Activité commerciale de location de meublés de tourisme interdite

Notez ce point juridique

Conseils juridiques :

1. Il est important de respecter la destination de l’immeuble et les stipulations du règlement de copropriété lors de l’exercice d’une activité commerciale dans un immeuble en copropriété. Assurez-vous que votre activité est conforme à ces règles pour éviter tout litige avec le syndicat des copropriétaires.

2. En cas de litige avec le syndicat des copropriétaires, il est essentiel de fournir des arguments circonstanciés et précis pour défendre votre position. Assurez-vous de bien étayer vos arguments et de présenter des preuves tangibles pour appuyer votre défense.

3. En cas de condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles, il est recommandé de respecter les décisions du tribunal et de procéder au paiement des sommes dues dans les délais impartis. Ne pas respecter ces obligations peut entraîner des conséquences juridiques supplémentaires.


M. [C] [M] est propriétaire de deux appartements dans un immeuble à [Localité 7] et y exerce une activité de location de courte durée. Le syndicat des copropriétaires a intenté une action en justice pour obtenir la cessation de cette activité, invoquant des troubles de voisinage. Le syndicat demande au tribunal d’interdire à M. [C] [M] de louer ses appartements et de retirer les annonces de location en ligne, sous peine d’astreinte. M. [C] [M], de son côté, conteste ces demandes et demande des dommages et intérêts. L’affaire a été plaidée le 17 novembre 2023 et la décision a été mise en délibéré pour le 23 février 2024.

Sur la demande en cessation d’activité

Le syndicat des copropriétaires demande à M. [C] [M] de cesser son activité de location de meublés de tourisme dans l’immeuble, arguant des troubles anormaux du voisinage et de l’atteinte à la destination de l’immeuble. En réponse, M. [C] [M] affirme que son activité est conforme à la destination de l’immeuble et du règlement de copropriété, et ne génère pas de nuisances. Le tribunal constate que l’activité de location de courte durée est bien exercée par M. [C] [M] dans les lots litigieux, et qu’elle est de nature commerciale.

Sur le respect de la destination de l’immeuble et du règlement de copropriété

Le règlement de copropriété stipule clairement les affectations des lots en fonction de leur situation dans l’immeuble, réservant l’usage commercial aux rez-de-chaussée et sous-sol, et les bureaux aux étages supérieurs. L’activité commerciale de M. [C] [M] dans les lots n°874 et 875 est jugée non conforme à la destination de l’immeuble, portant atteinte à l’équilibre entre habitation bourgeoise et usage commercial. Le tribunal ordonne à M. [C] [M] de cesser cette activité sous astreinte.

Sur les demandes accessoires

M. [C] [M] est condamné aux dépens de l’instance, ainsi qu’au paiement des frais irrépétibles. Le tribunal accorde également au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles. L’exécution provisoire de la décision est maintenue, compte tenu de la nature des condamnations prononcées et de l’ancienneté du litige.

– Astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice
– Astreinte de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice
– Astreinte de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice
– Somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles


Réglementation applicable

– Articles cités par le syndicat des copropriétaires:
– Article 8 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965: Concerne les obligations des copropriétaires de respecter les destinations de l’immeuble selon le règlement de copropriété.
– Article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965: Oblige chaque copropriétaire à ne pas utiliser son lot de manière à porter atteinte à la tranquillité des autres occupants ou à l’objet de la copropriété.
– Article 25 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965: Détaille les modalités de vote en assemblée générale des copropriétaires pour certaines décisions importantes.
– Article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation: Réglemente la location de meublés de tourisme et peut nécessiter une autorisation préalable pour la transformation d’usage des locaux d’habitation.

– Articles cités par M. [C] [M]:
– Article 8 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965: Mentionné ci-dessus.
– Article 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965: Mentionné ci-dessus.
– Article 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965: Concerne la répartition des charges de copropriété et les obligations financières des copropriétaires.
– Article 544 du Code civil: Définit le droit de propriété comme le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements.
– Article 651 du Code civil: Traite de la clôture des propriétés et peut être invoqué dans le contexte de modifications ou d’installations affectant l’usage des parties communes ou l’apparence de l’immeuble.

Ces articles sont utilisés pour soutenir les arguments juridiques des parties dans le cadre du litige concernant l’utilisation des lots en copropriété pour la location de courte durée.

