Le défaut de transmission d’un nouveau Kbis par le client à sa banque ne peut justifier la suspension de l’accès en ligne à un compte professionnel.
La SAS Stealth Software a ouvert un compte courant au Crédit Lyonnais en juin 2020. Suite à un changement de présidence en mars 2021, le Crédit Lyonnais a demandé à plusieurs reprises des documents à jour de la société, ce qui a conduit à la suspension de l’accès en ligne au compte en novembre 2021. Le Crédit Lyonnais a ensuite notifié la clôture du compte en novembre 2021, ce qui a entraîné une action en référé de la part de la société. Le tribunal de commerce de Lyon a condamné le Crédit Lyonnais à verser une somme provisionnelle à la société. En février 2023, le tribunal de commerce a débouté la société de ses demandes d’indemnisation, mais l’a condamnée à rembourser la somme provisionnelle au Crédit Lyonnais. La société a interjeté appel en mars 2023. Les parties ont présenté leurs conclusions en juin et septembre 2023, et la procédure a été fixée pour audience en janvier 2024.
En l’espèce :
– La banque a commis une faute en suspendant l’accès en ligne au compte de la société Stealth Software sans motif valable, ce qui constitue un abus et une violation des dispositions contractuelles.
– En revanche, la banque était en droit de clôturer le compte avec un préavis d’un mois, conformément aux dispositions de la convention de compte.
– Aucun lien de causalité n’a été établi entre la suspension de l’accès au compte et les préjudices allégués par la société Stealth Software, tels que la perte de salariés, la perte de contrats ou les frais de recrutement.
– Par conséquent, la demande de la société Stealth Software est rejetée et elle est condamnée aux dépens d’appel.
– La demande de la société Stealth Software au titre de l’article 700 du code de procédure civile est également rejetée, et elle est condamnée à payer à la banque la somme de 3.000 euros.
Sur la faute de la banque
La société Stealth Software accuse la banque d’avoir commis une faute en suspendant l’accès en ligne à son compte et en le clôturant sans respecter les dispositions contractuelles et légales. La banque se défend en invoquant des motifs légitimes pour ces actions.
Motifs de la décision
La décision se base sur les articles du code civil concernant la bonne foi dans les contrats et les obligations des parties. La société Stealth Software avait signé une convention de compte courant avec la banque, qui avait le droit de suspendre l’accès en ligne en cas de non-respect des conditions.
Sur les préjudices et le lien de causalité
La société Stealth Software affirme avoir subi des préjudices en raison du blocage de son compte par la banque, mais la banque conteste ces allégations en affirmant qu’il n’y a pas de lien de causalité entre les actions de la banque et les préjudices subis par la société.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Stealth Software est condamnée aux dépens d’appel et doit verser à la banque une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Société Sorel & Stendhal :
– Recevra de Mme [U] la somme de 4.200 euros TTC pour le solde du contrat.
– Recevra de Mme [U] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance et d’appel.
– Mme [U] :
– Doit payer à la société Sorel & Stendhal 4.200 euros TTC pour le solde du contrat.
– Doit payer à la société Sorel & Stendhal 2.000 euros pour les frais de première instance et d’appel selon l’article 700 du code de procédure civile.
– Est déboutée de sa demande de remboursement de 2.100 euros pour les honoraires payés.
– Est déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.
– Est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
Réglementation applicable
Selon l’article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait.
Et selon l’article 1104 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET
– Me Jérôme NOVEL de la SELAS ELAN JUDICIAIRE
– Me Pierre BUISSON
Mots clefs associés
– Faute de la banque
– Suspension de l’accès en ligne
– Clôture du compte
– Préavis
– Virements bloqués
– Prêt garanti par l’Etat
– Contrat de compte courant
– Dispositions générales de banque
– Identification du dirigeant
– Suspension du service LCL Access
– Abus de la banque
– Préjudices
– Lien de causalité
– Salaires bloqués
– Perte de clients
– Perte de marché
– Lettres de démission
– Chèques
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Faute de la banque : Manquement par la banque à ses obligations contractuelles ou légales, pouvant entraîner un préjudice pour le client.
