Virement bancaire régulier : manquement à l’obligation de vigilance de la banque

Notez ce point juridique

Constitue une anomalie qui doit attirer l’attention de la banque, la différence entre l’en-tête (BNP Parisbas) d’un justificatif de coordonnées du destinataire de virement et le contenu de ce dernier.

Le prestataire de services de paiement, comme la banque dépositaire de fonds, est tenu d’un devoir de non immixtion dans les affaires de son client et n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour lui-même ou des tiers.

La banque prestataire de services au titre d’un virement SEPA n’a donc pas à contrôler la légalité ou le caractère avisé du placement envisagé par son client auprès d’une société tierce au moyen du virement bancaire.


Résumé de l’affaire

Dans cette affaire, Mme [J]-[U] [C] a été victime d’une escroquerie en ligne impliquant des investissements financiers. Elle a effectué des virements bancaires à des sociétés prétendument liées à des placements financiers européens, sur les conseils d’un interlocuteur. La banque a exécuté les virements conformément aux demandes de Mme [J]-[U] [C], mais n’a pas détecté les anomalies apparentes dans les opérations.

Analyse juridique

Le prestataire de services de paiement n’est pas tenu de contrôler la légalité ou la pertinence des placements de ses clients. Cependant, il doit exercer une vigilance en cas d’anomalies apparentes. Dans ce cas, la banque aurait dû être alertée par les modalités de virement et les documents fournis par l’interlocuteur de Mme [J]-[U] [C].

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que la banque avait manqué à son obligation de vigilance dans le cas du second virement effectué par Mme [J]-[U] [C]. La banque a été condamnée à indemniser partiellement Mme [J]-[U] [C] pour sa perte de chance de ne pas effectuer ce virement si elle avait été correctement alertée. La banque a été condamnée à payer à Mme [J]-[U] [C] la somme de 2 070 euros.

En conséquence, le jugement a été infirmé et le Crédit Agricole a été condamné aux dépens et à verser à Mme [J]-[U] [C] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– [G] [A] est débouté de ses demandes.
– [G] [A] doit verser à [J] [H] 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
– [G] [A] est condamné aux dépens.


Réglementation applicable

– Code monétaire et financier
Ordonnance du 15 juillet 2009
– Directive N°2007/64/CE
– Code de procédure civile

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Romain DARRIERE de la SELEURL ROMAIN DARRIERE, avocat au barreau de Paris
– Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de Paris

Mots clefs associés

– investissement financier
– société Nfinancial Partners
– Novethos Financial Partners
– rendements associés
mandat de gestion
– livret PEL
– virement
– société Acces Consulting
– Rome, Italie
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– Hongrie, Budapest
– société Onset Capital
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– ordre de paiement
– identifiant unique
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– investissement
– faiblesses des documents
– Crédit Agricole
– dépens
– article 700 du code de procédure civile

– Investissement financier : Placement de capitaux dans des projets, des titres ou des produits financiers dans le but de réaliser un profit.

– Mandat de gestion : Contrat par lequel un client confie la gestion de ses actifs financiers à un professionnel, qui agit en son nom et pour son compte.

– Livret PEL (Plan Épargne Logement) : Produit d’épargne réglementé en France qui permet de constituer une épargne avec un taux d’intérêt garanti, en vue de l’acquisition d’un bien immobilier.

– Virement : Opération bancaire consistant à transférer des fonds d’un compte à un autre, soit au sein de la même banque, soit entre différentes banques.

– Virement SEPA (Single Euro Payments Area) : Virement standardisé permettant de réaliser des transferts d’argent en euros entre les pays membres de l’espace SEPA.

– Code monétaire et financier : Ensemble de textes législatifs et réglementaires qui régissent le droit monétaire et financier en France.

– Directive N°2007/64/CE : Directive européenne relative aux services de paiement dans le marché intérieur, visant à harmoniser les paiements électroniques au sein de l’UE.

– Ordre de paiement : Instruction donnée par un client à sa banque pour transférer une certaine somme d’argent à un bénéficiaire.

