Prêt immobilier : la déchéance du droit aux intérêts légaux

Notez ce point juridique

Sous peine de déchéance du droit aux intérêts, selon l’article L312-7 du code de la consommation issu de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993 (abrogé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016), pour les prêts mentionnés à l’article L. 312-2, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l’emprunteur éventuel ainsi qu’aux cautions déclarées par l’emprunteur lorsqu’il s’agit de personnes physiques.


La société Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] a consenti deux prêts immobiliers à M. et Mme [L], qui ont été contestés par ces derniers devant le juge de l’exécution. La cour d’appel de Lyon a confirmé les jugements rendus en faveur de la banque. Suite à une saisie-attribution, les époux [L] ont contesté la mesure devant le juge de l’exécution, qui a partiellement accédé à leur demande en limitant les effets de la saisie. La banque a interjeté appel de cette décision. Les parties ont formulé leurs demandes respectives devant la cour, avec la banque demandant la validation des prêts et de la mesure entreprise, et les époux [L] demandant la confirmation du jugement initial.

Mentions du prêt respectées

En l’espèce, les époux [L] affirment qu’en violation de l’article L312-7 du code de la consommation, il résulte du dossier d’instruction que toutes les banques ont envoyé les offres de prêt à leur intermédiaire Apollonia et non aux emprunteurs, que ce ne sont pas les emprunteurs qui ont renvoyé les offres aux établissements bancaires mais Apollonia après qu’elle eut apposé elle-même les dates de réception et les dates d’acceptation sur les offres de prêt, en veillant à ce qu’elles coïncident avec le délai de plus de dix jours de l’article L132-10 du code de la consommation, qu’ils n’ont pas reçu les offres de prêt du Crédit Mutuel par voie postale, que ces offres ne sont ni signées ni paraphées par eux, qu’en réalité, seuls étaient signés des accusés de réception des offres créés spécifiquement par le Crédit Mutuel pour les dossiers apportés par Apollonia, dans le but de cacher le fait que la banque n’envoyait pas les offres de prêt aux emprunteurs par la voie postale, et une lettre d’acceptation.

Ils font observer que les offres de prêt ne sont ni signées, ni paraphées par eux et que ni les mentions, ni les dates ne sont de leur main.

La banque fait valoir que les deux offres ont été envoyées aux époux [L] par voie postale et que ceux-ci les ont signées avant de les remettre à Apollonia, et ce à son insu, ce qui relève de leur seule responsabilité.

Elle indique que le délai de réflexion de dix jours a été respecté.

Deux lettres de la Caisse de Crédit mutuel, datées respectivement du 30 mars 2004 et du 24 mai 2004, annexées aux actes de prêt, informent M. et Mme [L] que la banque a statué favorablement sur leurs demandes de prêt et qu’elle leur adresse l’offre et le tableau d’amortissement.

La banque produit deux documents intitulés chacun ‘accusé de réception de l’offre/ contrat de prêt par l’emprunteur’, selon lesquels les époux [L] qui ont apposé leur signature au bas du document, attestent avoir reçu par voie postale le 3 avril 2004 et le 26 mai 2004 les offres de prêt émises par le Crédit mutuel pour les montants respectifs de 215 000 euros et de 234 540 euros.

Par lettres adressées au notaire, datées du 14 avril 2004 et du 7 juin 2004, annexées à chacun des actes de prêt, revêtues de leur signature, les époux [L] confirment avoir reçu par voie postale l’offre préalable de crédit immobilier transmise par la Caisse de Crédit mutuel et le tableau d’amortissement, confirment avoir bénéficié du délai de réflexion de 10 jours entiers prévu à l’article L312-10 du code de la consommation et confirment accepter les termes de cette offre préalable.

Ils ne contestent pas leur signature.

Par ailleurs, chacun des deux actes notariés contient en page 2 les énonciations suivantes :

le prêteur consent à l’emprunteur un concours financier selon l’offre préalable que l’emprunteur confirme avoir reçu par voie postale et avoir accepté le 14 avril 2004 (premier prêt), le 7 juin 2004 (second prêt) par courrier adressé au notaire

le notaire atteste avoir reçu l’acceptation par voie postale et constate que le cachet postal est daté du 19 avril 2004 (premier prêt), du 7 juin 2004 (second prêt).

Le prêteur démontre ainsi qu’il a respecté les dispositions de l’article L312-7 du code de la consommation, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts, sanction prévue par l’article L 312-33 du code de la consommation, n’est pas encourue.

Sur la recevabilité de la contestation

La contestation de la saisie-attribution a été jugée recevable par le juge de l’exécution, car les formalités de dénonciation à l’huissier saisissant et d’information au tiers saisi ont été respectées. La preuve de cette dénonciation a été apportée par les époux [L] à travers les pièces justificatives.

Sur le caractère exécutoire des titres fondant la saisie-attribution

Le juge de l’exécution a estimé que les actes de prêt notariés sur lesquels reposait la saisie-attribution étaient irréguliers, car le notaire rédacteur était intéressé personnellement à leur rédaction. Par conséquent, la banque n’avait pas de titre exécutoire pour procéder à la saisie-attribution, limitant ainsi la créance invoquée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Les époux [L] ont demandé la déchéance des intérêts postérieurs aux saisies de 2011, mais la banque a contesté cette demande en invoquant l’autorité de la chose jugée et la prescription. Cependant, le juge a considéré que cette demande n’était pas prescrite et a rejeté les arguments de la banque.

Sur le montant de la créance

Le montant de la créance a été discuté par les parties, notamment en ce qui concerne les frais et les sommes réclamées. Après examen des pièces justificatives, le juge a arrêté le montant de la créance pour chaque prêt, en tenant compte des paiements déjà effectués et des frais justifiés.

Résumé final

En conclusion, la contestation des époux [L] a été partiellement rejetée par le juge, qui a arrêté le montant de la créance pour chaque prêt. Les époux ont été condamnés aux dépens, mais la demande de la banque au titre de l’article 700 du code de procédure civile a été rejetée pour des raisons d’équité.

– Prêt du 6 mai 2004 : 83 908,68 euros
– Prêt du 4 novembre 2004 : 233 623,80 euros
– Indemnités de procédure : 9 000 euros
– Frais : 304,98 euros


Réglementation applicable

– Article 211-11 du code des procédures civiles d’exécution
– Article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971
– Article 122 du code de procédure civile
– Article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution
– Article 1318 ancien du code civil

Texte des articles cités:

Article 211-11 du code des procédures civiles d’exécution:
« Le créancier qui a pratiqué une saisie-attribution doit, à peine de nullité, dénoncer la saisie au débiteur saisi et, s’il y a lieu, au tiers saisi, dans le délai d’un mois à compter de la signification de l’acte de saisie-attribution. La dénonciation est faite par acte d’huissier de justice. Elle contient copie de l’acte de saisie-attribution. Elle est signifiée à personne ou à domicile. Elle est faite à la diligence du créancier. La dénonciation est constatée par un procès-verbal signé de l’huissier de justice. La dénonciation est opposable au débiteur saisi et au tiers saisi à compter de la signification de l’acte de dénonciation. »

Article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971:
« Les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur. Les notaires associés d’une société titulaire d’un office notarial ou d’une société de notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels l’un d’entre eux ou les parents ou alliés de ce dernier au degré prohibé par l’alinéa précédent sont parties ou intéressés. »

Article 122 du code de procédure civile:
« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »

Article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution:
« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent. »

Article 1318 ancien du code civil:
« L’acte qui n’est point authentique par l’incompétence ou l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s’il a été signé des parties. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON
– Me Virginie ROSENFELD
– Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES
– Me Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES

Mots clefs associés

– Recevabilité de la contestation
– Dénonciation à l’huissier saisissant
– Formalité respectée
– Caractère exécutoire des titres
– Actes de prêt notariés
– Décret n°71-941 du 26 novembre 1971
– Nullité des actes de prêt
– Autorité de la chose jugée
– Prescription
– Faux des actes notariés
– Intérêt financier du notaire
– Déchéance du droit aux intérêts
– Code de la consommation
– Soumission volontaire aux dispositions du code de la consommation
– Envoi des offres de prêt
– Signature des offres de prêt
– Déchéance du droit aux intérêts postérieurs aux saisies
– Montant de la créance
– Acte de saisie-attribution
– Décompte distinct des sommes réclamées
– Erreur sur la somme réclamée
– Imputation des sommes saisies
– Frais de procédure
– Réduction du montant des frais
– Cantonnement des effets de la saisie-attribution
– Indemnités de procédure
– Dépens de première instance et d’appel
– Article 700 du code de procédure civile

– Recevabilité de la contestation: possibilité pour une partie de contester une décision ou une action
– Dénonciation à l’huissier saisissant: notification officielle à l’huissier chargé de la saisie
– Formalité respectée: respect des règles et procédures établies
– Caractère exécutoire des titres: capacité d’un titre à être mis en œuvre et exécuté
– Actes de prêt notariés: contrats de prêt établis devant notaire
– Décret n°71-941 du 26 novembre 1971: texte réglementant certaines pratiques notariales
– Nullité des actes de prêt: invalidité des contrats de prêt
– Autorité de la chose jugée: force exécutoire d’une décision de justice
– Prescription: délai au-delà duquel une action en justice n’est plus recevable
– Faux des actes notariés: falsification des documents notariés
– Intérêt financier du notaire: rémunération perçue par le notaire pour ses services
– Déchéance du droit aux intérêts: perte du droit de percevoir des intérêts
– Code de la consommation: ensemble des règles régissant les relations entre professionnels et consommateurs
– Soumission volontaire aux dispositions du code de la consommation: acceptation des règles du code de la consommation
– Envoi des offres de prêt: envoi des propositions de prêt à un emprunteur
– Signature des offres de prêt: validation officielle des conditions de prêt par l’emprunteur
– Déchéance du droit aux intérêts postérieurs aux saisies: perte du droit de percevoir des intérêts après une saisie
– Montant de la créance: somme due par un débiteur à un créancier
– Acte de saisie-attribution: procédure permettant de saisir les biens d’un débiteur pour rembourser une dette
– Décompte distinct des sommes réclamées: détail des montants réclamés de manière distincte
– Erreur sur la somme réclamée: inexactitude sur le montant réclamé
– Imputation des sommes saisies: affectation des sommes saisies au remboursement de la dette
– Frais de procédure: coûts liés à une procédure judiciaire
– Réduction du montant des frais: diminution des coûts de la procédure
– Cantonnement des effets de la saisie-attribution: limitation des conséquences de la saisie
– Indemnités de procédure: compensation financière accordée à une partie pour les frais engagés
– Dépens de première instance et d’appel: frais engagés lors d’une procédure en première instance et en appel
– Article 700 du code de procédure civile: disposition permettant d’accorder une indemnité de procédure à une partie.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 23/03157 – N° Portalis DBVX-V-B7H-O5LY

Décision du Juge de l’exécution du TJ de SAINT ETIENNE

du 03 avril 2023

RG : 22/00806

Caisse CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'[Localité 7]

C/

[L]

[W]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

6ème Chambre

ARRET DU 21 Mars 2024

APPELANTE :

LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE L'[Localité 7]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938

assisté de Me Virginie ROSENFELD, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES :

M. [R] [L]

né le [Date naissance 4] 1965 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Mme [P] [W] épouse [L]

née le [Date naissance 3] 1965 à [Localité 12]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentés par Me Vincent DE FOURCROY de la SELARL DE FOURCROY AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1102

assisté de Me Cécile PION de la SCP GOBERT & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 12 Février 2024

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 13 Février 2024

Date de mise à disposition : 21 Mars 2024

Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :

– Joëlle DOAT, présidente

– Evelyne ALLAIS, conseillère

– Stéphanie ROBIN, conseillère

assistées pendant les débats de Cécile NONIN, greffière

A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.

Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Joëlle DOAT, présidente, et par Cécile NONIN, greffière, à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

FAITS, PROCEDURE ET DEMANDES DES PARTIES

Par actes notariés en date des 6 mai 2004 et 4 novembre 2004, la société Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] a consenti à M. [R] [L] et Mme [P] [W] épouse [L] :

– un prêt immobilier d’un montant de 215 000 euros, au taux de 5,95 %, remboursable en 216 mensualités de 1 624,01 euros chacune, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier situé à [Localité 8] (77)

– un prêt immobilier d’un montant de 234 540 euros, au taux de 5,95 %, remboursable en 220 mensualités de 1 744,90 euros chacune, destiné à financer l’acquisition d’un bien immobilier situé à [Localité 11] (77).

Par acte du 19 novembre 2009, la Caisse de Crédit Mutuel a dénoncé une inscription d’hypothèque judiciaire provisoire prise le 12 novembre 2009 sur l’immeuble situé à [Localité 9] (42) appartenant aux époux [L], pour sûreté de la somme de 449 540 euros en principal.

La banque a fait dresser quatre actes de saisie-attribution, le 24 mars 2011, le 28 mars 2011, le 30 mars 2011, le 4 avril 2011, en vertu de l’acte notarié de prêt du 6 mai 2004, et un acte de saisie-attribution le 1er avril 2011, en vertu de l’acte notarié de prêt du 4 novembre 2004.

Ces mesures ont été contestées par les époux [L] devant le juge de l’exécution.

Par six arrêts en date du 15 janvier 2015, la cour d’appel de Lyon a confirmé les six jugements rendus le 14 mai 2012 par le juge de l’exécution du tribunal d egrande instance de Saint-Etienne, qui avaient rejeté les contestations et elle a condamné les époux [L] à payer à la banque six indemnités de procédure d’un montant respectif de 1 500 euros.

Par acte en date du 11 janvier 2022, la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] a fait pratiquer une saisie-attribution de créance à exécution successive entre les mains de la société Hôtelière [10] Appart en exécution des deux actes de prêt notariés et des six arrêts de la cour d’appel du 15 janvier 2015, pour paiement des sommes suivantes :

– 276 751,96 euros au titre du prêt du 6 mai 2004, en capital restant dû, intérêts échus du 19 octobre 2010 au 27 octobre 2021, primes d’assurance échues au 27 octobre 2021 et indemnité conventionnelle de 7 %, déduction faite des règlements effectués à hauteur de 59 344,42 euros

– 307 556,66 euros au titre du prêt du 4 novembre 2004, en capital restant dû, intérêts échus du 19 octobre 2010 au 27 octobre 2021, primes d’assurance échues au 27 octobre 2021 et indemnité conventionnelle de 7 %, déduction faite des règlements effectués à hauteur de 64 289,66 euros

– 9 000 euros (6 x 1 500 euros) au titre des condamnations prononcées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile

– 2 545,82 euros au titre des frais de procédure et honoraires incluant le coût de l’acte de saisie-attribution et le complément du droit de recouvrement et d’encaissement.

La saisie-attribution a été dénoncée aux époux [L] le 18 janvier 2022.

Par acte d’huissier en date du 18 février 2022, les époux [L] ont fait assigner la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Saint-Etienne en contestation de la mesure de saisie-attribution.

Par jugement en date du 3 avril 2023, le juge de l’exécution a :

– déclaré la contestation recevable

– débouté M. et Mme [L] de leurs demande d’annulation et de mainlevée de la saisie-attribution

– déclaré recevable le moyen tiré de la nullité des actes de prêt notariés

– dit que ces deux actes de prêt valent comme écrits sous signature privée

– cantonné les effets de la saisie-attribution à exécution successive à la somme de 9 000 euros en principal, outre les frais de la saisie-attribution et les intérêts qui seront recalculés en conséquence du jugement

– ordonné la mainlevée de la saisie-attribution pour le surplus

– condamné la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] aux dépens

– débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

La Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] a interjeté appel de ce jugement, le 13 avril 2023.

Par ordonnance en date du 6 novembre 2023, la juridiction du premier président a ordonné le sursis à l’exécution du jugement dont appel

Dans ses dernières conclusions notifiées le 9 février 2024, la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] demande à la cour :

– d’infirmer le jugement

en conséquence,

– de débouter M. et Mme [L] de toutes leurs demandes portant notamment sur l’appel incident

– de les déclarer irrecevables en leurs contestations

– de valider les deux actes notariés et la mesure entreprise

– de valider le procès-verbal contesté

– de rejeter toutes demandes incidentes comme étant irrecevables, prescrites et mal fondées

– de condamner ‘tous succombants’ au paiement de la somme de 8 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Dans leurs dernières conclusions notifiées le 12 janvier 2024 avant la clôture, M. [R] [L] et Mme [P] [W] épouse [L] demandent à la cour :

à titre principal,

– de confirmer le jugement

à titre subsidiaire,

– de fixer la créance au titre de l’acte de prêt du 6 mai 2004 à la somme de 70 239,70 euros au titre du capital restant dû et à la somme de 13 232,19 euros au titre de l’indemnité de résiliation

– de débouter la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] de toutes ses autres demandes au titre de ce prêt

– de rejeter du fait de leur déchéance, les demandes au titre des intérêts réclamés, soit la somme de 125 157,12 euros au titre du prêt du 6 mai 2004 et la somme de 138 443,34 euros au titre du prêt du 4 novembre 2004

– de rejeter la demande de 2 240,84 euros au titre des frais de procédure

– de débouter la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] de toutes ses demandes

– de condamner la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] à leur payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 janvier 2024.

SUR CE :

Sur la recevabilité de la contestation

La banque fait valoir, au visa des dispositions de l’article 211-11 du code des procédures civiles d’exécution, qu’aucune pièce ne justifie de la dénonce à l’huissier saisissant au jour de l’assignation et de l’information au tiers saisi, la preuve de cette dénonciation n’étant rapportée ni par la lettre non signée et non tamponnée de Maître [K], huissier qui a délivré l’assignation, datée du 18 février 2022, à la SCP Synergie Huissiers ayant procédé à la saisie-attribution, ni par un bordereau de dépôt.

La pièce 4 des époux [L] montre que l’huissier de justice qui a délivré le 18 février 2022 l’assignation en contestation de saisie-attribution devant le juge de l’exécution a informé le tiers saisi, la société Hôtelière [10] Appart, par lettre du 18 février 2022, de l’existence de cette assignation, et qu’il a dénoncé ladite assignation à la SCP Synergie Huissiers 13, par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 18 février 2022 mentionnant la référence de la contestation, à savoir le numéro 3645, lequel a été reporté sur le bordereau d’expédition.

C’est à juste titre en conséquence que le juge de l’exécution a estimé que la formalité avait été respectée et que la contestation était recevable.

Sur le caractère exécutoire des titres fondant la saisie-attribution

Les époux [L] ont soutenu devant le juge de l’exécution que les deux actes de prêt notariés sur le fondement desquels avait été pratiquée la saisie-attribution contestée avaient méconnu les prescriptions de l’article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971, si bien qu’ils ne valaient pas titre exécutoire et ne pouvaient valoir que comme écrits sous signature privée.

Le juge de l’exécution, après avoir rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la banque tirées de l’autorité de la chose jugée et de la prescription, a estimé que les actes de prêt n° 202873-01 et n°202873-02 reçus par Maître [V] ne pouvaient valoir que comme écrits sous signature privée, au motif que le notaire rédacteur des deux actes de prêt était intéressé personnellement à leur rédaction, au sens de l’article 2 du décret de 1971, puisqu’il pouvait être considéré comme associé aux affaires du promoteur dont les ventes étaient ainsi financées et qu’il tirait un avantage financier de cette association, ce qui avait pour effet de priver la banque du titre exécutoire constatant ses créances et lui interdisait de procéder à une saisie-attribution, de sorte que la saisie devait être cantonnée à la somme de 9 000 euros en principal, le surplus de la créance invoquée n’étant pas titré.

****

En cause d’appel, la banque fait valoir que les six arrêts rendus par la cour d’appel de Lyon le 15 janvier 2015 ont tous validé les actes d’exécution fondés sur les actes notariés dressés par Maître [V], que, bien que la présente mesure d’exécution soit fondée sur les mêmes titres, les époux [L] invoquent de nouveaux moyens de contestation, alors qu’ils avaient déjà contesté à l’époque les actes notariés, à une date à laquelle les notaires étaient déjà mis en examen, et que leur contestation se heurte à l’autorité de la chose jugée et au principe de concentration des moyens.

Elle ajoute que les époux [L] ne peuvent désormais opposer les prétendues irrégularités de l’acte notarié litigieux en raison de la prescription.

Sur le fond, elle soutient que les actes litigieux ne sont pas argués de faux et n’ont fait l’objet d’aucune demande d’inscription de faux, que les faits pour lesquels Maître [V] est poursuivi (participation à une escroquerie), l’arrêt rendu par la chambre de l’instruction étant au demeurant frappé de pourvoi, ne font pas perdre leur caractère authentique et exécutoire aux actes qu’il a dressés sur la période, que seule l’inobservation des formalités pour l’authentification de l’article 41 du décret du 26 novembre 1971 est sanctionnée par la perte du caractère authentique et donc exécutoire de l’acte notarié et qu’en l’espèce, Maître [V], notaire associé, n’était pas intéressé au sens de l’article 2 du décret du 26 novembre 1971.

Les époux [L] répondent que les arrêts n’ont pas autorité de la chose jugée sur la nature de l’acte, puisqu’ils ne jugent pas dans leur dispositif que les actes notariés sont exécutoires mais rejettent leurs contestations, que le principe de concentration des moyens ne peut en conséquence leur être opposé et que, par ailleurs, leur exception est fondée sur un élément nouveau, à savoir l’ordonnance de renvoi du notaire devant le tribunal correctionnel.

En ce qui concerne la prescription alléguée, ils font observer qu’ils ne demandent pas à la cour d’ordonner la disqualification des actes notariés mais qu’ils invoquent cette disqualification à titre d’exception de défense, de sorte qu’elle est imprescriptible.

Sur le fond, les époux [L] soutiennent que l’intérêt de Maître [V] dans les deux actes notariés résulte du fait que ces deux actes font partie d’une relation avec Apollonia qui était son apporteur d’affaires dans laquelle le notaire avait perdu son indépendance à l’égard de celle-ci, son impartialité et son désintérêt financier, que la pression sur le notaire et sa SCP était telle que, s’il voulait garder cette relation, ce notaire n’avait pas d’autre choix que d’instrumenter les deux actes notariés et que dès lors, il a établi les actes pour préserver son intérêt personnel.

****

L’article 122 du code de procédure civile énonce que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

En application de l’article L211-1 du code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Il appartient au juge de l’exécution de vérifier le caractère exécutoire du titre sur lequel est fondée la saisie-attribution.