– Suspension de l’accès en ligne : Action de la banque consistant à bloquer temporairement l’accès aux services bancaires en ligne d’un client, souvent pour des raisons de sécurité ou de non-respect des conditions d’utilisation.
– Clôture du compte : Fermeture d’un compte bancaire par la banque ou le client, suivant les conditions établies dans le contrat de compte.
– Préavis : Notification préalable donnée par une partie à l’autre avant de procéder à une action contractuelle, telle que la résiliation d’un contrat ou la modification des conditions de service.
– Virements bloqués : Restriction imposée par la banque empêchant un client d’effectuer des virements depuis son compte, souvent due à des problèmes de solvabilité ou des soupçons de fraude.
– Prêt garanti par l’État : Prêt octroyé par une banque à une entreprise ou un particulier, avec une garantie de remboursement partielle ou totale fournie par l’État.
– Contrat de compte courant : Accord entre une banque et un client définissant les modalités de fonctionnement et les obligations relatives à un compte courant.
– Dispositions générales de banque : Ensemble de règles et conditions standard appliquées par une banque à tous ses services et produits.
– Identification du dirigeant : Processus de vérification de l’identité du dirigeant d’une entreprise par la banque, souvent dans le cadre de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
– Suspension du service LCL Access : Interruption spécifique du service en ligne proposé par la banque LCL, pouvant être due à des raisons techniques ou réglementaires.
– Abus de la banque : Comportement de la banque jugé excessif ou injuste, allant au-delà de ses droits contractuels ou légaux, et causant un préjudice au client.
– Préjudices : Dommages ou pertes subis par une partie en raison des actions ou des négligences de l’autre partie.
– Lien de causalité : Relation de cause à effet nécessaire pour établir la responsabilité d’une partie dans la survenance d’un préjudice.
– Salaires bloqués : Retenue des salaires par l’employeur ou la banque, souvent en raison de disputes légales ou de problèmes de trésorerie.
– Perte de clients : Diminution du nombre de clients d’une entreprise, souvent due à une mauvaise gestion, à des problèmes de réputation ou à des changements dans l’environnement de marché.
– Perte de marché : Réduction de la part de marché d’une entreprise, pouvant résulter de la concurrence accrue, de changements réglementaires ou de l’évolution des préférences des consommateurs.
– Lettres de démission : Documents par lesquels un employé informe officiellement son employeur de son intention de quitter son poste.
– Chèques : Instruments de paiement écrits et signés, permettant à une personne de demander à sa banque de payer un montant spécifié à une autre personne ou entreprise.
– Dépens : Frais de justice qui doivent être payés par une partie à l’autre dans le cadre d’une procédure judiciaire, généralement la partie perdante.
– Article 700 du code de procédure civile : Disposition légale française permettant à une partie dans un litige judiciaire de demander une indemnisation pour les frais non couverts par les dépens.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 23/02236 – N° Portalis DBVX-V-B7H-O3LW
Décision du Tribunal de Commerce de LYON du 13 février 2023
RG : 2022j809
SASU STEALTH SOFTWARE
C/
S.A. CRÉDIT LYONNAIS
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 07 Mars 2024
APPELANTE :
S.A.S. STEALTH SOFTWARE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Jacques AGUIRAUD de la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocat au barreau de LYON, toque : 475, postulant et ayant pour avocat plaidant Me Jérôme NOVEL de la SELAS ELAN JUDICIAIRE, avocat au barreau de LYON
INTIMEE :
S.A. CRÉDIT LYONNAIS La SA CRÉDIT LYONNAIS est représentée par son directeur général en exercice
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée et plaidant par Me Pierre BUISSON, avocat au barreau de LYON, toque : 140
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Date de clôture de l’instruction : 02 Janvier 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 11 Janvier 2024
Date de mise à disposition : 07 Mars 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière et en présence de Maylis MENEC, greffière stagiaire.
