Commercialisation illicite de parts de SCPI : mesures d’instruction disproportionnées

Notez ce point juridique

Une mesure d’instruction qui n’est pas suffisamment circonscrite dans son objet et dans sa durée, et par-là disproportionnée aux intérêts antinomiques en présence, n’est pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la requérante. Cette mesure (ordonnance) peut donc être censurée.


La société Corum l’épargne a conclu des conventions de distribution avec les sociétés Optima capital et Absolu patrimoine pour la commercialisation de parts de SCPI. Cependant, elle a résilié ces conventions en raison de reproches liés à des pratiques de rétrocession de commissions et de non-respect des obligations contractuelles. Corum l’épargne a ensuite demandé des mesures d’instruction in futurum pour des faits de concurrence déloyale et parasitaire. Des ordonnances de référé ont été rendues, autorisant des mesures d’instruction contre les sociétés Optima capital et Absolu patrimoine. Ces sociétés ont ensuite demandé la rétractation de ces ordonnances, mais les demandes ont été rejetées par le tribunal de commerce de Paris. Des appels ont été interjetés et des demandes de rétractation ont été formulées. Les sociétés Optima capital et Absolu patrimoine ont demandé l’annulation des ordonnances et la saisie de l’Autorité de la concurrence pour examiner des pratiques anticoncurrentielles présumées de la part de Corum l’épargne.

L’article 145 du code de procédure civile

En vertu de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L’article 493 du même code prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Par ailleurs, il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n’est donc que le prolongement de la procédure antérieure : le juge doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui. L’application de ces dispositions suppose de constater la possibilité d’un procès potentiel, non manifestement voué à l’échec, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée. Cette mesure ne doit pas porter une atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui. Le juge doit encore rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.

Il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

Ordonnance du 11 mai 2022

La société Corum l’épargne a demandé une mesure d’instruction pour rechercher des preuves de commercialisation illicite de ses produits par des distributeurs agréés. L’ordonnance du 11 mai 2022 a autorisé l’huissier à saisir des documents comportant certains mots-clés, mais la mesure était disproportionnée et non circonscrite dans son objet et sa durée.

Ordonnance du 23 février 2023 (RG 2022034775)

L’ordonnance rendue entre la société Optima capital et la société Corum l’épargne a été infirmée en raison de son caractère disproportionné. La société Corum l’épargne a été condamnée aux dépens de première instance.

Ordonnance du 23 février 2023 (RG 2022035459)

L’ordonnance rendue entre la société Absolu patrimoine et la société Corum l’épargne a été confirmée. La société Corum l’épargne a été condamnée aux dépens d’appel et à verser des sommes aux sociétés Optima capital et Absolu patrimoine sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

– La société Corum l’épargne est condamnée à payer une somme de 10 000 euros à la société Optima capital sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel
– La société Corum l’épargne est condamnée à payer une somme de 10 000 euros à la société Absolu patrimoine sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel


Réglementation applicable

Code de commerce:

– Article R. 153-3: « Le juge peut fixer un délai pour l’exécution de la charge procédurale qui incombe à une partie en application de l’article R. 153-1. »

– Article R. 153-8: « Lorsque la décision fait droit à la demande de communication ou de production de la pièce pour laquelle la protection du secret des affaires était demandée, l’exécution provisoire ne peut être ordonnée et l’appel exercé dans le délai d’appel est suspensif. »

Code de procédure civile:

– Article 700: « Le juge peut condamner une partie à payer à l’autre une somme au titre des frais non compris dans les dépens. »

– Article 455: « Il est renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé détaillé des moyens développés. »

– Article 410: « L’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, sauf cas où celui-ci n’est pas permis. »

– Article 145: « Si un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige existe, des mesures d’instruction peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. »

– Article 493: « L’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse. »

– Article 497: « La cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli. »

– Article 561: « La cour d’appel est investie des attributions du juge qui a rendu l’ordonnance sur requête devant lequel le contradictoire est rétabli. »

– Article 2.6 de l’annexe 5 de la convention de distribution: « Empêche les distributeurs de rétrocéder tout ou partie de sa rétrocession de commissions sous quelque forme que ce soit, monétaire ou non monétaire, à ses clients et plus généralement à tout tiers. »

– Article L. 420-1 du code de commerce: « Interdit les ententes anticoncurrentielles. »

– Article L. 420-2 du code de commerce: « Interdit les abus de position dominante. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier :

– Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour
– Me Célestine RENAULT, avocat au barreau de PARIS
– Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS
– Me Hubert MAZINGUE de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs associés

– levée du séquestre
– destruction des éléments saisis
– interdiction de faire référence aux éléments saisis
– limitation des éléments à saisir
– secret des affaires
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– Autorité de la concurrence
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– dépens
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– faculté de distraction
– appel
– jugement
– ordonnance de clôture

