L’affaire concerne la succession de M. [G] [F], décédé en 2015, laissant son épouse et trois filles. Suite à un litige, le tribunal a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession. Madame [H], l’une des filles, a fait appel pour obtenir une créance de salaire différé pour son travail sur l’exploitation familiale entre 1973 et 1979. La cour a confirmé que Mme [H] avait droit à cette créance, rejetant les demandes des autres parties. Le jugement a également confirmé l’inclusion d’une somme dans l’actif de la communauté et a rejeté les demandes de dommages et intérêts. Les dépens ont été employés en frais privilégiés de partage.
AFFAIRE : N° RG 21/00765 – N° Portalis DBVC-V-B7F-GWWT ARRÊT N° JB. ORIGINE : Décision du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de COUTANCES du 04 Février 2021 RG n° 19/00662 COUR D’APPEL DE CAEN PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2023 APPELANTE : Madame [Y], [E], [A] [F] épouse [H] née le [Date naissance 6] 1955 à [Localité 15] [Adresse 5] [Localité 11] représentée par Me Jérémy BONNIEC, avocat au barreau de COUTANCES assistée de Me David NOEL, avocat au barreau de CHERBOURG INTIMÉES : Madame [U] [J] ès qualités de tutrice de Madame [A] [F] née le [Date naissance 1]/1926. [Adresse 4] [Localité 10] représentée et assistée de Me Valérie DUMONT-FOUCAULT, avocat au barreau de COUTANCES Madame [E], [P], [T] [F] épouse [X] née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 15] [Adresse 12] [Localité 13] Madame [M], [V], [W], [O] [F] née le [Date naissance 7] 1964 à [Localité 15] [Adresse 3] [Adresse 14] [Localité 9] représentées par Me Caroline BOYER, avocat au barreau de COUTANCES, assistées de Me Franck MALET, avocat au barreau de TOULOUSE DÉBATS : A l’audience publique du 12 octobre 2023, sans opposition du ou des avocats, M. GUIGUESSON, Président de chambre, a entendu seul les plaidoiries et en a rendu compte à la cour dans son délibéré GREFFIER : Mme COLLET COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ : M. GUIGUESSON, Président de chambre, Mme DELAUBIER, Conseillère, Mme VELMANS, Conseillère, ARRÊT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile le 19 Décembre 2023 et signé par M. GUIGUESSON, président, et Mme COLLET, greffier * * * FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES M. [G] [F] est décédé le [Date décès 8] 2015 à [Localité 21] laissant pour lui succéder son épouse Mme [A] [K] veuve [F] et leurs trois filles : Mme [Y] [F] épouse [H], Mme [E] [F] épouse [X] et Mme [M] [F] épouse [D]. Par jugement du 19 décembre 2017, le tribunal d’instance de Cherbourg a désigné Mme [J] en qualité de tutrice de Mme [A] [F]. Par actes des 27 mars, 2 et 3 avril 2019, Mme [H] a fait assigner sa mère Mme [K] veuve [F] prise en la personne de son tuteur Mme [J] et ses deux soeurs Mme [X] et Mme [D] devant le tribunal de grande instance de Coutances aux fins de voir ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et de partage de la succession de M. [G] [F] et de statuer sur sa demande de créance au titre du salaire différé. Par jugement du 4 février 2021 auquel il est renvoyé pour un exposé complet des prétentions en première instance, le tribunal judiciaire de Coutances a : – ordonné l’ouverture des opérations de comptes, liquidation, partage de la succession de M. [G] [F] décédé le [Date décès 8] 2015 à [Localité 21] ; – désigné pour y procéder Me [L], Notaire à [Localité 16] ; – commis le juge commis du tribunal judiciaire de Coutances en qualité de juge chargé de surveiller les opérations à accomplir ; – dit que le notaire ainsi nommé rendra compte au juge commis de l’avancement des opérations de liquidation et en cas de difficultés, établira un procès-verbal auprès du tribunal conformément aux dispositions des articles 1369 et 1370 du code civil ; – dit qu’en cas d’empêchement du notaire ou du magistrat désigné, il sera procédé à leur remplacement par ordonnance ou sur simple requête ; – dit que la somme de 13 058,76 euros correspondant au solde du compte n°05932-007719 ouvert à la banque [19], au jour du décès de M. [G] [F], doit être retenue dans l’actif de la communauté ; – dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage, lequels pourront être recouvrés conformément aux dispositions relatives à l’aide juridictionnelle, avec droit au recouvrement direct de Me Bonniec et Me Boyer, Avocats ; – débouté les parties de leurs autres demandes. Par déclaration du 6 juillet 2021, Mme [H] a formé appel de ce jugement. Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 juillet 2021, Mme [H] demande à la cour de : – confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a : * ordonné les opérations de compte, liquidation et de partage de la succession de M. [G] [F] ; * désigné à cet effet, Me [L], notaire à [Localité 15], y demeurant [Adresse 20] à [Localité 17], ou à défaut, désigner Monsieur le président de la chambre des notaires, afin d’y procéder, et tel juge qu’il plaira au tribunal pour vérifier ces opérations, le tribunal précisant qu’en cas de difficultés rencontrées par le notaire, il en sera dressé rapport au juge désigné ; * dit que la somme de 13 058,76 euros correspondant au solde du compte N°05932-007719 ouvert à la banque [19], au jour du décès de M. [G] [F], doit être retenue dans l’actif de communauté ; – réformer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande de reconnaissance d’une créance de salaire différé à son profit, et statuant à nouveau ; – dire et juger qu’elle est bien fondée à obtenir le bénéfice d’un salaire différé pour son activité sur l’exploitation familiale pour la période du 22 mai 1973 au 31 décembre 1979 ; – déclarer irrecevable les prétentions de Mme [K] veuve [F] prise en la personne de Mme [J], de Mme [F] et de Mme [M] [F] quant à l’imputation de la créance de salaire différé sur l’actif de succession ; – ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir. – condamner Mme [A] [K] prise en la personne de Mme [U] [J], de Mme [X] et de Mme [D] au paiement d’une indemnité 5 000 euros application de l’article 700 du code de procédure civile ; – condamner Mme [K] prise en la personne de Mme [J], de Mme [X] et de Mme [D] aux dépens dont distraction au profit de la Selarl Noël, Avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Aux termes de leurs dernières écritures notifiées le 5 juillet 2021, Mme [X] et Mme [D] demandent à la cour de : – ordonner les opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [G] [F] ; – désigner à cet effet la Scp [18] titulaire d’un office notarial à [Localité 15], prise en la personne de Me [L], étant précisé que cette liquidation est suivie par Me [N] ; à titre principal, – débouter purement et simplement Mme [H] de son appel principal qui ne porte que sur le débouté de sa demande tendant à obtenir le bénéfice d’une créance de salaire différé ; – accueillir leur appel incident ; – ordonner au Notaire désigné de recalculer l’actif net successoral puisqu’il est apporté la preuve que certaines sommes ne rentrent pas dans la communauté; – condamner Mme [H] de régler à chacune la somme de 1 500 euros en application de l’article 1240 du code civil ; à titre subsidiaire, – juger que la soi-disante créance de salaire différé ne pourrait commencer à courir qu’à compter du 5 juillet 1974, date à laquelle Mme [H] est devenue majeure et ne pourra s’imputer que sur l’actif net successoral qui devra être recalculé par le Notaire désigné en excluant les sommes portées sur le compte [19] de Mme [K] veuve [F] et en recalculant le montant du passif successoral, et qu’elle ne pourrait pas être calculée sur un SMIC total vu la carence probatoire de Mme [H] sur le temps de sa participation directe et effective à l’exploitation ; – juger que toute éventuelle créance de salaire différé ne pourra s’imputer que sur l’actif net successoral ; en tous les cas, – débouter Mme [H] de sa demande de condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile puisque sa déclaration d’appe1 ne portait pas sur ce chef de demande ; – en revanche, vu leur présent appel incident, condamner Mme [H] à leur régler à chacune au titre de l’article 700 du code de procédure civile la somme de 5 000 euros ; – condamner Mme [H] aux dépens de l’instance dont distraction au profit de Me [C] et ce en vertu de l’article 699 du code de procédure civile. Aux termes de