Responsabilité des dirigeants associatifs

Notez ce point juridique

L’affaire concerne un litige entre M. [L] [O] et feu Mme [I] [V], anciens collaborateurs dans le domaine du théâtre, et la SOCIETE DES AUTEURS ET DES COMPOSITEURS DRAMATIQUES (SACD). La SACD a assigné en référé M. [O] et Mme [V] pour non-paiement de redevances pour la représentation d’œuvres théâtrales sans autorisation préalable. Le tribunal judiciaire de Paris a condamné M. [O] et Mme [V] à payer des sommes à la SACD pour ces manquements. Suite au décès de Mme [V], l’affaire a été réinscrite au rôle, avec M. [O] agissant en tant qu’unique héritier. Les parties ont formulé des demandes contradictoires en appel, avec M. [O] contestant les fautes qui lui sont reprochées et la SACD demandant la confirmation du jugement initial. L’affaire est en attente de décision de la cour.

1. Il est important de respecter les obligations légales afférentes aux déclarations de recettes et aux paiements des droits d’auteur, notamment en matière de propriété intellectuelle. Assurez-vous de déclarer correctement les représentations publiques et de fournir un état justifié des recettes aux auteurs ou à leurs représentants, conformément à l’article L.132-21 du code de la propriété intellectuelle.

2. En tant que dirigeant d’une association, votre responsabilité personnelle envers les tiers n’est engagée que si vous avez commis une faute personnelle détachable de vos fonctions. Assurez-vous de respecter les limites de votre mission telles qu’assignées par les statuts de l’association et d’éviter les fautes intentionnelles et graves incompatibles avec l’exercice normal des fonctions sociales.

3. En cas de litige, veillez à bien documenter et justifier vos actions et décisions, notamment en ce qui concerne les déclarations de recettes, les paiements des droits d’auteur et les procédures de liquidation. Assurez-vous de communiquer de manière transparente et complète avec les parties concernées, telles que la SACD, pour éviter tout malentendu ou litige ultérieur.

Sur l’existence de fautes détachables imputables à M. [O] et Mme [V]

M. [O] soutient qu’aucune faute intentionnelle et d’une particulière gravité détachable des fonctions de président et trésorière de l’association [J][V] COMPAGNIE n’est établie à l’encontre de lui-même et de Mme [V]. La SACD répond que la responsabilité personnelle des dirigeants d’une association est engagée envers les tiers s’ils ont commis une faute personnelle détachable de leurs fonctions. La cour rappelle que la volonté de M. [O] et de Mme [V] de se soustraire à l’obligation de déclaration prévue par la loi n’est pas caractérisée. L’absence d’exécution des condamnations prononcées ne constitue pas une faute d’une gravité telle qu’elle justifierait l’engagement de leur responsabilité.

Sur la demande de M. [O] pour procédure abusive

M. [O] demande la condamnation de la SACD pour procédure abusive, arguant que son argumentation a reposé sur des affirmations mensongères. La SACD conclut au rejet de cette demande, affirmant qu’elle n’a pas abusé de son droit d’agir en justice. Le jugement confirme le rejet de la demande de M. [O] pour procédure abusive.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SACD et M. [O] garderont à leur charge les dépens et frais irrépétibles de première instance et d’appel qu’ils ont engagés, chacun succombant sur une partie de ses prétentions. Les dispositions prises par le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance sont infirmées.

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle

Avocats

– Me Myriam XAVIER, avocat au barreau de PARIS
– Me Clément GAMBIN, avocat au barreau de VERSAILLES
– Me Murielle BAUMET, avocat au barreau de PARIS

Mots clefs

– Fautes détachables
– M. [O]
– Mme [V]
– Association [J][V] COMPAGNIE
– SACD
– Droits d’auteur
– Liquidation judiciaire
– Adaptations et traductions
– Responsabilité des dirigeants d’association
– Obligation de déclaration
– Programme des représentations
– Recettes
– Faute personnelle détachable
– Gravité de la faute
– Procédure abusive
– Dépens et frais irrépétibles