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Maître Catherine FRANCESCHI de la SELEURL FRANCESCHI AVOCAT
– Maître Xavier DEMEUZOY

Mots clefs associés

– Motifs de la décision
– Cessation d’activité
– Syndicat des copropriétaires
– Location de meublés de tourisme
– Troubles anormaux du voisinage
– Atteinte à la destination de l’immeuble
– Règlement de copropriété
– Activité commerciale
– Changement d’affectation
– Nuisances
– Astreinte
– Pièces produites
– Conclusions en défense
– Destination de l’immeuble
– Droits des copropriétaires
– Affectation des lots
– Usage commercial
– Usage de bureaux
– Habitation bourgeoise
– Professions libérales
– Assemblée générale
– Activité lucratif
– Autorisations administratives
– Astreinte provisoire
– Boîtes à clefs
– Retrait des annonces
– Sites internet
– Astreintes
– Dépens
– Frais irrépétibles
– Exécution provisoire

– Motifs de la décision : Raisons juridiques et factuelles qui justifient la décision rendue par un tribunal.
– Cessation d’activité : Arrêt définitif de l’activité économique d’une entreprise.
– Syndicat des copropriétaires : Organe représentatif des copropriétaires d’un immeuble, chargé de la gestion des parties communes.
– Location de meublés de tourisme : Location temporaire d’un logement meublé à des touristes, souvent pour de courtes durées.
– Troubles anormaux du voisinage : Nuisances excédant les inconvénients normaux du voisinage, pouvant donner lieu à réparation.
– Atteinte à la destination de l’immeuble : Actions contraires à l’usage prévu pour l’immeuble selon le règlement de copropriété ou la nature de l’immeuble.
– Règlement de copropriété : Document qui fixe les règles de fonctionnement et d’usage des parties communes et privatives d’un immeuble en copropriété.
– Activité commerciale : Activité de vente de biens ou de services réalisée de manière habituelle et dans un but lucratif.
– Changement d’affectation : Modification de l’usage d’un local ou d’un bâtiment (par exemple, de résidentiel à commercial).
– Nuisances : Désagréments causés par du bruit, des odeurs, ou d’autres perturbations pouvant affecter la qualité de vie.
– Astreinte : Somme d’argent qu’une partie doit payer pour chaque jour de retard dans l’exécution d’une décision de justice.
– Pièces produites : Documents et preuves présentés au tribunal pour étayer les arguments d’une partie.
– Conclusions en défense : Arguments et demandes formulés par la partie défenderesse dans un procès.
– Destination de l’immeuble : Usage principal d’un immeuble défini par le règlement de copropriété ou par sa nature (habitation, commercial, etc.).
– Droits des copropriétaires : Ensemble des droits et obligations des propriétaires d’un lot dans une copropriété.
– Affectation des lots : Définition de l’usage spécifique de chaque lot d’une copropriété (habitation, commerce, bureau, etc.).
– Usage commercial : Utilisation d’un bien immobilier dans le cadre d’activités commerciales.
– Usage de bureaux : Utilisation d’un bien immobilier à des fins professionnelles non commerciales, typiquement pour des activités de bureau.
– Habitation bourgeoise : Type d’habitation destinée à l’usage résidentiel sans activité professionnelle ou commerciale.
– Professions libérales : Activités professionnelles indépendantes nécessitant souvent un haut niveau de qualification, comme les avocats, médecins, etc.
– Assemblée générale : Réunion des membres d’une organisation, telle qu’une copropriété, pour prendre des décisions importantes.
– Activité lucratif : Activité menée dans le but de réaliser un profit.
– Autorisations administratives : Permissions requises par les autorités pour certaines activités ou modifications (construction, rénovation, etc.).
– Astreinte provisoire : Mesure temporaire imposant une pénalité financière jusqu’à l’exécution d’une décision de justice.
– Boîtes à clefs : Dispositifs permettant de stocker les clés d’un logement, souvent utilisés dans la location de courte durée.
– Retrait des annonces : Action de supprimer des publicités ou des offres, souvent en réponse à une décision judiciaire ou réglementaire.
– Sites internet : Plateformes en ligne où les entreprises et particuliers peuvent publier des informations, des annonces ou vendre des produits et services.
– Astreintes : Sanctions financières imposées pour contraindre une partie à respecter une décision de justice.
– Dépens : Frais de justice que la partie perdante peut être condamnée à payer.
– Frais irrépétibles : Frais engagés par une partie lors d’un procès et qui ne sont pas inclus dans les dépens.
– Exécution provisoire : Mise en œuvre immédiate d’une décision de justice avant que tous les recours ne soient épuisés.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Copies exécutoires
délivrées le:
à Me FRANCESCHI
Copies certifiées conformes
délivrées le:
à Me DEMEUZOY

