Insanité d’esprit et rachat de contrats d’assurance vie

Notez ce point juridique

1) Il est important de formuler des demandes claires et précises dans les conclusions, en veillant à ce qu’elles constituent des prétentions au sens des articles du code de procédure civile. Il est essentiel de respecter les règles de procédure pour que la cour puisse statuer sur les demandes présentées.

2) Il convient de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte attaqué pour pouvoir contester la validité de cet acte. Il est nécessaire de fournir des éléments probants, tels que des certificats médicaux ou des témoignages, pour étayer une demande d’annulation basée sur l’incapacité mentale de la personne concernée.

3) En cas de révocation d’une libéralité pour inexécution de la charge, il est crucial de démontrer que l’exécution de cette charge était la cause impulsive et déterminante du legs. Il est également important de respecter les délais légaux pour introduire une demande de révision de la libéralité, notamment en cas de changement de circonstances rendant l’exécution de la charge difficile ou dommageable.


L’affaire concerne le décès de Mme [R] [U] veuve [L] en 2016, qui a laissé un testament olographe attribuant des legs à ses nièces, à une association et à son assistante de vie. Suite à des litiges concernant le rachat d’un contrat d’assurance-vie et l’exécution des legs, des actions en justice ont été engagées. Le tribunal de grande instance de Vannes a rendu des jugements en 2020 et 2021, confirmant en partie les demandes des nièces et de l’assistante de vie, mais rejetant certaines demandes de l’association bénéficiaire des legs. Les parties ont interjeté appel et les débats se poursuivent devant la cour d’appel.

MOTIFS DE L’ARRÊT

À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de « constater », « dire » ou « dire et juger » qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur l’application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile

L’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile dispose que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »

L’association [18] expose que les demandes présentées par Mmes [U] ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile.

Il est de jurisprudence établie que la cour doit examiner les demandes figurant au dispositif des conclusions lorsqu’elles constituent des prétentions, et ce indépendamment de leur formulation.

En l’espèce, les demandes de Mmes [U] aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 27 avril 2023 visent à obtenir : …

Il s’ensuit que les demandes de Mmes [U] sont l’expression de prétentions dont l’objet est déterminé et que la cour doit les examiner.

2) Sur les fonds issus du contrat d’assurance-vie

2.1) Sur la capacité à procéder au rachat

L’article 414-1 du code civil dispose que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte. »

C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que l’état d’insanité de Mme [L] n’était pas établi et que son consentement n’a pas été altéré. Le jugement sera confirmé sur ce point.

2.2) Sur la novation ou la subrogation

Le jugement qui a dit que le rachat du contrat d’assurance-vie n’avait emporté ni novation ni subrogation réelle sera confirmé sur ce point.

2.3) Sur le sort des fonds issus du rachat de l’assurance-vie

Le jugement, qui a rejeté la demande de Mmes [U] d’attribution de ces sommes issues de l’assurance-vie sera confirmé sur ce point.

3) Sur l’exécution de la charge grevant le legs universel

3.1) Sur la caducité du legs universel pour cause de répudiation

Au vu de ces éléments, l’association [18] a manifesté de manière non équivoque sa volonté d’accepter le legs qui lui a été consenti par Mme [L]. En l’absence de contestation sur le caractère d’utilité publique reconnu à l’association [18], elle dispose de la capacité pour bénéficier de libéralités.

En conséquence, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de caducité pour cause de répudiation et le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé sur ce point.

3.2) Sur la révocation du legs universel pour inexécution de la charge

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que cette embauche de Mme [C] ait pu constituer une cause impulsive et déterminante du legs, laquelle se trouvait en réalité dans la volonté première de Mme [L] de léguer son bien à une institution caritative afin de lui permettre de poursuivre sa mission d’utilité publique.

En conséquence, aucune révocation du legs universel n’est susceptible d’être encourue.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4) Sur le caractère non écrit ou la nullité de la clause prévoyant la charge

Le jugement qui a réputé non écrite la charge litigieuse sera infirmé sur ce point.

5) Sur la révision de la libéralité et l’autorisation de vend

Dépens d’appel: Condamnation de Mmes [B] et [N] [U] aux dépens d’appel.
Recouvrement des dépens: Recouvrement par maître Sylvie Pélois conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– Autres demandes financières: Rejet des demandes au titre des frais irrépétibles d’appel.


Réglementation applicable

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jean-Paul RENAUDIN
– Me Lucien SIMON
– Me Marie VERRANDO
– Me Jean-Paul MANIN
– Me Christophe LHERMITTE
– Me Emmanuel RAVANAS
– Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN
– Me Carine PRAT

Mots clefs associés

– Testament olographe
– Legs
– Contrat d’assurance-vie
– Tribunal de grande instance de Vannes
– Appel
– Jonction des instances
– Prétentions des parties
– Moyens des parties
Conseil constitutionnel

– Mme [R] [U]: Madame [R] [U]
– Mmes [N] et [B] [U]: Mesdames [N] et [B] [U]
– Testament olographe: Testament rédigé entièrement à la main par le testateur
– Legs: Transmission d’un bien ou d’un droit à une personne désignée dans un testament
– Association [18]: Groupement de personnes ayant un but non lucratif
– Contrat d’assurance-vie: Contrat par lequel un assureur s’engage à verser un capital ou une rente à un bénéficiaire désigné en cas de décès de l’assuré
– Maître [D], notaire: Notaire nommé Maître [D]
– Mme [G] [C]: Madame [G] [C]
– Tribunal de grande instance de Vannes: Juridiction de premier degré située à Vannes
– Jugement du 22 septembre 2020: Décision rendue par une juridiction le 22 septembre 2020
– Jugement du 9 février 2021: Décision rendue par une juridiction le 9 février 2021
– Appel: Recours permettant de contester une décision judiciaire devant une juridiction supérieure
– Jonction des instances: Réunion de plusieurs procédures en une seule
– Prétentions des parties: Demandes formulées par les parties à un litige
– Moyens des parties: Arguments avancés par les parties pour défendre leurs prétentions
– SCP [15]-[D]-[15]: Société civile professionnelle composée de Maître [D] et d’autres associés
– Maître Sylvie Pélois: Avocate nommée Maître Sylvie Pélois
– Conseil constitutionnel: Institution chargée de contrôler la conformité des lois à la Constitution