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Stealth Software a pour activité principale la recherche et la conception de composants informatiques et de logiciels ainsi que le conseil et la formation informatique. Elle est composée d’un associé unique, M. [O].
Le 9 juin 2020, la société Stealth Software a ouvert un compte courant dans les livres du Crédit Lyonnais.
Le 5 mars 2021, le président de la société Stealth Software a démissionné et Mme [P] [R] a été nommé en qualité de nouvelle présidente. L’extrait K-Bis de la société Stealth Software a été mis à jour le 29 avril 2021.
Par mail du 20 mai 2021, le Crédit Lyonnais, ayant pris connaissance du changement de présidence, a sollicité auprès de la société Stealth Software la transmission de son K-Bis de moins de 3 mois et la pièce d’identité du nouveau dirigeant. Par courrier du 23 juin 2021, le Crédit Lyonnais a réitéré sa demande. Le 24 juin 2021, la société Stealth Software lui a répondu que les éléments sollicités étaient disponibles auprès du greffe du tribunal de commerce de Lyon. Par courriel du 2 novembre 2021, le Crédit Lyonnais a maintenu sa demande.
Le 5 novembre 2021, considérant la situation d’incertitude dans laquelle la société Stealth Software le tenait, et la manière avec laquelle M. [O] s’employait à éluder ses demandes, le Crédit Lyonnais a suspendu l’accès en ligne au compte de la société Stealth Software. Par courriels, courriers et sommation d’huissier successifs, la société Stealth Software s’est opposée à cette décision et a mis en demeure le Crédit Lyonnais de régulariser la situation.
Par courrier recommandé du 17 novembre 2021, le Crédit Lyonnais a notifié aux sociétés Stealth Software, CBR Invest, Entropics et Wangen, également contrôlées par M. [O], la clôture de leur compte avec un préavis de 1 mois. Par courrier recommandé du 2 décembre 2021, la société Stealth Software a indiqué au Crédit Lyonnais que cette résiliation était nulle.
Par acte du 9 décembre 2021, les sociétés Stealth Software, CBR Invest, Entropics et Wangen ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon afin notamment de remettre en fonctionnement l’accès à leur compte bancaire, d’obtenir, à titre provisionnel, des dommages-intérêts et d’ordonner la suspension des décisions de clôture de son compte.
Par ordonnance du 10 janvier 2022, le président du tribunal de commerce de Lyon a notamment dit que le Crédit Lyonnais, en bloquant l’accès aux comptes de la société Stealth Software, a causé un trouble manifeste pour le fonctionnement et la pérennité de cette société en la privant des moyens financiers de son fonctionnaire courant, que la clôture des comptes de la société Stealth Software et a condamné le Crédit Lyonnais à verser la somme provisionnelle de 5.000 euros à la société Stealth Software au titre du préjudice qu’elle a subi.
Par courrier du 25 janvier 2022 le Crédit Lyonnais a notifié de nouveau sa décision de clôture du compte de la société Stealth Software avec un préavis de deux mois.
La société Stealth Software estime que la rupture intempestive de son compte bancaire a entraîné la démission de l’intégralité de ses salariés et donc l’arrêt de son activité ce qui lui permet d’engager la responsabilité du Crédit Lyonnais.
Par acte du 8 juin 2022, la société Stealth Software a assigné le Crédit Lyonnais devant le tribunal de commerce de Lyon aux fins de le voir condamner à lui verser la somme de 1.194.457 euros en indemnisation du préjudice subi du fait de sa perte d’activité, outre 49.290 euros HT au titre des frais de recrutement et 50.000 euros au titre de son préjudice d’image.