– Identifiant unique : Séquence de caractères qui permet d’identifier de manière unique un compte bancaire dans les transactions financières.

– Banque dépositaire : Banque responsable de la garde des titres et des actifs financiers d’un fonds d’investissement.

– Obligation de vigilance : Devoir légal des institutions financières de surveiller les transactions et les activités de leurs clients afin de détecter et prévenir les activités illégales, telles que le blanchiment d’argent.

– Anomalie apparente : Situation ou transaction qui semble irrégulière ou inhabituelle dans le contexte normal des activités d’un client.

– Investissement : Allocation de ressources, généralement financières, dans un projet ou un actif avec l’expectative de générer un bénéfice futur.

– Faiblesses des documents : Insuffisances ou erreurs dans les documents qui peuvent affecter la validité ou la légalité d’une transaction ou d’un dossier.

– Crédit Agricole : Groupe bancaire français, l’un des plus grands réseaux de banques coopératives et mutualistes au monde.

– Dépens : Frais de justice qui sont avancés par les parties au cours d’un procès et qui peuvent être récupérés par la partie gagnante.

– Article 700 du code de procédure civile : Disposition légale en France qui permet à une partie dans un procès de demander une indemnisation pour les frais non couverts par les dépens.

Les autres termes listés comme « société Nfinancial Partners », « Novethos Financial Partners », « société Acces Consulting », « Rome, Italie », « société FDJ Consulting », « Hongrie, Budapest », « société Onset Capital », « Gdansk, Pologne », « banque Fineco Bank », et « banque Millenium Bank » ne sont pas des termes juridiques standard et nécessitent des informations spécifiques pour une définition précise.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 13 MARS 2024

(n° , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/05699 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFPQC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Février 2022 -tribunal de commerce de Paris – 6ème chambre – RG n°2020044188

APPELANTE

Madame [M] [J]-[U] [C]

née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 7] (Guadeloupe)

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Romain DARRIERE de la SELEURL ROMAIN DARRIERE, avocat au barreau de Paris, toque : D1753

INTIMÉE

CAISSE REGIONALE DU CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

N°SIRET : 775 665 615

prise en la personne de ses dirigeants sociaux domiciliés audit siège en cette qualité

Représentée par Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de Paris, toque : B0812, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Marc BAILLY président de chambre, et M. Vincent BRAUD, président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre chargé du rapport

M. Vincent BRAUD, président

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

* * * * *

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 février 2022 qui, saisi par l’assignation délivrée par Mme [M] [J]-[U] [C] à la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France dans les livres de laquelle elle avait un compte à partir duquel elle a ordonné, les 9 décembre 2019 et 6 mars 2020 deux virements, respectivement de 9 500 et 4 600 euros à destination de comptes détenus dans les livres de banques italienne et polonaise, au profit d’une société en ligne Nfinancial Partners l’ayant démarchée se présentant comme la filiale d’une société allemande d’investissement nommée Novethos Financial Partners, et qui recherchait la responsabilité de la banque à raison de son manquement à son obligation de vigilance, a :

– débouté la demanderesse de l’ensemble de ses demandes,

– l’a condamné à payer au Crédit Agricole la somme de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu, à la suite de l’appel qu’elle a interjeté le 16 mars 2022, les dernières conclusions de Mme [M] [J]-[U] [C] en date du 9 décembre 2023 qui fait valoir :

– qu’en dépit de l’obligation de non ingérence de la banque dans les affaires de ses clients, il résulte de l’article 1231-1 du code civil que la banque est tenue d’une obligation de vigilance en présence d’une anomalie matérielle ou intellectuelle dans le fonctionnement du compte,

– que, contrairement à ce que prétend le Crédit Agricole cette disposition est applicable aux faits de l’espèce sans que les articles L133-8 et L133-21 du code monétaire et financier ne le soient seuls, qu’en effet les virements Sepa ne dispensent pas la banque de son obligation de vigilance,