En l’espèce, la banque soulève l’irrecevabilité de la contestation relative au caractère exécutoire des deux actes notariés de prêt, au motif que cette contestation aurait déjà été tranchée par la cour d’appel de Lyon statuant sur de précédentes mesures d’exécution pratiquées en vertu des mêmes actes notariés.

Il ressort des arrêts rendus le 15 janvier 2015 par la cour d’appel de Lyon que les époux [L] ont d’abord soutenu que les actes de prêt notariés étaient affectés d’irrégularités substantielles qui les privaient de leur force exécutoire, en raison, d’une part du défaut d’annexion à l’acte des procurations ou de dépôt au rang des minutes du notaire, d’autre part du défaut de pouvoir des clercs qui ont signé les actes tant pour le compte de la banque que pour eux-mêmes, de sorte que les actes seraient nuls, qu’ensuite, sans soulever expressément la nullité des actes fondant les poursuites,ils se sont prévalu de diverses causes de nullité de ces actes, notamment de l’absence de pouvoir du mandataire qui a signé les actes.

La cour d’appel, qui n’a pas statué sur une demande aux fins de nullité des actes notariés de prêt dont elle n’était pas saisie, a rejeté les moyens ci-dessus.

Dans le cadre de la présente contestation, les époux [L] invoquent une irrégularité non soulevée lors de la précédente, dont ils déduisent qu’elle est de nature à retirer aux actes leur caractère authentique et, partant leur caractère exécutoire, et ils sollicitent en conséquence le cantonnement de la saisie à la somme de 9 000 euros en principal et la mainlevée pour le surplus.

S’agissant de moyens et non de demandes, il ne peut être opposé aux époux [L] ni autorité de la chose jugée, ni principe de concentration des demandes, ni prescription, peu important que ces moyens soient élevés à l’occasion de la contestation d’une mesure d’exécution fondée sur les mêmes titres exécutoires que ceux qui ont fait l’objet de précédentes mesures d’exécution forcée,

Les fins de non recevoir doivent être rejetées.

Aux termes de l’article 1318 ancien du code civil, l’acte qui n’est point authentique par l’incompétence ou l’incapacité de l’officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s’il a été signé des parties.

L’article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971, dans sa version en vigueur du 3 décembre 1971 au 1er février 2006 énonce :

Les notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels leurs parents ou alliés, en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement, sont parties, ou qui contiennent quelque disposition en leur faveur.

Les notaires associés d’une société titulaire d’un office notarial ou d’une société de notaires ne peuvent recevoir des actes dans lesquels l’un d’entre eux ou les parents ou alliés de ce dernier au degré prohibé par l’alinéa précédent sont parties ou intéressés.

Il se déduit des dispositions de l’alinéa 2 de l’article 2 que les notaires associés ne peuvent recevoir d’actes dans lesquels l’un de leurs associés ou les parents ou alliés en ligne directe, à tous les degrés, et en ligne collatérale jusqu’au degré d’oncle ou de neveu inclusivement de celui-ci sont parties, ou intéressés, au sens de l’alinéa 1er, c’est à dire qui contiennent quelque disposition en leur faveur.

Tel n’est pas le cas en l’espèce des deux actes rédigés par Maître [V], notaire associé, qui n’est ni personnellement partie aux actes, ni parent ou allié d’une partie aux actes, ni bénéficiaire de l’une des dispositions de ceux-ci, et dont aucun associé n’est personnellement partie aux actes, parent ou allié d’une partie aux actes, ni bénéficiaire de l’une des dispositions de ceux-ci, s’agissant d’actes de prêt consentis par une banque à des tiers.

Dans ces conditions, les développements de M. et Mme [L] relatifs aux intérêts financiers du notaire, au volume des affaires apportées par la société Apollonia et à l’enrichissement de l’étude sont sans rapport avec les incapacités d’instrumenter prescrites par l’article 2 du décret n°71-941 du 26 novembre 1971.

La contestation du caractère exécutoire des deux actes de prêt dressés par Maître [V], notaire, le 6 mai 2004 et le 4 novembre 2004 en vertu desquels la saisie-attribution a été pratiquée n’est pas justifiée et doit être rejetée.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Les époux [L] demandent à la cour d’ordonner la déchéance des intérêts dûs postérieurement aux saisies de 2011, en application de l’ancien article L312-7 du code de la consommation, et ‘d’écarter’ lesdits intérêts de la saisie litigieuse pour les deux prêts.

Le Crédit Mutuel demande à la cour de constater l’irrecevabilité du moyen, en raison de l’autorité de la chose jugée, de la règle de concentration des moyens et de la prescription.

Dans ses arrêts du 15 janvier 2015, la cour d’appel a estimé que les contestations relatives au taux effectif global des deux prêts étaient prescrites pour avoir été formées plus de cinq ans après la date de souscription des prêts.

La question de la déchéance du droit aux intérêts invoquée par les époux [L] dans le cadre de la présente contestation n’a pas été tranchée dans le dispositif de ces arrêts, de sorte que la banque n’est pas fondée à se prévaloir de l’autorité de la chose jugée sur ce point.

Le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par le souscripteur d’un prêt constitue une défense au fond non soumise à la prescription.

En l’espèce, les époux [L] agissent en contestation du montant de la créance constatée par un acte authentique de prêt exécutoire, dont le créancier poursuit le recouvrement à leur encontre.

Il s’agit bien d’une défense au fond.

La demande des époux [L] tendant à voir constater la déchéance du droit aux intérêts ‘postérieurs aux saisies de 2011″ n’est dès lors pas prescrite.