Par jugement contradictoire du 13 février 2023, le tribunal de commerce de Lyon a :
– débouté la société Stealth Software de l’ensemble de ses demandes et l’a condamnée à rembourser au Crédit Lyonnais la somme de 5.000 euros prononcée, par le juge des référés, à titre provisionnel au titre du préjudice subi,
– rejeté comme non fondés tous autres moyens, fins et conclusions contraires des parties,
– condamné la société Stealth Software à payer au Crédit Lyonnais la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Stealth Software aux entiers dépens,
– prononcé l’exécution provisoire.
La société Stealth Software a interjeté appel par acte du 16 mars 2023.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 15 juin 2023, la société Stealth Software demande à la cour de :
– infirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré en ce qu’il l’a déboutée de sa demande de condamnations du Crédit Lyonnais à lui verser les sommes de 1.194.457 euros au titre de sa perte d’activité, 49.290 euros HT au titre des frais de recrutement et 50.000 euros au titre de son préjudice d’image et en ce qu’il l’a condamnée à rembourser au Crédit Lyonnais la somme de 5.000 euros accordée par le juge des référés à titre provisionnel outre l’article 700 du code de procédure civile et les dépens,
statuant à nouveau,
– condamner le Crédit Lyonnais à lui verser une somme de 1.194.457 euros en indemnisation du préjudice subi au titre de sa perte d’activité,
– condamner le Crédit Lyonnais à lui verser une somme de 49.290 euros HT au titre des frais de recrutement,
– condamner le Crédit Lyonnais à lui verser une somme de 50.000 euros au titre de son préjudice d’image,
– dire n’y avoir lieu à s’opposer à l’exécution provisoire,
– condamner le Crédit Lyonnais à lui verser une somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– le condamner aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 21 septembre 2023, la société Crédit Lyonnais demande à la cour de :
– confirmer le jugement attaqué,
– débouter la société Stealth Software de toutes ses demandes,
– ajoutant au jugement, condamner la société Stealth Software à lui payer 5.000 euros supplémentaires au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens d’appel avec application de l’article 699 du même code.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 2 janvier 2024, les débats étant fixés à l’audience du 11 janvier 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la faute de la banque
La société Stealth Software fait valoir que la banque a commis une faute en procédant à la suspension de l’accès en ligne de son compte puis à la clôture de celui-ci, en ne respectant pas les dispositions contractuelles et légales applicables à la situation, en ce que le motif invoqué ne relève pas de ceux permettant la clôture du compte et en ce que la banque n’a pas respecté le préavis de deux mois ; qu’elle a bloqué des virements et refusé de lui accorder un prêt garanti par l’Etat alors que la Banque de France, saisie pour médiation, avait indiqué que rien ne s’opposait à l’octroi de ce crédit.
La banque fait valoir que :
– la suspension de l’accès en ligne au compte était justifié par le refus de la société Stealth Software de lui communiquer l’identité de son dirigeant et un spécimen de sa signature, en contradiction avec l’article A 1.3 des dispositions générales de banque ;
– la clôture du compte a été prononcée avec un préavis d’un mois, conformément aux dispositions de la convention de compte, seules applicables à l’exclusion de l’article L. 312-1-1, V, du code monétaire et financier ;
– postérieurement à l’ordonnance de référé, elle n’a pas refusé ou omis d’exécuter des ordres régulièrement passés par la société Stealth Software ;
– alors qu’elle avait déjà manifesté son intention de mettre fin aux relations commerciales avec la société Stealth Software, celle-ci a demandé un prêt garanti par l’Etat qu’elle-même n’avait aucune obligation d’accorder.
Sur ce,
Selon l’article 1103 du code civil, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont fait.
Et selon l’article 1104 du même code, dans sa rédaction issue de la même ordonnance, les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
En l’espèce, la société Stealth Softwear a conclu une convention de compte courant avec la société Crédit Lyonnais le 9 juin 2020, laquelle renvoie aux Dispositions générales de banque – Clientèle des professionnels et des petites entreprises.