– qu’en l’espèce, la modicité de ses revenus et son abstention de tout investissement depuis plus de trente années rendait les opérations inhabituelle au regard du fonctionnement normal du compte d’autant qu’elle avait clôturé son PEL aux fins de disposer des sommes nécessaires au premier virement, l’ensemble constituant une anomalie intellectuelle,

– qu’il n’est pas contesté que les deux virements ont été ordonnés physiquement en l’agence et que le préposé ne s’est anormalement pas alerté de la clôture du PEL pour réaliser un virement vers une banque étrangère, ce qui caractérise un manquement de la banque à ses obligations de vigilance et de mise en garde,

– qu’il en a été de même du second virement pour la réalisation duquel elle a dû clôturé son compte retraite, demande à laquelle la Prefon a accédé, qu’en outre la première tentative de virement suggérée par son correspondant vers une banque hongroise a échoué comme l’a constaté le préposé qui n’a pas pris le soin d’exposer les raisons de ce blocage, toujours inexpliqué, de sorte que ne pouvant être que technique, il ne peut être tiré aucune

conclusions de la rédaction par elle de l’attestation selon laquelle après ce blocage, elle a reçu de nouvelles références de Rib par son ‘conseiller’, laquelle ne constitue en rien un ‘décharge de responsabilité’, pas plus que la mention en bas de page des virements,

– que son correspondant lui ayant remis un second Iban d’une banque polonaise, elle l’a elle-même remis au préposé de la banque qui n’a manifestement pas procédé à son analyse dès lors qu’il s’agissait d’une banque polonaise au lieu de la première qui était hongroise, que le bénéficiaire n’était pas le même (‘Onset capital’ au lieu de ‘FDJ Consulting’), que le justificatif était à l’en-tête de la Bnp PARIBAS tout en comportant un IBAN d’un compte dans les livres de la banque polonaise Bank Millenium, le tout constituant des anomalies matérielles et des incohérences apparentes,

– que la banque ne peut arguer de son obligation de prompte exécution des virements alors qu’elle n’y est pas soumis en présence d’opérations suspectes,

– que c’est vainement que le jugement relève que Mme [J]-[U] [C] n’a pas expliqué au préposé le but de l’investissement alors que c’est la banque qui est débitrice envers elle de l’obligation de vigilance, que le tribunal s’est borné à prendre acte des motifs énoncés des virements (‘placement personnel’ et ‘obligations à titre de placement mobilier’) sans prêter attention aux montants, à l’origine des fonds, aux destinataires et à leur caractère international qui recèlent autant d’anomalies intellectuelles, de même que la communication de deux Rib pour le second virement, à quelques minutes d’intervalle désignant deux bénéficiaires distincts et même établis à l’intention de la Bnp PARIBAS qui n’a rien à voir dans l’opération, l’attestation qu’a fait établir la banque par elle n’étant destiné qu’à se prémunir d’une éventuelle responsabilité pour un virements mal exécuté de l’article L133-22 du code monétaire et financier,

– qu’elle demande ainsi à titre principal la somme de 14 500 euros représentant la totalité des deux voir ou subsidiairement si un partage de responsabilité devait être tenue la somme de 7 250 euros de sorte qu’elle demande à la cour de statuer ainsi :

‘- INFIRMER le jugement déféré en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau :

– RECEVOIR l’intégralité des moyens et prétentions de Madame [J] [U] [C],

– JUGER que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE a manqué à son obligation de vigilance et de mise en garde,

A titre principal,

– CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à payer à Madame [J] [U] [C] la somme de 14.500 euros en réparation du son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,

A titre subsidiaire,

– CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à payer à Madame [J] [U] [C] la somme de 7.250 euros en réparation de son préjudice financier, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir.

En tout état de cause,

– CONDAMNER la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE [Localité 6] ET D’ILE DE FRANCE à payer à Madame [J] [U] [C] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens d’instance’.

