S’il est admis que l’expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties est une preuve recevable, dès lors qu’elle a été soumise à la libre discussion des parties, il est néanmoins tout aussi acquis qu’une telle pièce ne peut à elle seule asseoir une condamnation et servir de fondement exclusif à une décision, peu important que la partie adverse ait été régulièrement appelée aux opérations d’expertise (Civ. 3e, 14 mai 2020, n° 19-16.278). Celle-ci doit en effet être corroborée par d’autres éléments.
L’Eurl l’atelier du paysage a acheté un moteur d’occasion pour un véhicule Ford sur le site internet de la société World Motors. Après avoir constaté des dysfonctionnements, une expertise a révélé que le moteur avait des défauts antérieurs à la vente. L’Eurl a alors assigné la Sas World Motors en justice pour annuler la vente et obtenir des dommages et intérêts. Le tribunal de proximité de Saverne a prononcé la résolution du contrat de vente et condamné la Sas World Motors à rembourser le prix du moteur, ainsi que des frais supplémentaires. La Sas World Motors a interjeté appel, contestant la responsabilité et la qualité de l’acheteur. L’Eurl l’atelier du paysage maintient ses demandes et demande des dommages et intérêts supplémentaires. L’affaire est en attente de jugement après l’audience du 15 janvier 2024.
Expertise amiable insuffisante
Au cas d’espèce, l’intimé fonde son action exclusivement sur l’expertise querellée.
Par conséquent, en l’absence d’expertise judiciaire et faute de production aux débats de tout autre élément de preuve extrinsèque corroborant les dires de l’expert privé, la société l’Atelier du paysage échoue à rapporter la preuve du vice caché reproché à la Sas World Motors, au soutien de son action en résolution de la vente et en indemnisation subséquente.
Sur la fin de non-recevoir :
L’article 122 du Code de procédure civile indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
L’article 32 du même code prévoit qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
En l’espèce, il est constant que le moteur d’occasion litigieux a été acheté par la société l’atelier du paysage sur le site internet de la société World Motors.
Les conditions générales de vente produites par l’appelante mentionnent expressément que « la boutique en ligne du site World Motors a été mise en place par la société World Motors, qui est l’exploitante de ce site ».
La facture établie le 14 janvier 2020 à la suite de la transaction a été émise par « World Motors », [Adresse 7], n° SIREN 792 693 723.
Ce numéro de SIREN correspond à l’entreprise individuelle de M. [J] [I], qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Coutances le 5 février 2020.
Il est également établi que la Sas World Motors, dont le représentant légal est M. [J] [I], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bernay le 1er février 2020 (n° SIREN 880 936 257).
La cour relève qu’une certaine confusion est volontairement entretenue par le vendeur sur l’entité juridique ayant réalisé la transaction puisque seul le numéro de SIREN figurant sur la facture permet d’identifier qu’elle a été conclue avec M. [J] [I], entrepreneur individuel, alors que l’acquéreur peut légitimement croire, au vu notamment des conditions générales de vente et du site internet, qu’il a contracté avec la société World Motors.
De plus, il résulte des échanges postérieurs à la vente que la Sas World Motors, gérée par M. [J] [I], a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de reprendre les engagements de M. [J] [I], entrepreneur individuel.
En effet, par deux courriels du 9 avril 2020 et du 15 avril 2020, la Sas World Motors a échangé avec l’acheteur pour tenter de trouver une issue amiable au litige et par un courriel ultérieur du 15 avril 2020, elle s’est référée aux dispositions contractuelles liant les parties en matière de garantie.
Dès lors, la cour retient que la Sas World Motors a repris les engagements de M. [J] [I] en se comportant comme la seule débitrice de l’engagement souscrit.
Il convient par conséquent de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’appelante.
Sur la demande au titre de la garantie des défauts cachés de la chose vendue :
Aux termes des dispositions combinées des articles 1641, 1644 et 1645 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Dans ce cas, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
En l’espèce, il est constant que la société World Motors a vendu le 10 janvier 2020 à la société l’atelier du paysage un moteur d’occasion de 123 000 kilomètres pour un véhicule Ford de modèle 2.4 TDCi [Immatriculation 1], moyennant un prix de 2 440 euros.
A la demande de l’acheteur, une expertise amiable non contradictoire a été organisée le 25 juin 2020 au titre de la garantie protection juridique souscrite auprès
– Sas World Motors : 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– Eurl l’atelier du paysage : aucune somme allouée
Réglementation applicable
– Article 122 du Code de procédure civile:
« Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée. »
– Article 32 du Code de procédure civile:
« Est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir. »
– Articles 1641, 1644 et 1645 du Code civil:
Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Dans ce cas, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
– Article 700 du Code de procédure civile:
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais non compris dans les dépens. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :
– Me Orlane AUER
– Me Guillaume HARTER
Mots clefs associés
– Fin de non-recevoir
– Article 122 du Code de procédure civile
– Article 32 du Code de procédure civile
– Conditions générales de vente
– Numéro de SIREN
– Entreprise individuelle
– Sas World Motors
– M. [J] [I]
– Courriels
– Garantie des défauts cachés
– Articles 1641, 1644 et 1645 du code civil
– Expertise amiable
– Expertise non judiciaire
– Expert privé
– Preuve du vice caché
– Résolution de la vente
– Indemnisation
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
– Fin de non-recevoir: Rejet d’une demande en justice pour un motif légal
– Article 122 du Code de procédure civile: Article concernant les exceptions de procédure
– Article 32 du Code de procédure civile: Article concernant les actes de procédure
– Conditions générales de vente: Clauses contractuelles définissant les modalités de vente
– Numéro de SIREN: Numéro d’identification des entreprises en France
– Entreprise individuelle: Forme juridique d’entreprise exploitée par une seule personne
– Sas World Motors: Société par actions simplifiée nommée World Motors
– M. [J] [I]: Monsieur [J] [I], personne identifiée dans un contexte donné
– Courriels: Messages électroniques envoyés par voie électronique
– Garantie des défauts cachés: Obligation du vendeur de garantir contre les vices cachés du bien vendu
– Articles 1641, 1644 et 1645 du code civil: Articles concernant la garantie des vices cachés
– Expertise amiable: Expertise réalisée à l’amiable entre les parties
– Expertise non judiciaire: Expertise réalisée en dehors d’une procédure judiciaire
– Expert privé: Expert indépendant mandaté pour une expertise
– Preuve du vice caché: Élément de preuve démontrant l’existence d’un vice caché
– Résolution de la vente: Annulation de la vente pour non-respect des obligations contractuelles
– Indemnisation: Compensation financière pour un préjudice subi
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire
– Article 700 du code de procédure civile: Article concernant l’allocation de frais de justice
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
MINUTE N° 24/157
Copie exécutoire à :
– Me Orlane AUER
– Me Guillaume HARTER
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE – SECTION A
ARRET DU 25 Mars 2024
Numéro d’inscription au répertoire général : 3 A N° RG 23/00926 – N° Portalis DBVW-V-B7H-IAXH
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 07 mai 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saverne
APPELANTE :
S.A.S. WORLD MOTORS
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Orlane AUER, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
E.U.R.L. L’ATELIER DU PAYSAGE
[Adresse 6]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 15 janvier 2024, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme FABREGUETTES, présidente de chambre
Mme DESHAYES, conseillère
M. LAETHIER, vice-président placé
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : M. BIERMANN
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Mme Isabelle FABREGUETTES, présidente et M. Jérôme BIERMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES :
Le 10 janvier 2020, l’Eurl l’atelier du paysage a acheté sur le site internet de la société World Motors un moteur d’occasion de 123 000 kilomètres pour un véhicule Ford de modèle 2.4 TDCi [Immatriculation 1], moyennant un prix de 2 440 euros.
Ayant constaté des dysfonctionnements peu après l’acquisition du moteur, l’Eurl l’atelier du paysage a fait procéder à une expertise amiable non contradictoire au titre de son contrat d’assurance de protection juridique.
L’expert a conclu le 20 août 2020 que le moteur comportait une avarie interne antérieure à la vente au niveau de la segmentation, de l’usure des pistons et des fûts de cylindre.
Par acte du 5 mars 2021, l’Eurl l’atelier du paysage a fait assigner la Sas World Motors devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saverne aux fins de voir prononcer l’annulation de la vente du 10 janvier 2020 et condamner la société défenderesse au paiement des sommes suivantes :
– 2 440 euros au titre du remboursement du moteur,
– 4 670 euros à titre de dommages et intérêts,
– 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société l’atelier du paysage a fait valoir, en référence aux conclusions de l’expert, que la fuite d’huile s’est manifestée après avoir parcouru 1 200 kilomètres et qu’elle n’était pas apparente au moment de la vente, que l’usure est incompatible avec les 123 000 kilomètres affichés au moteur et que le désordre existait au moment de la transaction et que le bien vendu est impropre à l’usage auquel on le destine, de sorte que l’annulation de la vente se justifie sur le fondement de l’article 1641 du code civil. Subsidiairement, l’acheteur a sollicité l’annulation de la vente sur le fondement du défaut de conformité des articles 1601 et suivants du code civil.
Régulièrement assignée à personne morale, la Sas World Motors n’était pas présente ni représentée devant le premier juge.
Par jugement réputé contradictoire du 7 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saverne a :
– prononcé, aux torts exclusifs du vendeur, la résolution judiciaire du contrat de vente intervenu le 10 janvier 2020 entre la Sas World Motors et l’Eurl l’atelier du paysage,
– condamné la Sas World Motors à rembourser à l’Eurl l’atelier du paysage la somme de 2 440 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
– condamné la Sas World Motors à payer à l’Eurl l’atelier du paysage la somme de 2 070 euros au titre du montage et démontage du moteur défectueux et la somme de 1 000 euros au titre du préjudice d’exploitation, soit la somme totale de 3 070 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
– condamné la Sas World Motors à verser à l’Eurl l’atelier du paysage la somme de 300 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sas World Motors en tous les frais et dépens de l’instance,
– constaté l’exécution provisoire du jugement,
– débouté les parties du surplus de leurs prétentions.
Pour statuer ainsi, le juge a retenu que le moteur acheté par l’Eurl l’atelier du paysage est atteint d’un vice rédhibitoire antérieur à son acquisition, le rendant impropre à son utilisation normale, et que si l’acheteur avait eu connaissance de ce vice, il n’aurait pas acquis le bien, de sorte que la résolution du contrat de vente se justifie sur le fondement de l’article 1641 du code civil.
Le juge a également considéré que la Sas World Motors, en sa qualité de vendeur professionnel, avait connaissance de la nature des défauts affectant le moteur vendu, de sorte qu’il est tenu d’indemniser le préjudice subi par l’acheteur.
La Sas World Motors a interjeté appel à l’encontre de ce jugement par déclaration adressée au greffe par voie électronique le 27 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 25 février 2022, la Sas World Motors demande à la cour de :
Sur l’appel principal,
– déclarer l’appel recevable et bien fondé,
en conséquence,
– infirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions,
et statuant à nouveau,
in limine litis,
– déclarer irrecevable l’Eurl l’atelier du paysage en ses demandes dirigées à l’encontre de la société Sas World Motors,
sur le fond,
– débouter l’Eurl l’atelier du paysage de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la Sas World Motors,
sur l’appel incident,
– déclarer l’Eurl l’atelier du paysage mal fondée en son appel incident,
– l’en débouter,
– condamner l’Eurl l’atelier du paysage aux entiers frais et dépens outre la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La Sas World Motors fait valoir que le moteur litigieux a été vendu par la société World Motors, gérée par M. [J] [I] en qualité d’entrepreneur individuel et immatriculée au RCS de Coutances sous le numéro SIREN [Numéro identifiant 5], alors que l’action aux fins de résolution judiciaire de la vente a été engagée contre la Sas World Motors, inscrite au RCS de Bernay sous le numéro SIREN 880936257.
L’appelante soutient que la société World Motors a été radiée le 5 février 2020 et qu’il s’agit d’une société distincte de la Sas World Motors, de sorte que les demandes dirigées contre la Sas World Motors doivent être déclarées irrecevables.