Les époux [L] soutiennent ensuite que, certes, les investisseurs en location meublée professionnelle doivent être considérés comme des professionnels ne pouvant bénéficier des dispositions du code de la consommation, mais qu’en l’occurrence, la banque, qui avait connaissance de leur qualité de professionnel, a néanmoins décidé de leur appliquer le code de la consommation, qu’en conséquence, elle s’est soumise volontairement auxdites dispositions.

La Caisse de Crédit Mutuel soutient que le dispositif Scrivener n’est pas applicable aux contrats litigieux car les emprunts souscrits avaient pour objet de financer l’acquisition de plusieurs appartements destinés à la location meublée professionnelle.

Elle considère que le caractère non équivoque et volontaire de la soumission invoquée n’est pas établi, affirmant qu’elle ignorait l’objectif des époux [L] d’investir en vue d’obtenir le statut de loueur meublé professionnel, puisqu’elle pensait qu’elle avait affaire à des non-professionnels et finançait une opération de loueur meublé non professionnel, et que, si elle l’avait su, elle n’aurait jamais soumis les prêts au statut du code de la consommation.

L’article L312-3 2° du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, énonce que sont exclus du champ d’application du chapître II du titre 1er du livre III du code de la consommation relatif au crédit immobilier les prêts destinés, sous quelque forme que ce soit, à financer une activité professionnelle, notamment celle des personnes physiques ou morales qui, à titre habituel, même accessoire à une autre activité, ou, en vertu de leur objet social, procurent, sous quelque forme que ce soit, des immeubles ou fractions d’immeubles, bâtis ou non, achevés ou non, collectifs ou individuels, en propriété ou en jouissance.

Quand bien même le prêt revêt une nature professionnelle, les parties conservent la faculté de se soumettre volontairement aux dispositions du code de la consommation.

L’offre et le contrat de prêt immobilier annexés à la minute de l’acte notarié du 6 mai 2004 visent les articles L312-1 et suivants du code de la consommation.

Il est stipulé à la clause 10 du contrat que le concours financier sera mis à la disposition de l’emprunteur après régularisation des garanties (…) et levée de l’ensemble des conditions suspensives et résolutoires des articles L312-7 à L312-20 du code de la consommation.

L’acte contient une clause 21 ‘rappel de certaines dispositions du code de la consommation’ reprenant notamment la procédure d’acceptation de l’offre de prêt.

L’offre et le contrat de prêt immobilier annexés à la minute de l’acte notarié du 6 novembre 2004 visent les articles L312-1 et suivants du code de la consommation et contiennent des clauses se référant aux dispositions du code de la consommation (article 11 : mise à disposition des prêts ; article 22 : rappel de certaines dispositions du code de la consommation ; article 22.2 : procédure d’acceptation de l’offre de prêt).

Les lettres d’accompagnement des deux offres de prêt précisent qu’en vue de satisfaire aux obligations instituées par le code de la consommation (information et protection des emprunteurs dans le domaine immobilier), il est demandé à ces derniers de bien vouloir examiner l’offre de prêt et le tableau d’amortissement.

Sachant que les deux prêts étaient destinés à financer l’acquisition de deux lots dans un ensemble immobilier à usage de résidence services et que les emprunteurs prenaient l’engagement d’occupation suivant : ‘ le logement financé doit être occupé à titre de résidence principale et permanente d’un locataire’, les dispositions du code de la consommation visées à plusieurs endroits des deux contrats établissent que les parties ont entendu se soumettre, volontairement et sans équivoque, aux dispositions du code de la consommation.

La banque qui indique elle-même que M. et Mme [L] sont des loueurs professionnels et qu’ils se sont comportés comme tels au moyen de leurs acquisitions successives avec inscription au RCS n’est pas fondée à prétendre qu’elle ignorait l’intention de ces derniers d’exercer et de développer l’activité de loueur de meublé professionnel et que c’est par erreur qu’il est fait référence au dispositif Scrivener dans les actes.

Les dispositions du code de la consommation sont bien applicables aux prêts litigieux.

Les époux [L] affirment qu’en violation de l’article L312-7 du code de la consommation, il résulte du dossier d’instruction que toutes les banques ont envoyé les offres de prêt à leur intermédiaire Apollonia et non aux emprunteurs, que ce ne sont pas les emprunteurs qui ont renvoyé les offres aux établissements bancaires mais Apollonia après qu’elle eut apposé elle-même les dates de réception et les dates d’acceptation sur les offres de prêt, en veillant à ce qu’elles coïncident avec le délai de plus de dix jours de l’article L132-10 du code de la consommation, qu’ils n’ont pas reçu les offres de prêt du Crédit Mutuel par voie postale, que ces offres ne sont ni signées ni paraphées par eux, qu’en réalité, seuls étaient signés des accusés de réception des offres créés spécifiquement par le Crédit Mutuel pour les dossiers apportés par Apollonia, dans le but de cacher le fait que la banque n’envoyait pas les offres de prêt aux emprunteurs par la voie postale, et une lettre d’acceptation.

Ils font observer que les offres de prêt ne sont ni signées, ni paraphées par eux et que ni les mentions, ni les dates ne sont de leur main.

La banque fait valoir que les deux offres ont été envoyées aux époux [L] par voie postale et que ceux-ci les ont signées avant de les remettre à Apollonia, et ce à son insu, ce qui relève de leur seule responsabilité.

Elle indique que le délai de réflexion de dix jours a été respecté.

Selon l’article L312-7 du code de la consommation issu de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993 (abrogé par l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016), pour les prêts mentionnés à l’article L. 312-2, le prêteur est tenu de formuler par écrit une offre adressée gratuitement par voie postale à l’emprunteur éventuel ainsi qu’aux cautions déclarées par l’emprunteur lorsqu’il s’agit de personnes physiques.

Deux lettres de la Caisse de Crédit mutuel, datées respectivement du 30 mars 2004 et du 24 mai 2004, annexées aux actes de prêt, informent M. et Mme [L] que la banque a statué favorablement sur leurs demandes de prêt et qu’elle leur adresse l’offre et le tableau d’amortissement.

La banque produit deux documents intitulés chacun ‘accusé de réception de l’offre/ contrat de prêt par l’emprunteur’, selon lesquels les époux [L] qui ont apposé leur signature au bas du document, attestent avoir reçu par voie postale le 3 avril 2004 et le 26 mai 2004 les offres de prêt émises par le Crédit mutuel pour les montants respectifs de 215 000 euros et de 234 540 euros.

Par lettres adressées au notaire, datées du 14 avril 2004 et du 7 juin 2004, annexées à chacun des actes de prêt, revêtues de leur signature, les époux [L] confirment avoir reçu par voie postale l’offre préalable de crédit immobilier transmise par la Caisse de Crédit mutuel et le tableau d’amortissement, confirment avoir bénéficié du délai de réflexion de 10 jours entiers prévu à l’article L312-10 du code de la consommation et confirment accepter les termes de cette offre préalable.

Ils ne contestent pas leur signature.

Par ailleurs, chacun des deux actes notariés contient en page 2 les énonciations suivantes :

le prêteur consent à l’emprunteur un concours financier selon l’offre préalable que l’emprunteur confirme avoir reçu par voie postale et avoir accepté le 14 avril 2004 (premier prêt), le 7 juin 2004 (second prêt) par courrier adressé au notaire

le notaire atteste avoir reçu l’acceptation par voie postale et constate que le cachet postal est daté du 19 avril 2004 (premier prêt), du 7 juin 2004 (second prêt).

Le prêteur démontre ainsi qu’il a respecté les dispositions de l’article L312-7 du code de la consommation, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts, sanction prévue par l’article L 312-33 du code de la consommation, n’est pas encourue.

Sur le montant de la créance

En application de l’article R211-1 3° du code des procédures civiles d’exécution, l’acte de saisie-attribution contient à peine de nullité le décompte distinct des sommes réclamées en principal, frais et intérêts échus, majorés d’une provision pour les intérêts à échoir dans le délai d’un mois prévu pour élever une contestation.

Lorqu’un acte de saisie-attribution est délivré sur le fondement de plusieurs titres exécutoires, constatant des créances distinctes, l’acte de saisie doit contenir un décompte distinct en principal, frais et intérêts échus pour chacun d’eux.

L’erreur portant sur la somme réclamée n’est pas une cause de nullité de l’acte.

En l’espèce, les époux [L] ne demandent pas la nullité de la mesure de saisie-attribution, mais ils discutent le montant des créances en recouvrement.

L’acte de saisie-attribution du 11 janvier 2022 porte sur le paiement des sommes suivantes :

prêt du 6 mai 2004

– 185 549,69 euros au titre du capital restant dû au 18 octobre 2010

– 125 157,12 euros au titre des intérêts au taux de 5,95 % échus du 19 octobre 2010 au 27 octobre 2021

– 12 157, 38 euros au titre des primes d’assurance-vie échues au 27 octobre 2021

– 13 232,19 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de 7 %

total : 336 096,38 euros

dont à déduire la somme de 59 344,42 euros au titre des réglements effectués (suivant une répartition au marc l’euro de 48 % sur un total encaissé de 123 634,08 euros).

prêt du 4 novembre 2004

– 205 280,49 euros au titre du capital restant dû au 18 octobre 2010

– 138 443,34 euros au titre des intérêts au taux de 5,95 % échus du 19 octobre 2010 au 27 octobre 2021

– 13 484,95 euros euros au titre des primes d’assurance-vie échues au 27 octobre 2021

– 14 637,54 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de 7 %

total : 371 846,32 euros

dont à déduire la somme de 64 289,66 euros au titre des réglements effectués (suivant une répartition au marc l’euro de 50 % sur un total encaissé de 123 634,08 euros).

En vertu de l’acte notarié de prêt du 6 mai 2004, la banque avait déjà fait pratiquer les mesures d’exécution suivantes :

– le 24 mars 2011, une mesure de saisie-attribution des loyers dûs par la société Les Floriales aux époux [L], en ce qui concerne l’immeuble de [Localité 8]

– le 28 mars 2011, une mesure de saisie-attribution entre les mains du Crédit Agricole

– le 30 mars 2011, une mesure de saisie-attribution entre les mains de la Société Générale

– le 4 avril 2011, trois mesures de saisie-attribution entre les mains de la Caisse d’Epargne.

Les mesures de saisie-attribution pratiquées le 28 mars, le 30 mars et le 4 avril 2011 sur les comptes bancaires détenus par les deux époux [L] dans les trois banques visaient à obtenir le paiement des sommes de :

– principal d’ouverture : 207 697,45 euros

– intérêts acquis au taux de 8,95 % : 1 910,91 euros

– provision pour intérêts à échoir /1 mois : 1 364,94 euros

– frais de procédure : 441,53 euros

total : 211 932,64 euros.

La saisie-attribution des loyers a été pratiquée le 24 mars 2011 pour obtenir paiement des sommes de :

– principal d’ouverture : 207 697,45 euros

– intérêts acquis au taux de 8,95 % : 1 363, 93 euros

– provision pour intérêts à échoir /1 mois : 1 364,94 euros

– frais de la présente procédure : 391,10 euros

– coût de l’acte : 457,62 euros

total : 211 274,04 euros.

Dans la mesure où le capital restant dû au 18 octobre 2010, soit antérieurement aux saisies-attribution de mars et avril 2011, s’élevait à la somme de 185 549,69 euros, le ‘principal d’ouverture’ de 207 697,45 euros visé aux actes des 24, 28 ,30 mars et 4 avril 2011 incluait nécessairement des intérêts, des primes d’assurance et l’indemnité contractuelle de 7 %.

La somme totale de 47 190, 98 euros a été saisie sur les comptes bancaires ouverts au Crédit Agricole, à la Société Générale et à la Caisse d’Epargne, comme le font justement observer les époux [L] au vu des déclarations effectuées par les tiers saisis, ce qui est corroboré par le tableau de la banque produit en pièce 59 lequel fait apparaître des règlements à hauteur de 128 759,73 euros, arrêtés au 27 octobre 2021, et non pas de 123 634,08 euros comme il est indiqué dans le procès-verbal de saisie-attribution du 11 janvier 2022.

En exécution du prêt notarié du 6 mai 2004, la créance en principal, intérêts, provision sur intérêts d’un mois, indemnité et frais s’élevait donc, à l’expiration du délai d’un mois suivant la dernière saisie, soit le 4 mai 2011, à la somme de 164 741,66 euros, après déduction de la somme de 47 190, 98 euros attribuée au créancier en vertu de la saisie (211 932,64 euros – 47 190,98 euros).

La Caisse de Crédit mutuel indique dans ses conclusions qu’elle a reçu paiement d’une somme de 80 832,98 euros en exécution de la saisie-attribution pratiquée le 24 mars 2011 entre les mains de la société Les Floriales, somme qu’elle a entièrement imputée sur le prêt 01, c’est à dire le prêt du 6 mai 2004.

La saisie ayant été pratiquée le 24 mars 2011 et des sommes ayant régulièrement été attribuées au créancier à compter de cette date, il convient d’imputer la somme de 80 832,98 euros sur celle de 164 741, 66 euros.

La créance totale en principal, intérêts, assurances, indemnité et frais au titre du premier prêt doit être arrêtée, à la date de la saisie-attribution du 11 janvier 2022, à la somme de 83 908,68 euros (164 741, 66 euros – 80 832,98 euros).

Malgré la saisie-attribution des loyers pratiquée le 1er avril 2011 pour obtenir paiement des sommes dûes au titre du prêt du 4 novembre 2004, à savoir :

– principal d’ouverture : 229 756,93 euros

– intérêts acquis au taux de 8,95 % : 1 510,08 euros

– provision pour intérêts à échoir /1 mois : 1 510, 07 euros

– frais de la présente procédure : 391,10 euros

– coût de l’acte : 455,62 euros

total : 233 623,80 euros,

aucun paiement n’a été imputé sur cette créance.

En conséquence, la créance au titre du prêt notarié du 4 novembre 2004 doit être arrêtée, à la date de la saisie-attribution pratiquée le 11 janvier 2022, à la somme de 233 623, 80 euros, outre les intérêts au taux contractuel, à compter du 1er mai 2011, date d’expiration du délai de contestation de la saisie du 1er Avril 2011, au 11 janvier 2022.

La créance résultant des indemnités de procédure n’est pas discutée.

Les époux [L] font valoir que la somme de 2 240,84 euros visée au procès-verbal de saisie-attribution au titre des frais n’est justifiée ni par un titre exécutoire ni par d’autres justificatifs.

La Caisse de Crédit Mutuel répond que les frais sont parfaitement justifiés et dûs par les débiteurs, sans viser de pièce à cet égard dans ses conclusions.

Elle produit en pièce 49 un document intitulé ‘détail frais de procédure’ qui énumère les frais des saisies-attribution de 2011 et de saisies-attribution datées des 25, 28 et 29 janvier 2013, 6 mars 2013, 6 août et 11 août 2015 pour un total de 2 054,68 euros, qui ne correspond pas du reste au chiffre mentionné dans le procès-verbal de saisie-attribution du 11 janvier 2022 (2 240,84 euros) sous l’intitulé ‘les frais de procédure exposés’, alors que les frais des saisies de 2011 ont déjà été décomptés et que les actes des saisies de 2013 et 2015 mentionnées à la pièce 49 ne sont pas produits aux débats.

Le montant des frais doit être réduit au coût de l’acte du 11 janvier 2022 et au complément du droit de recouvrement et d’encaissement, soit la somme de 304,98 euros (115,87 + 189,11).

Il convient en conséquence de cantonner les effets de la saisie-attribution aux sommes suivantes, arrêtées à la date de la saisie du 11 janvier 2022 :

– prêt du 6 mai 2004 : 83 908,68 euros

– prêt du 4 novembre 2004 : 233 623, 80 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,95 % du 1er mai 2011 au 11 janvier 2022

– indemnités de procédure : 9 000 euros

– frais : 304,98 euros.

Les contestations des époux [L] étant rejetées pour l’essentiel, il y a lieu de condamner ces derniers aux dépens de première instance et d’appel.

Pour des raisons d’équité, la demande de la Caisse de Crédit Mutuel fondée sur l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement par arrêt mis à disposition au greffe et contradictoirement :

INFIRME le jugement, sauf en ce qu’il a déclaré recevable la contestation des époux [L] et débouté ces derniers de leurs demandes d’annulation et de mainlevée de la saisie-attribution

Statuant à nouveau,

CANTONNE les effets de la saisie-attribution aux sommes suivantes, arrêtées au 11 janvier 2022, date du procès-verbal de saisie-attribution :

– prêt du 6 mai 2004 : 83 908,68 euros

– prêt du 4 novembre 2004 : 233 623, 80 euros, outre les intérêts au taux contractuel de 5,95 % du 1er mai 2011 au 11 janvier 2022

– indemnités de procédure : 9 000 euros

– frais : 304,98 euros

CONDAMNE les époux [L] aux dépens de première instance et d’appel

REJETTE la demande de la Caisse de Crédit Mutuel de l'[Localité 7] fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 

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