La Chambre commerciale a jugé l’action d’un créancier en paiement recevable, alors même que les mesures provisoires et l’assignation en paiement étaient intervenues pendant la période d’observation de la société cautionnée, dès lors que le créancier avait engagé des poursuites dans le délai d’un mois suivant l’exécution de la mesure provisoire (Cass. Com. 24 mai 2005, n°00-19721). Elle a également ajouté que dans ce cas, l’instance en paiement engagée est suspendue jusqu’au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal.
La Chambre commerciale a eu l’occasion de confirmer cette position dans un arrêt du 7 juin 2005 (Cass. Com. 7 juin 2005, 03-18421), par lequel elle casse un arrêt d’une cour d’appel qui avait déclaré l’action en paiement d’un créancier irrecevable au motif que l’assignation avait été délivrée pendant la période d’observation. La Chambre commerciale considère que le créancier retrouve son droit d’agir après l’adoption du plan de redressement, sans qu’il soit nécessaire de faire délivrer une nouvelle assignation (solution réitérée depuis, notamment Cass. Com. 21 octobre 2020, n°19-16185).
La société Clubfunding a émis des obligations pour financer des travaux de rénovation et de construction, avec Monsieur [N] [Y] comme caution solidaire. Suite à des retards de paiement, la société a obtenu une saisie conservatoire des biens de Monsieur [N] [Y]. Clubfunding a ensuite assigné Monsieur [N] [Y] en référé pour le paiement de la somme due. Monsieur [N] [Y] conteste le caractère disproportionné de son engagement de caution et demande le rejet des demandes de Clubfunding. La décision a été mise en délibéré pour le 15 février 2024.
MOTIFS
Sur la demande de provision
Selon l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. L’octroi d’une provision intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l’obligation sur laquelle elle repose n’est pas sérieusement contestable et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d’ailleurs correspondre à la totalité de l’obligation. Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l’obligation en cause. La nature de l’obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.
Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer qu’il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande. L’existence d’une contestation sérieuse s’apprécie à la date de la décision et non à celle de la saisine de la juridiction.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
Sur la contestation née de la divergence de position entre la 2ème chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation
Selon l’article 4 code civil : « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » L’article 12 du code de procédure civile dispose : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat. Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé. »
Sur le fondement de ces dispositions, il a été jugé qu’il appartient au juge des référés d’appliquer la loi même si les termes de celle-ci nécessitent une interprétation. En vertu de l’article L. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, « le renvoi devant une chambre mixte peut être ordonné lorsqu’une affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres ou si la question a reçu ou est susceptible de recevoir devant les chambres des solutions divergentes ; il doit l’être en cas de partage égal des voix. » Selon l’article L. 431-6 du même code, « le renvoi devant l’assemblée plénière peut être ordonné lorsque l’affaire pose une question de principe, notamment s’il existe des solutions divergentes soit entre les juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation ; il doit l’être lorsque, après cassation d’un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens. » L’article L. 431-7 dudit code prévoit que : « Le renvoi devant une chambre mixte ou devant l’assemblée plénière est décidé soit, avant l’ouverture des débats, par ordonnance non motivée du premier président, soit par arrêt non motivé de la chambre saisie. Le renvoi est de droit lorsque le procureur général le requiert avant l’ouverture des débats.
Il se déduit de ces textes qu’en cas de divergence de solution entre deux chambres de la Cour de cassation, un renvoi
– Société PERENCO OIL & GAS GABON condamnée aux dépens.
