les écritures de la caisse est conforme aux montants indiqués dans le tableau de comptabilisation produit par l’appelante (sa pièce n° 1-2) à savoir :
1.1225 euros en 2014,
4.950 euros en 2015,
9.300 euros en 2016,
10.560 euros en 2017,
31.152 euros en 2018,
28.190 euros en 2019,
de sorte qu’il convient, au vu des seuils de revenus annuels applicables pour chaque classe, d’ordonner la rectification par la CIPAV des points de retraite complémentaire attribués à Mme [C] ou omis pour les années 2014 à 2017, à hauteur de 36 points correspondant à la classe A et pour les années 2018 et 2019, 72 points correspondant à la classe B.
Sur les points de retraite de base
Les parties s’accordent comme ci-dessus indiqué sur le montant du chiffre d’affaires déclaré chaque année par l’appelante tandis que les seuils de revenus et la valeur des points des tranches 1 et 2 tels que mentionnés dans le tableau de comptabilisation des droits ( pièce n° 1-2 de l’appelante) ne sont pas contestés par la CIPAV, le litige portant comme ci-dessus exposé sur la détermination de l’assiette de calcul.
Il convient, en conséquence, de faire droit à la demande de rectification des droits à la retraite de base dans les proportions sollicitées.
Au vu de ce qui précède, il convient également de condamner la CIPAV à transmettre à Mme [C] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme dans le délai d’un mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu’il y ait lieu cependant d’assortir cette condamnation d’une astreinte.
Sur l’indemnisation sollicitée en réparation d’un préjudice moral
L’appelante invoque son incompréhension et sa « légitime exaspération » face à la position dénuée de fondement que la CIPAV persiste à maintenir en dépit de la jurisprudence et au mépris de sa mission de service public.
De son côté, rappelant cette mission, l’intimée considère avoir fait une juste application des textes et soutient qu’une divergence d’interprétation ne peut caractériser une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Il résulte de l’application combinée des articles 1240 du code civil et 9 du code de procédure civile qu’il incombe à celui qui demande réparation de rapporter la preuve d’un préjudice, d’une faute commise par la personne à laquelle il l’impute et d’un lien de causalité entre cette faute et ce préjudice.
En l’espèce, Mme [C] ne démontre pas l’existence d’un préjudice moral distinct non réparé par les causes de la présente décision.
Il convient, en conséquence, de la débouter de sa demande.
Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Il convient de condamner la CIPAV aux dépens de première instance et d’appel, de la débouter de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à ce titre au paiement de la somme de 2.500 euros à hauteur d’appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe,
Infirme le jugement rendu le 16 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
Déclare Mme [Z] [C] recevable en son recours,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à rectifier les points de retraite complémentaire acquis sur la période 2014-2019 par Mme [Z] [C] comme suit :
36 points en 2014,
36 points en 2015,
36 points en 2016,
36 points en 2017,
72 points en 2018,
72 points en 2019,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à rectifier les points de retraite de base acquis sur la période 2014-2019 par Mme [Z] [C] comme suit :
17,3 points en 2014,
69 points en 2015,
127,6 points en 2016,
142,7 points en 2017,
415,5 points en 2018,
368,7 points en 2019,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à transmettre à Mme [Z] [C] et à lui rendre accessible, y compris en ligne, un relevé de situation individuelle conforme, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision sans qu’il y ait lieu à astreinte,
Déboute Mme [Z] [C] de sa demande de réparation pour préjudice moral,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse aux dépens de première instance et d’appel,
Condamne la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse à payer à Mme [Z] [C] la somme de 2.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Déboute la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance vieillesse de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Le présent arrêt a été signé par Madame Corinne Jacquemin, présidente de chambre, et par Mme Delphine Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente