L’affaire concerne un bail à ferme consenti par M. [A] [S], Mme [Z] [S] et M. [Y] [S] à M. [E] [B] et Mme [N] [L]. Les bailleurs ont délivré des congés aux preneurs pour refus de renouvellement de bail pour fautes et pour cause de retraite. Les preneurs ont contesté ces congés devant le tribunal paritaire des baux ruraux de Compiègne, qui a rejeté leurs demandes. En appel, la cour a annulé le congé pour refus de renouvellement du bail, confirmé le congé pour cause de retraite, et ordonné l’expulsion des preneurs des parcelles louées. Les preneurs ont également été condamnés à payer des astreintes en cas de non-respect de l’expulsion. Les dépens ont été laissés à la charge de chaque partie.
ARRET DU 13 FEVRIER 2024
La Cour d’Appel d’Amiens, Chambre des Baux Ruraux, a rendu un arrêt le 13 février 2024 concernant un bail à ferme sur deux parcelles. Les parties en cause sont les époux [B] et les bailleurs, représentés par leurs avocats respectifs. Le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux de Compiègne en date du 6 février 2023 a été contesté en appel.DECISION
La Cour a examiné les motifs d’opposition au renouvellement du bail, notamment le retard de paiement des loyers, le manque d’entretien des parcelles, la cessation d’exploitation par l’une des parties, et la cession du bail à une autre entité. Après analyse, la Cour a annulé le congé de non-renouvellement du bail, confirmé le renouvellement du bail pour 9 ans, et ordonné l’expulsion des preneurs des parcelles en question.CONCLUSION
Les preneurs ont été déboutés de leur demande d’autorisation de cession du bail à leur fils et ont été condamnés à quitter les parcelles. Chaque partie devra supporter ses propres frais et dépens. La décision de la Cour d’Appel d’Amiens a été rendue publiquement et est exécutoire.ARRET N° [B] [L] C/ [S] [S] VD COUR D’APPEL D’AMIENS Chambre BAUX RURAUX ARRET DU 13 FEVRIER 2024 ************************************************************* N° RG 23/01154 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IWOL JUGEMENT DU TRIBUNAL PARITAIRE DES BAUX RURAUX DE COMPIEGNE EN DATE DU 06 FÉVRIER 2023 PARTIES EN CAUSE : APPELANTS Monsieur [E] [B] [Adresse 1] [Localité 14] Madame [N] [L] [Adresse 3] [Localité 13] Représentés par Me Laurent JANOCKA de la SELARL LAURENT JANOCKA, avocat au barreau d’AMIENS, vestiaire : 118 ET : INTIMES Madame [Z] [S] épouse [D] [Adresse 5] [Localité 7] Monsieur [Y] [S] [Adresse 2] [Localité 6] Représentés par Me Caroline VARLET-ANGOVE, avocat au barreau de PARIS DEBATS : A l’audience publique du 14 Novembre 2023 devant Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, siégeant seule, sans opposition des avocats, en vertu des articles 805 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 16 Janvier 2024. GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Diénéba KONÉ COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE : Mme Valérie DUBAELE en a rendu compte à la Cour composée en outre de : Mme Odile GREVIN, Présidente de chambre, Mme Françoise LEROY-RICHARD, Conseillère, et Mme Valérie DUBAELE, Conseillère, qui en ont délibéré conformément à la loi. PRONONCE : Les parties ont été informées par voie électronique du prorogé du délibéré au 13 février 2024 et du prononcé de l’arrêt par sa mise à disposition au greffe Le 13 février 2024, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, Mme Odile GREVIN, Présidente a signé la minute avec Mme Diénéba KONÉ, Greffier. DECISION Par acte authentique du 28 novembre 2003, à effet au 11 novembre 2003, M. [A] [S], Mme [Z] [S] et M. [Y] [S] ont consenti à M. [E] [B] et Mme [N] [L] épouse [B] (depuis divorcés) solidairement, un bail à ferme sur les parcelles ZC n° [Cadastre 4] sise à [Adresse 11] d’une contenance de 4 ha 68 a 90 ca, et ZB n°[Cadastre 8] sise à [Adresse 15] d’une contenance de 2 ha 43 a 24 ca, soit une contenance totale de 7 ha 12 a 14 ca, pour une durée de 18 années tacitement renouvelable, la fin du bail étant prévue au 10 novembre 2021. Le bail prévoyait que les terres seraient mises à disposition de la SCEA du Monderlin et que le fermage annuel, d’un montant de 1126,14 euros, serait payable le 11 novembre de chaque année à terme échu, et pour la première fois le 11 novembre 2004. M. [A] [S] est décédé le 7 octobre 2006, laissant pour seuls héritiers [Z] et [Y] [S] désormais seuls bailleurs. Par actes d’huissier en date des 17 et 23 octobre 2019, Mme [Z] [S] et M. [Y] [S] (les bailleurs) ont délivré à M. [E] [B] et Mme [N] [L] (les preneurs) à effet au 10 novembre 2021 un congé portant « refus de renouvellement de bail pour fautes ». Relativement aux mêmes parcelles, ils ont délivré un second congé le 8 octobre 2020 à effet au 10 novembre 2022, portant « avis de non renouvellement de bail pour cause de retraite », sans renonciation au premier congé. Saisi le 6 février 2020 et le 9 février 2021 par les preneurs en contestation des deux congés, puis en demande d’autorisation de cession du bail à leur fils [U], le tribunal paritaire des baux ruraux de Compiègne a, par jugement rendu le 9 février 2023 : -Rejeté la demande de cession de bail des époux [B] au profit de leur fils [U] [B], -Rejeté la demande d’annulation des congés délivrés aux époux [B] les 17 et 23 octobre 2019 et le 8 octobre 2020, -Rejeté la demande de report des effets desdits congés au 10 novembre 2026, -Condamné solidairement les époux [B] aux dépens de l’instance et à verser à M. [Y] [S] et Mme [Z] [S] épouse [D] 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, -Rejeté le surplus des demandes des parties, -Rappelé que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit. Pour rejeter les demandes des preneurs, le premier juge a, au visa de l’article L.411-46 du code rural, estimé qu’ils avaient manqué gravement à leurs obligations en payant leurs fermages très en retard pendant 6 ans et en n’entretenant pas correctement la parcelle ZC n°[Cadastre 4]. Par déclaration d’appel du 10 mars 2023, les preneurs ont formé appel total de cette décision. A l’audience des plaidoiries, les parties s’en rapportent à leurs conclusions régulièrement notifiées. M. [E] [B] et Mme [N] [L] demandent à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions, d’annuler le congé délivré les 17 et 23 octobre 2019 et le congé délivré le 8 octobre 2020, de les autoriser à céder le bail à leur fils [U] [B], né le 24 mars 1991, à titre subsidiaire de désigner tel expert foncier qu’il plaira à la juridiction afin de se rendre sur les parcelles pour donner son avis sur l’état d’entretien des parcelles, en tout état de cause d’écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir, de débouter les consorts [S] de l’ensemble de leurs demandes, de condamner solidairement les consorts [S] à leur verser 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et les condamner aux entiers dépens. Les consorts [S] demandent à la cour de confirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il les a déboutés de leur demande d’expulsion, d’ordonner l’expulsion des preneurs, de la SCEA du Monterlin et de tous occupants de leur chef des parcelles susvisées, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de 15 jours suivant la signification de l’arrêt à intervenir et au besoin avec le concours de la force publique et en tout état de cause, débouter les preneurs de toutes leurs demandes et les condamner à leur verser 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. SUR CE, Sur la contestation du congé portant refus de renouvellement du bail à son terme : L’article L.411-46 du code rural dispose que « le preneur a droit au renouvellement du bail, nonobstant toutes clauses, stipulations ou arrangements contraires, à moins que le bailleur ne justifie de l’un des motifs graves et légitimes mentionnés à l’article L.411-31 ou n’invoque le droit de reprise dans les conditions prévues aux articles L.411-57 à L.411-63, L.411-66 et L.411-67. En cas de départ de l’un des conjoints ou partenaires d’un pacte civil de solidarité copreneurs du bail, le conjoint ou le partenaire qui poursuit l’exploitation a droit au renouvellement du bail. Le preneur et le copreneur visé à l’alinéa précédent doivent réunir les mêmes conditions d’exploitation et d’habitation que celles exigées du bénéficiaire du droit de reprise en fin de bail à l’article L.411-59. » Aux termes de l’article L.411-53 du code rural et de la pêche maritime, « nonobstant toute clause contraire, le bailleur ne peut s’opposer au renouvellement du bail que s’il justifie de l’un des motifs mentionnés à l’article L.411-31 et dans les conditions prévues audit article. » Il résulte de cet article que les motifs de non renouvellement sont appréciés de la même façon que les motifs de résiliation du bail. Selon l’article L.411-54 du même code, le congé peut être déféré par le preneur au tribunal paritaire dans un délai fixé par décret, à dater de sa réception, sous peine de forclusion. La forclusion ne sera pas encourue si le congé est donné hors délai ou s’il ne comporte pas les mentions exigées à peine de nullité par l’article L.411-47 (motifs allégués par le bailleur ; reproduction des termes de l’alinéa 1er l’article L.411-54). La nullité n’est toutefois pas prononcée si l’omission ou l’inexactitude constatée ne sont pas de nature à induire le preneur en erreur. Le tribunal apprécie les motifs allégués par le propriétaire lors de la notification du congé. S’il constate que le congé n’est pas justifié par l’un des motifs mentionnés à l’article L.411-31, il ordonne le maintien du preneur dans l’exploitation pour un bail d’une nouvelle durée de 9 ans. Les époux [B] se bornent à contester les manquements qui leur sont reprochés, sans invoquer la nullité formelle du congé. Il a donc lieu d’apprécier la pertinence des quatre motifs de l’opposition au renouvellement contenus dans le congé que ces derniers contestent: un retard récurrent dans le paiement des fermages depuis plusieurs années, un défaut de maintien en bon état cultural des parcelles selon les usages de la région, un défaut de participation de Mme [L] aux travaux depuis plusieurs années et une cession de bail prohibée, l’EARL de [Localité 10] étant associée majoritaire de la SCEA du Monderlin. Sur le retard de paiement des loyers : Ce motif est prévu par l’article L.411-31 I.-1° du code rural et de la pêche maritime, dans les termes suivants : « Deux défauts de paiement de fermage ou de la part de produits revenant au bailleur ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance. Cette mise en demeure devra, à peine de nullité, rappeler les termes de la présente disposition ». Au terme de cet article en son point I in fine, ce motif ne peut être invoqué par le bailleur en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes. Les preneurs font état d’un retard de paiement des fermages de 2015, 2016, 2017 et 2018. Cependant, seuls les fermages des années 2017 et 2018 ont fait l’objet d’une mise en demeure expédiée le 26 février 2019 par lettre recommandée avec avis de réception. Cette mise en demeure rappelle bien que « le non renouvellement est encouru en cas de défaut de paiement de fermage (‘) ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance », si bien qu’elle doit être considérée comme régulière, peu importe à cet égard qu’elle mentionne l’article L.411-53 1er du nouveau code rural plutôt que l’article L.411-31 1° du même code. Cette mise en demeure, adressée par Mme [Z] [S], a été reçue le 1er mars 2019 par les preneurs. Les fermages de 2017 et 2018 ayant été régularisés le 26 mai 2019 selon les pièces versées aux débats par les bailleurs, soit dans le délai de trois mois, le retard de paiement des loyers ne peut donc être invoqué par les preneurs pour s’opposer au renouvellement du bail à son terme. Sur le manque d’entretien cultural des parcelles : Ce motif est prévu par l’article L.411-31, I,2 du code rural et de la pêche maritime, dans les termes suivants : « Des agissements du preneur de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds, notamment le fait qu’il ne dispose pas de la main-d »uvre nécessaire aux besoins de l’exploitation. » Pour apprécier le comportement du preneur et la gravité des faits qui lui sont reprochés, le juge doit se placer à la date de délivrance du congé (Cass. civ., 28 oct. 1985 : Rev. loyers 1986, p. 187). Pour justifier le non renouvellement du contrat de bail à ferme, les agissements incriminés doivent être « de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds ». Il en est ainsi, non seulement si les manquements du preneur causent effectivement du préjudice à l’exploitation et affectent la valeur des biens loués mais aussi s’ils sont nuisibles à terme ( Cass. 3e civ., 5 juill. 1978 : Gaz. Pal. 1978, 2, somm., p. 427). La gravité des faits reprochés au preneur est appréciée souverainement par les juges du fond (Cass.3 civ.,5 mai 1984,Bull.civ.III,n 98). La charge de la preuve pèse sur le bailleur demandeur à la résiliation judiciaire ou qui se prévaut du non-renouvellement du bail. La preuve peut être rapportée par tous moyens, sous réserve du respect du principe de loyauté. En l’espèce les preneurs se prévalent du fait que les parcelles ne sont pas cultivées correctement, voire laissées à l’abandon. Cependant les pièces qu’ils produisent ne suffisent pas à rapporter la preuve, ni au moment de la délivrance du congé, ni postérieurement, de l’état d’abandon des parcelles données à bail aux époux [B] ni leur manque d’entretien de nature à compromettre l’exploitation des fonds. Ainsi les photographies, non circonstanciées, sont inexploitables. Les constats d’huissier qu’ils ont fait dresser par Me [K], huissier de justice, les 27 septembre 2019 et 31 août 2020 mentionnent, pour le premier que la parcelle cadastrée ZC [Cadastre 4] [Adresse 11], que cette dernière est « comprise dans un ensemble plus vaste semé en maïs ; cette culture est envahie par des herbes folles particulièrement développées parmi lesquelles apparaissent des plantes de type betterave ; elle est clairsemée ; la hauteur de ce maïs est anormalement faible pour une fin septembre ; le stade de développement de cette culture est tel, qu’une récolte, en vue de l’alimentation du bétail par ensilage-qui débute normalement aux alentours de la mi-septembre-ou en vue d’extraire le grain, apparaît peu prometteuse », et pour le second que la parcelle cadastrée ZC [Cadastre 4] [Adresse 11] est « comprise dans un ensemble plus vaste semé une nouvelle fois de maïs comme en 2019, qu’elle est située en contrebas du chemin d’accès qui offre une bonne vue sur l’ensemble de celle-ci, que cette culture est toujours envahie par des herbes folles particulièrement développées qui concurrencent et étouffent le maïs dont la hauteur est une fois de plus plutôt faible pour un été relativement pluvieux ; que l’importance de ces mauvaises herbes révèle un manque d’entretien-mécanique ou chimique-ancien de cette parcelle dont le sol est manifestement imprégné de ces mauvaises graines, que l’état d’entretien et d’exploitation n’a guère évolué favorablement depuis les constatations de 2019 ; que cette nouvelle culture de maïs apparaît comme celle de 2019 fort peu prometteuse ». Cependant, le fait que les cultures soient qualifiées de « peu prometteuses » par un huissier de justice qui n’est pas expert agricole et en méconnaissance de la date de la récolte ne présume pas d’un mauvais entretien des parcelles. Au demeurant, lors du constat réalisé à la demande des preneurs par Me [X], huissier de justice, le 19 octobre 2021, les plants de maïs sur la parcelle ZB [Cadastre 8] située à [Localité 14] ne sont pas chétifs mais de bonne hauteur et la parcelle est bien entretenue, les plants sont denses, porteurs de beaux épis y compris en bordure de bois dont les maïs sont moins avancés, M. [B] expliquant que la parcelle était au préalable cultivée en tournesol et que le maïs a été semé vers le 15 juin 2021 en seconde culture raison pour laquelle le maïs était en pleine pousse fin août. Le même constat a été fait concernant la plantation de maïs sur la parcelle ZC [Cadastre 4] à [Localité 12], qui est également un semi tardif en seconde culture après l’escourgeon et limitée en apport d’azote ce qui explique une pousse moins forte. Cette parcelle est constatée par l’huissier en bon état général avec une bonne pousse du maïs, les épis étant visibles et de belle taille, arrivant à maturité, sauf une pousse un peu moins bonne en lisière de talus sur environ 8 rangées, et aucune mauvaise herbe n’est visible si ce n’est celles sur le talus du chemin rural et entre le talus et la première rangée de maïs, les herbes invasives de type chardon étant traitées et sèches. Ce constat contredit par conséquent les constats réalisés à la demande des bailleurs, Me [X] expliquant que certaines photographies du constat de Me [K] du 30 août 2021 ont visiblement été prises à hauteur de la parcelle ZC n°[Cadastre 9] non visée au congé et qui sert d’entrée aux engins agricoles pour l’îlot ce qui explique les traces de passage et le mauvais entretien à cet endroit qui ne peut être imputé aux preneurs. Il contredit également le courrier du maire de [Localité 12] du 7 septembre 2020, confirmant à M. [F] [D] que la parcelle ZC [Cadastre 4] [Adresse 11] « n’est pas entretenue depuis plusieurs mois » et que « la parcelle est couverte de chardons, tout comme elle l’était l’an dernier, générant l’inquiétude de certains de nos administrés », qui apparaît au demeurant peu probant comme ayant comme seule source les doléances des bailleurs, et qui ne peut donc suffire à démontrer, au moment du congé, un défaut d’entretien de cette parcelle de nature à compromettre sa bonne exploitation, d’autant que le constat dressé à la demande des bailleurs en 2019 n’indique pas la présence de chardons. Enfin, le fait que les preneurs reconnaissent que la parcelle ZC [Cadastre 4] est difficile à exploiter du fait d’un réseau de drainage important établi en 2001, les drains étant fréquemment bouchés par les racines quel que soit le soin apporté par les exploitants, ce qu’ils étayent par les témoignages de plusieurs exploitants rencontrant le même problème, ne saurait leur être reproché ni justifier de la compromission de la parcelle. Dès lors, le défaut d’entretien des parcelles de nature à compromettre la bonne exploitation des deux parcelles n’est pas établi en l’espèce et ne saurait justifier de l’opposition au renouvellement du bail. Sur le défaut d’information de la cessation d’exploitation personnelle et effective par Mme [L] divorcée [B] : Le motif invoqué par les bailleurs à l’appui de leur opposition au renouvellement du bail est prévu par l’article L.411-31, II,1, du code rural et de la pêche maritime, dans les termes suivants : «Toute contravention aux dispositions de l’article L.411-35 .», ce dernier article prévoyant en son alinéa 3 que « lorsque l’un des copreneurs du bail cesse de participer à l’exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom (‘) » Les bailleurs reprochent aux preneurs de ne pas les avoir prévenus du fait que Mme [L] semble avoir cessé d’exploiter puisqu’elle est séparée de son époux depuis plusieurs années, qu’elle n’habite plus à proximité des parcelles louées mais à [Localité 13] et qu’elle ne justifie pas de son statut d’exploitant. Cependant cette cessation d’activité au jour du congé est contestée par les preneurs et il revient donc aux bailleurs d’en faire la démonstration, ce qu’ils ne font pas. En effet, le fait que les preneurs aient divorcé et que Mme [L] ait déménagé à 14 kilomètres du siège de l’exploitation, comme cela résulte du constat d’huissier qu’ils ont fait dresser, ne suffit pas à démontrer la cessation de sa participation à l’exploitation, ni de son impossibilité de participer de façon effective et permanente à l’exploitation des deux parcelles; qu’elle se désigne dans ses écritures comme salariée et exploitante agricole ; qu’elle demeure associée exploitante de la SCEA du Monderlin, étant cogérante de cette société; qu’elle justifie également être, au 8 mai 2022 et depuis le 1er juin 1998, affiliée à la MSA en qualité de membre non salarié agricole à titre principal de cette société. Dès lors, les bailleurs ne sont pas fondés à se prévaloir du défaut d’information de la cessation d’exploitation d’un des copreneurs pour s’opposer au renouvellement du bail à ferme à son terme. Sur le défaut d’accord des bailleurs de l’exploitation des deux parcelles par l’EARL de [Localité 10] : Le motif invoqué est prévu par l’article L.411-31, II, 3, du code rural et de la pêche maritime, dans les termes suivants : « Toute contravention aux obligations dont le preneur est tenu en application des articles L.411-37, L.411-39 et L.411-39-1 si elle est de nature à porter préjudice au bailleur. » Les bailleurs font valoir que les preneurs ont gravement contrevenu à l’article L.411-37 du code rural et de la pêche maritime en opérant une cession prohibée du bail au profit de l’EARL de [Localité 10] puisque la SCEA du Monderlin, à laquelle les deux parcelles sont mises à disposition, est très majoritairement détenue par l’EARL de [Localité 10], alors que cet article dispose que le capital de la société bénéficiaire de la mise à disposition doit être majoritairement détenu par des personnes physiques. Il ajoutent que du fait de ce montage, c’est en réalité l’EARL de [Localité 10] qui exploite les deux parcelles, la SCEA du Monderlin ne possédant pas de matériel nécessaire à l’exploitation ; que le fait que les preneurs soient associés de l’EARL de [Localité 10] est indifférent; qu’ils ne les ont jamais informés de cette situation ; que la mise à disposition litigieuse relève donc des dispositions de l’article L.411-37, I, et que les preneurs ne peuvent, compte tenu de la date du bail prévoyant la mise à disposition, invoquer à leur profit l’article L.411-37 II, issue de la loi du [Cadastre 4] janvier 2006, d’autant qu’ils n’ont jamais sollicité leur accord écrit. Cependant d’une part l’EARL de [Localité 10] était déjà associée majoritaire de la SCEA du Monderlin lors de la passation du bail, d’autre part les preneurs sont associés des deux structures et disposent de l’autorisation d’exploiter. En tout état de cause les preneurs ne démontrent ni même n’invoquent le préjudice qui en serait résulté pour eux si bien qu’ils ne sont pas fondés à se prévaloir de leur défaut d’accord de la mise à disposition des deux parcelles à l’EARL de [Localité 10] pour s’opposer au renouvellement du bail. Le congé n’étant pas justifié par l’un des motifs mentionnés à l’article L.411-31 du code rural et de la pêche maritime, il y a lieu d’en constater la nullité et le bail s’est donc régulièrement renouvelé pour une durée de 9 ans à compter du 11 novembre 2021. Sur la contestation du congé du 8 octobre 2020 à effet au 10 novembre 2022, portant « avis de non renouvellement de bail pour cause de retraite » : L’article L.416-1 du code rural et de la pêche maritime concernant le bail à long terme prévoit dans son dernier alinéa que le bailleur qui entend s’opposer au renouvellement doit notifier congé au preneur dans les conditions prévues à l’article L.411-47. Toutefois, lorsque le preneur a atteint l’âge de la retraite, retenu en matière d’assurance vieillesse des exploitants agricoles, chacune des parties peut, par avis donné au moins dix-huit mois à l’avance, refuser le renouvellement de bail ou mettre fin à celui-ci à l’expiration de chaque période annuelle à partir de laquelle le preneur aura atteint ledit âge, sans être tenu de remplir les conditions énoncées à la section du chapitre I du présent titre. Le congé délivré aux preneurs indique « qu’avis leur est donné que le bail rural en cours prendra fin à l’expiration de la période annuelle, soit au 10 novembre 2022 minuit, date à laquelle les deux preneurs ont atteint l’âge légal de la retraite fixé à 62 ans, Mme [L] étant née le 15 janvier 1956 et M. [B] le 27 mai 1959. » Les preneurs n’articulent aucun moyen à l’appui de leur demande d’annulation de ce congé et ne soutiennent pas l’appel relativement au rejet de leur demande de report des effets de ce congé. Ils précisent même que les conditions de la reprise par leur fils doivent être appréciées à la date d’effet de ce congé, soit le 10 novembre 2022. Le jugement sera donc confirmé de ces chefs. Sur la demande d’autorisation de cession du bail à ferme : Il résulte de l’article L .411-35 du code rural que la cession du bail à un descendant majeur ou émancipé n’est permise qu’avec l’agrément du bailleur ou, à défaut, l’autorisation du tribunal paritaire des baux ruraux. Le juge contrôle notamment l’intérêt légitime du bailleur, apprécié en fonction de la bonne foi du cédant et de la capacité du cessionnaire à respecter les obligations du contrat de bail. Le cessionnaire a l’obligation d’exploiter immédiatement, de façon effective et permanente, dès la cession autorisée judiciairement. La faculté de cession du bail rural, exceptionnelle, doit être réservée au preneur de bonne foi, c’est-à-dire qui s’est constamment acquitté de toutes les obligations découlant du bail, les juges du fond appréciant souverainement si les manquements du preneur à ses obligations présentent un caractère de gravité suffisant pour refuser l’autorisation de cession qu’il sollicite. La cour de cassation sanctionne les retards par le refus d’autoriser la cession, même s’ils ne sont pas suffisants pour justifier la résiliation du bail. Les retards systématiquement réitérés depuis sept ans dans le paiement des fermages ont pu être constatés comme caractérisant la mauvaise foi (Civ. 3e, 24 nov. 2009, no 08-21.472), même s’ils ne remplissent pas les conditions exigées pour le refus de renouvellement ou la résiliation du bail (Civ. 3e, 3 mai 1977, n 76-11639, Bull. civ. III, n 185 ). C’est à juste titre que pour débouter les preneurs de leur demande de cession, le premier juge a retenu des retards importants et habituels dans le paiement des fermages, à compter de l’échéance de 2015, comme constituant des manquements graves à leur obligation de nature à faire obstacle à leur demande d’autorisation de cession. En effet il est constant que les fermages de 2015, 2016, 2017 et 2018 ont été réglés avec un retard d’un an pour les deux premiers et de deux ans pour les deux autres. Il importe peu à cet égard que postérieurement à la délivrance du congé les preneurs aient d’une part régularisé les arriérés de loyers, spontanément pour les deux premiers, après une mise en demeure pour les deux autres, d’autre part payé à bonne date les échéances postérieures au premier congé. S’ils justifient pour la première fois en appel de difficultés financières en 2016, la SCEA du Monderlin ayant accusé cette année-là un déficit comptable de 20657,58 euros selon attestation de l’expert-comptable, ce qu’ils expliquent, coupures de presse à l’appui, par une mauvaise récolte que tous les céréaliers ont connu cette année-là en France, cela ne justifie cependant pas du retard conséquent du paiement des fermages dès l’échéance de novembre 2015 et du fait que les retards de paiement conséquents aient perduré en 2017 et 2018 alors même qu’aucun problème de récolte ne se posait ces années-là. Le fait que leur banque personnelle ait cessé en avril 2017 de leur apporter son concours sous forme de découvert en trésorerie de l’ordre de 10.000 euros n’est pas davantage suffisant à justifier les retards récurrents et conséquents de retard de loyers de 2015 à 2019. Ces difficultés ne sauraient donc enlever le caractère de gravité au retard réitéré et très important dans le paiement d’au moins trois fermages sur quatre. Par ailleurs le fait, invoqué par les preneurs, que les bailleurs ne leur aient pas remboursé le dégrèvement d’impôt foncier selon les modalités prescrites par l’article L.415-3 du code rural et de la pêche maritime, soit 166,74 euros selon leur décompte faisant l’objet de la pièce 17 relative au fermage 2020, ne saurait les exonérer de leur obligation de payer les fermages antérieurs de 2015 à 2018 à bonne date. Il en est de même du fait, au demeurant contesté que, suivant facture du 28 décembre 2003, ils ont réglé un dépôt de garantie de 1162 euros à M. [A] [S] à valoir sur les loyers à venir et que, du fait d’une erreur dans le calcul des fermages s’agissant des taxes à appliquer, ils auraient versé en trop une somme totale de 1071,09 euros de 2004 à 2019, somme arrêtée à 2019 qui représente près d’une année de fermage que les bailleurs ne leur auraient pas remboursée cette année-là, mais qu’ils n’ont jamais réclamée jusqu’à leurs conclusions d’appel. La cour confirmera donc le jugement en ce qu’il a débouté les preneurs de leur demande d’autorisation de cession du bail à leur fils, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres motifs d’opposition à cession, et confirmera également le jugement en ce qu’il a rejeté la demande d’expertise. Sur la demande d’expulsion sous astreinte : Les preneurs étant sans droit ni titre depuis le 10 novembre 2022 et n’ayant pas restitué les parcelles après le jugement entrepris assorti de l’exécution provisoire, il est justifié d’ordonner leur expulsion sous astreinte à défaut de départ volontaire des lieux, dans les termes sollicités par les bailleurs, et d’infirmer le jugement de ce chef. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile : Compte tenu de la solution donnée au litige, il est justifié de dire que chaque partie supportera la charge de ses frais et dépens de première instance et d’appel. PAR CES MOTIFS, La cour, statuant contradictoirement et publiquement, par mise à disposition au greffe, Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté M. [B] et Mme [L] de leur demande d’annulation du congé aux fins de non renouvellement délivré aux époux [B] les 17 et 23 octobre 2019, en ce qu’il a débouté les consorts [S] de leur demande d’expulsion et sur les dépens et les frais irrépétibles et, Statuant à nouveau de ces chefs et Y ajoutant, Annule le congé aux fins de non renouvellement du bail délivré aux époux [B] les 17 et 23 octobre 2019, Constate que le bail s’est renouvelé le 10 novembre 2021 et a pris fin le 10 novembre 2022 par effet du congé délivré le 8 octobre 2020, A défaut de libération de toute occupation de leur chef de la parcelle cadastrée ZC n° [Cadastre 4] sise à [Adresse 11] et la parcelle cadastrée ZB n°[Cadastre 8] sise à [Adresse 15] dans le délai d’un mois à compter de la signification du présent arrêt, Ordonne l’expulsion de M. [B], Mme [L] et de tous occupants de leur chef, au besoin avec le concours de la force publique, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé ce délai, pendant une période de trois mois, Dit que chaque partie supportera la charge de ses dépens et de ses frais hors dépens. Le Greffier, La Présidente,