Sur le fond, la Sas World Motors indique qu’elle n’a pas été convoquée à l’expertise et que le rapport d’expertise versé aux débats est incomplet et présente de nombreuses contradictions puisque l’expert fait état d’une fuite d’huile et mentionne dans le même temps que le niveau d’huile est normal, qu’il constate un défaut de préchauffage du boîtier alors que les bougies ont été changées et qu’il ne précise pas si une reprogrammation du système d’injection a été effectuée lors du montage du moteur, ce qui est pourtant impératif.
La Sas World Motors ajoute que les pièces du dossier ne permettent pas de retenir que les défauts constatés étaient antérieurs à la vente dans la mesure où aucun élément ne permet de déterminer la réalité des kilomètres parcourus par le véhicule.
Dans ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 11 septembre 2023, l’Eurl l’atelier du paysage demande à la cour de :
Sur l’appel principal,
– débouter la Sas World Motors de l’intégralité de ses fins et conclusions,
Sur l’appel incident de l’Eurl l’atelier du paysage,
– le déclarer recevable et bien fondé,
Y faire droit,
En conséquence,
– infirmer partiellement la décision entreprise en ce qu’elle a condamné au paiement de la somme de 1 000 € la Sas World Motors en réparation du préjudice d’exploitation subi,
– confirmer la décision entreprise pour le surplus,
– statuant à nouveau,
– condamner la Sas World Motors au paiement de la somme de 2 600 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice d’exploitation subi,
En tout état de cause,
– condamner la Sas World Motors aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur la fin de non-recevoir soulevée par l’appelante, la société l’atelier du paysage fait valoir que M. [J] [I] semble avoir exploité en nom propre (SIREN [Numéro identifiant 5]), sous l’enseigne World Motors, une activité de commerce de détail d’équipement automobile, et que cette société a été radiée du registre du commerce et des sociétés (RCS) de Coutances le 5 février 2020, mais qu’il a créé le 1er février 2020 une Sas World Motors immatriculée à Bernay. L’intimée affirme que la Sas World Motors est venue aux droits de la société World Motors, exploitée en nom propre par M. [I], ce que ce dernier l’a admis puisqu’il a répondu amiablement à l’acheteur par plusieurs courriels sans
jamais décliner sa responsabilité ni invoquer l’irrecevabilité des demandes. L’intimée indique également que World Motors, qui déploie son activité uniquement sur internet procède par une succession de radiations, immatriculations, changements de sièges sociaux ou de formes sociales pour tenter de se soustraire à ses obligations.
Sur le fond, la société l’atelier du paysage soutient que l’expert a conclu que la fiabilité du moteur est compromise, que son degré d’usure est anormal et en excès entre les cylindres et les pistons, qu’il existe un risque important de panne mécanique à court terme. L’intimée ajoute que les vices sont antérieurs à la vente, qu’ils ne pouvaient être décelés par un acheteur profane et qu’ils se sont révélés après avoir parcouru seulement 1 200 kilomètres.
Pour l’exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux dernières conclusions précédemment visées en application de l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été prononcée le 28 novembre 2023.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 15 janvier 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la fin de non-recevoir :
L’article 122 du Code de procédure civile indique que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée.
L’article 32 du même code prévoit qu’est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.
En l’espèce, il est constant que le moteur d’occasion litigieux a été acheté par la société l’atelier du paysage sur le site internet de la société World Motors.
Les conditions générales de vente produites par l’appelante mentionnent expressément que « la boutique en ligne du site World Motors a été mise en place par la société World Motors, qui est l’exploitante de ce site ».
La facture établie le 14 janvier 2020 à la suite de la transaction a été émise par « World Motors », [Adresse 7], n° SIREN 792 693 723.
Ce numéro de SIREN correspond à l’entreprise individuelle de M. [J] [I], qui a été radiée du registre du commerce et des sociétés de Coutances le 5 février 2020.
Il est également établi que la Sas World Motors, dont le représentant légal est M. [J] [I], a été immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Bernay le 1er février 2020 (n° SIREN 880 936 257).