Aux termes de ces dispositions générales, l’article A. 1.3 dispose, au titre des modalités de souscription et conditions d’accès à la convention de compte courant, que ‘le cas échéant, le client doit veiller à fournir à la banque toutes information utiles au fonctionnement de son compte, comme par exemple : les modifications de statuts, les changements de dirigeants ou de personnes habilitées, de siège social ou d’adresse de correspondance. (…) Concernant les personnes morales, la banque est tenue d’identifier la ou les personne(s) physique(s) détentrice(s) du capital ou exerçant ou pouvoir de contrôle sur la société et de vérifier ces éléments d’identification sur présentation de tout document écrit probant.’
L’article A. 5.1 relatif à la clôture de la convention de compte courant prévoit que ‘la convention de compte courant est conclue pour une durée indéterminée. Elle peut être résiliée à tout moment, soit à l’initiative du client sans préavis, soit moyennant préavis d’un mois à l’initiative de la banque, sauf irrégularité grave ou désaccord entre les parties exposant LCL à un risque légal ou financier.’
Et l’article C. 2.6.3, régissant le service spécifique de banque en ligne ‘LCL Access’, prévoit, au titre de la suspension de ce service : ‘LCL peut suspendre l’utilisation du service LCL Access dans un des cas suivants :
– impossibilité de prélever le prix pour quelque cause que ce soit ;
– existence d’un incident bancaire affectant un des comptes du client, notamment blocage ;
– avis à tiers détenteur ou saisie-attribution ;
– procédure de sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire du client.
Dans le cadre de son obligation de vigilance et en vue de protéger le client contre toute opération frauduleuse, LCL se réserve le droit de suspendre l’accès au service LCL Access afin de procéder aux vérifications complémentaires d’usage.’
Par un e-mail du 20 mai 2021, la banque indiquait à la société Stealth Software qu’elle avait été informée d’un changement de dirigeant et sollicitait en conséquence, la transmission d’un extrait Kbis ainsi qu’une copie de la pièce d’identité du nouveau dirigeant.
En l’absence de réponse, la banque a réitéré sa demande par e-mail du 23 juin 2021.
Or, par e-mail du lendemain, M. [O] agissant pour la société Stealth Software répondait ‘Comme vous l’indiquez, ces éléments sont disponibles au travers du greffe’.
Outre qu’une telle réponse n’est que partiellement exacte, pour ce qui concerne l’extrait Kbis, elle relève d’une parfaite désinvolture à l’égard de la banque compte tenu de la légitimité de cette dernière à connaître l’identité du dirigeant de la société et à réclamer à son client les documents nécessaires sans avoir à procéder elle-même à des recherches, mais relève également d’une faute contractuelle au regard des dispositions de l’article 1.3 de la Convention d’ouverture de compte courant, précitées.
La banque a renouvelé sa demande de transmission le 2 novembre 2021, en vain.
Toutefois, la banque a procédé le 5 novembre 2021, sans information ni mise en demeure préalable, à la suspension de l’accès aux services bancaires en ligne, alors que la société Stealth Software ne se trouvait dans aucune des situations prévues aux Dispositions générales précitées relatives à la suspension du service LCL Access et que, le 3 novembre 2021, un rendez-vous avait été convenu pour le ‘mercredi suivant’, soit le 10 novembre, pour notamment ‘faire le point sur les documents de mise à jour de Stealth Software’,
Ce faisant, la banque a commis un abus, caractérisant une faute contractuelle à l’égard de la société Stealth Software.
S’agissant de la clôture du compte, en revanche, la banque pouvait mettre fin à son concours bancaire avec un préavis d’un mois, comme prévu à l’article 5.1 précité des conditions générales. Aucune faute de sa part ne peut donc être retenue à ce titre.