8ème chambre
3ème section

N° RG 21/11598
N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

N° MINUTE :

Assignation du :
16 septembre 2021

JUGEMENT

rendu le 23 février 2024
DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] et [Adresse 2], représenté par son syndic la S.A.S.U. ATRIUM GESTION [Localité 7]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représenté par Maître Catherine FRANCESCHI de la SELEURL FRANCESCHI AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1525

DÉFENDEUR

Monsieur [C] [K] [M]
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1735

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Frédérique MAREC, première vice-présidente adjointe
Madame Céline CHAMPAGNE, juge
Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge

assistés de Madame Léa GALLIEN, greffier,
Décision du 23 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/11598 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

DÉBATS

A l’audience du 17 novembre 2023 tenue en audience publique devant Monsieur Cyril JEANNINGROS, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
Premier ressort

____________________________________

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [M] est propriétaire de deux appartements dans un immeuble sis [Adresse 1] / [Adresse 2] à [Localité 7], qui constituent les lots de copropriété n°874 et 875.

Reprochant à ce dernier d’y exercer une activité commerciale de location de courte durée (« meublé de tourisme »), le syndicat des copropriétaires a fait réaliser deux procès-verbaux de constat d’huissier dans l’immeuble le 19 janvier 2018 et le 16 juillet 2019.

Lors de l’assemblée générale du 12 juin 2019, les copropriétaires de l’immeuble ont habilité le syndic à agir en justice à l’encontre de plusieurs copropriétaires – dont M. [C] [M] – afin d’obtenir la cessation de tout exercice de location de courte durée.

Par lettre recommandée avec avis de réception datée du 20 octobre 2020, le syndicat des copropriétaires a mis en demeure M. [C] [M] de cesser toute location de courte durée des lots n°874 et 875, dénonçant notamment des troubles de voisinage qu’auraient causés des locataires.

Par exploit d’huissier signifié le 16 septembre 2021, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble a fait assigner M. [C] [M] devant le tribunal judiciaire de Paris.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 24 février 2023, et au visa des articles 8, 9 et 25 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, ainsi que de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

– faire interdiction à Monsieur [C] [M] de louer ses lots n°874 et 875 ;
Décision du 23 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/11598 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

– ordonner à Monsieur [C] [M] de cesser ou faire cesser toute activité de locations touristiques dans les lots n° 874 et 875 lui appartenant au sein de l’immeuble sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 7], dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée par voie d’huissier de justice ;
– ordonner à Monsieur [C] [M] de procéder à la dépose des boîtes à clefs installées devant les portes des lots n° 874 et 875 dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par infraction constatée par voie d’huissier de justice ;
– enjoindre à Monsieur [C] [M] de justifier auprès du syndicat des copropriétaires du retrait des annonces de locations de ses lots n°874 et 875 sur les sites gites.fr, booking.com, cybevasion.fr, trip.com, cartesfrance.fr, bedandbreakfast.eu, paris-hotelsweb.com, trivago.fr, viamichelin.fr, mappy.com, tour-eiffel-rent dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir et passé ce délai, sous astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard pendant une durée de trois mois, à l’issue de laquelle il pourra être à nouveau statué ;

En toute hypothèse,
– débouter Monsieur [C] [M] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
– rappeler que la décision est assortie de l’exécution provisoire,
– condamner Monsieur [C] [M] verser au syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 7] la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner Monsieur [C] [M] aux entiers dépens, en ce compris les frais de constat.

*

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 2 novembre 2023 par voie électronique, et au visa des articles 8, 9 et 10 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, et 544 et 651 du code civil, M. [C] [M] demande au tribunal de :

– débouter le syndicat des copropriétaires de toutes ses demandes, fins et conclusions.
– condamner le Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 7] représenté par son Syndic, la société ATRIUM GESTION à payer à Monsieur [C] [M] la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens de l’instance.
– écarter l’exécution provisoire du jugement à venir ;
– dispenser Monsieur [C] [M] de la dépense commune de condamnation des frais de procédure du syndicat des copropriétaires.

* * *

L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries (juge rapporteur à la collégialité) du 17 novembre 2023, et la clôture de l’instruction a été ordonnée avant l’ouverture des débats. A leur issue, la décision a été mise en délibéré au 26 janvier 2024, puis au 23 février 2024.