Vu les dernières conclusions en date du 9 septembre 2022 de la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France qui poursuit la confirmation du jugement, la reconnaissance que Mme [J]-[U] [C] a fait preuve d’une imprudence particulière et la condamnation de Mme [J]-[U] [C] à lui payer la somme de 4 000 euros de frais irrépétibles en exposant que :

– que les documents obtenus de son correspondant sur les prétendus investissements – qui n’ont jamais été portés à la connaissance de la banque – montrent la crédulité de Mme [J]-[U] [C],

– que le code monétaire et financier, seul applicable en l’espèce, ne prévoit pas de possibilité de remboursement par la banque en cas de virements ordonnés et donc autorisés par le payeur lui-même directement auprès de sa banque selon ses articles L133-8 et L133-21, qu’elle ne saurait être tenue à une obligation de mise en garde s’agissant d’un virement bancaire, que les virements litigieux dont le caractère autorisé n’est pas discuté revêtent bel et bien un caractère irrévocable,

– qu’elle est, en revanche, tenue d’un devoir de non immixtion qui la conduit à ne pas s’interroger sur la cause ou l’opportunité des opérations et à ne pouvoir empêcher les virements sollicités, d’autant que Mme [J]-[U] [C] a persisté dans sa demande du second virement pourtant empêché lors de la première tentative par un blocage interbancaire, que Mme [J]-[U] [C] ne peut invoquer le caractère anormal des opérations qu’elle initie elle-même, qu’en se contentant d’exécuter les virements conformément à l’IBAN transmis elle a satisfait à ses obligations issue de l’article L133-21 du code monétaire et financier sans devoir contrôler la cohérence du numéro d’IBAN avec le destinataire,

– que Mme [J]-[U] [C] s’est quant à elle rendue responsable de nombreuses et graves négligences en faisant preuve de crédulité, en ne vérifiant pas les documents qui lui ont été transmis, en croyant à un taux d’intérêts de 6 % ‘garanti’ décorrélé de toute réalité d’investissement, en ne s’alarmant pas du fait que le deuxième IBAN pour le second virement comportait le logo de la banque Bnp PARIBAS sans que la banque n’en ait eu connaissance elle-même,

– que Mme [J]-[U] [C] énonce elle-même que les entités concernées par les virements n’ont été inscrites sur la liste noire de l’AMF que postérieurement aux virements, le 11 mars 2020, que cette liste s’adresse aux investisseurs et non aux établissement bancaires, de sorte qu’elle ne peut lui faire supporter les conséquence de ses fautes et abstentions fautives,

– que sa responsabilité pourrait être recherchée dans l’hypothèse où elle n’exécuterait pas le mandat de virement souhaité et autorisé par le client comme cela résulte de la convention de compte, que Mme [J]-[U] [C] ne peut se plaindre de virements qu’elle a autorisés au profit de tiers dont elle n’a pas vérifier le sérieux, qu’elle n’est pas débitrice d’une obligation de conseil qui ne concerne que les investissements qu’elle propose elle même alors qu’elle est étrangère aux virements souhaités et qu’elle n’est jamais intervenue ne serait-ce qu’en qualité d’intermédiaire, que le fait d’engager une partie de son épargne (par exemple par la clôture de son PEL comme en l’espèce) n’est pas davantage un élément permettant à la banque d’empêcher l’exécution d’un virement ordonné par son client et provisionné grâce à cette épargne,

– que les articles L561-1 et suivants du code monétaire et financier sont inapplicables à l’espèce,

– que, de surcroît, les ordres de virements comportent une décharge de responsabilité énoncée au bas de page interdisant toute contestation ultérieure,

– que l’article 1231-3 nouveau du code civil dispose que ‘dans le cas même où l’inexécution du contrat résulte d’une faute lourde ou dolosive, les dommages et intérêts ne comprennent que ce qui est une suite immédiate et directe de l’inexécution’ alors qu’il n’existe aucune lien de causalité entre l’intervention de la banque et le préjudice qui a pour origine les agissements des escrocs correspondants de Mme [J]-[U] [C], outre la, propre responsabilité de cette dernière compte tenu de ses négligences.