De même, la banque n’est pas fautive d’avoir refusé d’accorder à la société Stealth Software un prêt garanti par l’Etat, étant observé de surcroît que la demande avait été formée après que la banque ait notifié à la société Stealth Software la clôture de son compte à l’issue du délai de préavis.
Sur les préjudices et le lien de causalité
La société Stealth Software fait valoir que le blocage intempestif de son compte par la banque a provoqué la perte totale de ses cinq salariés dont le versement du salaire avait été bloqué, l’impossibilité de satisfaire les demandes de ses clients, et la perte d’un nouveau marché.
La banque fait valoir que :
– il n’y a pas de lien de causalité entre la suspension de l’accès en ligne au compte et le paiement par la société Stealth Software des salaires d’octobre 2021, étant précisé que ceux de novembre et décembre 2021 ont été payés respectivement le 6 décembre 2021 et le 4 janvier 2022, et que la société disposait d’un chéquier lui permettant d’effectuer les paiements dès lors que le compte n’était pas bloqué, seule la faculté d’ordonner des paiements en ligne étant temporairement suspendue ; les lettres de démission produites tardivement ne sont pas sincères et relèvent d’une mise en scène ;
– le fait d’avoir notifié la clôture du compte avec un préavis d’un mois n’a causé aucun préjudice à la société Stealth Software dès lors que cette mesure a été suspendue par l’ordonnance de référé et qu’ultérieurement, la clôture a été notifiée avec un délai de deux mois revendiqué par celle-ci ;
– les préjudices chiffrés ne sont pas fondés.
Sur ce,
Les trois lettres de démission produites par la société Stealth Software datent du 10 novembre 2021 alors que le blocage du compte a été constaté par M. [O] ‘dans le courant du week-end’, soit les 6 et 7 novembre 2021, et signalé par e-mail à la banque le 8 novembre suivant.
Or, le compte de la société Stealth Software n’était pas bloqué, seul son accès en ligne était suspendu, de sorte qu’elle n’était pas empêchée de payer ses salariés. Comme le fait justement observer la banque, la société Stealth Software pouvait régler les salaires de ses employés à l’aide de chèques, étant observé que les relevés bancaires de la société établissent que celle-ci disposait de ce moyen de paiement.
De même, la société Stealth Software ne saurait soutenir, dans ses écritures, que ses salariés ‘n’ont pas admis de ne pouvoir être rémunérés pendant deux mois consécutifs’ au titre des salaires d’octobre et novembre 2021, alors que la suspension de l’accès en ligne au compte date, au plus tôt, du vendredi 5 novembre 2021 et que les salariés ont présenté leur lettre de démission dès le 10 novembre suivant, de sorte que seul leur salaire d’octobre 2021 a pu être retardé dans le paiement. Il résulte d’ailleurs du relevé bancaire produit par la société Stealth Software en pièce n° 60, que les salaires de novembre 2021 ont été payés le 6 décembre suivant.
Au vu de ces éléments, aucun lien de causalité n’est établi entre la démission soudaine des salariés et la suspension de l’accès au compte bancaire.
Il s’en déduit que le préjudice tiré de l’incapacité à produire du fait de l’absence de salariés, de même que le préjudice tiré de la perte de la convention pluri-annuelle signée avec Open-DSI, celui tiré de la perte d’activité sur l’année 2022, et celui tiré des frais de recrutement sont, dès lors, dénués du moindre lien de causalité avec la faute de la banque.
Quant au préjudice d’image, la société Stealth Software ne développe aucunement cette demande qui ne s’avère nullement fondée, dans son principe comme dans son quantum.
En conséquence, en l’absence de tout préjudice de la société Stealth Software en lien avec la suspension de l’accès en ligne à son compte bancaire, il convient de confirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société Stealth Software succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, la société Stealth Software sera déboutée de sa demande formée à ce titre et condamnée à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la société Stealth Software aux dépens d’appel ;
Condamne la société Stealth Software à payer à la société Crédit Lyonnais la somme de trois mille euros (3.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE