Affaire de retraite agricole

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Affaire MSA HAUTE NORMANDIE c. Monsieur [N] [F]

La MSA HAUTE NORMANDIE a suspendu le versement de la pension de retraite de M. [N] [F] après un contrôle de l’application de la législation sociale agricole. Elle a réclamé un indu de 89 728,02 euros pour la période de juillet 2014 à août 2019. M. [F] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la MSA, puis devant le tribunal judiciaire de Rouen.

Exposé des faits et de la procédure

La MSA a maintenu sa position malgré les observations de M. [F], affirmant qu’il était toujours gérant de la SARL [9]. Le tribunal a annulé la décision de la MSA et débouté M. [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La MSA a fait appel de ce jugement.

Prétentions et moyens des parties

La MSA a demandé à la cour de confirmer ses décisions de réinscription de M. [F] en tant qu’associé exploitant non salarié et de notification d’indu de pension de retraite. Elle a également demandé le versement d’une indemnité de 2 000 euros. M. [F] a demandé la confirmation du jugement et une somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Motifs de la décision

La cour a confirmé le jugement du tribunal, considérant que M. [F] n’exerçait pas d’activité agricole et que les avantages perçus ne traduisaient pas un travail. La MSA a été condamnée aux dépens d’appel et à verser une somme de 1 500 euros à M. [F] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.


N° RG 21/01948 – N° Portalis DBV2-V-B7F-IYRD COUR D’APPEL DE ROUEN CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE SECURITE SOCIALE ARRET DU 20 OCTOBRE 2023 DÉCISION DÉFÉRÉE : 20/263 Jugement du POLE SOCIAL DU TJ DE ROUEN du 09 Avril 2021 APPELANTE : MSA HAUTE NORMANDIE [Adresse 2] [Localité 1] représentée par Me Gaëlle MELO de la SCP SPAGNOL DESLANDES MELO, avocat au barreau de l’EURE INTIME : Monsieur [N] [F] [Adresse 3] [Localité 4] représenté par Me Ahmed AKABA de la SELARL NORMANDIE-JURIS, avocat au barreau de ROUEN COMPOSITION DE LA COUR  : En application des dispositions de l’article 945-1 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 30 Août 2023 sans opposition des parties devant Madame ROGER-MINNE, Conseillère, magistrat chargé d’instruire l’affaire. Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de : Madame BIDEAULT, Présidente Madame ROGER-MINNE, Conseillère Madame POUGET, Conseillère GREFFIER LORS DES DEBATS : M. GUYOT, Greffier DEBATS : A l’audience publique du 30 août 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 20 octobre 2023 ARRET : CONTRADICTOIRE Prononcé le 20 Octobre 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par M. CABRELLI, Greffier. * * * EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE La mutualité sociale agricole (la MSA ou la caisse) a versé à M. [N] [F], ancien exploitant agricole, une pension de retraite de non salarié agricole depuis le 1er août 2011. Celui-ci a conservé la majorité du capital de la SARL [9]. En 2019, la MSA a procédé à un contrôle de l’application de la législation sociale agricole, à l’issue duquel son agent a conclu que la cessation d’activité de M. [F], conditionnant le versement de sa retraite, n’était pas avérée. Elle a dès lors suspendu le versement de celle-ci, calculé un indu de 35 749, 77 euros pour la période comprise entre le 1er juillet 2017 et le 31 août 2019, procédé à la réinscription de M. [F] en tant qu’exploitant agricole non salarié à compter du 1er juillet 2017 et réclamé des cotisations d’exploitant pour les années 2017 et 2018. La MSA a maintenu sa position, après réception des observations de M. [F], et l’a mis en demeure, le 20 septembre 2019, de s’acquitter de l’indu de retraite et des cotisations personnelles. M. [F] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la MSA. Le comité de lutte contre la fraude de la caisse ayant retenu le caractère frauduleux du dossier, cette dernière, par décision du 23 juillet 2020, a réévalué l’indu à 89 728,02 euros pour la période comprise entre le 1er juillet 2014 et le 31 août 2019. La commission de recours amiable a rejeté son recours le 28 août 2020. M. [F] a saisi le tribunal judiciaire de Rouen d’une contestation des décisions des 20 septembre 2019 et 23 juillet 2020. Par jugement du 9 avril 2021, le tribunal a : – ordonné la jonction des dossiers, – annulé la décision de la MSA concernant la réinscription de M. [F] en qualité d’associé, exploitant non salarié, à compter du 1er juillet 2017, – annulé la décision de la MSA réclamant à M. [F] un indu de pension de retraite d’un montant de 89 728,02 euros, – débouté M. [F] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, – condamné la MSA, en tant que de besoin, aux dépens. La MSA a relevé appel du jugement le 5 mai 2021. EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES Par conclusions remises le 24 mars 2023, soutenues oralement à l’audience, la MSA demande à la cour de : – infirmer le jugement susvisé sauf sur la jonction et en ce qu’il a débouté M. [F] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, – confirmer ses décisions de réinscription de M. [F] en qualité d’associé exploitant non salarié à compter du 1er juillet 2017 et de notification d’indu de pension de retraite pour un montant de 89’728,02 euros, – débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes, – le condamner à lui verser une indemnité de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance. Elle fait valoir que l’existence d’un contrat de prestation de services régularisé entre la société [9] et la société [6], au terme duquel la première confie à la seconde l’exploitation de ses vergers, s’il exonère le client des démarches administratives d’embauche et de surveillance de la main-d »uvre, ne l’exonère pas de certaines responsabilités et obligations. Elle fait observer que le contrat ne porte que sur une partie de l’exploitation, la société [9] conservant une surface de 52 ha sur laquelle elle continue de produire des céréales, du maïs et du colza, et que la société, qui est toujours inscrite au registre du commerce et des sociétés pour une activité agricole, dépose régulièrement ses comptes annuels au greffe. Elle précise que lors du contrôle M. [F] a reconnu lui-même se rendre tous les jours dans les vergers pour chercher le courrier, nettoyer les chemins et entretenir les parcelles ; qu’il figurait seul comme titulaire du compte appartenant à la société et a reconnu qu’il était l’interlocuteur unique de la société auprès de divers organismes professionnels. Elle en déduit une participation régulière de l’intéressé à la gestion de la société, estimant qu’il est resté gérant dans les faits et soutient qu’en tant qu’associé participant, il est assujettissable au régime des non-salariés agricoles. Elle considère en outre que la prescription quinquennale de droit commun doit être retenue en raison des fausses déclarations de M. [F]. Par conclusions remises le 26 juillet 2023, soutenues oralement à l’audience, M. [F] demande à la cour de : – confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a débouté de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile, – condamner la MSA à lui payer une somme de 5 000 euros sur ce fondement. Il expose que la société [6] exploite les vergers et est bénéficiaire d’un bail sur les bâtiments agricoles, tandis que les terres de labour sont exploitées par l’EARL [8] ; qu’après son départ en retraite son épouse a assuré la co-gérance de la société [9] puis que sa fille est devenue seule gérante en octobre 2016, après avoir été co-gérante avec Mme [Z]. Il considère que la détention capitalistique, même majoritaire, est compatible avec son statut de retraité et n’est pas de nature à rapporter la preuve d’un travail. Il soutient qu’il n’intervient jamais dans les parcelles et les chemins des vergers, et qu’il ne gère pas la SARL ; que cette dernière ne dispose que d’un tracteur servant de débroussailleuse et que l’entretien des haies et d’un chemin est assuré dans le cadre de travaux agricoles par la société de [8] ; que sa fille, en tant que gérante, a nécessairement un accès au compte de la SARL et qu’elle est impliquée dans la gestion effective de la société. Il précise avoir réalisé un apport important dans la société [9] et qu’il ne peut donc lui être reproché de surveiller son patrimoine en qualité d’associé et d’investisseur et, à ce titre, d’interroger le comptable de la société sur la situation de l’entreprise ou de se déplacer