– Levée du séquestre : action de lever la saisie d’un bien ou d’une somme d’argent
– Destruction des éléments saisis : action de détruire les biens saisis lors d’une procédure judiciaire
– Interdiction de faire référence aux éléments saisis : interdiction de mentionner ou d’utiliser les biens saisis dans une affaire
– Limitation des éléments à saisir : restriction sur les biens pouvant être saisis lors d’une procédure judiciaire
– Secret des affaires : protection des informations confidentielles d’une entreprise
– Destruction des copies : action de détruire les copies de documents saisis
– Délai de charge procédurale : délai imparti pour déposer des charges dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Condamnation à payer une somme : décision de justice obligeant une personne à verser une somme d’argent
– Entiers dépens : frais de justice intégralement supportés par la partie perdante
– Autorité de la concurrence : organisme chargé de veiller au bon fonctionnement de la concurrence sur un marché
– Entente verticale : accord entre des entreprises opérant à des niveaux différents de la chaîne de production ou de distribution
– Double circuit de distribution : système de distribution impliquant deux canaux de vente distincts
– Rétractation de l’ordonnance : annulation d’une décision de justice précédemment rendue
– Restitution des documents saisis : action de rendre les documents saisis à leur propriétaire légitime
– Saisine pour avis : demande d’avis formulée à une autorité compétente
– Destruction des supports existants : action de détruire les supports physiques contenant des informations sensibles
– Annulation des actes : décision judiciaire annulant des actes juridiques
– Référé : procédure judiciaire d’urgence permettant d’obtenir une décision rapide
– Mesure d’instruction : action visant à recueillir des éléments de preuve dans le cadre d’une procédure judiciaire
– Preuve de faits : éléments permettant de démontrer la réalité de faits allégués
– Proportionnalité de la mesure : principe selon lequel une mesure doit être proportionnée à l’objectif poursuivi
– Légalité : conformité à la loi
– Recherche de documents : action de rechercher des documents pertinents dans le cadre d’une affaire
– Distribution de parts de SCPI : distribution de parts de Société Civile de Placement Immobilier
– Commercialisation illicite : vente ou promotion de produits de manière illégale
– Distributeurs agréés : distributeurs autorisés à commercialiser des produits spécifiques
– Résiliation de convention : annulation d’un contrat
– Agissements déloyaux : comportements contraires à l’éthique ou à la loyauté
– Parasitaires : agissements visant à profiter indûment du travail ou de la notoriété d’autrui
– Dépens : frais de justice supportés par les parties à un procès
– Frais irrépétibles : frais non récupérables par la partie gagnante d’un procès
– Somme à payer : montant dû à une personne ou à une entité
– Faculté de distraction : possibilité de détourner des fonds ou des biens
– Appel : recours permettant de contester une décision de justice
– Jugement : décision rendue par un tribunal
– Ordonnance de clôture : décision mettant fin à une procédure judiciaire

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REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 3

ARRÊT DU 26 MARS 2024

(n° 127 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/04588 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHIG2

Décisions déférées à la cour : ordonnance du 23 février 2023 – président du TC de PARIS – RG n° 2022034775 / ordonnance du 23 février 2023 – président du TC de PARIS – RG n°2022035459

APPELANTE

S.A.S.U. OPTIMA CAPITAL, RCS de Paris n°890510514, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 5]

Ayant pour avocat postulant Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Représentée à l’audience par Me Célestine RENAULT, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Appelante dans le dossier 23/4767

S.A.S. CORUM L’EPARGNE, RCS de Paris n°851245183, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Représentée à l’audience par Me Hubert MAZINGUE de la SELARL GUIZARD & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

Intimée dans le dossier 23/4767

S.A.S. ABSOLU PATRIMOINE, RCS de Paris n°897626289, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 6]

Ayant pour avocat postulant Me Audrey SCHWAB de la SELARL SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Représentée à l’audience par Me Célestine RENAULT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 29 janvier 2024, en audience publique, rapport ayant été fait par Anne-Gaël BLANC, conseillère, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre

Anne-Gaël BLANC, conseillère

Valérie GEORGET, conseillère

Greffier lors des débats : Jeanne PAMBO

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-Christophe CHAZALETTE, président de chambre et par Jeanne PAMBO, greffier, présent lors de la mise à disposition.

********

La société Corum l’épargne, qui a la qualité de conseiller en investissement financier (CIF), commercialise notamment les parts de trois sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) dénommées Corum Origin, Corum XL et Corum Eurion, dont l’actif est composé de biens immobiliers générant des revenus locatifs. Elle bénéficie d’un réseau de distributeurs agréés, collaborant sous contrat, ayant tous la qualité de CIF.

La société Louve Group détient des participations dans différentes sociétés, dont la société Optima capital, qui a le statut de CIF, qu’elle détient à 100 %. Elle exploite une plateforme informatique en ligne sous le nom de « louve invest » qu’elle présente comme facilitant les démarches de souscription aux SCPI tant pour les CIF que pour leurs clients, et comme offrant un espace personnel aux clients des CIF sur lequel ils peuvent suivre la performance de leurs investissements, poser des questions à leur conseiller, et accéder aux différentes caractéristiques des SCPI disponibles sur la plateforme.