Définitions juridiques

– Fautes détachables: fautes commises par une personne dans le cadre de ses fonctions et qui peuvent être dissociées de sa responsabilité personnelle
– M. [O]: abréviation pour Monsieur
– Mme [V]: abréviation pour Madame
– Association [J][V] COMPAGNIE: structure regroupant des personnes pour réaliser un projet commun
– SACD: Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques, société de gestion collective des droits d’auteur
– Droits d’auteur: droits exclusifs accordés à l’auteur d’une œuvre pour protéger sa création
– Liquidation judiciaire: procédure judiciaire permettant de mettre fin à l’activité d’une entreprise en difficulté financière
– Adaptations et traductions: modifications ou versions d’une œuvre originale pour la rendre accessible à un public différent
– Responsabilité des dirigeants d’association: obligation pour les dirigeants d’une association de répondre des actes commis dans le cadre de leurs fonctions
– Obligation de déclaration: obligation de faire une déclaration officielle ou administrative
– Programme des représentations: liste des spectacles ou événements prévus par une compagnie ou une association
– Recettes: sommes d’argent perçues par une entreprise ou une association
– Faute personnelle détachable: faute commise par une personne dans le cadre de ses fonctions et pouvant être dissociée de sa responsabilité personnelle
– Gravité de la faute: importance ou sévérité de la faute commise
– Procédure abusive: utilisation d’une procédure judiciaire de manière malveillante ou excessive
– Dépens et frais irrépétibles: frais engagés lors d’une procédure judiciaire et non remboursables

 

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 1

ARRET DU 28 FEVRIER 2024

(n° 036/2024, 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : 23/08240 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHSFN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Février 2021 – Tribunal Judiciaire de PARIS 3ème chambre – 3ème section – RG n° 19/04719

APPELANT

Monsieur [L] [O],

Tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Mme [I] [V]

Demeurant [Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Myriam XAVIER, avocat au barreau de PARIS

Assisté de Me Clément GAMBIN, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 589

INTIMEE

SOCIETE DES AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES (S ACD)

Société à capital variable

Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 784 406 936

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège [Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée et assistée de Me Murielle BAUMET, avocat au barreau de PARIS, toque : A0525

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 janvier 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Françoise BARUTEL, conseillère, et Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambren chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHÉE, conseillère.

Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON

ARRÊT :

Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Karine ABELKALON, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [I] [V], de son nom de scène [J] [F], était la co-directrice du Théâtre ESPACE MARAIS situé [Adresse 6]) et une comédienne et metteur en scène française, à qui l’on doit notamment une mise en scène de La mouette d'[N] [W] et également de l’oeuvre Le Joueur d’échecs de [A] [S].

M. [L] [O] est un comédien et metteur en scène français à qui l’on doit notamment

la mise en scène de l’oeuvre Vingt-quatre heures de la vie d’une femme de [A] [S].

Pendant plusieurs années, M. [O] et Mme [V] ont travaillé ensemble au sein de différentes structures sur différents projets, et notamment des projets de formation et d’enseignement artistique au travers de cours d’initiation ou de perfectionnement à la pratique du théâtre et de représentations de spectacle et d’oeuvres du répertoire classique dans les collèges et les écoles, et également des projets de création artistiques professionnels par la mise en scène et la représentation d’oeuvres majeures du théâtre classique et contemporain.

Ils étaient respectivement président et trésorière de l’association [J][V] COMPAGNIE, qu’ils ont créée en juin 2014 et dont l’objet était l’exploitation, la diffusion de spectacles d’ordre théâtral, musical et chorégraphique. La liquidation judiciaire simplifiée de cette association a été prononcée par jugement du tribunal de grande instance de Paris du 21 septembre 2017, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 21 mars 2016.

Le 29 mars 2018, la SOCIETE DES AUTEURS ET DES COMPOSITEURS DRAMATIQUES (la « SACD »), organisme agréé de gestion collective, a fait assigner en référé M. [O] et Mme [V] aux fins de les voir condamnés solidairement au règlement provisionnel de redevances au titre de la représentation par l’association [J][V] COMPAGNIE de plusieurs oeuvres de son répertoire (Antigone, L’Etranger, Le joueur d’échecs, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme), estimant qu’ils avaient sciemment et délibérément manqué à leurs obligations légales en représentant les oeuvres litigieuses sans avoir été préalablement autorisés par les auteurs ou leur représentant, la SACD, en ne communiquant aucun bordereau de recettes des représentations et en ne payant pas les factures de provision malgré mises en demeure.

Le président du tribunal de grande instance de Paris, ayant dit, par une ordonnance du 10 janvier 2019, n’y avoir lieu à référé dans la mesure où la détermination de la responsabilité éventuelle des défendeurs personnes physiques supposait la démonstration de fautes détachables sur laquelle il revenait au seul tribunal saisi au fond de statuer, la SACD, par acte du 16 avril 2019, a fait assigner M. [O] et Mme [V] devant le tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

– dit M. [O] et Mme [V], respectivement en leur qualité de président et de trésorière, responsables de fautes détachables de leur gestion de l’association [J][V] COMPAGNIE et les a condamnés en conséquence in solidum à payer à la SACD les sommes suivantes :

* 6 632,62 euros au titre des sommes non réglées par l’association suite à une condamnation en référé du 13 octobre 2017, avec intérêt légal à compter de cette date,

* 6 996,04 euros au titre des droits dus pour les représentations effectuées au Festival Off d'[Localité 5] 2017, avec intérêt légal à compter du jugement,

* 500 euros au titre du préjudice occasionné aux auteurs des oeuvres inscrites au répertoire de la SACD suite au non-paiement de créances de nature alimentaire leur revenant,

– débouté M. [O] et Mme [V] de leur demande reconventionnelle en procédure abusive,

– condamné in solidum M. [O] et Mme [V] aux dépens et à verser à la SACD la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonné l’exécution provisoire.

M. [O] et Mme [V] ont interjeté appel de ce jugement, le 17 mars 2021.

Une ordonnance constatant l’interruption de l’instance par suite du décès de Mme [V] et impartissant un délai aux parties pour procéder à la mise en cause des héritiers a été rendue en date du 5 octobre 2021 par la conseillère de la mise en état. L’affaire a ensuite été radiée par une ordonnance de cette même magistrate en date du 1er mars 2022, faute pour les parties d’avoir procédé aux diligences sollicitées. L’affaire a été réinscrite au rôle à la suite de la demande présentée par le conseil de M. [O] en date du 17 mai 2023, qui a communiqué un acte de notoriété indiquant que M. [O] était le seul héritier de Mme [V].

Dans d’uniques conclusions transmises le 17 juin 2021, M. [O] et Mme [V], appelants, demandent à la cour de :

Vu l’absence de faute détachable,

Vu les dispositions des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile,

– réformer en toutes ses dispositions la décision entreprise,

– et statuant à nouveau,

– juger qu’il n’est pas rapporté la preuve d’une faute personnelle de M. [L] [O] et/ou de Mme [I] [V] détachable de leur fonction au sein de l’association [J][V] COMPAGNIE et permettant la mise en jeu de leur responsabilité personnelle,

– en conséquence, débouter la SACD de l’intégralité de ses demandes,

– reconventionnellement,

– condamner la SACD à verser à chacun des défendeurs une somme de 3.000 € de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant pour eux de cette présentation erronée et dégradante,

– condamner la SACD à verser à chacun des défendeurs une somme de 5.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamner aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives et en réponse après réinscription au rôle, transmises le 8 septembre 2023, la SACD, intimée, demande à la cour de :

– confirmer le jugement en ce qu’il a :

« – DIT M. [L] [O] et Mme [I] [V], respectivement en leur qualité de président et de trésorière, responsables de fautes détachables de gestion de l’association [J][V] COMPAGNIE et les condamne en conséquence in solidum à payer à la SACD les sommes suivantes :

6 632,62 euros au titre des sommes non réglées par l’association suite à condamnation en référé du 13 octobre 2017, avec intérêt légal à compter de cette date,

6 996,04 euros au titre des droits dus pour les représentations effectuées au Festival Off d'[Localité 5] 2017, avec intérêt légal à compter du présent jugement,

500 euros au titre du préjudice occasionné aux auteurs des oeuvres inscrites au répertoire de la SACD suite au non-paiement de créances de nature alimentaire leur revenant ;

– DEBOUTE M. [L] [O] et Mme [I] [V] de leur demande reconventionnelle en procédure abusive ;

– CONDAMNE in solidum M. [L] [O] et Mme [I] [V] à verser à la SACD la somme de 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– CONDAMNE in solidum M. [L] [O] et Mme [I] [V] aux dépens ;

– ORDONNE l’exécution provisoire. »

– débouter M. [O] et Mme [V] de l’ensemble de leurs demandes et de leurs demandes reconventionnelles

– et en tous les cas,

– condamner solidairement M. [O] et Mme [V] à verser 3 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 3 octobre 2023.

La cour a relevé à l’audience que les parties n’avaient pas transmis de nouvelles conclusions tenant compte du fait que M. [O] intervient désormais seul à l’instance, à la fois en son nom personnel et en qualité d’unique héritier de Mme [V]. Comme indiqué au plumitif de l’audience, la cour a indiqué, qu’avec l’accord des parties, les conclusions d’appelants transmises le 17 juin 2021 seraient considérées comme étant celles de M. [O], tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritier de Mme [V], et celles de la SACD transmises le 8 septembre 2023 comme ne concernant que M. [O] en cette double qualité.

MOTIFS DE LA DECISION

En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens des parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises, telles que susvisées.

Sur l’existence de fautes détachables imputables à M. [O] et Mme [V]

M. [O] soutient qu’aucune faute intentionnelle et d’une particulière gravité détachable des fonctions de président et trésorière de l’association [J][V] COMPAGNIE n’est établie à l’encontre de lui-même et de Mme [V] ; qu’un éventuel manquement dans les obligations déclaratives et de paiement de l’association à l’égard de la SACD, à supposer que ce manquement puisse constituer une faute détachable au sens de la jurisprudence, ce qui est contesté, suppose au préalable que soit établi le bien-fondé des droits de la SACD ; que les oeuvres de [A] [S] Le joueur d’Echecs et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme sont tombées dans le domaine public en 2013 et font donc partie depuis cette date des oeuvres libres de droits qui peuvent être librement exploitées ; qu’en outre, dès lors qu’ils ont été informés que les oeuvres de [A] [S] venaient de tomber dans le domaine public, M. [O] et Mme [V] ont fait réaliser de nouvelles traductions de ces oeuvres ; que l’adaptation de l’oeuvre Le joueur d’échecs par M. [E] [G], réalisée à la demande de Mme [V] en 2001, est jouée par les compagnies de théâtre depuis cette date avec l’autorisation de [E] [G] ; que M. [O] est par ailleurs l’auteur de l’adaptation de l’oeuvre Vingt-quatre heures de la vie d’une femme ; que dans ces conditions, la SACD n’établit pas qu’elle serait bien fondée dans ses réclamations à l’encontre de la société [J][V] COMPAGNIE au titre des oeuvres de [A] [S] ; qu’enfin, il ne peut davantage leur être reproché de n’avoir pas informé la SACD de la procédure de liquidation de l’association [J][V] COMPAGNIE alors que cette information a bien été transmise à l’époque à la SACD, ce qui lui a d’ailleurs permis de se faire désigner créancier contrôleur à la liquidation.

La SACD répond que c’est à juste raison que le tribunal a retenu l’existence de fautes intentionnelles et graves, imputables à M. [O] et à Mme [V], détachables de leurs fonctions au sein de l’association [J][V] COMPAGNIE ; que M. [O] et Mme [V], qui ont eu différentes structures associatives – l’association COMPAGNIE [J] [F] liquidée le 22 mai 2014 pour insuffisance d’actifs et l’association [J][V] COMPAGNIE, créée le 18 juin 2014 soit quelques jours après la liquidation de la précédente – dans lesquelles ils ont exercé de manière alternée les fonctions de président et de trésorier, et qui sont eux-mêmes comédiens et metteurs en scène, ne pouvaient ignorer le caractère protégé des oeuvres objet du litige et les obligations légales afférentes aux déclarations de recettes et aux paiements des droits ; que l’association [J][V] Compagnie a été précédemment condamnée par ordonnance de référé du 23 juin 2016 à payer à titre de provision la somme de 7 143,78 € au titre des droits d’auteurs pour la période de mai 2014 à juillet 2015 pour les quatre oeuvres pour lesquelles Mme [V] avait déclaré elle-même les recettes des représentations ; que l’association [J][V] COMPAGNIE n’a pas exécuté spontanément cette ordonnance et que ce n’est que par la mise en place d’une saisie par voie d’huissier en janvier 2017 que la créance a été réglée ; que l’association a été une deuxième fois condamnée, par ordonnance de référé du 13 octobre 2017, au titre des quatre mêmes oeuvres, pour la période 2016/2017, à régler la somme de 6632,62 € ; que le 21 septembre 2017, M. [O] a procédé à la liquidation simplifiée de l’association [J][V] COMPAGNIE qu’il présidait, ce dont il n’avait pas informé le juge des référés ni la SACD ; que dès que la SACD a eu connaissance du jugement de liquidation, elle a déclaré sa créance au passif de la liquidation judiciaire, ce qui n’a donné lieu à aucune contestation ; que l’association [J][V] COMPAGNIE n’a pas produit les bordereaux de recette comme le juge des référés le lui avait ordonné sous astreinte, ne permettant pas à la SACD d’établir le juste montant définitif des droits d’auteur dus ; que la liquidation judiciaire simplifiée de [J][V] COMPAGNIE a eu pour conséquence que les auteurs des adaptations et des traductions des oeuvres représentées n’ont jamais été réglés, alors que l’association [J][V] COMPAGNIE, son président et son trésorier ont représenté des oeuvres protégées et encaissé le prix des entrées ; qu’en outre, il est apparu postérieurement à l’ordonnance du 13 octobre 2017 que l’association avait représenté les oeuvres Antigone, Le joueur d’échecs et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme dans le cadre du festival OFF d'[Localité 5] 2017 (malgré la cessation des paiements fixée au 21 mars 2016), ce dont le juge des référés n’avait pas été informé, et ce sans communiquer les recettes et sans régler les provisions mises à sa charge ; que la SACD a donc émis de nouvelles factures pour un montant total de 6 996,04 € et mis en demeure la [J][V] COMPAGNIE de produire les recettes ; que la procédure collective simplifiée a été ouverte non pas à l’initiative de M. [O] ou de Mme [V] mais par requête du ministère public du fait de l’impossibilité d’une salariée de l’association d’exécuter le recouvrement de sa créance salariale suite à une ordonnance de référé rendue en novembre 2016 par le conseil des prudhommes ; que la volonté délibérée de M. [O] et de Mme [V] de se soustraire à leurs obligations de déclaration et de paiement ne fait donc aucun doute et que la simple négligence ne peut être invoquée ; que les appelants contestent vainement l’exigibilité des sommes réclamées en arguant du fait que les oeuvres Le joueur d’échecs et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme sont tombées dans le domaine public dès lors que les adaptations et les traductions des oeuvres sont toujours protégées au sein de la SACD, ce qui n’avait précédemment jamais été contesté par les appelants.

Ceci étant exposé, la cour rappelle que la responsabilité personnelle des dirigeants d’une association n’est engagée envers les tiers que s’ils ont commis une faute personnelle détachable de leurs fonctions (Cass. 2eme civ., 7 oct. 2004, n° 02-14.399). On entend par faute détachable des fonctions d’un dirigeant d’association, à l’instar du mandataire social d’une société civile ou commerciale, la faute d’une particulière gravité, commise intentionnellement et incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales, ainsi que la faute commise par le dirigeant d’association qui n’a pas respecté les limites de sa mission telles qu’assignées par les statuts.

L’article L.132-21 du code de la propriété intellectuelle prévoit que « L’entrepreneur de spectacles est tenu de déclarer à l’auteur ou à ses représentants le programme exact des représentations ou exécutions publiques et de leur fournir un état justifié de ses recettes. Il doit acquitter aux échéances prévues, entre les mains de l’auteur ou de ses représentants, le montant des redevances stipulées ».

En l’espèce, la volonté de M. [O] et de Mme [V] de se soustraire à l’obligation de déclaration prévue par cette disposition n’est pas caractérisée dès lors qu’il est constant que Mme [V] a régulièrement procédé à la déclaration prescrite pour les représentations des pièces, objets de la présente procédure, Antigone, L’étranger, Le joueur d’échecs et 24 heures de la vie d’une femme, au titre de la période du 28 mai 2014 à juin 2015, ainsi que l’a relevé le juge des référés dans son ordonnance du 23 juin 2016. L’absence de déclaration des représentations postérieures de ces pièces, malgré l’injonction prononcée par le juge des référés dans son ordonnance du 13 octobre 2017 (pour la période du 1er avril 2016 au 21 mars 2017), qui s’inscrit dans un moment où l’association [J][V] COMPAGNIE rencontrait d’importantes difficultés financières qui aboutiront à sa liquidation judiciaire prononcée le 21 septembre 2017, la date de cessation des paiements étant fixée au 21 mars 2016, ne présente pas, de ce fait, le caractère de gravité requis pour constituer une faute détachable des fonctions exercées par M. [O] et Mme [V] au sein de l’association et les représentations données lors du festival d'[Localité 5] de 2017 sont intervenues manifestement dans une tentative désespérée de prolonger et de sauver l’entreprise culturelle et le projet théâtral portés par cette association.

L’absence d’exécution spontanée des condamnations prononcées par le juge des référés en juin 2016 et octobre 2017 et le défaut de paiement des droits dus au titre des représentations données à [Localité 5] à l’été 2017 pour Antigone, Le joueur d’échecs et Vingt-quatre heures de la vie d’une femme s’inscrivent dans le même contexte et, partant, ne constituent pas des fautes d’une gravité telle qu’elles justifieraient que la responsabilité personnelle de M. [O] et Mme [V] soit engagée.

Il sera ajouté que les appelants ont pu se méprendre sur la légitimité de la SACD à réclamer des redevances au titre des pièces de [A] [S], bien que l’intimée justifie, dans le cadre de la présente instance, que ces oeuvres sont toujours protégées au titre de leurs adaptations et traductions. Au demeurant, M. [E] [G], qui est l’auteur de l’adaptation, à la demande de Mme [V], de l’oeuvre Le joueur d’échecs a attesté en faveur des appelants.

Il sera enfin souligné qu’il n’est pas établi que M. [O] et Mme [V] aient retiré un profit personnel des manquements à leurs obligations déclaratives et de paiement.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a déclaré M. [O] et Mme [V] responsables de fautes détachables de leurs fonctions au sein de l’association [J][V] COMPAGNIE, et les a condamnés en conséquence à titre personnel in solidum à payer diverses sommes à la SACD. La SACD sera déboutée de l’ensemble de ses demandes à ce titre.

Sur la demande de M. [O] pour procédure abusive

A l’appui de sa demande de condamnation de la SACD pour procédure abusive, M. [O] fait valoir que l’argumentation de cette dernière a évolué au fil du temps et a reposé sur diverses affirmations mensongères (« absence prétendue de compte bancaire, délinquance d’habitude, liquidation judiciaire à la va-vite pour frauder les droits SACD etc’ »), et ce afin de ternir sa réputation personnelle et professionnelle et celle de Mme [V].

La SACD conclut au rejet de cette demande.

Les circonstances de l’espèce, telles qu’elles viennent d’être exposées, ne révèlent aucune faute dans l’action exercée par la SACD ayant fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice.

Le jugement sera confirmé de ce chef et la demande, en ce qu’elle serait présentée au titre de la procédure d’appel, sera rejetée.

Sur les dépens et frais irrépétibles

La SACD et M. [O] succombant chacun sur une partie de ses prétentions, garderont à leur charge les dépens et frais irrépétibles de première instance et d’appel qu’ils ont engagés, les dispositions prises par le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant infirmées.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme le jugement sauf en ce qu’il a débouté M. [O] et Mme [V] de leur demande reconventionnelle pour procédure abusive,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SACD de sa demande de condamnation in solidum de M. [O] et Mme [V] au titre de fautes personnelles détachables de leurs fonctions respectives de président et de trésorière de l’association [J][V] COMPAGNIE,

Déboute M. [O], intervenant en son nom personnel et en tant qu’héritier de Mme [V], de sa demande présentée en appel pour procédure abusive,

Laisse à chaque partie la charge de ses dépens et frais irrépétibles engagés en première instance comme en appel.

LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,

 

 

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