Décision du 23 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/11598 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 – Sur la demande en cessation d’activité

Au soutien de sa demande principale, le syndicat des copropriétaires fait principalement valoir que M. [C] [M] exerce dans l’immeuble une activité commerciale de location de meublés de tourisme, qui doit être interdite au regard des troubles anormaux du voisinage qu’elle génère et de l’atteinte à la destination de l’immeuble et aux stipulations du règlement de copropriété qu’elle engendre ; que M. [C] [M] a procédé à un changement non autorisé de l’affectation de ses lots, et exerce une activité expressément prohibée par le règlement de copropriété dans des locaux qualifiés de bureaux et non de locaux commerciaux ; que les occupants de l’immeuble dénoncent la commission de nombreuses nuisances de la part des touristes, tant dans les parties communes que dans les parties privatives.

En réplique, M. [C] [M] soutient que son activité de location de meublés de tourisme est conforme à la destination de l’immeuble, qui est mixte, ainsi qu’à la destination de ses lots, les bureaux ayant par définition une affectation commerciale ; que son activité est en outre conforme au règlement de copropriété, qui ne prohibe aucunement la location de courte durée et est d’interprétation stricte ; qu’elle n’engendre aucun trouble anormal de voisinage, ni même aucune nuisance pouvant y être reliée de manière formelle, l’argumentation du syndicat des copropriétaires relevant d’un propos général et non circonstancié à l’encontre des meublés de tourisme.

*

En l’espèce, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal d’ordonner à M. [C] [M], sous astreinte, de « cesser ou faire cesser toute activité de locations touristiques dans les lots n° 874 et 875 », outre des mesures accessoires à cette interdiction (dépose des « boîtes à clefs » et retrait des annonces en ligne).

A l’examen des pièces produites aux débats, ainsi que des conclusions en défense, il est tout d’abord établi que M. [C] [M] exerce en effet une activité de location de courte durée (« meublés de tourisme ») dans les lots n°874 et 875 de l’immeuble. Outre les constats et photographies effectués par huissier les 19 janvier 2018 et 16 juillet 2019, le défendeur reconnaît expressément proposer ses biens à la location de courte durée.

Cette activité de location exclusivement en meublé de tourisme à destination d’une clientèle de passage, sous la dénomination « Tour Eiffel Rent » et par l’intermédiaire d’une plate-forme en ligne, présente à l’évidence un caractère commercial – ce que le défendeur ne conteste pas.

– Sur le respect de la destination de l’immeuble et du règlement de copropriété

Les articles 8 et 9 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 disposent notamment que le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation. De même, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.

Décision du 23 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/11598 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

Au visa de ces articles, il est constant que tout copropriétaire peut en principe affecter librement son lot à l’activité de son choix à la condition qu’elle soit conforme à la destination de l’immeuble. Le changement d’affectation d’un lot est donc toujours possible dès lors que la nouvelle affectation n’est pas expressément prohibée par le règlement de copropriété, qu’elle est conforme à la destination de l’immeuble et qu’elle ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

En l’espèce, pour obtenir la cessation de l’activité exercée par M. [C] [M], le syndicat des copropriétaires fait tout d’abord valoir que celle-ci serait contraire à la destination de l’immeuble ainsi qu’aux stipulations du règlement de copropriété.

Il est constant que la copropriété se compose de cinq bâtiments en béton, construits au début des années 1960 ; que le bâtiment A, dans lequel se situent les lots litigieux, comprend douze étages, tandis que le B en compte onze et les bâtiments C, D et E en comptent chacun sept. Il s’agit ainsi d’une copropriété de très grande dimension, comprenant plus de 500 lots (dont près de 300 appartements et studios).

L’article 2 du règlement de copropriété stipule que « les règles d’habitation de l’immeuble et d’utilisation des locaux privatifs seront les suivantes :

Les locaux privatifs situés en rez-de-chaussée et au premier et deuxième sous-sols composant le lot numéro 1 de l’état descriptif de division originaire sont affectés à usage commercial et professionnel quelconque sans restriction.

Les locaux privatifs situés aux quatre premiers étages du bâtiment ayant façade vers le boulevard de grenelle sont affectés à usage de bureaux.