Vu l’ordonnance de clôture rendue le 12 décembre 2023 ;

MOTIFS

Il résulte des pièces produites aux débats et des explications des parties :

– que Mme [J]-[U] [C] s’est vue proposer, par internet, un investissement financier par une prétendue société Nfinancial Partners, se présentant comme la filiale française d’une société allemande Novethos Financial Partners, ‘générant des rendements associés sur des placements financiers européens’ comportant un mandat de gestion qui prévoyait un premier versement de 9 500 euros, un ‘bonus’ attribué par abondement de cette somme par la société de 950 euros et stipulant un taux d’intérêts minimum garanti de 6 % brut soit 4,6 % net,

– que pour satisfaire à l’obligation de versement, Mme [J]-[U] [C] a sollicité le remboursement de son livret PEL à hauteur de la somme de 9 810 euros le 12 décembre 2019,

– qu’elle s’est rendue en son agence du Crédit Agricole et, suivant les indications de son interlocuteur, a fait virer la somme de 9 900 euros le 13 décembre 2019 au bénéfice d’une société Acces Consulting dont l’adresse serait à Rome en Italie sur un compte détenu dans les livres de la banque Fineco Bank en Italie,

– qu’elle explique qu’elle s’est rendue, le 6 mars 2020, en l’agence pour effectuer un second virement de la somme de 4 600 euros devant être effectué, sur l’instigation de son interlocuteur et selon le RIB fourni au profit d’une société FDJ Consulting, domiciliée en Hongrie à Budapest ayant son compte dans les livres de la banque hongroise Millenium Bank,

– qu’il n’a pas été possible d’effecteur ce second virement sur le compte destinataire, de sorte qu’après avoir contacté son interlocuteur, ce dernier lui a remis d’autres références pour y procéder, constitué d’un ‘justificatif de virement’ à l’en-tête de la société Bnp PARIBAS mentionnant toujours une somme de 4 600 euros ‘destinée à des placements pour des obligations à titre de placement’ au bénéfice de la société Onset Capital, ayant son adresse à Gdansk, en Pologne et son compte à la banque hongroise Millenium Bank,

– que le préposé a fait établir par Mme [J]-[U] [C] un document manuscrit aux termes duquel ‘je soussigné Mme [J] [U] [C], née le [Date naissance 2] 1956, souhaitait faire un virement de 4 600 euros vers le RIB Iban (références du premier compte) celui-ci n’a pu être effectué du fait d’un blocage du Crédit Agricole Idf. A cet effet, mon conseiller me transmet un nouveau Rib’,

– que le virement a été effectué vers le dit compte.

Le prestataire de services de paiement réalisant un virement dit SEPA comme en l’espèce, est essentiellement soumis aux dispositions des articles L133-4 et suivants du code monétaire et financier issus de l’ordonnance du 15 juillet 2009 modifiée relative aux conditions régissant la fourniture de services de paiements transposant la directive N°2007/64/CE concernant les services de paiement dans le marché intérieur, son article L 133-21 disposant notamment, en ses alinéas 1 et 5 que ‘un ordre de paiement exécuté conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur du service de paiement est réputé dûment exécuté pour ce qui concerne le bénéficiaire désigné par l’identifiant unique’ et ‘si l’utilisateur de services de paiement fournit des informations en sus de l’identifiant unique ou des informations définies dans la convention de compte de dépôt ou dans le contrat-cadre de services de paiement comme nécessaires aux fins de l’exécution correcte de l’ordre de paiement, le prestataire de services de paiement n’est responsable que de l’exécution de l’opération de paiement conformément à l’identifiant unique fourni par l’utilisateur de services de paiement’.

Il n’est pas contesté par Mme [J]-[U] [C] que les ordres de virement ont été exécutés conformément à ses demande et que les sommes désignées ont rejoint le bénéficiaire souhaité par elle du compte désigné par les Iban que lui avait remis son interlocuteur et confiés au préposé à cet effet en l’agence bancaire.