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

1ère Chambre

ARRÊT N°54

N° RG 20/06228

N° Portalis

DBVL-V-B7E-RF2U

Mme [B] [U]

Mme[N]k [U]

C/

Mme [G] [C]

ASSOCIATION [18]

SCP[15]E

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 13 FÉVRIER 2024

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Madame Véronique VEILLARD, Présidente de chambre,

Assesseur : Monsieur Philippe BRICOGNE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Caroline BRISSIAUD, Conseillère,

GREFFIER :

Monsieur Pierre DANTON, lors des débats, et Madame Marie-Claude COURQUIN, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 6 novembre 2023 devant Madame Véronique VEILLARD, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 13 février 2024 par mise à disposition au greffe après prorogation du délibéré annoncé 16 janvier 2024 à l’issue des débats

APPELANTES :

Madame [B] [U]

née le [Date naissance 4] 1937 à [Localité 22] (78)

[Adresse 11]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Lucien SIMON de la SELARL SIMON AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Madame [N] [U]

née le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 22] (78)

[Adresse 11]

[Localité 13]

Représentée par Me Jean-Paul RENAUDIN de la SCP GUILLOU-RENAUDIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Lucien SIMON de la SELARL SIMON AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉES :

Madame [G] [C]

née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 19] (56)

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Marie VERRANDO de la SELARL LX RENNES-ANGERS, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Jean-Paul MANIN de la SELARL SOPHIA LEGAL SOCIÉTÉ D’AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de GRASSE

L’Association [18], association reconnue d’utilité publique identifiée 784.753.287.00209, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 14]

[Localité 12]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE de la SELEURL GAUVAIN, DEMIDOFF & LHERMITTE, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Emmanuel RAVANAS de la SELURL ERAVANS-AVOCAT, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La Société Civile Professionnelle Titulaire d’un Office Notarial [15], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 10]

Représentée par Me Amélie AMOYEL-VICQUELIN de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Carine PRAT de la SELARL EFFICIA, Plaidant, avocat au barreau de RENNES

* * *

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [R] [U] veuve [L] née le [Date naissance 7] 1920 à [Localité 20], en son vivant retraitée, demeurant [Adresse 8], est décédée sans postérité à [Localité 10] le [Date décès 2] 2016, soit dans sa 96ème année.

Depuis le 6 juillet 2010, elle employait Mme [G] [C] en qualité d’assistante de vie.

Mmes [N] et [B] [U] (ci-après dénommées Mmes [U]) sont les nièces de Mme [R] [U].

Le 7 février 2014, Mme [L] a rédigé un testament olographe, reçu par maître [D], notaire associé de la scp [15]-[D]-[15] aux termes duquel elle a consenti les legs suivants :

– un legs au profit de ses nièces Mmes [U], héritières au 3ème degré en ligne collatérale, constitué des biens meubles et objets mobiliers se trouvant dans la maison[Adresse 8]s à [Localité 10],

– un legs constitué du prélèvement immédiat pour régler un trentain grégorien à l’Abbaye [23] à [Localité 21],

– un legs universel au profit de l’association [18] avec la charge suivante : ‘Ce legs universel à l’Association [18], est consenti à charge pour celle-ci de permettre à Madame [G] [V] épouse [C], née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 19], d’exercer au plus tard jusqu’à son soixante dixième anniversaire, ses fonctions de ‘accueillante familiale’ dans la maison sise au [Adresse 8]. L’Association aura pendant toute cette période la charge d’assumer l’intégralité des travaux d’entretien ainsi que ceux nécessités pour l’exercice par Madame [C] de sa fonction.’

Le 24 mai 2016, ce testament était déposé au rang des minutes de maître [D].

Mme [L] avait par ailleurs souscrit auprès de la compagnie [24] un contrat d’assurance-vie no 1700020919/0297515. Par courrier du 6 avril 2016, la compagnie [24] a indiqué à Mme [L] avoir procédé au rachat de ce contrat d’assurance-vie à hauteur de la somme de 34.130,23 € et le 8 avril 2016, il était procédé au virement de cette somme sur le compte de Mme [L] ouvert à la [16] ([16]) du Morbihan.

Le 11 mai 2018, Mmes [U] ont fait délivrer à maître [D] une sommation interpellative aux fins de se voir attribuer la somme de 34.130 € correspondant aux fonds provenant du rachat du contrat d’assurance-vie souscrit auprès de la compagnie d'[24]. En réponse et par courrier du 25 mai 2018, maître [D] a informé l’étude d’huissier de ce que cette somme n’avait pas transité par sa comptabilité.

Par assignation du 14 février 2018, Mmes [U] ont fait convoquer l’association [18] en caducité ou révocation du legs universel fondée sur l’inexécution de la charge dont il était assorti. Par exploit d’huissier en date du 29 octobre 2018 délivré par l’association [18], Mme [C] a été assignée en intervention forcée. Les deux instances étaient jointes le 22 mars 2019.

Par exploit du 14 novembre 2018, Mmes [U] ont assigné Mme [C] et la SCP [15]-[D]-[15] et maître [D], notaire, devant le tribunal de grande instance de Vannes en paiement in solidum de la somme de 34.165, 37 € avec intérêts de droit à compter du [Date décès 2] 2016 outre la somme de 5.000 € au titre des frais irrépétibles.