– Société PERENCO OIL & GAS GABON condamnée à payer à [H] [S] 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Réglementation applicable
Aux termes de l’article L. 622-28 du code de commerce : « Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
Le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »
L’article R.511-7, alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution énonce que : « Si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire. »
Sur le fondement de ces dispositions, il a été jugé que l’article R. 511-7 précité n’impose pas l’introduction d’une instance au fond , et qu’une assignation en référé provision dans le délai d’un mois suivant l’exécution des mesures conservatoires interrompait le délai d’un mois prévu à l’article R. 511-7 du code de commerce et remplissait par conséquent les conditions de ce texte, quand bien même elle rejetait la demande.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Maître Alexis RAPP de l’AARPI VOLT Associés
– Maître Olivier PARDO de la SELAS OPLUS
Mots clefs associés
– Provision
– Contestation
– Jugement
– Renvoi en chambre mixte
– Mesures conservatoires
– Assignation en paiement
– Période d’observation
– Sursis à statuer
– Pouvoir discrétionnaire des juges
– Révocation du sursis
– Provision :
– Somme d’argent versée à titre provisoire à une partie en attente du règlement définitif d’un litige.
– Peut être accordée dans le cadre d’une procédure judiciaire pour garantir une partie contre les préjudices liés à l’attente du jugement.
– Contestation :
– Action de contester, de mettre en doute la validité ou la légalité d’un acte, d’une décision ou d’un droit.
– Peut concerner des faits, des documents, des droits, ou la légalité d’une décision judiciaire.
– Jugement :
– Décision rendue par un juge ou un tribunal qui tranche les litiges entre les parties et statue sur leurs droits et obligations.
– Peut être définitif ou provisoire (jugement en référé).
– Renvoi en chambre mixte :
– Procédure par laquelle une affaire est transférée d’une chambre spécialisée à une formation composée de membres de plusieurs chambres différentes de la même cour, souvent pour résoudre des questions de droit complexes ou nouvelles.
– Mesures conservatoires :
– Mesures temporaires prises par un juge pour préserver les droits d’une partie ou prévenir un dommage imminent pendant la durée d’un procès.
– Inclut des actions comme le gel des avoirs ou la saisie conservatoire.
– Assignation en paiement :
– Acte de procédure par lequel un créancier demande à un tribunal de contraindre un débiteur à payer une somme d’argent due.
– Document officiel délivré par un huissier de justice.
– Période d’observation :
– Phase initiale d’une procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire durant laquelle l’entreprise continue son activité sous contrôle judiciaire, et où l’administrateur judiciaire évalue la situation de l’entreprise.
– Sursis à statuer :
– Décision d’un juge de reporter le jugement d’une affaire en attendant la survenance d’un événement ou la résolution d’une question préjudicielle.
– Utilisé pour attendre l’issue d’une autre procédure qui influencera le jugement.
– Pouvoir discrétionnaire des juges :
– Capacité des juges à prendre des décisions basées sur leur propre jugement et interprétation des faits et du droit, dans le cadre des limites légales.
– Permet aux juges d’adapter les décisions aux circonstances particulières de chaque cas.
– Révocation du sursis :
– Annulation d’une décision de sursis à exécution d’une peine ou d’une mesure judiciaire, généralement en raison du non-respect des conditions du sursis par la partie concernée.
– Permet de reprendre les procédures ou l’exécution initialement suspendues.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/53679 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZVZZ
FMN° : 2
Assignation du :
26 Avril 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 15 février 2024
par le tribunal judiciaire de PARIS, composé de :
Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente
François VARICHON, Vice-président
Cristina APETROAIE, Juge
Assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier.
DEMANDERESSE
S.A.S. CLUBFUNDING
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Alexis RAPP de l’AARPI VOLT Associés, avocats au barreau de PARIS – #A0818
DEFENDEUR
Monsieur [N] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Maître Olivier PARDO de la SELAS OPLUS, avocats au barreau de PARIS – #K0170
DÉBATS
Composition du Tribunal, audience du 07 Décembre 2023, tenue publiquement par :
Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente
François VARICHON, Vice-président
Cristina APETROAIE, Juge
assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
La société Clubfunding est une société par actions simplifiée qui exerce une activité de financement participatif régulée par l’Autorité des marchés financiers. Elle expose avoir créé une plateforme en ligne afin de démocratiser les émissions obligataires, permettre aux PME de trouver des financements alternatifs auprès d’une communauté d’investisseurs patrimoniaux, professionnels et institutionnels, et proposer ainsi aux entreprises une solution complémentaire aux financements bancaires, pour renforcer leurs fonds propres et accélérer leur croissance.
