Versements en espèces à la banque : l’erreur sur les décomptes

Notez ce point juridique

En matière de dépôt d’espèces à la banque, le comptage auquel fait procéder la banque par l’intermédiaire de son prestataire de service, prévaut entre les parties, sauf preuve contraire rapportée par la société cliente.


La société Baybac, exploitant un commerce de gros de vente de vêtements en ligne, a un compte courant à la Caisse d’Epargne. La banque a annulé des dépôts en espèces pour un montant de 173 400 euros, ce qui a entraîné la suppression de l’autorisation de découvert. La Caisse d’Epargne a assigné Baybac en paiement, et le tribunal de commerce de Paris l’a condamnée à payer 213 229,74 euros. Baybac a interjeté appel, contestant le débit de 173 400 euros et demandant le recrédit de cette somme. La Caisse d’Epargne soutient que Baybac a accepté le risque de différence entre les sommes déclarées et recomptées, et que la vérification des dépôts est différée. L’affaire est en attente de jugement après l’ordonnance de clôture rendue le 9 janvier 2024.

Versements en espèces litigieux

Il est constant que les versements en espèce litigieux ont été effectués par l’intermédiaire du service Securexpress, selon les conditions générales modifiées de la convention de compte.

Modalités de dépôt Securexpress

La convention de compte stipule les modalités de dépôt Securexpress, notamment le moment de réception de l’ordre de versement d’espèces et la gestion des différences de montant entre le client et la banque.

Preuve des dépôts

La banque a fait procéder à un comptage des dépôts par son prestataire de service, la société Comptage Distribution, dont les résultats prévalent entre les parties sauf preuve contraire.

Décision du tribunal

Le tribunal a jugé que l’attestation de l’expert comptable de la société Baybac ne prouve pas la remise contestée des espèces, confirmant ainsi la décision entreprise.

Demande de délai de paiement

La demande de délai de paiement, motivée par le seul découvert subsistant, n’est pas justifiée par des éléments sur la situation actuelle de la débitrice, et est donc rejetée.

Confirmation du jugement

En conséquence, le jugement est confirmé en toutes ses dispositions, la société Baybac est condamnée aux dépens d’appel et à payer à la Caisse d’Epargne une somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

– Société Baybac condamnée à payer à la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France : 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
– Société Baybac condamnée aux dépens d’appel, recouvrés par Maître Laure Hoffmann.


Réglementation applicable

CGU de Sécurexpress : Lorsque le client a souscrit au service de dépôt express Sécurexpress («Les services associés au compte courant »), les espèces versées dans les agences de la Caisse d’Epargne qui tient le compte, doivent être accompagnées d’un bordereau, indiquant la date et le montant de la somme versée. Ce bordereau, signé par le client vaut consentement de celui-ci à l’exécution de l’opération’, et que

– a) Moment de réception de l’ordre de versement d’espèces

Le moment de réception d’un ordre de versement d’espèces :

– Initié par l’intermédiaire du service de dépôt Securexpress : correspond au jour convenu pour l’exécution de l’ordre, c’est-à-dire le jour où la Caisse d’Epargne a été informée, après comptage et contrôle des fonds par cette dernière ou ses prestataires, du montant versé par le client.

– b) En cas de différence entre le montant reconnu par la Caisse d’Epargne et les sommes indiquées par le client sur le ou les bordereaux de remise, et/ou repris par le ticket de dépôt délivré par l’appareil s’il y a lieu, il est expressément convenu entre le client et la Caisse d’Epargne que le montant reconnu par la Caisse d’Epargne fera foi entre les parties, sauf établissement de la preuve contraire par tous moyens.

A ce titre, le client accepte la faculté pour la Caisse d’Epargne de rectifier le cas échéant, par contre-passation, le montant annoncé par lui sur le ou les bordereaux, en cas de différence entre celui-ci et le montant reconnu par la Caisse d’Epargne, jusqu’à établissement de la preuve contraire par tous moyens entre les parties.

A l’effet d’établir la preuve des dépôts, le client s’engage à produire tous justificatifs nécessaires, le cas échéant à la demande de la Caisse d’Epargne.’

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Jessica CHUQUET de la SELEURL CABINET CHUQUET
– Me Jean-Claude COHEN
– Me Nabil KENANA
– Me Laure HOFFMANN

Mots clefs associés

– Versements en espèce
– Service Securexpress
– Bordereau de dépôt
– Montant versé
– Réception de l’ordre de versement
– Différence de montant
– Preuve des dépôts
– Comptage
– Manques de numéraires
– Attestation de l’expert comptable
– Décision de la cour
– Délai de paiement
– Situation de la débitrice
– Jugement
– Dépens d’appel
– Article 700 du code de procédure civile

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 20 MARS 2024

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06884 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFS3Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 23 Mars 2022 – tribunal de commerce de Paris – 7ème chambre – RG n° 2020040146

APPELANTE

S.A.S.U. BAYBAC

[Adresse 2]

[Localité 4]

N°SIRET : 793.762.477

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Jessica CHUQUET de la SELEURL CABINET CHUQUET, avocat au barreau de Paris, toque : E0595

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Claude COHEN, avocat au barreau de Paris, toque : C1331, substitué à l’audience par Me Nabil KENANA, avocat au barreau de Paris, toque : D2181

INTIMÉE

S.A. CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE IDF

[Adresse 1]

[Localité 3]

N°SIRET : 382.900.942

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Laure HOFFMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : R109, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 05 Février 2024, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, président de chambre chargé du rapport

MME Pascale SAPPEY-GUESDON, conseillère

MME Laurence CHAINTRON, conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, président de chambre et par Mélanie THOMAS, greffier, présent lors de la mise à disposition.