Par exploit du 24 avril 2019, Mmes [U] ont assigné l’association [18] et lui ont dénoncé la précédente assignation.

Par jugement du 22 septembre 2020 statuant sur l’assignation du 14 novembre 2018 afférente à l’assurance-vie, le tribunal judiciaire de Vannes a :

– jugé que [R] [U] veuve [L] était saine d’esprit lors du rachat de l’assurance-vie le 6 avril 2016 et que le contrat d’assurance-vie souscrit par elle a valablement été racheté,

– jugé que le rachat du contrat d’assurance-vie n’avait emporté ni novation, ni subrogation réelle,

– jugé que le legs particulier consenti par [R] [U] veuve [L] à [B] et [N] [U] ne comprenait que les biens meubles et objets garnissant le domicile de [R] [U] veuve [L] situé [Adresse 8] à [Localité 10],

– débouté [B] et [N] [U] de l’ensemble de leurs demandes,

– condamné [B] et [N] [U] aux dépens et à verser au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 2.000 € à l’association [18] et 2.000 € à Maître [J] [D] et la SCP [15]-[D]-[15],

– ordonné l’exécution provisoire,

– rejeté les plus amples et contraires demandes.

Mmes [U] ont relevé appel par déclaration du 18 décembre 2020 et l’affaire a été enregistrée sous le n° RG 20/6228.

Par jugement du 9 février 2021 statuant sur l’assignation du 14 février 2018 afférente aux legs, le tribunal judiciaire de Vannes a :

– débouté Mmes [B] et [N] [U] de leur demande de caducité du legs universel fait à l’Association [18] par testament de Madame [R] [U] veuve [L] en date du 7 février 2014,

– débouté Mmes [B] et [N] [U] de leur demande de révocation, pour inexécution de charge, du legs universel fait à l’Association [18],

– réputé non écrite la charge assortissant le legs universel fait à l’Association [18] par testament de Mme [R] [U] veuve [L] du 7 février 2014 tendant à permettre à Mme [G] [V] épouse [C], née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 19], d’exercer au plus tard jusqu’à son soixante-dixième anniversaire ses fonctions d’accueillante familiale’ dans la maison sise au [Adresse 8],

– constaté que la somme de 38.096,23 € figurant au crédit du compte courant de feue Mme [R] [U] veuve [L] n’est pas incluse dans les meubles légués à Mmes [B] et [N] [U] et relève du legs universel fait à l’Association [18],

– condamné Mmes [B] et [N] [U] à payer à l’Association [18] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– condamné l’Association [18] à payer à Mmes [G] [V] épouse [C] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’instance seront supportés par Mmes [B] et [N] [U],

– débouté les parties du surplus de leur demandes.

Mmes [U] interjetaient appel par déclaration du 27 avril 2021 et l’affaire a été enregistrée sous le n° RG 21/2622.

Par décision du 4 avril 2023, la jonction des deux instances a été ordonnée sur le fondement de l’article 367 alinéa 1 du code de procédure civile, l’affaire se poursuivant sous le seul et unique n° de répertoire général 20/6228.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Mmes [U] exposent leurs demandes et moyens dans leurs dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 27 avril 2023 aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

– s’agissant du jugement du 22 septembre 2020,

– réformer la décision entreprise,

– dire et juger que la somme de 38.096,23 € figurant au crédit du compte courant de feue Mme [L] doit être versée entre leurs mains,

– dire et juger que le rachat opéré dans des conditions éminemment suspectes du contrat d’assurance-vie contracté par feue Mme [L] à leur profit est sans incidence sur la destination des fonds représentés, aucune novation n’étant intervenue,

– subsidiairement,

– dire et juger que l’association [18] ne peut en aucun cas prétendre être destinataire des fonds figurant au crédit du compte bancaire de Mme [L] du chef de son refus d’exécuter la charge conditionnant l’effectivité du legs dont elle a bénéficié,

– débouter l’association de ses demandes,

– condamner in solidum l’association [18], maître [D], notaire, et Mme [C] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

– s’agissant du jugement du 9 février 2021,

– réformer la décision entreprise,

– sur le fondement de l’article 1043 du code civil,

– dire et juger caduc le legs universel dont bénéficie l’association [18] en l’état de sa répudiation exprimée le 21 janvier 2017,

– dire et juger qu’en réputant non écrite la charge assortissant le legs universel fait à l’association [18], le jugement n’a pas fait une exacte application des dispositions de l’article 1043 du code civil,

– dire et juger qu’il ne pouvait pas y avoir dissociation du sort de la charge de celui du legs, une telle dissociation n’ayant non seulement aucune base légale, mais au contraire étant en contradiction totale avec les dispositions de l’article 1043 du code civil,

– sur le fondement des articles 1046 et 954 du code civil,

– en tout état de cause, prononcer la révocation du legs universel dont l’association a bénéficié par testament du 7 février 2014 de Mme [L], et ce pour défaut d’exécution de la charge de ce legs,

– ordonner le retour à la masse successorale de la succession de Mme [R] [L] de l’ensemble des droits et biens dévolus initialement en exécution du testament de cette dernière,

– dire et juger irrecevable la demande reconventionnelle formée par l’association [18] sur le fondement des dispositions de l’article 900-5 du code civil,

– rejeter comme dépourvues de tout fondement légal les demandes de l’association [18] tendant à être autorisée à vendre le bien et à être dispensée d’exécuter la charge du legs à elle fait,

– rejeter la demande de l’association [18] ayant pour objet d’entendre prononcer la nullité de la charge inhérente au legs, comme dépourvue de tout fondement notamment en application des dispositions de l’article 900-2 et de l’article 900-4 du code civil,

– subsidiairement,

– dire et juger que la nullité de la charge entraîne celle du legs,

– condamner in solidum l’association [18] et Mme [C] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

L’association [18] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 28 août 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

– la recevoir en ses demandes, la déclarer bien fondée,

– s’agissant du jugement du 22 septembre 2020,

– débouter Mmes [U] de leurs demandes,

– confirmer en toutes ses dispositions ledit jugement,

– s’agissant du jugement du 9 février 2021,

– débouter Mmes [U] de leurs demandes,

– débouter Mme [C] de toutes ses demandes,

– juger que Mmes [U] ne formulent au dispositif de leurs conclusions d’appelantes signifiées dans le délai imparti par l’article 908 du code de procédure civile aucune demande d’infirmation du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Vannes le 9 février 2021 en ce qu’il a ‘constaté que la somme de 38.096,23€ figurant au crédit du compte courant de feue Madame [R] [U], veuve [L], n’est pas incluse dans les meubles légués à Mesdames [B] et [N] [U] et relève du legs universel fait à l’association [18],

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

– débouté Mmes [U] de leur demande de caducité du legs universel

– débouté Mmes [U] de leur demande de révocation pour inexécution de charge dudit legs universel,

– réputé non écrite la charge assortissant ledit legs universel tendant à permettre à Mme [C] d’exercer au plus tard jusqu’à son 70ème anniversaire ses fonctions d’accueillante familiale dans la maison sise au [Adresse 8],

– constaté que la somme de 38.096,23 € figurant au crédit du compte courant de feue Mme [L] n’est pas incluse dans les meubles légués à Mme [U] et relève du legs universel fait à l’association [18],

– condamné Mmes [U] à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné l’association [18] à payer à Mme [C] la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– dit que les dépens de l’instance seront supportés par Mmes [U],

– débouté les parties du surplus de leur demandes,

– subsidiairement dans l’hypothèse extraordinaire où la cour infirmerait la décision déférée en ce qu’elle a réputé non écrite la charge grevant le legs universel consenti à l’association [18],

– juger que la charge grevant le legs universel doit être révisée afin de privilégier la volonté de la testatrice, Mme [L], qui était de gratifier l’association [18] de l’intégralité de son patrimoine, afin de lui permettre d’assurer la poursuite de sa mission reconnue d’utilité publique,

– autoriser en conséquence l’association [18] à aliéner l’immeuble légué sis à [Adresse 8], cadastré section [Cadastre 17],

– dire que le prix de vente sera réemployé par elle dans l’exercice de sa mission,

– débouter Mme [C] de sa demande incidente tendant à ce que l’association [18] soit déboutée de sa demande de révision de la charge grevant son legs universel,

– en tout état de cause,

– condamner Mmes [U] à lui verser la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner Mmes [U] aux dépens de l’instance,

– prononcer l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

La société civile professionnelle titulaire d’un office notarial [15] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées le 24 août 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

– juger qu’aucune prétention n’est émise à son encontre,

– juger irrecevables et mal fondées les demandes de Mmes [U] au titre des frais irrépétibles,

– pour le reste statuer ce que de droit sur l’interprétation du testament et le sort des fonds litigieux,

– condamner Mmes [U] à lui verser une indemnité de 3.000 € au titre des frais irrépétibles,

– les condamner aux dépens qui seront recouvrés par maître Sylvie Pélois conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [G] [C] expose ses demandes et moyens dans ses dernières conclusions remises au greffe et notifiée le 27 septembre 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

– débouter Mmes [U] de leur appel du jugement du 9 février 2021, sauf en ce que la décision a réputé non écrite la charge en faveur de Mme [C],

– à titre incident,

– recevoir Mme [C] en son appel incident,

– infirmer la décision dont appel en ce qu’elle a :

– réputé non écrite la charge assortissant le legs universel fait à l’association [18],

– débouté les parties du surplus de leurs demandes,

– statuant à nouveau,

– vu la décision du Conseil constitutionnel qui confirme que la charge en faveur de Mme [C] est parfaitement licite,

– débouter Mmes [U] de leur demande de caducité du legs en faveur de l’association [18],

– débouter l’association [18] de sa demande de nullité de la charge en faveur de Mme [C] et de sa demande de révision de son legs,

– en tout état de cause,

– condamner tout succombant à lui verser la somme de 2.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner tout succombant aux dépens de l’instance qui pourront être recouvrés par maître Marie Verrando en application de l’article 699 code de procédure civile.

L’instruction de l’affaire a été déclarée close le 17 janvier 2023.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure.

MOTIFS DE L’ARRÊT

À titre liminaire, il convient de rappeler que l’office de la cour d’appel est de trancher le litige et non de donner suite à des demandes de « constater », « dire » ou « dire et juger » qui, hors les cas prévus par la loi, ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5 et 954 du code de procédure civile lorsqu’elles sont seulement la reprise des moyens censés les fonder.

1) Sur l’application de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile

L’article 954, alinéa 3 du code de procédure civile dispose que « La cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion. »

L’association [18] expose que les demandes présentées par Mmes [U] ne constituent pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile.

Il est de jurisprudence établie que la cour doit examiner les demandes figurant au dispositif des conclusions lorsqu’elles constituent des prétentions, et ce indépendamment de leur formulation.

En l’espèce, les demandes de Mmes [U] aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 27 avril 2023 visent à obtenir :

– sur le jugement du 22 septembre 2020 :

– l’infirmation de certaines dispositions du jugement déféré, ce qui en saisit la cour contrairement à ce qui est indiqué par l’intimée,

– le paiement d’une somme d’argent et plus précisément la somme de 38.096,23 € figurant au crédit du compte courant de feue Mme [L] qui doit être versée entre les mains de Mmes [U],

– le rejet de toutes les demandes de l’association [18],

– la condamnation in solidum de l’association [18], maître [D] et Mme [C] au paiement de la somme de 5.000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

– sur le jugement du 9 février 2021 :

– l’infirmation de certaines dispositions du jugement déféré, ce qui en saisit la cour contrairement à ce qui est indiqué par l’intimée,

– le prononcé de la caducité du legs universel dont l’association [18] a bénéficié en l’état de sa répudiation,

– le prononcé de la révocation du legs universel dont l’association [18] a bénéficié pour défaut d’exécution de la charge de ce legs,

– le retour à la masse successorale de la succession de Mme [L] l’ensemble des droits et biens dévolus initialement en exécution du testament de cette dernière,

– l’irrecevabilité de la demande reconventionnelle formée par l’association [18] en application de l’article 905 code de procédure civile,

– le rejet des demandes de l’association [18] tendant à être autorisée à vendre le bien et être dispensée d’exécuter la charge du legs

– le rejet de la demande l’association [18] ayant pour objet d’entendre prononcer la nullité de la charge inhérente au legs,

– la nullité de la charge qui entraîne celle du legs,

– la condamnation in solidum de l’association [18] et Mme [C] au paiement de la somme de 5.000 € en application de l’article 700 code de procédure civile.

Il s’ensuit que les demandes de Mmes [U] sont l’expression de prétentions dont l’objet est déterminé et que la cour doit les examiner.

2) Sur les fonds issus du contrat d’assurance-vie

2.1) Sur la capacité à procéder au rachat

L’article 414-1 du code civil dispose que « Pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte. »

L’article 414-2 du code civil précise que ‘De son vivant, l’action en nullité n’appartient qu’à l’intéressé. Après sa mort, les actes faits par lui, autres que la donation entre vifs et le testament, ne peuvent être attaqués par ses héritiers, pour insanité d’esprit, que dans les cas suivants :

1° Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental,

2° S’il a été fait alors que l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice,

3° Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future.’

Le trouble mental dont la preuve doit être rapportée doit exister au moment précis où l’acte attaqué a été fait.

Si l’état d’insanité d’esprit existait à la fois dans la période immédiatement antérieure et dans la période immédiatement postérieure à l’acte litigieux, il revient alors au défendeur d’établir en pareil cas l’existence d’un intervalle lucide au moment où l’acte a été passé.

L’annulation est encourue dès que le trouble des facultés intellectuelles est suffisamment grave pour priver l’acte juridique de l’un de ses éléments constitutifs, à savoir une volonté saine, libre et éclairée. L’auteur de l’acte doit être hors d’état de vouloir et de comprendre la portée exacte de son engagement.

L’affaiblissement intellectuel causé par une maladie ou par la vieillesse ne peut être par lui-même une cause d’incapacité de disposer de ses biens à titre gratuit lorsque le donateur conserve une lucidité suffisante pour comprendre la portée de son acte. Pour faire annuler la libéralité consentie par un donateur très âgé, il est indispensable de démontrer la sénilité de la personne concernée.

Le trouble mental étant un simple fait, son existence peut être prouvée par tous moyens, notamment, par des écrits émanant du disposant et dénotant une altération des facultés intellectuelles, des certificats médicaux et, plus ordinairement, par témoins.

Enfin, les juges du fond disposent d’un pouvoir souverain d’appréciation tant de la gravité du trouble allégué que de l’époque à laquelle il est susceptible d’être survenu.

Mmes [U] soutiennent que Mme [L] n’était pas saine d’esprit le jour où elle a opéré le rachat total de son contrat d’assurance vie [24]. Elles estiment que l’absence de tout document probant ne peut aboutir à la consécration de la thèse suivant laquelle Mme [L] disposait de toutes ses facultés pour enlever à ses nièces ce qu’elle leur avait précédemment donné. Au soutien de leur demande, Mmes [U] exposent que la mise à leur charge exclusive de l’administration de ladite preuve, alors qu’elles résidaient à plusieurs centaines de kilomètres de [Localité 10] et n’avaient pas accès aux informations concernant leur tante, ne correspond pas à la réalité matérielle du déroulement des faits et actes.

En l’espèce, Mme [L] avait souscrit auprès de la Compagnie [24] un contrat d’assurance-vie no 1700020919/0297515. Par courrier du 6 avril 2016, la Compagnie [24] lui a indiqué avoir procédé au rachat de ce contrat d’assurance-vie à hauteur de la somme de 34.130,23 €. Le 8 avril 2016, il était procédé au virement de cette somme sur le compte de Mme [L], ouvert à la [16] ([16]) du Morbihan. Mme [L] est décédée le [Date décès 2] 2016 à [Localité 10].

Aucune altération des facultés mentales de Mme [L] n’est établie. Il n’est justifié d’aucun diagnotic de démence ou de sénilité la concernant.

Le fait que le rachat de contrat d’assurance-vie ait eu lieu le 6 avril 2016, soit 10 jours avant le décès de Mme [L], est insuffisant à démontrer par lui-même une quelconque insanité d’esprit.

De même, l’affaiblissement intellectuel causé par la vieillesse de Mme [L] ne peut être, par lui-même, une cause d’incapacité de disposer de ses biens. Mme [L], certes âgée, était néanmoins en capacité de procéder au rachat du contrat d’assurance-vie.

C’est donc à juste titre que le premier juge a considéré que l’état d’insanité de Mme [L] n’était pas établi et que son consentement n’a pas été altéré. Le jugement sera confirmé sur ce point.

2.2) Sur la novation ou la subrogation

L’article 132-9 du code des assurances dispose que « Sous réserve des dispositions du dernier alinéa de l’article L.132-4-1, la stipulation en vertu de laquelle le bénéfice de l’assurance est attribué à un bénéficiaire déterminé devient irrévocable par l’acceptation de celui-ci, effectuée dans les conditions prévues au II du présent article. Pendant la durée du contrat, après acceptation du bénéficiaire, le stipulant ne peut exercer sa faculté de rachat et l’entreprise d’assurance ne peut lui consentir d’avance sans l’accord du bénéficiaire. »

L’article 1330 du code civil dispose que « La novation ne se présume pas, la volonté de l’opérer doit résulter clairement de l’acte. »

Mmes [U] exposent que le rachat du contrat d’assurance-vie contracté par Mme [L] à leur profit, est sans incidence sur la destination des fonds représentés, aucune novation n’étant intervenue. En vertu du mécanisme de la subrogation réelle, elles estiment que l’association [18] ne peut en aucun cas prétendre être destinataire des fonds figurant au crédit du compte bancaire de Mme [L], du chef de son refus d’exécuter la charge conditionnant l’effectivité du legs dont elle a bénéficié.

En l’espèce, Mme [L] a procédé au rachat de son contrat d’assurance-vie le 6 avril 2016 et un virement [24] de la somme de 34.130,23 € a été effectué le 8 avril 2016 à son bénéfice.

Non seulement Mmes [U] ne rapportent pas la preuve de leur qualité de bénéficiaires du contrat d’assurance-vie du temps où celui-ci était encore en vigueur, mais encore, du fait du rachat, les fonds sont retournés dans le patrimoine successoral de la souscriptrice sans affectation particulière. Le rachat total du contrat d’assurance-vie a entraîné la résiliation définitive et immédiate du contrat de sorte que le transfert des fonds qui s’en est suivi n’a opéré aucune subrogation ou novation.

Le jugement qui a dit que le rachat du contrat d’assurance-vie n’avait emporté ni novation ni subrogation réelle sera confirmé sur ce point.

2.3) Sur le sort des fonds issus du rachat de l’assurance-vie

L’article 529 du code civil énonce que « Sont meubles par la détermination de la loi les obligations et actions qui ont pour objet des sommes exigibles ou des effets mobiliers, les actions ou intérêts dans les compagnies de finance, de commerce ou d’industrie, encore que des immeubles dépendant de ces entreprises appartiennent aux compagnies. Ces actions ou intérêts sont réputés meubles à l’égard de chaque associé seulement, tant que dure la société. »

L’article 533 du code civil dispose que « Le mot meuble, employé seul dans les dispositions de la loi ou de l’homme, sans autre addition ni désignation, ne comprend pas l’argent comptant, les pierreries, les dettes actives, les livres, les médailles, les instruments des sciences, des arts et métiers, le linge de corps, les équipages, armes, grains, vins, foins et autres denrées, il ne comprend pas aussi ce qui fait l’objet d’un commerce.  »

L’article 534 précise que « Les mots « meubles meublants » ne comprennent que les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements, comme tapisseries, lits, sièges, glaces, pendules, tables, porcelaines et autres objets de cette nature.

Les tableaux et les statues qui font partie du meuble d’un appartement y sont aussi compris, mais non les collections de tableaux qui peuvent être dans les galeries ou pièces particulières.

Il en est de même des porcelaines : celles seulement qui font partie de la décoration d’un appartement sont comprises sous la dénomination de ‘meubles meublants.’

Mmes [U] estiment que le legs particulier qui leur a été consenti par Mme [L] comprend l’ensemble des biens meubles de sa succession en ce compris les liquidités issues du rachat total opéré par la défunte sur son contrat d’assurance-vie [24] et non uniquement « les biens meubles et objets mobiliers se trouvant dans la maison [Adresse 8] » comme indiqué dans le testament du 7 février 2014.

Toutefois, le rachat du contrat d’assurance-vie a emporté le transfert de la somme de 34.130,23 € sur le compte de Mme [L]. La qualification de biens meubles de ces fonds n’est pas contestée.

Par testament olographe en date du 7 février 2014 Mme [L] a ainsi disposé : « Je lègue l’ensemble de mes biens à l’association [18], [Adresse 1] ou à toute autre association qui la remplacera, à l’exception des biens meubles et objets mobiliers se trouvant dans la maison [Adresse 8], que je lègue à mes nièces, Mmes [U]. »

Mme [L] a dès lors dans des termes clairs et précis indiqué que ce n’est pas l’intégralité des biens meubles qu’elle a léguée à Mmes [U] mais uniquement les meubles se trouvant dans la maison [Adresse 8]. Les liquidités, dont les fonds correspondant au rachat de l’assurance-vie, se trouvant sur le compte de Mme [L], ne sont pas des biens meubles situés dans la maison [Adresse 8].

En conséquence, ils sont clairement exclus de la liste des biens meubles légués à Mmes [U].

Le jugement, qui a rejeté la demande de Mmes [U] d’attribution de ces sommes issues de l’assurance-vie sera confirmé sur ce point.

3) Sur l’exécution de la charge grevant le legs universel

3.1) Sur la caducité du legs universel pour cause de répudiation

L’article 1043 du code civil dispose que « La disposition testamentaire sera caduque lorsque l’héritier institué ou le légataire la répudiera ou se trouvera incapable de la recueillir ».

Il est constant que la répudiation ne peut résulter que d’acte sans équivoque sur l’intention du gratifié de ne pas se prévaloir de son legs, ce qui ne peut se déduire de sa seule inaction prolongée.

S’agissant de l’incapacité à recevoir le legs, elle s’entend d’une incapacité juridique et la seule impossibilité d’exécuter la charge quel qu’en soit le motif ne constitue pas une telle incapacité.

Mmes [U] demandent que le legs universel dont bénéficie l’association [18] soit déclaré caduc en l’état de sa répudiation en se fondant sur un courrier du notaire de l’association en date le 21 janvier 2017 par lequel celui-ci indique que « l’association m’a indiqué qu’elle ne pouvait pas accepter cette charge qui n’entre pas dans son objet social. En effet, elle n’a pas vocation à être propriétaire de biens non destinés à l’exercice de son activité. Elle souhaite donc pouvoir vendre la maison et utiliser le produit de la vente pour l’exercice de sa mission. »

En l’espèce, par testament en date du 7 février 2014, Mme [L] a consenti un legs universel au profit de l’association [18] avec la charge suivante : « Ce legs universel à l’association [18], est consenti à charge pour celle-ci de permettre à Madame [G] [V], épouse [C], née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 19], d’exercer au plus tard jusqu’à son soixante dixième anniversaire, ses fonctions de « accueillante familiale » dans la maison sise au [Adresse 8]. L’association aura pendant toute cette période la charge d’assumer l’intégralité des travaux d’entretien ainsi que ceux nécessités pour l’exercice par Madame [C] de sa fonction.’

L’association [18], reconnue d’utilité publique le 16 janvier 1998, a voté une délibération en date du 19 octobre 2017 portant sur l’acceptation du legs de Mme [L], à savoir la maison de [Localité 10] d’une part, et les liquidités prévues au legs d’autre part.

Et par courrier en date du 11 janvier 2018, l’association a informé maître [D] de sa décision d’accepter ledit legs grevé de sa charge.

Cette acceptation régulière et officielle du legs par l’association [18] qui en est la bénéficiaire désignée prévaut sur le courrier du notaire qui ne saurait être assimilé à une répudiation par l’association elle-même d’autant que sa teneur révèle au contraire le souhait de celle-ci de « pouvoir vendre la maison et utiliser le produit de la vente pour l’exercice de sa mission », ce qui confirme une volonté de bénéficier du legs.

Au vu de ces éléments, l’association [18] a manifesté de manière non équivoque sa volonté d’accepter le legs qui lui a été consenti par Mme [L]. En l’absence de contestation sur le caractère d’utilité publique reconnu à l’association [18], elle dispose de la capacité pour bénéficier de libéralités.

En conséquence, il n’y a pas lieu à faire droit à la demande de caducité pour cause de répudiation et le jugement qui a rejeté cette demande sera confirmé sur ce point

3.2) Sur la révocation du legs universel pour inexécution de la charge

L’article 1046 du code civil dispose que « Les même causes qui, suivant l’article 954 et les deux premières dispositions de l’article 955, autoriseront la demande en révocation de la donation entre vifs, seront admises pour la demande en révocation des dispositions testamentaires. »

L’article 954 du code civil indique que « Dans le cas de la révocation pour cause d’inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire, et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu’il aurait contre le donataire lui-même.  »

Mmes [U] demandent à ce que soit prononcée la révocation du legs universel pour défaut d’exécution de sa charge et en conséquence que soit prononcé le retour à la masse successorale de la succession de Mme [L] de l’ensemble des droits et biens dévolus initialement en exécution du testament de cette dernière.

L’association [18] estime au contraire être dans l’impossibilité légale d’exécuter la charge, à double titre :

– d’une part, en raison de l’incapacité spéciale de recevoir dont serait frappée Mme [C],

– d’autre part, en raison de son statut d’association d’utilité publique l’obligeant à vendre les immeubles qui ne sont pas nécessaires à son fonctionnement.

3.2.1) Sur la capacité à recevoir de Mme [C]

En l’espèce, Mme [C] n’est pas instituée légataire mais seulement bénéficiaire d’une possibilité de revendiquer d’exercer son métier jusqu’à ses soixante-dix ans dans la maison léguée.

En conséquence, le moyen tiré d’une incapacité de Mme [C] à recevoir un legs est inopérant à motiver une impossibilité pour l’association [18], qui est la légataire universelle, d’exécuter la charge litigieuse dont elle est débitrice par l’effet du legs.

3.2.2) Sur l’inexécution de la charge litigieuse

Il est constant que la révocation n’est encourue que dans le cas où l’exécution de la charge a été la cause impulsive et déterminante de la libéralité. Les juges du fond disposent à cet égard d’un pouvoir souverain d’appréciation.

En l’espèce, Mme [L] a consenti un legs universel au profit de l’association [18] avec la charge suivante « Ce legs universel à l’association [18], est consenti à charge pour celle-ci de permettre à Madame [G] [V], épouse [C], née le [Date naissance 9] 1960 à [Localité 19], d’exercer au plus tard jusqu’à son soixante dixième anniversaire, ses fonctions de « accueillante familiale » dans la maison sise au [Adresse 8].

L’association aura pendant toute cette période la charge d’assumer l’intégralité des travaux d’entretien ainsi que ceux nécessités pour l’exercice par Madame [C] de sa fonction.’

Il s’évince de cette rédaction que la charge litigieuse a une vocation temporaire puisqu’en effet, la mention « au plus tard » signe le fait que passé le 70ème anniversaire de Mme [C], il pouvait être mis un terme à l’exécution de la charge.

Le fait que Mme [C] fasse état de « son intention de bénéficier de sa charge et de travailler jusqu’à sa mort » est inopérant à qualifier une cause impulsive et déterminante et il ne saurait non plus être déduit du fait que Mme [C] aurait dû pouvoir, selon la volonté de Mme [L], exercer dans l’immeuble jusqu’à ses 70 ans, une obligation pour l’association de destiner indéfiniment celui-ci à l’accueil de personnes en difficulté.

En tout état de cause, ni Mmes [U], ni Mme [C] ne rapportent la preuve de l’intention contraire de Mme [L], étant précisément relevé sur ce point qu’à aucun moment dans ses écritures Mme [C] n’indique que la charge dont elle était la bénéficiaire directe et finale était effectivement la cause déterminante et impulsive du legs.

Il s’ensuit que l’exécution de la charge était prévue pour un temps limité et soumis à la seule volonté de Mme [C] qui n’en a jamais plaidé le caractère déterminant et impulsif du legs.

Dans ces conditions, il ne saurait être considéré que cette embauche de Mme [C] ait pu constituer une cause impulsive et déterminante du legs, laquelle se trouvait en réalité dans la volonté première de Mme [L] de léguer son bien à une institution caritative afin de lui permettre de poursuivre sa mission d’utilité publique.

En conséquence, aucune révocation du legs universel n’est susceptible d’être encourue.

Le jugement sera confirmé sur ce point.

4) Sur le caractère non écrit ou la nullité de la clause prévoyant la charge

L’article 900 dispose que « Dans toute disposition entre vifs ou testamentaire, les conditions impossibles, celles qui seront contraires aux lois ou aux m’urs, seront réputées non écrites. »

Il est de jurisprudence constante que les conditions impossibles réputées non écrites ne peuvent entraîner la nullité de la donation ou du legs qu’autant qu’elles en ont été la cause impulsive et déterminante. Autrement dit, la nullité de la condition impossible entraîne celle de la donation seulement si elle en est la cause impulsive et déterminante.

Tel n’est pas le cas en l’espèce, la charge de l’emploi de Mme [C] dans la maison au [Adresse 8] n’ayant pas été retenue comme impulsive et déterminante du legs. Au surplus, l’association [18] ne démontre pas son impossibilité de détenir un bien immobilier, ce d’autant que son objet social et sa mission s’articulent notamment autour de l’hébergement des personnes en difficulté.

Il s’ensuit que la charge litigieuse ne saurait constituer la condition impossible exigée par l’article 900 du code civil, de sorte qu’elle ne peut être réputée non écrite ou nulle ni entraîner une quelconque nullité partielle du legs.

Le jugement qui a réputé non écrite la charge litigieuse sera infirmé sur ce point.

5) Sur la révision de la libéralité et l’autorisation de vendre

L’article 900-2 du code civil dispose que « Tout gratifié peut demander que soient révisées en justice les conditions et charges grevant les donations ou legs qu’il a reçus, lorsque, par suite d’un changement de circonstances, l’exécution en est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable. »

L’article 900-4 du code civil précise que « Le juge saisi de la demande en révision peut, selon les cas et même d’office, soit réduire en quantité ou périodicité les prestations grevant la libéralité, soit en modifier l’objet en s’inspirant de l’intention du disposant, soit même les regrouper, avec des prestations analogues résultant d’autres libéralités.

Il peut autoriser l’aliénation de tout ou partie des biens faisant l’objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant.’

L’article 900-5 du même code dispose que « La demande n’est recevable que dix années après la mort du disposant ou, en cas de demandes successives, dix années après le jugement qui a ordonné la précédente révision. »

Il est de jurisprudence constante que la personne gratifiée doit justifier des diligences qu’elle a faites pour exécuter ses obligations.

En l’espèce, l’association [18] soutient que la demande de révision peut valablement être introduite au moins dix ans après le décès du testateur ou à titre reconventionnel en réponse à une demande en exécution forcée des charges ou en révocation de la libéralité.

Tel n’est toutefois pas le sens de l’article 900-5 ci-dessus cité qui ne distingue pas selon que la demande est formée à titre principal ou à titre reconventionnel d’où il s’ensuit que si une demande de révision peut valablement être introduite à titre reconventionnel en réponse à une demande principale de révocation de la libéralité, sa recevabilité demeure, comme pour la demande formée à titre principal, conditionnée par l’expiration du délai de 10 ans imparti par cet article.

En l’espèce, Mme [L] est décédée le [Date décès 2] 2016. Le délai de 10 ans exigé par l’article 900-5 n’est pas expiré. Il s’ensuit que la demande de révision de l’association [18] est irrecevable. Sa demande d’autorisation de vendre le bien, qui est une demande d’aménagement des modalités de la révision, l’est tout autant.

Mme [C], dont il peut être souligné que bien que dans sa 64ème année comme née en 1960, ne justifie pas avoir à un quelconque moment sollicité de l’association [18] qu’elle lui propose un emploi au sein de la maison sise au [Adresse 8], indique néanmoins dans ses écritures qu’elle « reprendra son travail dès que la cour lui aura donné raison sur la validité de la charge en sa faveur. »

6) Sur les dépens et les frais irrépétibles

Mmes [U] qui succombent en appel supporteront la charge des dépens d’appel. Les deux jugements seront confirmés s’agissant des dépens de première instance.

Enfin, il n’est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais exposés par elles en cause d’appel et qui ne sont pas compris dans les dépens. Les deux jugements seront confirmés s’agissant des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la demande de confirmation des jugements fondée sur l’article 954 du code de procédure civile,

Confirme le jugement du 22 septembre 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Vannes en toutes ses dispositions,

Confirme le jugement du 9 février 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Vannes sauf en ce qu’il a réputé non écrite la charge assortissant le legs universel fait à l’association [18],

Statuant à nouveau,

Dit n’y avoir lieu à réputer non écrite la charge assortissant le legs universel fait par [R] [U] à l’association [18],

Déclare irrecevable comme étant hors délai les demandes formées par l’association [18] en révision des conditions et charges du legs universel et en autorisation de vendre le bien immobilier sise au [Adresse 8], objet du legs universel,

Condamne Mmes [B] et [N] [U] aux dépens d’appel, recouvrés par maître Sylvie Pélois conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Déboute du surplus des demandes,

Rejette les demandes au titre des frais irrépétibles d’appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

 

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