Monsieur [N] [Y] est dirigeant et chef d’entreprise.
Il est le président de la société Financière Immobilière Bordelaise (FIB), qui est une société holding par le biais de laquelle il détient des actifs immobiliers et des participations dans les sociétés exploitant notamment les enseignes Camaïeu, Gap France, Go Sport, La Grande Recré, qui font toutes l’objet d’une liquidation judiciaire.
La société FIB détient 99% des titres de la société en nom collectif Monticelli, qui porte notamment une opération immobilière de marchand de biens située à [Localité 5], et détient à ce titre un hôtel particulier situé [Adresse 6].
La société FIB a recherché des fonds pour financer des travaux de rénovation de l’actif existant et la construction de deux villas adjacentes, en vue de la revente à la découpe des trois lots. Elle a ainsi procédé, le 22 juillet 2021, à une émission d’obligations ordinaires pour un montant de 6 millions d’euros auprès des investisseurs de Clubfunding (essentiellement des personnes physiques), représentés par cette dernière en qualité de représentant de la masse des obligataires.
Un contrat de prestations de services a été conclu le même jour entre la société FIB et Clubfunding, aux termes duquel celle-ci s’est engagée à assister la société FIB pour la mise en œuvre de l’émission et le suivi de l’emprunt postérieurement à l’émission, en qualité de représentant de la masse des obligataires.
Le contrat d’émission obligataire prévoit notamment un remboursement des obligations en une seule échéance à maturité, un taux d’intérêt de 10% annuel, et des pénalités (taux d’intérêt porté à 15%) en cas de retard.
Par acte du 4 août 2021, Monsieur [N] [Y] s’est porté caution solidaire et personnelle de la société FIB pour le remboursement de toutes les sommes dues aux porteurs d’obligations au titre de l’emprunt obligataire, à concurrence de 6 millions d’euros.
La société Clubfunding a notifié la société FIB :
par courrier recommandé du 11 janvier 2023, la survenance de cas d’exigibilité anticipée tels que prévus dans la documentation afférente à l’emprunt obligataire ;
par courrier recommandé du 10 mars 2023, l’exigibilité, acquise depuis le 28 février 2023, de toutes les sommes dues au titre de l’emprunt obligataire en capital, y compris les intérêts, intérêts de retard, pénalités et frais accessoires.
Entre-temps, le tribunal de commerce de Bordeaux a, par jugement du 15 février 2023, prononcé l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’égard de la société FIB.
Entendant mobiliser l’engagement de caution de Monsieur [Y] et craignant qu’il organise son insolvabilité, la société Clubfunding a obtenu, par ordonnance du 29 mars 2023, l’autorisation du juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Paris à faire procéder à l’encontre de Monsieur [N] [Y] à :
La saisie conservatoire de l’ensemble des soldes créditeurs des comptes bancaires ouverts à son nom que la consultation du FICOBA permettra de révéler,La saisie conservatoire de tous les biens mobiliers corporels appartenant à Monsieur [Y], en ceux compris ceux situés à son domicile sis [Adresse 1],La saisie conservatoire de l’ensemble des parts sociales, valeurs mobilières et droits d’associés détenus par Monsieur [Y] dans dix sociétés.
Les saisies conservatoires ont été pratiquées le 4 avril 2023 et dénoncées à M. [N] [Y] par actes du 12 avril 2023.
Par exploit délivré le 26 avril 2023, la société Clubfunding a fait assigner M. [N] [Y] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins principales de condamnation provisionnelle à lui payer, es qualité de représentante de la masse des obligataires, la somme de 6 millions d’euros au titre de son engagement de caution précité, et de juger que les effets de l’exécution provisoire de l’ordonnance à intervenir dépendra de l’issue de la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société FIB.
L’affaire, appelée pour la première fois à l’audience du 15 mai 2023, a fait l’objet de deux renvois, le dernier ayant été décidé pour que l’affaire soit renvoyée devant la formation collégiale en application des dispositions de l’article 487 du code de procédure civile.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 7 décembre 2023.
Dans ses dernières conclusions soutenues et déposées à l’audience, la société Clubfunding reprend les demandes contenues dans son acte introductif d’instance.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que même en cas de contestation de pur droit, le juge des référés a le pouvoir d’apprécier la clarté d’une loi ; que la procédure de redressement judiciaire prononcée à l’égard de la société FIB et la suspension des poursuites qui en découlent, ne font pas obstacle à l’introduction d’une instance en paiement dans le mois suivant la prise de mesures conservatoires, dans le but d’obtenir un titre exécutoire permettant de les valider ; que M. [N] [Y] ne démontre pas le caractère disproportionné de son engagement de caution.
En réponse, Monsieur [N] [Y] demande au juge des référés de :
« – Dire n’y avoir lieu à référé en présence de multiples contestations sérieuses formulées à l’encontre des demandes de CLUBFUNDING,
– Débouter CLUBFUNDING de l’intégralité de ses demandes,
– Condamner la demanderesse à lui verser la somme de 20.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. »
Monsieur [N] [Y] oppose que la divergence de position existant entre la deuxième chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation sur le point de savoir si, pour être recevable, l’assignation en paiement de la caution doit être antérieure au jugement d’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, ne peut être tranchée que par l’assemblée plénière de la Cour de cassation ; qu’à supposer les décisions de la chambre commerciale applicables, elles concernent des assignations au fond et non en référé ; que s’il était fait droit à la demande de la société Clubfunding, l’instance en son entier doit être suspendue et non sa seule exécution provisoire.
Il fait également valoir le caractère disproportionné de son engagement de caution au regard de ses revenus et de son patrimoine au moment où il l’a souscrit, dès lors qu’il avait souscrit de nombreux autres cautionnements qui ont de facto augmenté son endettement global ; que les sociétés dans lesquelles il détient des souscriptions bénéficient d’un patrimoine propre qui ne saurait être pris en compte dans le calcul de son patrimoine personnel ; que les sociétés FIB connaissent de grandes difficultés économiques ; que l’appréciation du caractère disproportionné du cautionnement appartient au juge du fond.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l’acte introductif d’instance et aux notes d’audience.
La décision a été mise en délibéré au 25 janvier 2024.
Le délibéré a été prorogé au 15 février 2024, afin que les parties produisent un extrait KBIS actualisé de la société Financière Immobilière Bordelaise.
MOTIFS
Sur la demande de provision
Selon 1article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
L’octroi d’une provision intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l’obligation sur laquelle elle repose n’est pas sérieusement contestable et ne peut l’être qu’à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d’ailleurs correspondre à la totalité de l’obligation.
Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l’obligation en cause. La nature de l’obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.
Il appartient au demandeur de prouver l’existence de l’obligation, puis au défendeur de démontrer qu’il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande. L’existence d’une contestation sérieuse s’apprécie à la date de la décision et non à celle de la saisine de la juridiction.
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.
* Sur la contestation née de la divergence de position entre la 2ème chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation
Selon l’article 4 code civil : « le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. »
L’article 12 du code de procédure civile dispose : « Le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables.
Il doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
Toutefois, il ne peut changer la dénomination ou le fondement juridique lorsque les parties, en vertu d’un accord exprès et pour les droits dont elles ont la libre disposition, l’ont lié par les qualifications et points de droit auxquels elles entendent limiter le débat.
Le litige né, les parties peuvent aussi, dans les mêmes matières et sous la même condition, conférer au juge mission de statuer comme amiable compositeur, sous réserve d’appel si elles n’y ont pas spécialement renoncé. »
Sur le fondement de ces dispositions, il a été jugé qu’il appartient au juge des référés d’appliquer la loi même si les termes de celle-ci nécessitent une interprétation.
En vertu de l’article L. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, « le renvoi devant une chambre mixte peut être ordonné lorsqu’une affaire pose une question relevant normalement des attributions de plusieurs chambres ou si la question a reçu ou est susceptible de recevoir devant les chambres des solutions divergentes ; il doit l’être en cas de partage égal des voix. »
Selon l’article L. 431-6 du même code, « le renvoi devant l’assemblée plénière peut être ordonné lorsque l’affaire pose une question de principe, notamment s’il existe des solutions divergentes soit entre les juges du fond, soit entre les juges du fond et la Cour de cassation ; il doit l’être lorsque, après cassation d’un premier arrêt ou jugement, la décision rendue par la juridiction de renvoi est attaquée par les mêmes moyens. »
L’article L. 431-7 dudit code prévoit que : « Le renvoi devant une chambre mixte ou devant l’assemblée plénière est décidé soit, avant l’ouverture des débats, par ordonnance non motivée du premier président, soit par arrêt non motivé de la chambre saisie.
Le renvoi est de droit lorsque le procureur général le requiert avant l’ouverture des débats.
Il se déduit de ces textes qu’en cas de divergence de solution entre deux chambres de la Cour de cassation, un renvoi en chambre mixte, et non devant l’assemblée plénière, peut être décidé, cette mesure n’étant qu’une possibilité.
En l’espèce, il n’est pas contesté que la 2ème chambre civile et la chambre commerciale de la Cour de cassation adoptent une position différente sur la question de la recevabilité d’une assignation en paiement délivrée à une caution personne physique pendant la période d’observation de la société cautionnée alors en redressement judiciaire.
Toutefois, il résulte de ce qui précède que cet élément ne saurait faire obstacle à la faculté pour le juge des référés de se prononcer sur l’articulation des articles L. 622-28 du code de commerce et R. 511-7 du code des procédures civiles d’exécution, dans la mesure où il lui revient de trancher le litige selon les règles de droit applicables.
Aux termes de l’article L. 622-28 du code de commerce : « Le jugement d’ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu’il ne s’agisse des intérêts résultant de contrats de prêt conclus pour une durée égale ou supérieure à un an ou de contrats assortis d’un paiement différé d’un an ou plus. Les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie peuvent se prévaloir des dispositions du présent alinéa. Nonobstant les dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus de ces créances ne peuvent produire des intérêts.
Le jugement d’ouverture suspend jusqu’au jugement arrêtant le plan ou prononçant la liquidation toute action contre les personnes physiques coobligées ou ayant consenti une sûreté personnelle ou ayant affecté ou cédé un bien en garantie. Le tribunal peut ensuite leur accorder des délais ou un différé de paiement dans la limite de deux ans.
Les créanciers bénéficiaires de ces garanties peuvent prendre des mesures conservatoires. »
L’article R.511-7, alinéa 1er du code des procédures civiles d’exécution énonce que : « Si ce n’est dans le cas où la mesure conservatoire a été pratiquée avec un titre exécutoire, le créancier, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure, à peine de caducité, introduit une procédure ou accomplit les formalités nécessaires à l’obtention d’un titre exécutoire. »
Sur le fondement de ces dispositions, il a été jugé que l’article R. 511-7 précité n’impose pas l’introduction d’une instance au fond , et qu’une assignation en référé provision dans le délai d’un mois suivant l’exécution des mesures conservatoires interrompait le délai d’un mois prévu à l’article R. 511-7 du code de commerce et remplissait par conséquent les conditions de ce texte, quand bien même elle rejetait la demande.
La partie défenderesse se prévaut d’un arrêt du 30 avril 2002 (Cass. Civ 2, 30 avril 2002, n° 00-20372) rendu par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans lequel celle-ci a considéré que les mesures conservatoires prises pendant la période d’observation étaient caduques dès lors que l’assignation en paiement n’était pas intervenue antérieurement au prononcé du jugement d’ouverture, les poursuites pouvant être reprises après le jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire.
La Chambre commerciale a toutefois adopté une position inverse puisqu’elle a jugé l’action d’un créancier en paiement recevable, alors même que les mesures provisoires et l’assignation en paiement étaient intervenues pendant la période d’observation de la société cautionnée, dès lors que le créancier avait engagé des poursuites dans le délai d’un mois suivant l’exécution de la mesure provisoire (Cass. Com. 24 mai 2005, n°00-19721). Elle a également ajouté que dans ce cas, l’instance en paiement engagée est suspendue jusqu’au jugement arrêtant le plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire du débiteur principal.
La Chambre commerciale a eu l’occasion de confirmer cette position dans un arrêt du 7 juin 2005 (Cass. Com. 7 juin 2005, 03-18421), par lequel elle casse un arrêt d’une cour d’appel qui avait déclaré l’action en paiement d’un créancier irrecevable au motif que l’assignation avait été délivrée pendant la période d’observation. La Chambre commerciale considère que le créancier retrouve son droit d’agir après l’adoption du plan de redressement, sans qu’il soit nécessaire de faire délivrer une nouvelle assignation (solution réitérée depuis, notamment Cass. Com. 21 octobre 2020, n°19-16185).
En l’espèce, il ressort des pièces produites au débat que le tribunal de commerce de Bordeaux a par jugement du 15 février 2023, prononcé à l’égard de la société FIB l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire ; que par ordonnance du 29 mars 2023 rendue par le juge de l’exécution près le tribunal judiciaire de Paris, la société Clubfunding a été autorisée à faire pratiquer des saisies conservatoires sur les comptes de M. [N] [Y] ; que ces mesures provisoires ont été prises le 4 avril 2023 et dénoncées à M. [N] [Y] le 12 avril 2023 ; que la société Clubfunding a assigné M. [N] [Y] en référé-provision le 26 avril 2023; que par jugement du 19 juillet 2023, le tribunal de commerce de Bordeaux a prolongé la période d’observation de la société FIB jusqu’au 15 février 2024.
Ainsi, s’il n’est pas contestable que les mesures conservatoires et l’assignation en paiement sont intervenues pendant la période d’observation de la société FIB, il n’existe cependant pas d’obstacle à la saisine du juge des référés aux fins de condamnation au paiement d’une provision, dans la mesure où l’assignation en paiement a été délivrée dans le mois qui a suivi l’exécution des mesures provisoires autorisées.
Dans ces conditions, il convient de déclarer la société CLUBFUNDING recevable en sa demande.
* Sur le sursis à statuer
En application de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.
L’appréciation de l’opportunité de surseoir à statuer relève du pouvoir discrétionnaire des juges du fond en dehors des cas où ils sont tenus de surseoir en vertu d’une disposition légale.
Selon l’article 379 du même code, le sursis à statuer ne dessaisit pas le juge. A l’expiration du sursis, l’instance est poursuivie à l’initiative des parties ou à la diligence du juge, sauf la faculté d’ordonner, s’il y a lieu, un nouveau sursis. Le juge peut, suivant les circonstances, révoquer le sursis ou en abréger le délai.
En l’espèce, il résulte des éléments exposés ci-dessus que, le tribunal de commerce n’ayant à ce stade pas rendu de jugement statuant sur le sort de la société FIB à l’issue de la période d’observation, il doit être sursis à statuer, dans le cadre de la présente instance en référé, dans l’attente du jugement du tribunal de commerce de Bordeaux arrêtant un plan de redressement ou prononçant la liquidation judiciaire de la société FIB.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire, susceptible d’appel dans les conditions de l’article 380 du code de procédure civile,
Ordonnons un sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la période d’observation en cours à l’égard de la société Financière Immobilière Bordelaise, ordonnée par le tribunal de commerce de Bordeaux le 15 février 2023 et prolongée jusqu’au 15 février 2024 par jugement du 19 juillet 2023 ;
Disons qu’à l’expiration du sursis, l’instance sera poursuivie à l’initiative de la partie la plus diligente ;
Réservons les dépens.
Fait à Paris le 15 février 2024
Le Greffier,Le Président,
Flore MARIGNYEmmanuelle DELERIS