La Sasu Baybac est une société exploitant un commerce de gros de vente de vêtements en ligne et elle dispose d’un compte courant dans les livres de la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France selon une convention d’ouverture de compte du 1er juin 2018.

La Caisse d’Epargne lui a accordé des autorisations de découverts en compte à durée déterminées, successives, les 30 juin puis 27 septembre 2019.

Selon un courrier de la Caisse d’Epargne adressé à sa cliente le 21 janvier 2020, au cours du dernier trimestre 2019, des dépôts en espèces, effectués par elle pour un montant prétendu et crédité de 341 109,68 euros, n’ont pas comporté les sommes mentionnées par la société Baybac aux bordereaux de remises, de sorte que la banque a expliqué avoir contre-passé les sommes, manquantes selon elle, de 173 400 euros le 24 décembre 2019 puis avoir supprimé, par courrier du 30 décembre 2019, l’autorisation de découvert à l’expiration d’un préavis de 60 jours, soit à effet du 9 mars 2020.

La Caisse d’Epargne n’a pas fait droit à une demande du 29 janvier 2020 de la société Baybac de rétablir ses comptes et l’a mise en demeure, infructueusement, de lui payer le solde débiteur du compte par lettres recommandées avec accusé de réception des 13 mars et 31 juillet 2020, dernière date à laquelle il s’élevait à la somme de 221 168,32 euros.

La Caisse d’Epargne a assigné la société Baybac en paiement devant le tribunal de commerce de Paris par acte en date du 15 septembre 2020.

Par jugement en date du 23 mars 2022, le tribunal de commerce de Paris a :

– condamné la société Baybac à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 213 229,74 euros arrêtée au 3 septembre 2020 augmentée d’agios de 1552,35 euros postérieurs calculés au taux de base bancaire majoré de 2 % jusqu’à parfait paiement au titre du solde débiteur du compte,

– ordonné la capitalisation des intérêts,

– condamné la société Baybac à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La Sasu Baybac a interjeté appel par déclaration au greffe en date du 1er avril 2022.

Par ses seules conclusions en date du 2 juin 2022, la société Baybac expose :

– qu’alors que devant ses contestations à l’audience, l’affaire avait fait l’objet d’un renvoi par jugement du 15 décembre 2021, aux fins qu’elle justifie par des pièces complémentaires ses griefs, il n’en a ensuite été tenu aucun compte,

– que c’est inexplicablement que la banque a débité son compte d’une somme de 173 400 euros alors qu’il était régulièrement alimenté de versements d’espèces issues des ventes,

– que si l’on excepte cette somme indûment retirée, le solde débiteur est inférieur à l’autorisation de découvert autorisé,

– que les vérifications prétendument faites par la banque – en réalité par son mandataire et non justifiées -sont biens postérieures aux dépôts litigieux, de plus de trois mois, que ses bordereaux de remises attestent des sommes déposées, qu’elle a produit une attestation de son expert comptable mentionnant l’inscription en compte des recettes comprenant les remises en espèces ainsi que les déclarations de TVA correspondantes, de sorte qu’elle demande à la cour de :

‘-INFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

-DEBOUTER la Caisse d’Epargne et de Prévoyance IDF de toutes ses demandes.

-ENJOINDRE à la Caisse d’Epargne et de Prévoyance IDF de recréditer à bonne date le compte de la société BAYBAC de la somme totale de 173 400 €.

– S’agissant du solde débiteur du compte courant, soit 39 829,74 €,

– DONNER ACTE à la société BAYBAC de son offre de remboursement moyennant le règlement mensuel de 1 200 € à compter du 30ème jour qui suivra la signification de l’arrêt à intervenir.

– CONDAMNER la Caisse d’Epargne et de Prévoyance IDF à payer à la société BAYBAC la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du CODE DE PROCÉDURE CIVILE’.

Par ses dernières conclusions en date du 3 août 2022, la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France poursuit la confirmation du jugement, le débouté des demandes de l’appelante et l’obtention d’une somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles en exposant :

– que le gérant de la société Baybac dispose d’une carte Visa Business qui lui permet le dépôt d’espèces en agences désignées, au guichet ou à l’aide de la carte, que les stipulations de la convention, opposable à la cliente, prévoient expressément qu’en cas de différences entre les sommes figurant au bordereau du client et le montant reconnu par la banque, c’est ce dernier qui fait foi entre les parties, le client acceptant la rectification du compte par contre-passation,

– que c’est a posteriori que son prestataire, la société Comptage distribution, effectue le comptage et qu’intervient la régularisation du compte, de sorte que la société Baybac a accepté de supporter le risque relatif à la différence entre les sommes qu’elle fait figurer au bordereau et celles recomptées,

– qu’elle produit le courrier de son prestataire montrant les différences de sommes pour dix dépôts et que la société Baybac ne produit pas de pièces prouvant le contraire puisque les bordereaux ne sont pas produits aux débats et que l’attestation de l’expert comptable n’est pas de nature à rapporter la preuve contraire de la matérialité des remises déclarées,

– que la vérification des dépôts à un guichet automatique est nécessairement différée, ce qui ne rend pas fautive l’annulation des dépôts effectués entre le 2 octobre et le 20 décembre 2019, aucun manquement de sa part n’étant démontré,

– que la société Baybac ne produit aucune pièce venant justifier sa demande de délais de paiement.

L’ordonnance de clôture rendue le 9 janvier 2024.

MOTIFS

Il est constant que les versements en espèce litigieux ont été effectués par l’intermédiaire du service dit Securexpress à propos duquel la convention de compte, dans ses conditions générales modifiées applicables à compter du 13 janvier 2018 – auxquelles renvoient expressément la convention d’ouverture de compte ‘Libre convergence’ souscrite le 1er juin 2018 – stipule notamment :

– que ‘ Service de dépôt Sécurexpress :

Lorsque le client a souscrit au service de dépôt express Sécurexpress (cf. infra au 2 de la 3e Partie «Les services associés au compte courant »), les espèces versées dans les agences de la Caisse d’Epargne qui tient le compte, doivent être accompagnées d’un bordereau, indiquant la date et le montant de la somme versée. Ce bordereau, signé par le client vaut consentement de celui-ci à l’exécution de l’opération’, et que

– a) Moment de réception de l’ordre de versement d’espèces

Le moment de réception d’un ordre de versement d’espèces :

– Initié par l’intermédiaire du service de dépôt Securexpress : correspond au jour convenu pour l’exécution de l’ordre, c’est-à-dire le jour où la Caisse d’Epargne a été informée, après comptage et contrôle des fonds par cette dernière ou ses prestataires, du montant versé par le client.

– b) En cas de différence entre le montant reconnu par la Caisse d’Epargne et les sommes indiquées par le client sur le ou les bordereaux de remise, et/ou repris par le ticket de dépôt délivré par l’appareil s’il y a lieu, il est expressément convenu entre le client et la Caisse d’Epargne que le montant reconnu par la Caisse d’Epargne fera foi entre les parties, sauf établissement de la preuve contraire par tous moyens.

A ce titre, le client accepte la faculté pour la Caisse d’Epargne de rectifier le cas échéant, par contre-passation, le montant annoncé par lui sur le ou les bordereaux, en cas de différence entre celui-ci et le montant reconnu par la Caisse d’Epargne, jusqu’à établissement de la preuve contraire par tous moyens entre les parties.

(…)

A l’effet d’établir la preuve des dépôts, le client s’engage à produire tous justificatifs nécessaires, le cas échéant à la demande de la Caisse d’Epargne.’

Il en résulte que le comptage auquel a fait procéder la banque par l’intermédiaire de son prestataire de service, la société Comptage Distribution selon laquelle, par attestation du 9 janvier 2020 il a été constaté des manques de numéraires dans le montant annoncés aux bordereaux des dépôts prévaut entre les parties, sauf preuve contraire rapportée par la société cliente.

Or c’est à juste titre que le tribunal a jugé que l’attestation, au demeurant sibylline, de l’expert comptable de la société Baybac selon laquelle ‘tous les mouvement figurant au crédit des relevés bancaire CAISSE EPARGNE n°17 (mois d’octobre 2019), n° 18 ( mois de novembre 2019 et n° 19 (mois de décembre 2019) comme des produits’ et les récapitulatifs de paiements de la TVA pour les mois concernés n’apportent pas la preuve de la remise contestée des espèces, de sorte que la décision entreprise, non autrement critiquée, doit être confirmée.

La demande de délai de paiement, motivée par l’obligation de payer le seul découvert subsistant de 39 829,74 euros qui n’est pas retenue par la cour, n’est pas justifiée par des éléments sur la situation actuelle de la débitrice, de sorte qu’elle doit être rejetée.

En conséquence de ce qui précède, il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de condamner la société Baybac aux dépens d’appel aux dépens ainsi qu’à payer à la Caisse d’Epargne la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE la société Baybac de sa demande de délais de paiement ;

CONDAMNE la société Baybac à payer à la société Caisse d’Epargne et de Prévoyance d’Ile-de-France la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Baybac aux dépens d’appel qui seront recouvrés par Maître Laure Hoffmann, comme il est disposé à l’article 699 du code de procédure civile.

* * * * *

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

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