ses dernières écritures notifiées le 6 juillet 2021, Mme [K] [F] veuve [F] par sa tuturice demande à la cour de : – confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a ordonné les opérations de compte, liquidation et de partage de la succession de M. [G] [F] ; – confirmer la désignation pour y procéder de Me [L], Notaire à [Localité 15] et tel juge qu’il plaira à la Cour pour vérifier ces opérations la Cour précisant qu’en cas de difficulté rencontré par le notaire il en sera dressé rapport au juge désigné ; – dire que la somme de 13 058,76 euros, correspondant au solde du compte n°05932-007719 ouvert à la banque [19], au jour du décès de M. [G] [F], doit être retenue dans l’actif de communauté ; – déclarer recevable et non fondé l’appel formé par Mme [H] en ce qui concerne la demande de reconnaissance d’une demande de salaire différé à son profit ; – l’en débouter ; subsidiairement, – en cas d’admission d’une créance de salaire différé, dire que cette créance ne pourra commencer à courir qu’à compter du 5 juillet 1974, date de la majorité de Mme [H] ; – condamner Mme [H] à lui payer la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens, lesquels seront recouvrés en frais privilégiés de partage. L’ordonnance de clôture de l’instruction a été prononcée le 20 septembre 2023. Pour l’exposé complet des prétentions et de l’argumentaire des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières écritures susvisées conformément à l’article 455 du code de procédure civile. MOTIFS – Sur l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage : L’appel de Mme [H] étant limité à la demande de créance de salaire différé, cette dernière demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, de même que Mme [X] et Mme [D] ainsi que Mme [K] veuve [F]. Les parties s’étant accordées sur l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de M. [G] [F] et sur la désignation de Me [L], notaire à [Localité 15], pour y procéder, le jugement sera confirmé de ce chef. – Sur la demande de créance de salaire différé : Mme [H] sollicite la réformation du jugement entrepris en ce qu’il a rejeté sa demande de créance de salaire différé aux motifs que si elle justifiait avoir participé à l’exploitation agricole de ses parents, elle ne rapportait pas la preuve qu’elle n’avait reçu aucune rémunération pour le travail effectué sur l’exploitation familiale. Mme [H] affirme au contraire démontrer l’existence d’un travail effectif, l’absence de versement de salaire et la confirmation du caractère bénévole de son travail sur l’exploitation agricole familiale. Mme [H] souligne que sa participation directe et effective à l’exploitation agricole résulte de l’attestation MSA et des divers témoignages produits par elle. Elle ajoute que sa demande est bien fondée car son travail a permis la mise en valeur de l’exploitation familiale. En outre, elle affirme que les relevés bancaires produits ainsi que le relevé de carrière établi par la MSA permettent de justifier de l’absence de rémunération pour la période concernée. Mme [X] et Mme [D] considèrent que l’attestation MSA et les autres attestations de voisins et amis produites par Mme [H] sont insuffisantes à justifier de sa participation. Elles contestent particulièrement le caractère probant de ces attestations et soulignent notamment qu’elles sont toutes rédigées en des termes identiques, que la nature du travail de leur soeur n’est pas précisé, que les attestants ne mentionnent que les années 1973 à 1979 objet du présent litige et qu’il s’agirait donc d’attestations de pure complaisance. Mme [X] et Mme [D] affirment également que Mme [H] ne rapporte pas la preuve d’avoir participé à la mise en valeur de l’exploitation. Sur l’absence de rémunération, Mme [X] et Mme [D] soutiennent que les relevés bancaires produits par leur soeur sont insuffisants à justifier qu’elle n’a perçu aucune rémunération aux motifs qu’elle ne produit pas l’intégralité de ses relevés bancaires. Elles ajoutent que Mme [H] ne justifient pas ne pas avoir possédé à l’époque d’autres comptes bancaires. S’agissant du montant de la créance, Mme [X] et Mme [D] soutiennent que si la cour venait à retenir le principe d’une créance de salaire différé, le point de départ devrait être fixé au 5 juillet 1974, date du changement de la date de majorité légale. Elles ajoutent qu’il n’est pas possible de retenir un SMIC annuel total tel que réclamé par Mme [H] puisqu’elle ne rapporte pas la preuve d’avoir participé à l’exploitation agricole à temps plein. Mme [K] veuve [F] soutient que l’appel de sa fille Mme[H] est non fondé concernant la demande de reconnaissance d’une demande de salaire différé. Elle expose que cette dernière ne rapporte pas la preuve d’une participation directe et effective à l’exploitation agricole ainsi que de sa participation à la mise en valeur de l’exploitation, les pièces produites étant insuffisantes. Elle ajoute que sa fille ne rapporte pas la preuve qu’elle n’a perçue aucune rémunération sur la période concernée, que les relevés bancaires produits pour la première fois en cause d’appel sont insuffisants, cette dernière ne justifiant pas qu’elle n’a pas bénéficié d’un autre compte bancaire ou d’avoir été rémunérée en espèces. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour viendrait à retenir l’existence d’une créance de salaire différé, il devra être tenu compte du changement d’âge de la majorité légale intervenue le 5 juillet 1974, et le principe d’une créance de salaire différé ne pourrait être retenue que pour une période commençant à courir à compter de cette date. Aux termes de l’article L.321-13 du code rural et de la pêche maritime, les descendants d’un exploitant agricole qui, âgés de plus de dix-huit ans, participent directement et effectivement à l’exploitation, sans être associés aux bénéfices ni aux pertes et qui ne reçoivent pas de salaire en argent en contrepartie de leur collaboration, sont réputés légalement bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé sans que la prise en compte de ce salaire pour la détermination des parts successorales puisse donner lieu au paiement d’une soulte à la charge des cohéritiers. Le taux annuel du salaire sera égal, pour chacune des années de participation, à la valeur des deux tiers de la somme correspondant à 2 080 fois le taux du salaire minimum interprofessionnel de croissance en vigueur, soit au jour du partage consécutif au décès de l’exploitant, soit au plus tard à la date du règlement de la créance, si ce règlement intervient du vivant de l’exploitant. L’article L.321-17 du même code dispose que le bénéficiaire d’un contrat de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l’exploitant et au cours du règlement de la succession; cependant l’exploitant peut, de son vivant, remplir le bénéficiaire de ses droits de créance, notamment lors de la donation-partage à laquelle il procéderait. L’article L.321-19 du même code précise que la preuve de la participation à l’exploitation agricole dans les conditions définies aux articles L. 321-13 à L. 321-18 pourra être apportée par tous moyens. En vue de faciliter l’administration de cette preuve, les parties pourront effectuer chaque année une déclaration à la mairie, laquelle devra être visée par le maire qui en donnera récépissé. Il est constant qu’il incombe au titulaire d’une créance de salaire différé de rapporter la preuve de l’absence de rémunération, cette preuve pouvant être rapportée par tout moyen. SUR CE : En l’espèce, il résulte des pièces produites et en particulier de l’attestation de reconstitution de carrière établie par la MSA en date du 29 février 2016 que Mme [H] justifie avoir travaillé sur l’exploitation agricole familiale du 1er janvier 1972 au 31 décembre 1973, en qualité de salariée agricole et du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1979 en qualité de non-salarié agricole aide familiale. Mme [H] produit une attestation rédigée par elle-même selon laquelle elle atteste sur l’honneur avoir travaillé sur l’exploitation familiale sur la période concernée de 1973 à 1979. S’il est de principe que nul ne peut se constituer de preuve à soi-même, Mme [H] produit des attestations de divers voisins et amis qui viennent certifier les propos par elle rapportés en ce qu’ils témoignent avoir constaté qu’elle travaillait effectivement sur l’exploitation familiale. S’il n’est pas contesté que ces témoignanges soient rédigés en des termes similaires, l’âge des attestants et leur lien avec la famille [F] démontrent qu’ils ont pu connaître Mme [H] du temps où elle travaillait sur l’exploitation. Par ailleurs, ces attestations sont corroborées en l’espèce par les attestations établies par la MSA. Ainsi il n’existe pas de motifs pertinents pour écarter ces pièces comme étant probantes ; Aussi, le jugement sera confirmé en ce qu’il a retenu que Mme [H] a bien participé à l’exploitation familiale et qu’elle y exerçait un travail effectif ; Sur la justification de l’absence de rémunération, il est établi que Mme [H] a été salariée agricole en temps complet sur l’exploitation familiale entre le 1er janvier 1972 et le 31 décembre 1973 et aide familiale non-salariée agricole entre le 1er janvier 1974 et le 31 décembre 1979 et que dès lors cette dernière a bien fait l’objet d’un changement de statut à partir du 1er janvier 1974, changement qui selon l’appelante avait pour but d’alléger les charges de l’exploitation agricole. Mme [H] produit en cause d’appel divers relevés bancaires du compte ouvert à son nom à la banque [19], agence de [Localité 15], pour la période comprise entre le 26 octobre 1972 et le 28 février 1979. Il résulte de ces différents relevés bancaires que les mouvements sont limités en leur nombre et en leur montant pour constituer une rémunération régulière en échange du travail fourni sur l’exploitation. Mme [X] et Mme [D] soutiennent que leur soeur a nécessairement perçu une rémunération sur la période litigieuse au motif qu’elle a pu acquérir un véhicule en 1976. Il est démontré que Mme [H] a fait l’achat de ce véhicule pour la somme de 1 000 francs, prix qui a pu être payé par les économies effectuées par cette dernière, la solde à la fin de l’année 1975 n’étant créditeur que 915,50 francs. En outre, Mme [X] et Mme [D] excipent le fait que Mme [H] ne produit pas l’intégralité de ses relevés bancaires et ne justifie pas ne pas avoir possédé d’autre compte bancaire. Cependant, dans la mesure où la période litigieuse concerne les années 1973 à 1978, il est admis que Mme [H] ne puisse pas produire l’intégralité de ses relevés bancaires compte tenu de leur ancienneté et que ceux versés suffisent à admettre que l’appelante n’a pas été associée aux résultats de l’exploitation de ses parents et qu’elle n’a perçu aucune rémunération. Quant à l’obligation pour Mme [H] de rapporter la preuve qu’elle ne possédait pas d’autre compte bancaire à l’époque, cette condition n’est pas exigée par les dispositions précitées, étant noté qu’il s’agit d’une preuve négative quasiment impossible à rapporter ; En effet madame [H] justifie avoir ouvert un compte bancaire le 26 octobre 1972, et les relevés de comptes bancaires qu’elle produit aux débats qui sont quasiment annuels ou bi-annuels révèlent de manière constante une quasi absence de mouvements sur ledit compte et que ceux-ci portent sur des opérations d’un montant très modeste qui ne correspondent pas à des revenus, étant noté qu’au 28 février 1974 le solde était créditeur à hauteur de 940,50fcs pour être de 181,80 fcs au 31 janvier 1978 ; L’analyse des relevés de comptes dans leur succession chronologique permet de constater que les soldes correspondent : – ainsi le solde est créditeur de 921,50fcs le 28 février 1974, il est celui mentionné au 27 février 1975, et il est justifié au 29 aôut 1975 à hauteur de 915,50 fcs avec très peu de mouvements et cette situation se reproduit sur les années 1976 et 1977, puisque le solde est créditeur de 165,80 fcs au 31 août 1976, ce qui est celui reporté au mois d’août 1977 avec le même constat par la suite ; Aussi, le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté Mme [H] de sa demande de créance en salaire différé, les demandes de dommages-intérêts à hauteur de 1500 € présentées en application de l’article 1240 du code civil par mesdames [X] et [M] [F] étant écartées comme injustifiées, conformément aux motifs exposés dans la suite du présent arrêt ; La cour retenant que Mme [H] remplit les conditions cumulatives exigées par le code rural et de la pêche maritime, il convient d’examiner la prescription de cette créance. Mme [H] soutient être titulaire d’une créance de 71 500 euros calculée comme suit pour 5,5 années de collaboration, créance qui pour chaque année de travail correspond à 2/3 de 2080 fois le taux du SMIC horaire brut soit aujourd’hui 13 000 euros. Mme [H] expose que la condition de participation à l’exploitation après l’âge de 18 ans du descendant est sans lien avec l’âge légal de la majorité en vigueur à l’époque de sa collaboration, qu’elle a fêté ses 18 ans le 22 mai 1973 et que dès lors la cour doit retenir comme point de départ de la créance de salaire différé le mois de mai 1973. Mme [X] et Mme [D] ainsi que leur mère Mme [K] veuve [F] soutiennent que Mme [H] n’est recevable à invoquer une créance de salaire différé pour la période postérieure au 5 juillet 1974, date du passage de la majorité de 21 ans à 18 ans. L’article 2224 du code civil dispose que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Il est constant que l’action en reconnaissance de la créance de salaire différé est soumise au droit commun de la prescription et que le point de départ du délai de prescription court à partir de la date du décès de l’exploitant. En l’espèce, il est établi que M. [G] [F] est décédé le [Date décès 8] 2015, Mme [H] avait jusqu’au [Date décès 8] 2020 pour former sa demande. Mme [H] ayant présenté sa demande en paiement de créance de salaire différé par actes des 27 mars, 2 et 3 avril 2019, cette demande n’est pas prescrite. En outre, il est constant que selon les dispositions de l’article L.321-13 du code rural et de la pêche maritime sont réputés bénéficiaires d’un contrat de travail à salaire différé, les descendants d’un exploitant qui sont âgés de plus de 18 ans, la condition d’âge minimum requis ne se confondant pas avec l’âge de la majorité en vigueur lors de la collaboration soit l’âge de 21 ans avant qu’elle ne soit ramenée à 18 ans par la loi du 5 juillet 1974. Dès lors, Mme [X], Mme [D] et Mme [K] veuve [F] seront déboutées de leur demande tendant à ce que le point de départ de la créance de salaire différé soit fixé au 5 juillet 1974. S’agissant du calcul de la créance, il résulte des pièces produites et en particulier des attestations et de la reconstitution de carrière établi par la MSA que Mme [H] a travaillé sur l’exploitation familiale à temps complet, aucune pièce produite ne permettant de justifier que Mme [H] avait une autre activité salariée en plus de son travail sur l’exploitation. Il résulte des dispositions de l’article L.321-13 du code rural et de la pêche maritime précitées que le créancier bénéficiaire a droit, pour chacune des années de participation, dans la limite de dix ans, à partir de l’âge de 18 ans à une créance égale aux deux tiers de 2080 fois le montant du SMIC horaire en vigueur au jour du décès de l’exploitant. Aussi, il appartiendra au notaire de fixer la créance de salaire différé sur une période de 5,5 années, conformément aux dispositions de l’article L-321-13 précité; – Sur la consistance de l’actif de succession et sur la somme de 13 058,76 euros : Mme [H] sollicite la confirmation du jugement entrepris en ce qu’il a considéré que la somme de 13 058,76 euros correspondant au solde du compte ouvert à la banque [19] au jour du décès de M. [G] [F] comme devant être retenu dans l’actif de la communauté aux motifs que M. [G] [F] et Mme [K] veuve [F] étaient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, que dès lors les fonds déposés sur ce compte sont présumés être communs aux deux époux et qu’il n’est pas rapporté la preuve de la nature propre des fonds déposés sur ce compte courant. Mme [X] et Mme [D] ont formé appel incident aux motifs que la présomption retenue par le juge de première instance étant une présomption simple, et elles demandent qu’il soit ordonné au notaire chargé des opérations de compte liquidation et partage de la succession de M. [G] [F] de recalculer l’actif net successoral, car la preuve serait rapportée que certaines sommes ne rentrent pas dans la communauté et que le compte litigieux était abondé par des fonds propres de Mme [K] veuve [F]. Mme [K] veuve [F] demande quant à elle la confirmation du jugement en ce qu’il a été considéré que la somme de 13 058,76 euros devait être retenue dans l’actif de la communauté. L’article 1402 du code civil dispose que tout bien, meuble ou immeuble, est réputé acquêt de communauté si l’on ne prouve qu’il est propre à l’un des époux par application d’une disposition de la loi. Il est dès lors de principe que sous le régime de la communauté, sauf preuve contaire, les sommes déposées sur le compte bancaire d’un époux sont présumés, dans les rapports entre conjoints, être des acquêts. SUR CE : En l’espèce, Mme [X] et Mme [D] produisent en cause d’appel divers relevés et autres factures relatifs à des pensions de retraite, des loyers de terres dont Mme [K] veuve [F] serait l’unique propriétaire et des frais funéraires de M. [G] [F] pour établir l’existence de fonds propres de Mme [K] veuve [F] sur le compte enregistré auprès du [19] et fonder leur demande tendant à recalculer l’actif de la succession en excluant les fonds propres qui appartiendraient à Mme [K] veuve [F]. Cependant, il est noté que Mme [K] veuve [F] elle-même demande la confirmation du jugement en ce qu’il a considéré que la somme de 13 058,76 euros correspondant au solde du compte n°05932-007719 ouvert à la banque [19] au jour du décès de son mari devait être incluse dans l’actif de la communauté. Les fonds en litige sont présumés être communs et il n’est pas rapporté la preuve que ce sont les actifs propres de madame [K] veuve [F] qui ont alimenté de quelque manière que ce soit ledit compte. Il n’est produit aux débats aucun élément probant pouvant conforter cette solution. Aussi, Mme [X] et Mme [D] seront déboutées de leur demande ainsi que de celle de recalcul de l’actif de communauté, les dépenses à prendre en compte éventuellement étant à fournir au notaire commis ; En conséquence, le jugement sera confirmé de ce chef. – Sur les demandes de dommages et intérêts : Mme [X] et Mme [D] sollicitent la réformation du jugement entrepris en ce qu’ils les a déboutées de leurs demandes de dommages et intérêts et persistent à soutenir en cause d’appel que cette demande est bien fondée aux motifs que le recours de leur soeur Mme [H] leur cause une privation de leurs droits successoraux. L’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. En l’espèce, Mme [X] et Mme [D] sont défaillantes à rapporter la preuve de la mauvaise foi de Mme [H], d’autant que cette dernière est bien fondée en sa demande de salaire différé. En outre, elles ne rapportent pas la preuve d’une privation de leurs droits successoraux. Aussi, Mme [X] et Mme [D] seront déboutées de leur demande. Le jugement sera confirmé de ce chef. – Sur les dépens et les frais irrépétibles : Le jugement sera confirmé s’agissant des dépens et frais irrépétibles de 1ère instance ; De plus chacune des parties conservera la charge de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel. Les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de partage. PAR CES MOTIFS La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort et par mise à disposition au greffe ; – Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a : * Débouté Mme [Y] [F] épouse [H] de sa demande portant sur l’attribution à son profit d’une créance de salaire différé ; – L’infirme de ce seul chef : Statuant à nouveau et y ajoutant : – Dit que Mme [Y] [F] épouse [H] est fondée à obtenir le bénéfice d’un salaire différé pour la période comprise entre le 22 mai 1973 au 31 décembre 1979 ; – Renvoie les parties devant le notaire commis pour fixation de la créance de salaire différé au profit de Mme [Y] [F] épouse [H] à la succession de son père M. [G] [F] qui sera à calculer par le notaire commis conformément aux dispositions de l’article L.321-13 du code rural ; – Déboute les parties à la procédure de toutes leurs autres demandes ; – Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et rejette les demandes respectivement présentées par les parties à l’instance en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ; – Dit que les dépens de première instance et d’appel seront employés en frais privilégiés de partage. LE GREFFIER LE PRÉSIDENT M. COLLET G. GUIGUESSON