Les appartements et autres locaux privatifs et leurs annexes devront toujours être habités bourgeoisement et – sauf autorisation spéciale donnée à la majorité des deux/tiers des voix présentes ou représentées, par une assemblée générale de tous les copropriétaires réunissant un quorum irrévocable des deux tiers des tantièmes de copropriété – il ne pourra être exercé dans un appartement ou studio aucun commerce ou industrie quelconque ni une profession de quelque nature qu’elle soit à l’exception de professions libérales ne changeant pas la destination bourgeoise des lieux et ne comprenant que la réception de visiteurs en nombre limité et usant bourgeoisement des parties communes empruntées, les professions libérales bruyantes telles que professeur de musique ou de chant étant toutefois expressément exclues sauf dérogation comme indiqué ci-dessus (…) ».

L’article 12 du règlement de copropriété stipule quant à lui que « les propriétaires des différents lots […] pourront les louer en totalité ou en partie, sous la condition expresse pour ce qui concerne les appartements et studios, que le syndic soit informé de la location. […] Ces locations ne pourront être consenties qu’à des personnes de bonne vie et mœurs. La location ou sous-location en meublé de tout ou partie sera tolérée, mais à la condition expresse que les locataires ou sous-locataires soient de bonne vie et mœurs, qu’ils observent, en ce qui les concerne, le présent règlement et que le caractère bourgeois de l’immeuble et les conditions générales de l’habitation ne soient pas changés, l’organisation d’une pension étant formellement interdite ».

Décision du 23 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/11598 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

A l’examen de ces stipulations, ainsi que des caractères et de la situation de l’immeuble, il apparaît que celui-ci est de standing moyen et principalement destiné à l’habitation bourgeoise, mais ce de manière non exclusive.

Il est par ailleurs constaté que le règlement de copropriété définit l’affectation des lots privatifs en fonction de leur situation dans l’immeuble, et prévoit ainsi expressément un usage commercial et professionnel au rez-de-chaussée, un usage de bureaux pour les étages 1 à 4, ainsi qu’un usage exclusif d’habitation pour les étages 4 à 12, avec possibilité limitée d’exercice de professions libérales.

Le caractère principalement résidentiel de l’immeuble se déduit clairement des deux articles du règlement de copropriété susvisés, qui stipulent notamment que la location des appartements est conditionnée par l’obligation pour le bailleur d’aviser préalablement le syndic et de respecter le caractère bourgeois de l’immeuble (art. 12) ; et que l’exercice de professions libérales est strictement subordonné au respect de la destination bourgeoise des lieux, à la réception d’un nombre limité de visiteurs, à un usage bourgeois des parties communes empruntées, et à l’absence d’exercice de toute profession libérale bruyante, telle que professeur de musique ou de chant (art. 2).

Alors que le défendeur soutient que l’usage de bureau équivaudrait à un usage commercial, la distinction opérée par le règlement de copropriété en son article 2 révèle au contraire l’intention des copropriétaires originaires de réserver l’usage commercial aux seuls lots situés en rez-de-chaussée et en sous-sol, tandis que les « bureaux » situés aux étages supérieurs sont dédiés aux professions libérales.

Le fait que l’assemblée générale ait décidé le 17 juin 2015 de modifier l’affectation de ces parties privatives et de leur conférer la qualification neutre de « local » n’implique pas ipso facto que l’exercice d’une activité commerciale dans ces « locaux » soit conforme avec la destination de l’immeuble.

La possibilité offerte à des lots en rez-de-chaussée (garage automobile) et en sous-sol d’exercer une activité de nature commerciale n’est en effet pas de nature, en elle-même, à justifier une autorisation générale, clairement proscrite par le règlement de copropriété, d’exercice de toute activité commerciale dans les locaux à usage de bureaux, conformément à la destination bourgeoise de l’immeuble impliquant une occupation pérenne et paisible.

L’usage commercial des lots n°874 et 875 apparaît donc de nature à affecter l’équilibre entre habitation bourgeoise et usage commercial au sein de l’immeuble, en portant atteinte à la destination de l’immeuble et aux droits des autres copropriétaires, d’autant que les lots situés aux quatre premiers étages du bâtiment A constituent environ 40 appartements issus de la division de bureaux et que l’exercice d’une activité commerciale qui pourrait y être effectué compromettrait nécessairement le caractère résidentiel de cet immeuble.

Le syndicat des copropriétaires évoque enfin le caractère « extrêmement lucratif » de l’activité exercée par M. [C] [M], et consacre des développements visant à démontrer que ce dernier ne disposerait pas des autorisations administratives requises. Il est cependant relevé que ces moyens sont sans incidence sur la conformité de l’activité à la destination de l’immeuble et au règlement de copropriété.