Il en résulte qu’aucune mauvaise exécution de l’opération ne peut être reprochée à la banque et qu’il n’est pas allégué un défaut de diligence relativement à un rapatriement des fonds avant leur appréhension sur le compte destinataire par les escrocs.

Le prestataire de services de paiement, comme la banque dépositaire de fonds, est tenu d’un devoir de non immixtion dans les affaires de son client et n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour lui-même ou des tiers.

La banque prestataire de services au titre d’un virement SEPA n’a donc pas à contrôler la légalité ou le caractère avisé du placement envisagé par son client auprès d’une société tierce au moyen du virement bancaire.

S’il est exact que ce devoir de non ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de la banque qui en l’espèce, outre sa qualité de prestataire de services de paiement revêt également celle de dépositaire des fonds de Mme [J]-[U] [C] sur divers comptes et livrets, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle.

Or en l’espèce, le souhait de Mme [J]-[U] [C], qui a la libre faculté de disposer de son épargne dans les conditions réglementaires sans ingérence de la banque, de clôturer son livret PEL ou d’obtenir des sommes issues de son épargne retraite dans le but de procéder à un investissement au moyen d’un virement à destination d’une société ayant son compte dans une banque italienne ne constituent pas des anomalies devant susciter la vigilance de la banque, de sorte que le jugement doit être confirmé en ce qu’il a débouté Mme [J]-[U] [C] du chef de ce premier virement.

En revanche, s’agissant du second virement réalisé en l’agence et en présence du préposé, il ne peut qu’être relevé, d’une part, que la communication par son interlocuteur d’abord des références d’un destinataire hongrois ayant son compte en Hongrie (FDJ à la Millenium Bank) puis polonais (Onset Capital) ayant son compte dans la branche polonaise de la Millenium Bank et, d’autre part et surtout, que la communication des références de cette seconde banque vers laquelle les fonds seront virés au moyen d’un ‘justificatif de virement’ inexplicablement à l’en-tête de la société Bnp PARIBAS – qui est sans rapport avec l’opération demandée – devait éveiller la vigilance de la banque.

Or s’il est exact que cette dernière a souhaité s’assurer que Mme [J]-[U] [C] manifeste sa persistance dans sa volonté d’effectuer le virement, il ne résulte pour autant aucune alerte à son endroit de la part de la banque, qui aurait ainsi exercer sa vigilance de la lecture de l’attestation que cette dernière lui a fait renseigner.

En conséquence il y a lieu de retenir un manquement à l’obligation de vigilance de la banque à raison de ce second virement qui doit conduire à l’indemnisation de Mme [J]-[U] [C] non pas de l’entièreté du virement effectué mais de la perte de chance de ne pas y procédé si la banque l’avait dûment et expressément alertée des anomalies que constituaient objectivement les modalités de remises des références par son correspondant après une première tentative infructueuses.

Compte tenu de la persistance de Mme [J]-[U] [C] dans a volonté de poursuive ses prétendus investissement sans égard pour la faiblesses des documents reçus et les doutes qu’aurait dû faire naître le peu de sérieux des documents reçus, il y a lieu d’évaluer cette perte de chance à 40 % de sorte que la banque doit être condamné à lui payer la somme de 2 070 euros.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu d’infirmer le jugement entrepris, de condamné le Crédit Agricole aux entiers dépens ainsi qu’à payer à Mme [J]-[U] [C] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Et, statuant à nouveau,

JUGE que la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France n’a pas commis de faute à l’occasion du premier virement du 9 décembre 2019 ;

JUGE que la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France a manqué à son obligation de vigilance à l’occasion du second virement du 6 mars 2020 ;

CONDAMNE la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France à payer à Mme [M] [J]-[U] [C] la somme de 2070 euros de dommages-intérêts et déboute cette dernière du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France à payer à Mme [M] [J]-[U] [C] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Caisse Régionale de Crédit Agricole Mutuel de [Localité 6] et d’Ile-de-France aux entiers dépens.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

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