La société Corum l’épargne a conclu avec la société Optima capital une convention de distribution du 11 février 2021. Par courrier du 23 février 2021, Corum l’épargne a résilié cette convention, reprochant à la société Optima capital d’avoir rétrocédé tout ou partie de sa rétrocession de commissions à ses clients.

La société Absolu patrimoine se présente comme une société de conseil pour investissement, courtage en assurance et transactions sur immeubles et fonds de commerce. Elle compte au nombre des CIF partenaires de la société Louve Group, qui utilisent sa plateforme pour commercialiser des parts de SCPI. Par acte du 14 avril 2021, la société Corum l’épargne et la société Absolu patrimoine ont conclu une convention de distribution d’une durée d’un an portant sur la commercialisation des parts des SCPI Corum Origin, Corum XL et Corum Eurion. La convention de distribution a été renouvelée pour un an à compter du 1er janvier 2022. Par courrier du 11 janvier 2022, la société Corum l’épargne a résilié la convention de distribution, reprochant à la société Absolu patrimoine d’avoir désigné un tiers pour distribuer les parts de SCPI, et d’avoir manqué à son obligation de collecter les données d’identification et de connaissance du client.

Faisant état de faits de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société Optima capital avec l’assistance de la société Absolu patrimoine, par requêtes adressées au président du tribunal de commerce de Paris le 9 avril 2022, la société Corum l’épargne a demandé à être autorisée à faire pratiquer des mesures d’instruction in futurum.

Par ordonnance du 11 mai 2022 (22.680/22.22789), le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à la requête concernant la société Optima capital et a désigné un huissier de justice avec pour mission de se rendre au siège de la société Optima capital ou au domicile de son président. La mesure a été exécutée par huissier de justice le 14 juin 2022.

Par ordonnance du même jour (22.681/22.22792), le président du tribunal de commerce de Paris a fait droit à la requête concernant la société Absolu patrimoine et a désigné un huissier de justice avec pour mission de se rendre à son siège social. La mesure a été exécutée par huissier de justice le 14 juin 2022.

Par acte extrajudiciaire en date du 11 juillet 2022, la société Optima capital a fait assigner en référé la société Corum l’épargne devant le président du tribunal de commerce de Paris en lui demandant à titre principal de rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 11 mai 2022, avec les conséquences de droit.

Par acte extrajudiciaire en date du 13 juillet 2022, la société Absolu patrimoine a fait assigner en référé la société Corum l’épargne devant le président du tribunal de commerce de Paris en lui demandant à titre principal de rétracter l’ordonnance sur requête rendue le 11 mai 2022, avec les conséquences de droit.

Par ordonnance de référé du 23 février 2023 (RG 2022034775) rendue entre la société Optima capital et la société Corum l’épargne, le président du tribunal de commerce de Paris a :

débouté la société Optima capital de sa demande de rétractation de l’ordonnance du 11 mai 2022, enregistrée sous le numéro 22.680 / 22.22789, ainsi que de toutes ses autres demandes ;

dit que l’une ou l’autre des parties devra produire au greffe du tribunal un certificat de non-appel de la présente ordonnance, la mise en ‘uvre de la levée du séquestre, conformément aux dispositions des articles R. 153-1 et suivants du code de commerce, ne pouvant être mise en ‘uvre par nous que sur présentation de ce certificat de non-appel ;

ordonné au commissaire de justice, la société Stéphane Van Kemmel, qui détient les pièces sous séquestre, de donner accès à ces pièces au conseil de la société Optima capital ;

dit que le conseil de la société Optima capital lui remettra les documents mentionnés à l’article R. 153-3 du code de commerce sous un délai de 3 mois à compter de la date de la présente ordonnance,

dit qu’il recevrait alors séparément les conseils des parties pour décider du sort des pièces concernées, et la levée totale ou partielle du séquestre ;

renvoyé les parties à comparaître à l’audience du 16 mai 2023 à 14h30 ;

condamné la société Optima capital aux dépens de l’instance ;

condamné la société Optima capital à payer à la société Corum l’épargne la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus ;

rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Par ordonnance de référé du 23 février 2023 (RG 2022035459) rendue entre la société Absolu patrimoine et la société Corum l’épargne, le président du tribunal de commerce de Paris a :

rétracté, en toutes ses dispositions, l’ordonnance du 11 mai 2022, enregistrée sous le numéro 22.681/22.22792 ;

dit que l’une ou l’autre des parties devra produire au greffe du tribunal et au commissaire de justice, qui détient les pièces sous séquestre, un certificat de non-appel de la présente ordonnance, la mise en ‘uvre de la restitution des pièces et données que sur présentation de ce certificat de non-appel ;

ordonné au commissaire de justice, la société Stéphane Van Kemmel, qui détient les pièces sous séquestre, de restituer les pièces à la société Absolu patrimoine et de procéder à l’effacement des supports concernés, sur présentation dudit certificat de non-appel ;

condamné en outre la société Corum l’épargne aux dépens de l’instance ;

condamné la société Corum l’épargne à payer à la société Absolu patrimoine la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, débouté pour le surplus ;

rappelé que la décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l’article 514 du code de procédure civile.

Par déclaration du 3 mars 2023, ouvrant l’instance RG 23/4588, la société Optima capital a interjeté appel de l’ordonnance de référé du 23 février 2023 (RG 2022034775) en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Par déclaration du 7 mars 2023, ouvrant l’instance RG 23/4767, la société Corum l’épargne a interjeté appel de l’ordonnance de référé du 23 février 2023 (RG 2022035459) en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif.

Par ordonnance du 1er juin 2023, le président de la chambre a ordonné la jonction de l’instance RG 23/4767 à l’instance RG 23/4588.

La société Optima capital, aux termes de ses dernières conclusions en date du 1 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

A titre liminaire,

juger que l’ordonnance entreprise était exécutoire de plein droit ;

Par conséquent,

juger qu’elle n’a pas acquiescé à l’ordonnance entreprise en envoyant le mémoire dans le cadre de la procédure de tri des pièces organisée par le président du tribunal de commerce de Paris ;

rejeter la demande d’irrecevabilité de l’appel formulée par la société  Corum l’épargne sur le fondement de l’article 410 du code de procédure civile ;

Subsidiairement,

juger qu’elle n’a fait qu’exécuter l’ordonnance entreprise en envoyant le mémoire dans le cadre de la procédure de tri des pièces mise en ‘uvre par le président du tribunal de commerce de Paris déclarant son ordonnance exécutoire de plein droit ;

Par conséquent,

rejeter la demande d’irrecevabilité de l’appel formulée par la société  Corum l’épargne sur le fondement de l’article 410 du code de procédure civile ;

Sur le fond,

A titre principal,

infirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

juger que la nécessité de déroger au principe du contradictoire n’est caractérisée ni par la société Corum l’épargne ni par l’ordonnance du 11 mai 2022 ; que la société Corum l’épargne n’a pas justifié de motifs légitimes au soutien de sa requête ; que les mesures sollicitées ne sont pas légalement admissibles ;

rétracter l’ordonnance sur requête du 11 mai 2022 ;

saisir pour avis l’Autorité de la concurrence sur l’existence d’une entente verticale entre Corum et ses distributeurs en application de la procédure d’amicus curiae posée par les dispositions de l’article L. 462-3 du code de commerce et ainsi lui poser les questions suivantes :

l’article 2.6 de l’annexe 5 de la convention de distribution que Corum fait signer à ses distributeurs pour la distribution des parts des SCPI Corum Origin, Corum XL et Corum Eurion, en ce qu’elle empêche les distributeurs de rétrocéder tout ou partie de sa rétrocession de commissions sous quelque forme que ce soit, monétaire ou non monétaire, à ses clients et plus généralement à tout tiers, enfreint-il l’article L. 420-1 ou l’article L. 420-2 du code de commerce ‘

cet effet anticoncurrentiel est-il renforcé par l’existence d’un double circuit de distribution des parts des SCPI Corum (distribution directe par Corum et distribution indirecte par un réseau de distributeurs) ‘

En conséquence,

annuler tous les actes, procès-verbaux, et plus généralement toutes constatations réalisées par l’huissier commis en exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

ordonner la levée du séquestre et la destruction de l’intégralité des éléments saisis par l’huissier au cours de la mesure d’instruction diligentée le 14 juin 2022 ;

interdire à l’huissier commis de faire référence, de quelque manière que ce soit, aux éléments constatés ou saisis dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

A titre subsidiaire,

modifier l’ordonnance du 11 mai 2022 en limitant les éléments à saisir aux seuls éventuels ordres de virement intervenus entre elle et les clients listés en annexe de l’ordonnance et en toute hypothèse aux seuls éléments postérieurs au 11 mars 2021 ;

écarter les pièces couvertes par le secret des affaires et ordonner la destruction de toutes leurs copies ;

En conséquence,

ordonner la destruction des éléments saisis hors périmètre de l’ordonnance du 11 mai 2022 ainsi modifiée ;

fixer le délai dans lequel elle devra s’acquitter de la charge procédurale lui incombant en application de l’article R. 153-3 du code de commerce ;

En tout état de cause,

condamner la société Corum l’épargne à lui payer la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Corum l’épargne aux entiers dépens, avec faculté de distraction.

La société Absolu patrimoine, aux termes de ses dernières conclusions en date du 29 mai 2023 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, demande à la cour de :

confirmer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

annuler l’ensemble des actes, procès-verbaux et constatations réalisées par l’huissier commis en exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

lui restituer les documents saisis lors des opérations prescrites par l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

Subsidiairement,

saisir pour avis l’Autorité de la concurrence en lui posant les questions suivantes :

l’article 2.6 de l’annexe 5 de la convention de distribution que Corum fait signer à ses distributeurs pour la distribution des parts des SCPI Corum Origin, Corum XL et Corum Eurion, en ce qu’elle empêche les distributeurs de rétrocéder tout ou partie de sa rétrocession de commissions sous quelque forme que ce soit, monétaire ou non monétaire, à ses clients et plus généralement à tout tiers, enfreint-il l’article L. 420-1 ou l’article L. 420-2 du code de commerce ‘

cet effet anticoncurrentiel est-il renforcé par l’existence d’un double circuit de distribution des parts des SCPI Corum (distribution directe par Corum et distribution indirecte par un réseau de distributeurs) ‘

Très subsidiairement,

écarter les pièces couvertes par le secret des affaires et ordonner la destruction de toutes leurs copies,

fixer le délai dans lequel la société Optima capital devra s’acquitter des obligations du requis au titre de l’article R. 153-3 du code de commerce,

En tout état de cause,

rejeter l’ensemble des demandes de Corum l’épargne ;

condamner la société Corum l’épargne à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre ceux de première instance ;

condamner la société Corum l’épargne aux entiers dépens, outre ceux de première instance.

Aux termes de ses dernières conclusions en date du 17 janvier 2024 auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé des moyens développés, la société Corum l’épargne demande à la cour de :

Partie I – Corum l’épargne/ Optima capital

In limine litis et avant toute défense au fond,

déclarer la société Optima capital irrecevable en son appel, du fait de son acquiescement à l’ordonnance entreprise (RG 2022034775) ;

Subsidiairement,

confirmer l’ordonnance entreprise (RG 2022034775) en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

confirmer la mesure d’instruction autorisée par l’ordonnance du 11 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris sous le numéro 22.680/22.22789 ;

ordonner la levée du séquestre de l’intégralité des pièces recueillies par Me [T], commissaire de justice, en exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 lors des opérations de constat effectuées le 14 juin 2022 ;

faire application des articles R. 153-1 et suivants du code de Commerce pour la levée de séquestre des pièces saisies lors des opérations de constat du 14 juin 2022 ;

débouter la société Optima capital de sa demande principale de rétractation l’ordonnance du 11 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris sous le numéro 22.680/22.22789 ;

débouter la société Optima capital de sa demande de saisine pour avis de l’Autorité de la concurrence sur l’existence d’une entente verticale entre elle et ses distributeurs en application de la procédure d’amicus curiae posée par les dispositions de l’article L. 462-3 du code de commerce ;

En conséquence,

débouter la société Optima capital de sa demande d’annulation de tous les actes, procès- verbaux et plus généralement de toutes constatations réalisées par le commissaire de justice commis en exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

débouter la société Optima capital de sa demande de destruction de l’intégralité des éléments saisis par l’huissier au cours de la mesure d’instruction diligentée le 14 juin 2022 ;

débouter la société Optima capital de sa demande d’interdiction au commissaire de justice commis de faire référence de quelque manière que ce soit, aux éléments constatés ou saisis dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

débouter la société Optima capital de sa demande subsidiaire de modification de l’ordonnance du 11 mai 2022 visant à limiter les éléments à saisir aux seuls éventuels ordres de virement intervenus entre Optima capital et les clients listés en annexe de l’ordonnance et en toute hypothèse aux seuls éléments postérieurs au 11 mars 2021 ;

débouter la société Optima capital de sa demande visant à ce que soient écartées les pièces couvertes par le secret des affaires et de sa demande de destruction de toutes leurs copies ;

débouter la société Optima capital de sa demande de destruction des éléments saisis hors périmètre de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

débouter la société Optima capital de sa demande de condamnation à lui payer la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

débouter la société Optima capital de sa demande de condamnation aux entiers dépens ;

En tout état de cause,

débouter la société Optima capital de toutes ses demandes ;

condamner la société Optima capital à lui payer la somme de 30 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Optima capital aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Partie II – Corum l’épargne/ Absolu patrimoine

réformer l’ordonnance entreprise (RG 2022035459) en toutes ses dispositions ;

En conséquence,

débouter la société Absolu patrimoine de sa demande en rétractation de l’ordonnance du 11 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris sous le numéro 22.681/22.22792 ;

débouter la société Absolu patrimoine de sa demande de restitution de l’intégralité des pièces et données collectées par le commissaire de Justice instrumentaire et mise sous séquestre ainsi que de sa demande visant à la destruction de tous supports existants ;

débouter la société Absolu patrimoine de sa demande d’annulation de l’ensemble des actes, procès-verbaux et constatations réalisées par le Commissaire de Justice commis en exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 ;

débouter la société Absolu patrimoine de sa demande subsidiaire de saisine pour avis de l’Autorité de la concurrence en application de la procédure d’amicus curiae prévue par les dispositions de l’article L. 462-3 du code de commerce ;

débouter la société Absolu patrimoine de toutes ses demandes ;

confirmer la mesure d’instruction ordonnée par l’ordonnance du 11 mai 2022 rendue par le président du tribunal de commerce de Paris sous le numéro 22.681/22.22792 ;

ordonner la levée du séquestre de l’intégralité des pièces recueillies par Me [Z], commissaire de justice, en exécution de l’ordonnance du 11 mai 2022 dans les locaux de la société Absolu patrimoine lors des opérations de constat effectuées le 14 juin 2022 ;

faire application des articles R.153-1 et suivants du code de commerce pour la levée de séquestre des pièces saisies lors des opérations de constat du 14 juin 2022 ;

En tout état de cause,

condamner la société Absolu patrimoine à lui payer la somme de 8 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

condamner la société Absolu patrimoine aux entiers dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2024.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

Sur ce,

Sur la recevabilité de l’appel de la société Optima capital

Selon le 2e alinéa de l’article 410 du code de procédure civile, l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire vaut acquiescement, hors les cas où celui-ci n’est pas permis.

En vertu de l’article R. 153-8 du code de commerce, lorsque la décision fait droit à la demande de communication ou de production de la pièce pour laquelle la protection du secret des affaires était demandée, l’exécution provisoire ne peut être ordonnée et l’appel exercé dans le délai d’appel est suspensif.

La société Corum l’épargne fait valoir que postérieurement à sa déclaration d’appel du 3 mars 2023 et à ses conclusions d’appelante en date du 25 avril 2023, la société Optima capital a exécuté l’ordonnance de référé du 23 février 2023 en expédiant par courriel du 23 mai 2023 au président de la juridiction, son mémoire sur la mainlevée du séquestre et les pièces litigieuses. La société Corum l’épargne soutient que la société Optima capital a exécuté sans réserve la décision alors même que celle-ci, par application de l’article R. 153-8 du code de procédure civile, n’était pas exécutoire. Elle en déduit que la société Optima capital a acquiescé à l’ordonnance entreprise et que son appel est irrecevable.

Cependant l’ordonnance entreprise du 23 février 2023 se borne à rejeter la demande de rétractation et fournit des indications préparatoires à la procédure de levée de séquestre. Elle ne fait pas droit à la demande de communication ou de production des pièces litigieuses au sens de l’article R. 153-8 précité, de sorte qu’elle était exécutoire par provision dans les conditions de droit commun, même si le président du tribunal de commerce mentionnait qu’il ne mettrait en ‘uvre la procédure de levée du séquestre que sur production d’un certificat de non-appel. Dans ces conditions, le fait par la société Optima capital de transmettre au président de la juridiction le mémoire visé au 3° de l’article R. 153-3 du code de commerce, ne constitue pas l’exécution sans réserve d’un jugement non exécutoire, valant acquiescement.

L’exception d’irrecevabilité de l’appel de la société Optima capital sera rejetée.

Sur les demandes de rétractation des ordonnances sur requête du 11 mai 2022

En vertu de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé. L’article 493 du même code prévoit que l’ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler la partie adverse.

Par ailleurs, il résulte des articles 497 et 561 du code de procédure civile que la cour d’appel, saisie de l’appel d’une ordonnance de référé statuant sur une demande en rétractation d’une ordonnance sur requête prescrivant des mesures d’instruction destinées à conserver ou à établir, avant tout procès, la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, est investie des attributions du juge qui l’a rendue devant lequel le contradictoire est rétabli.

Cette voie de contestation n’est donc que le prolongement de la procédure antérieure : le juge doit apprécier l’existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête, à la lumière des éléments de preuve produits à l’appui de la requête et de ceux produits ultérieurement devant lui. L’application de ces dispositions suppose de constater la possibilité d’un procès potentiel, non manifestement voué à l’échec, sur la base d’un fondement juridique suffisamment déterminé, sans qu’il revienne au juge des référés de se prononcer sur le fond et dont la solution peut dépendre de la mesure d’instruction sollicitée. Cette mesure ne doit pas porter une atteinte illégitime aux droits et libertés fondamentaux d’autrui. Le juge doit encore rechercher si la mesure sollicitée exigeait une dérogation au principe du contradictoire. Les circonstances justifiant cette dérogation doivent être caractérisées dans la requête ou l’ordonnance qui y fait droit.

– Sur les ordonnances sur requête

Il y a lieu de constater que les deux requêtes adressées au président du tribunal de commerce de Paris le 9 avril 2022 par la société Corum l’épargne sont strictement identiques dans leur contenu, à l’exception de la désignation des lieux auxquels l’huissier doit opérer ses constatations et recherches. Sous la même réserve, les ordonnances du 11 mai 2022 n° 22.680/22.22789 et n° 22.681/22.22792 sont également strictement identiques.

La société Corum l’épargne exposait qu’après avoir résilié la convention de distribution qui la liait à la société Optima capital par lettre du 23 février 2021, elle avait appris que celle-ci poursuivait la commercialisation des parts de ses SCPI via la plateforme « louve invest » : ce fait lui avait été confirmé par courrier du 17 décembre 2021 des avocats de la société Louve Group, en réponse à sa mise en demeure du 22 novembre 2021 (pièces Corum 7 et 8).

La société Corum l’épargne expliquait qu’il ressortait de ses livres qu’aucune part de ses SCPI n’avait été directement souscrite par des clients de la société Optima capital pendant la période courant du 23 février 2021 au 17 décembre 2021, mais qu’il existait de fortes présomptions que la société Optima capital ait distribué des produits Corum en faisant appel à des sociétés habilitées à distribuer des parts de ses SCPI, et notamment à la société Absolu patrimoine. La société Corum l’épargne produisait diverses attestations de ses salariés qui avaient constaté que certains clients avaient acquis des parts de ses SCPI par l’intermédiaire de la plateforme « louve invest » et grâce à la société Absolu patrimoine (pièces Corum 19, 20, 21).

La société Corum l’épargne soulignait que non seulement la société Optima capital persistait dans la commercialisation des parts de ses SCPI en dépit de la résiliation de la convention de distribution, mais les témoignages révélaient qu’elle agissait en pratiquant des « gestes commerciaux » sous la forme de rétrocessions (cashback) qu’elle interdisait expressément à ses partenaires distributeurs au nom du principe d’égalité entre les associés de SCPI. Elle indiquait que cette pratique de la société Optima capital était confirmée par la presse professionnelle (pièce Corum 16). Elle précisait que cette prohibition était stipulée dans le contrat de distribution de la société Absolu patrimoine et s’appliquait donc à elle.

La société Corum l’épargne ajoutait qu’il existait des présomptions que la société Optima capital poursuive cette commercialisation illicite grâce à l’intervention non seulement de la société Absolu patrimoine, mais d’autres distributeurs à l’instar d’une société SP (pièces Corum 24, 25, 26, 27).

La société Corum l’épargne concluait que ces faits constituaient des agissements gravement déloyaux et parasitaires et ce jusqu’à tout le moins le 21 décembre 2021, justifiant la mise en ‘uvre d’une mesure d’instruction in futurum.

Par ordonnance du 11 mai 2022, le président du tribunal de commerce de Paris désignait la société Stéphane Van Kemmel, huissier de justice, avec pour mission de :

rechercher, pour la période courant du 1er janvier 2021 jusqu’à la date de d’exécution de la mesure, toute convention, contrat ou accord conclu entre, d’une part la société Absolu patrimoine et, d’autre part, les sociétés et/ou dénominations commerciales Optima capital et/ou Louve Invest et/ou Louve Advisory et/ou Louve Group, pour autant que ces conventions incluent le nom « Corum » et/ou « Eurion »,

rechercher, pour la période courant du 1er janvier 2021 jusqu’à la date de d’exécution de la mesure, tous documents, courriers, courriels, SMS, WhatsApp, messages instantanés, télécopies, devis, factures, ordres de virement comportant les mots « Corum » et/ou « Eurion » et l’un des noms (nom de société ou nom de famille) figurant en annexe à l’ordonnance.

– Sur la proportionnalité de la mesure et sa légalité

Il résulte de l’article 145 du code de procédure civile que constituent des mesures légalement admissibles des mesures d’instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l’objectif poursuivi. Il incombe au juge de vérifier si la mesure ordonnée était nécessaire à l’exercice du droit à la preuve du requérant et proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

La société Optima capital fait valoir que les mots clefs visent l’intégralité des clients d’Absolu Patrimoine ayant investi dans les produits Corum, à savoir 38 personnes en tenant compte des doublons, alors que l’ordonnance litigieuse autorisait l’huissier instrumentaire à se saisir d’un certain nombre de documents informatiques contenant, notamment, « l’un des noms (nom de société ou nom de famille) figurant en annexe à la présente ordonnance ». La société Optima capital précise que le procès-verbal de l’huissier instrumentaire permet de vérifier que la recherche des documents à saisir a bien été faite au regard des seuls noms de famille des souscripteurs.

La société Absolu patrimoine soutient que la recherche uniquement sur les noms de famille, alors que les prénoms des souscripteurs étaient également disponibles, ne se justifie aucunement. La société Optima capital et la société Absolu patrimoine en déduisent que la mesure d’instruction n’est pas suffisamment limitée quant à son objet et ouvre la possibilité de saisir des éléments sans rapport avec l’objet de la recherche.

La société Optima capital ajoute que le caractère extrêmement large des documents dont la saisie est autorisée est d’autant plus problématique que le champ temporel de l’ordonnance s’étale sur près d’un an et demi, dès lors qu’elle autorise la saisie de documents sur la période du 1er janvier 2021 au jour d’exécution de la mesure, soit le 14 juin 2022. La société Absolu patrimoine précise que la société Corum l’épargne admet elle-même qu’elle ne lui reproche pas d’avoir commercialisé les produits Corum postérieurement à la résiliation, à effet du 1er février 2022, du contrat de distribution.

En réponse, la société Corum l’épargne soutient que la liste des clients de la société Optima capital ne comprend que deux noms qui sont également des prénoms. Elle souligne que la liste nominative n’est pas le seul paramètre pris en compte dans la recherche autorisée par l’ordonnance du 11 mai 2022, dans la mesure où cette liste doit être croisée avec les noms Corum et/ou Eurion. Par ailleurs, elle fait valoir que les effets de la collaboration fautive de la société Absolu patrimoine avec la société Optima capital ont nécessairement perduré au-delà du 1er février 2022, spécialement au plan des flux financiers qui ont eu lieu entre elle et Optima en règlement des prestations de la société Absolu patrimoine antérieures au 1er février 2022.