à Bois Robert, profitant de relever le courrier, à la demande de sa fille. Il affirme que la circonstance que ses frais de déplacement, pour la surveillance de son patrimoine, aient été inscrits en compte courant d’associé en tant que frais professionnels n’est en rien de nature à confirmer l’existence d’une activité pour le compte de la société. Il considère qu’il ne s’agit que d’une irrégularité, comme le fait que la société prenne en charge son abonnement téléphonique. Il est renvoyé aux écritures des parties pour l’exposé détaillé de leurs moyens. MOTIFS DE LA DÉCISION 1. Sur le bien-fondé de l’indu et de la réinscription de M. [F] en tant qu’exploitant non salarié agricole En application de l’article L. 732-39 alinéa 1 du code rural et de la pêche maritime, le service d’une pension de retraite, prenant effet postérieurement au 1er janvier 1986, liquidée par le régime d’assurance vieillesse des personnes non salariées et des professions agricoles et dont l’entrée en jouissance intervient à compter d’un âge fixé par voie réglementaire, est subordonné à la cessation définitive de l’activité non salariée agricole. Le service d’une pension de retraite liquidée est suspendu dès lors que l’assuré reprend une activité non salariée agricole. Il ressort du contrôle comptable de la SARL [9] que : l’agent de la MSA a relevé que : – des indemnités kilométriques étaient versées à M. [F], depuis 2017, calculées sur la base de 15’000 km par an au motif de déplacements de son domicile jusqu’aux vergers ou de déplacements divers pour le compte de la SARL, – la société prenait en charge son abonnement téléphonique ainsi que l’assurance de son téléphone portable, son adhésion à l’Union syndicale agricole et sa cotisation FNSEA, ses primes d’assurance conducteur pour conduire le matériel agricole à son nom, M. [F] a déclaré à l’agent de la MSA qu’il se rendait tous les jours au verger pour y chercher le courrier, faire un tour, surveiller mais également nettoyer les chemins et entretenir les parcelles, en utilisant le matériel de l’entreprise, à savoir un tracteur et un broyeur, l’agent mentionne que M. [F] détenait à son domicile tous les documents de la SARL, que son numéro de téléphone était le seul connu des divers partenaires (Cap Seine, ETA, comptable…) et qu’il était leur seul interlocuteur ; que suivant droit de communication effectué auprès du crédit agricole de [Localité 7] le 21 juin 2019, il apparaissait que M. [F] était le seul à avoir le pouvoir sur le compte bancaire de la SARL, – la gérante, Mme [I] [F], a confirmé l’existence des déplacements effectués par son père pour la SARL, lequel disposait toujours du chéquier de la société, réglait les factures et était le seul interlocuteur de [5] et du comptable, précisant qu’elle exerçait la profession de coiffeuse à domicile et reconnaissant avoir des lacunes dans le domaine agricole. Au regard des éléments produits par M. [F], à savoir : – les actes effectués par Mme [I] [F], en sa qualité de gérante de la SARL [9] (révocation d’une procuration sur le compte crédit agricole de la société en décembre 2017 ; pouvoir donné, le 11 octobre 2017, au cabinet d’expert-comptable afin de procéder au dépôt au registre du commerce et des sociétés du document relatif au bénéficiaire effectif), – l’attestation de la directrice du pôle professionnel du crédit agricole de [Localité 7] selon laquelle Mme [I] [F] avait pouvoir de plein droit sur le compte ouvert au nom de la SARL [9] en tant que gérante et un courrier de cette banque, du 24 octobre 2016, adressé à ‘[I] [F], SARL les vergers’, concernant le suivi des comptes en ligne, – l’attestation d’un ami de la famille, ingénieur en agriculture, dont il résulte qu’il effectue la déclaration PAC de la SARL depuis 2012 et depuis 2016, avec Mme [I] [F], n’ayant jamais vu son père à ces occasions, – celle du responsable région de la société [10], anciennement [5], selon lequel Mme [I] [F] est présente aux rendez-vous techniques et de gestion culturale de sa société en tant que gérante, – l’attestation de M. [J], qui habite au c’ur de l’exploitation en face des vergers, qui indique qu’il voit pratiquement chaque jour les travaux effectués par le personnel et voit souvent le responsable des vergers mais n’a jamais vu M. [F] lors de ses promenades quotidiennes, celui-ci ne travaillant plus dans la ferme depuis qu’il a confié le travail agricole à la cidrerie d’Anneville, – l’attestation du gérant d’une société dispensant des conseils techniques à la SARL [9], déclarant ne pas avoir revu M. [F] depuis le 1er janvier 2015 durant ses visites techniques, ses seuls interlocuteurs étant les représentants de la cidrerie, puisque M. [F] n’exploite ni ne gère d’une quelconque manière les vergers, – l’attestation du responsable des vergers selon lequel M. [F] n’intervient jamais sous quelque forme que ce soit dans les parcelles et les chemins des vergers, l’ensemble étant entretenu par le personnel de la cidrerie avec le matériel de celle-ci, – l’attestation de M. [H] [F], qui est agriculteur et gérant de l’EARL [8], qui indique que son père, M. [N] [F], n’intervient jamais sur les travaux de plaines, des chemins et des haies de la SARL [9] car ils sont effectués par la société de [8] qui utilise le matériel de la SARL principalement pour l’entretien des haies et du chemin, – les factures des prestations de services réalisées par la société de [8] et l’attestation du cabinet comptable de la SARL confirmant que chaque année il existe dans sa comptabilité une facture de la société de [8] pour les travaux agricoles réalisés sur les 52 hectares de terres cultivées appartenant à la SARL, laquelle dispose pour seul matériel d’un tracteur de 1975, équipé d’un broyeur, d’une débroussailleuse d’avril 2016 et d’aucun matériel de labour, culture, récoltes, il est établi que la SARL [9] est effectivement gérée par Mme [F] et que M. [N] [F] n’exerce pas d’activité agricole, le versement d’indemnités kilométriques et la perception d’avantages par l’intimé sur le compte de la SARL n’apparaissant pas en eux-mêmes la traduction d’une activité ou d’un travail, ainsi que l’a relevé le tribunal. Il convient en conséquence de confirmer le jugement. 2. Sur les frais de procès La MSA qui succombe en son appel est condamnée aux dépens et déboutée de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile. Il est équitable qu’elle indemnise une partie des frais non compris dans les dépens exposés par M. [F], en lui payant une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. PAR CES MOTIFS La cour, Statuant publiquement, par décision contradictoire et en dernier ressort, Confirme le jugement du tribunal judiciaire de Rouen du 9 avril 2021, Y ajoutant : Condamne la MSA aux dépens d’appel ; La déboute de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civil ; La condamne à payer à M. [N] [F] une somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. LE GREFFIER LA PRESIDENTE  

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