Pour l’ensemble de ces motifs, il apparaît que l’activité exercée par M. [C] [M] dans ses lots n°874 et 875 n’est pas conforme à la destination de l’immeuble sis [Adresse 1] / [Adresse 2] à [Localité 6], et qu’elle porte en outre atteinte aux stipulations de son règlement de copropriété.

Il conviendra ainsi de faire droit à la demande du syndicat des copropriétaires en ordonnant à M. [C] [M] de cesser ou faire cesser dans les lots dont il est propriétaire toute activité de location meublée de courte durée, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement.

Il lui sera ordonné de procéder à la dépose des boîtes à clefs installées devant la porte des lots n°874 et 875, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice, dans un délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement.

Il lui sera également ordonné de justifier auprès du syndicat des copropriétaires du retrait des annonces de locations de ses lots n°874 et 875 sur les sites internet suivants : gites.fr, booking.com, cybevasion.fr, trip.com, cartesfrance.fr, bedandbreakfast.eu, paris-hotelsweb.com, trivago.fr, viamichelin.fr, mappy.com et tour-eiffel-rent, et ce dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la décision à intervenir, sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice.

Les astreintes courront pendant six mois et seront, le cas échéant, liquidées par le juge de l’exécution, conformément aux dispositions de l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution.

En revanche, le syndicat des copropriétaires devra être débouté de sa demande tendant à « faire interdiction à M. [C] [M] de louer ses lots n°874 et 875 ». En effet, tout copropriétaire dispose de la possibilité de donner son bien à bail et ne peut donc être privé de manière générale du droit de louer, sauf à y procéder de manière contraire à la destination de l’immeuble et aux stipulations du règlement de copropriété.

2 – Sur les demandes accessoires

– Sur les dépens

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

M. [C] [M], partie perdant le procès, sera condamné au paiement des entiers dépens de l’instance. Ceux-ci n’incluent pas les frais de constat effectués par un huissier non désigné par décision de justice, qui constituent des frais irrépétibles (Civ. 2e, 12 janv. 2017, n°16-10.123).

– Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Décision du 23 février 2024
8ème chambre 3ème section
N° RG 21/11598 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU2YJ

Tenu aux dépens, M. [C] [M] sera condamné à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles, lesquels comprennent les frais de constat d’huissier exposés.

– Sur l’exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.

Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.

En l’espèce, au regard de la nature des condamnations prononcées et de l’ancienneté du litige, il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

ORDONNE à M. [C] [M] de cesser ou faire cesser toute activité de locations touristiques dans les lots n°874 et 875 lui appartenant au sein de l’immeuble sis [Adresse 1] et [Adresse 2] à [Localité 6], sous astreinte provisoire de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice, soit par le maintien de l’annonce sur les sites de location soit par location dûment constatée par huissier, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement ;

ORDONNE à M. [C] [M] de procéder à la dépose des boîtes à clefs installées devant la porte des lots n°874 et 875, sous astreinte de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement ;

ORDONNE à M. [C] [M] de justifier auprès du syndicat des copropriétaires du retrait des annonces de locations de ses lots n°874 et 875 sur les sites gites.fr, booking.com, cybevasion.fr, trip.com, cartesfrance.fr, bedandbreakfast.eu, paris-hotelsweb.com, trivago.fr, viamichelin.fr, mappy.com et tour-eiffel-rent, sous astreinte de 800 euros par jour de retard et par infraction constatée par voie d’huissier de justice, dans le délai de 15 jours à compter de la signification du présent jugement ;

DIT que ces astreintes provisoire courront pendant un délai maximum de six (6) mois, à charge pour le syndicat des copropriétaires, à défaut d’exécution à l’expiration de ce délai, de solliciter du juge de l’exécution la liquidation de l’astreinte provisoire et le prononcé de l’astreinte définitive ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l’immeuble de sa demande tendant à voir interdire à M. [C] [M] de louer ses lots n°874 et 875 ;

CONDAMNE M. [C] [M] au paiement des entiers dépens de l’instance ;

CONDAMNE M. [C] [M] à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 5 000,00 euros au titre des frais irrépétibles ;

DÉBOUTE les parties de toutes demandes plus amples ou contraires ;

DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit.

Fait et jugé à Paris, le 23 février 2024.

Le greffierLa présidente

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top