Cependant, il y a lieu de constater que si les ordonnances sur requête du 11 mai 2022 donnent mission à l’huissier commis de rechercher tous documents comportant « les mots Corum et/ou Eurion et l’un des noms (nom de société ou nom de famille) figurant en annexe » à l’ordonnance ‘ dont il n’est pas contesté qu’il s’agit de clients de la société Absolu patrimoine, il demeure qu’il est précisé que ces différents mots peuvent « être utilisés séparément ou de façon combinée ». Il en résulte que l’huissier n’était pas tenu de procéder à un croisement des mots-clés comme l’affirme la société Corum l’épargne et pouvait donc rechercher « sur tous supports informatiques, serveurs, cloud, tablettes, téléphones portables » tous les documents mentionnant seulement les 38 patronymes (sans les prénoms figurant pourtant dans la liste) ou noms de sociétés, qu’ils soient en relation ou non avec les produits de la société Corum l’épargne.

En outre, dans les requêtes litigieuses, la société Corum l’épargne disait rechercher des éléments de preuve d’une commercialisation illicite de ses produits par l’intermédiaire de distributeurs agréés en indiquant qu’au-delà du cas de la société Absolu patrimoine, elle avait découvert les agissements d’une société SP et suspectait d’autres distributeurs. Or dans les ordonnances du 11 mai 2022, le président du tribunal de commerce n’avait pas accepté que les recherches porte sur d’autres opérateurs qu’Absolu patrimoine, sans pour autant réduire la période de recherche à la période à laquelle la société Absolu patrimoine pouvait distribuer les parts de SCPI de la société Corum l’épargne, soit avant le 1er février 2022, date d’effet de la résiliation de la convention de distribution.

Dès lors, l’élargissement de la durée de la période de recherche de preuve aggravait le caractère disproportionné de la recherche de documents par patronymes sans les prénoms ou noms de sociétés, et sans relation avec les produits Corum. La mesure ordonnée n’est donc pas suffisamment circonscrite dans son objet et dans sa durée, et par-là disproportionnée aux intérêts antinomiques en présence, et n’est donc pas nécessaire à l’exercice du droit à la preuve de la requérante.

L’ordonnance du 23 février 2023 (RG 2022034775) rendue entre la société Optima capital et la société Corum l’épargne sera infirmée avec toutes conséquences de droit, ainsi qu’il est dit au dispositif ci-dessous.

L’ordonnance du 23 février 2023 (RG 2022035459) rendue entre la société Absolu patrimoine et la société Corum l’épargne sera confirmée, les motifs présents motifs se substituant à ceux retenus par le premier juge.

Sur les autres demandes

L’ordonnance du 23 février 2023, RG 2022034775, sera également infirmée dans ses dispositions concernant la charge des dépens et des frais irrépétibles. La société Corum l’épargne sera tenue aux dépens de première instance.

L’ordonnance du 23 février 2023, RG 2022035459, sera confirmée dans ses dispositions concernant la charge des dépens et des frais irrépétibles.

La société Corum l’épargne sera tenue aux dépens d’appel, avec faculté de distraction au bénéfice de l’avocat de la société Optima capital, et devra verser une somme de 10 000 euros à chacun des sociétés Optima capital et Absolu patrimoine sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

1°) Déboute la société Corum l’épargne de son exception d’irrecevabilité de l’appel de la société Optima capital ;

2°) Infirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 23 février 2023 (RG 2022034775) rendue par le président du tribunal de commerce de Paris entre la société Optima capital et la société Corum l’épargne ;

Statuant à nouveau,

Rétracte l’ordonnance sur requête du président du tribunal de commerce de Paris du 11 mai 2022 (22.680/22.22789) et annule par voie de conséquence les opérations de constat et de saisies qui ont été opérées sur son autorisation ;

Ordonne la restitution à la société Optima capital des pièces et documents saisis ou copiés ainsi que des copies des disques durs et fichiers, séquestrés ou archivés par les huissiers de justice instrumentaires, dont il ne pourra être fait aucun usage ;

Condamne la société Corum l’épargne aux dépens de première instance ;

3°) Confirme en toutes ses dispositions l’ordonnance de référé du 23 février 2023 (RG 2022035459) rendue par le président du tribunal de commerce de Paris entre la société Absolu patrimoine et la société Corum l’épargne ;

4°) Vu la jonction du 1er juin 2023, et ajoutant au dispositif qui précède :

Condamne la société Corum l’épargne à payer à la société Optima capital une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel ;

Condamne la société Corum l’épargne à payer à la société Absolu patrimoine une somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exposés en cause d’appel ;

Condamne la société Corum l’épargne aux dépens d’appel et dit que Me Schwab, avocat au barreau de Paris, pourra recouvrer directement contre elle ceux des dépens dont elle a fait l’avance sans avoir reçu provision, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

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