La cour relève qu’une certaine confusion est volontairement entretenue par le vendeur sur l’entité juridique ayant réalisé la transaction puisque seul le numéro de SIREN figurant sur la facture permet d’identifier qu’elle a été conclue avec M. [J] [I], entrepreneur individuel, alors que l’acquéreur peut légitimement croire, au vu notamment des conditions générales de vente et du site internet, qu’il a contracté avec la société World Motors.
De plus, il résulte des échanges postérieurs à la vente que la Sas World Motors, gérée par M. [J] [I], a manifesté de façon claire et non équivoque sa volonté de reprendre les engagements de M. [J] [I], entrepreneur individuel.
En effet, par deux courriels du 9 avril 2020 et du 15 avril 2020, la Sas World Motors a échangé avec l’acheteur pour tenter de trouver une issue amiable au litige et par un courriel ultérieur du 15 avril 2020, elle s’est référée aux dispositions contractuelles liant les parties en matière de garantie.
Dès lors, la cour retient que la Sas World Motors a repris les engagements de M. [J] [I] en se comportant comme la seule débitrice de l’engagement souscrit.
Il convient par conséquent de rejeter la fin de non-recevoir soulevée par l’appelante.
Sur la demande au titre de la garantie des défauts cachés de la chose vendue :
Aux termes des dispositions combinées des articles 1641, 1644 et 1645 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l’acheteur ne l’aurait pas acquise, ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus. Dans ce cas, l’acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix. Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu’il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l’acheteur.
En l’espèce, il est constant que la société World Motors a vendu le 10 janvier 2020 à la société l’atelier du paysage un moteur d’occasion de 123 000 kilomètres pour un véhicule Ford de modèle 2.4 TDCi [Immatriculation 1], moyennant un prix de 2 440 euros.
A la demande de l’acheteur, une expertise amiable non contradictoire a été organisée le 25 juin 2020 au titre de la garantie protection juridique souscrite auprès de la société d’assurance Allianz.
Il résulte du rapport établi le 20 août 2020 par M. [H], expert, que le moteur comporte une avarie interne au niveau de la segmentation, de l’usure des pistons et des fûts de cylindre antérieure à la vente.
L’expert conclut à un degré anormal d’usure pour un moteur ayant parcouru 123 000 kilomètres en précisant que l’utilisation du véhicule implique un risque important de panne mécanique à court terme.
Cependant, s’il est admis que l’expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties est une preuve recevable, dès lors qu’elle a été soumise à la libre discussion des parties, il est néanmoins tout aussi acquis qu’une telle pièce ne peut à elle seule asseoir une condamnation et servir de fondement exclusif à une décision, peu important que la partie adverse ait été régulièrement appelée aux opérations d’expertise (Civ. 3e, 14 mai 2020, n° 19-16.278).
Celle-ci doit en effet être corroborée par d’autres éléments.
Au cas d’espèce, l’intimé fonde son action exclusivement sur l’expertise querellée.
Par conséquent, en l’absence d’expertise judiciaire et faute de production aux débats de tout autre élément de preuve extrinsèque corroborant les dires de l’expert privé, la société l’Atelier du paysage échoue à rapporter la preuve du vice caché reproché à la Sas World Motors, au soutien de son action en résolution de la vente et en indemnisation subséquente.
Il convient, par conséquent, d’infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions soumises à la cour.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.
La société intimée, succombant en appel, sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à payer à la Sas World Motors la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle sera également déboutée de sa demande sur le même fondement.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe,
INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la Sas World Motors,
DECLARE recevable la demande de l’Eurl l’atelier du paysage,
REJETTE la demande de résolution judiciaire du contrat de vente conclu le 10 janvier 2020,
DEBOUTE l’Eurl l’atelier du paysage de sa demande de remboursement du prix du moteur,
DEBOUTE l’Eurl l’atelier du paysage de sa demande de dommages et intérêts,
DEBOUTE l’Eurl l’atelier du paysage de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’Eurl l’atelier du paysage à payer à la Sas World Motors la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’Eurl l’atelier du paysage aux dépens de première instance et d’appel.
Le Greffier La Présidente