Cessions de droits : la compétence du juge de la mise en état

Notez ce point juridique

Le juge de la mise en état a pour vocation essentielle de purger en amont les difficultés procédurales qui seraient de nature à rendre irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir, sans examen au fond.

Mme [O] [D], graphiste et directrice artistique, a collaboré avec la société Dixit Consulting sur plusieurs projets de création.

En février 2021, elle a assigné la société en justice pour contrefaçon. Le tribunal a rejeté les arguments de la société et l’a condamnée à payer une somme à Mme [D]. La société a fait appel de cette décision.

Par la suite, la société Dixit Consulting a été placée sous sauvegarde de justice. De nouvelles parties se sont jointes à l’affaire, demandant à la cour de réexaminer les arguments. La société Dixit Consulting conteste la légitimité de l’action de Mme [D], affirmant qu’elle n’a pas les droits sur les créations litigieuses. Mme [D] soutient que ses créations sont originales et qu’elle n’a pas cédé ses droits d’auteur à la société. Les parties demandent à la cour de trancher sur ces questions.

1. Il est essentiel de bien caractériser les éléments qui déterminent une fin de non-recevoir, tels que le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, ou la chose jugée, afin de s’assurer de la recevabilité de sa demande ou de sa défense.

2. Il est primordial de fournir des preuves claires et précises pour étayer ses revendications en matière de droit d’auteur, en identifiant clairement les éléments qui manifestent l’originalité de l’œuvre et en définissant le périmètre des œuvres revendiquées, afin de permettre à la partie adverse de préparer sa défense.

3. En cas de contestation de la titularité des droits d’auteur, il convient d’analyser attentivement les éléments de preuve disponibles, tels que les échanges de correspondance ou les déclarations écrites, en tenant compte des conditions de forme requises par la loi pour une cession de droits, et en laissant au juge du fond le soin d’interpréter ces éléments à la lumière de l’ensemble du dossier.

Contexte de l’affaire

Aux termes des dispositions de l’article 789 6° du code de procédure civile, le juge de la mise en état est compétent pour statuer sur les fins de non-recevoir.

Théorie de l’estoppel

La société Dixit Consulting soulève la théorie de l’estoppel pour contester les demandes de Mme [O] [D] en invoquant une prétendue mauvaise foi de cette dernière.

Originalité des œuvres revendiquées

La société Dixit Consulting conteste l’originalité des œuvres revendiquées par Mme [O] [D] et remet en question sa qualité d’auteur ainsi que la titularité des droits d’auteur.

Question de fond et fin de non-recevoir

Le juge de la mise en état doit trancher la question de fond si elle est nécessaire à l’examen de la fin de non-recevoir soumise, mais ne peut statuer sur le bien-fondé des éléments de preuve.

Titularité des droits d’auteur

La société Dixit Consulting affirme que Mme [O] [D] a implicitement cédé ses droits d’auteur, mais cette déclaration ne suffit pas à priver Mme [O] [D] de son droit d’agir.

Décision de la cour

L’ordonnance du juge de la mise en état est confirmée, et la société Dixit Consulting est condamnée à payer des frais à Mme [O] [D] au titre des frais irrépétibles de l’appel.

Réglementation applicable

– Code de procédure civile
– Code de la propriété intellectuelle

Avocats

– Me Marie SONNIER POQUILLON
– Me Lisa LE STANC
– Maître [F] [X]
– Maître [N] [J]

Mots clefs

– Motifs
– Article 789 6° du code de procédure civile
– Juge de la mise en état
– Fin de non-recevoir
– Article 122 du code de procédure civile
– Mauvaise foi
– Estoppel
– Originalité
– Droits d’auteur
– Code de la propriété intellectuelle
– Œuvres collectives
– Périmètre des œuvres
– Intérêt et qualité à agir
– Contrefaçon
Huissier de justice
– Cession des droits
– Indemnité
– Frais irrépétibles

Définitions juridiques

– Motifs: Raisons ou arguments justifiant une décision ou une action.
– Article 789 6° du code de procédure civile: Disposition légale régissant un aspect spécifique de la procédure civile.
– Juge de la mise en état: Magistrat chargé de la gestion et de l’organisation de l’instruction d’une affaire judiciaire.
– Fin de non-recevoir: Moyen de défense visant à faire rejeter une demande en raison d’un vice de forme ou de procédure.
– Article 122 du code de procédure civile: Article du code de procédure civile traitant d’une question particulière.
– Mauvaise foi: Agir en connaissance de cause de manière délibérée et malhonnête.
– Estoppel: Doctrine juridique empêchant une partie de contester une affirmation antérieure si cela va à l’encontre de ses intérêts.
– Originalité: Caractère distinctif et unique d’une création intellectuelle.
– Droits d’auteur: Ensemble des droits exclusifs accordés à l’auteur d’une œuvre intellectuelle.
– Code de la propriété intellectuelle: Ensemble des lois régissant la protection des droits de propriété intellectuelle.
– Œuvres collectives: Œuvres créées par plusieurs personnes en collaboration.
– Périmètre des œuvres: Limites et étendue des droits accordés aux créations intellectuelles.
– Intérêt et qualité à agir: Capacité d’une partie à agir en justice en raison de son intérêt légitime dans l’affaire.
– Contrefaçon: Utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par des droits d’auteur.
– Huissier de justice: Officier ministériel chargé de signifier des actes judiciaires et de procéder à des constatations.
– Cession des droits: Transfert de propriété des droits d’auteur d’une personne à une autre.
– Indemnité: Somme d’argent versée en compensation d’un préjudice subi.
– Frais irrépétibles: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire qui ne peuvent pas être récupérés.

 

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 29 FEVRIER 2024

N° 2024/ 58

Rôle N° RG 23/02130 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKYOR

S.A.R.L. DIXIT CONSULTING

C/

[O] [D]

S.E.L.A.R.L. FHBX

Entreprise MAÎTRE [N] [J]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Marie SONNIER POQUILLON

Me Lisa LE STANC

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Juge de la mise en état de MARSEILLE en date du 09 Janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 21/02246.

APPELANTE

S.A.R.L. DIXIT CONSULTING RCS [Localité 7], représentée par son représentant légal, domicilié es qualité audit siège,

dont le siège social est au sis : [Adresse 4]

représentée par Me Marie SONNIER POQUILLON de la SELARL MSP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

INTIMEE

Madame [O] [D] exerçant une activité de graphiste et de directrice artistique en qualité d’entrepreneur individuel

née le 15 Mai 1971 à[Localité 7])

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Lisa LE STANC de la SCP LE STANC, CARBONNIER, avocat au barreau de MONTPELLIER

PARTIES INTERVENANTES

S.E.L.A.R.L. FHBX représentée par Maître [F] [X], es qualité d’administrateur judiciaire avec une mission de surveillance de la SARL DIXIT CONSULTING

dont le siège social est au sis : [Adresse 2]

représentée par Me Marie SONNIER POQUILLON de la SELARL MSP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

Entreprise MAÎTRE [N] [J] mandataire judiciaire, domicilié en cette qualité [Adresse 3], pris en sa qualité de mandataire judiciaire de la SARL DIXIT CONSULTING

dont le siège social est au sis : [Adresse 3]

représentée par Me Marie SONNIER POQUILLON de la SELARL MSP AVOCATS, avocat au barreau de MONTPELLIER

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue le 11 Janvier 2024 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère rapporteur a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 29 Février 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 29 Février 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Mme Marielle JAMET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [D], graphiste et directrice artistique, a collaboré pendant plusieurs années avec la société Dixit Consulting, agence de communication, sur divers projets de créations de logos, maquettes et projets de supports de communication, notamment dans le cadre de cinq projets, le dernier correspondant à la célébration des 800 ans de la faculté de médecine de [Localité 7].

Le 17 février 2021, invoquant des faits de contrefaçon, Mme [D] a assigné la société Dixit Consulting devant le tribunal judiciaire de Marseille afin d’obtenir la cessation de l’utilisation de ses créations et l’indemnisation de son préjudice.

Dans le cadre de cette instance, la société Dixit Consulting a saisi le juge de la mise en état le 8 novembre 2021 d’une exception d’irrecevabilité de l’action de Mme [O] [D] aux motifs de son défaut d’intérêt légitime et de son défaut de qualité à agir.

Par ordonnance d’incident en date du 9 janvier 2023 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille a :

-rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la mauvaise foi de Mme [D],

-rejeté la fin de non-recevoir fondée sur l’absence de détermination du périmètre de la protection réclamée et de l’absence d’élément de nature à caractériser leur originalité,

-rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de titularité,

-condamné la société Dixit Consulting à payer à Mme [D] la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

-rejeté la demande de la société Dixit Consulting au titre de l’article 700 du code de procédure civile

——–

Par acte du 6 février 2023 la société Dixit Consulting a interjeté appel de l’ordonnance.

Par jugement du tribunal de commerce de Montpellier en date du 26 juin 2023 la société Dixit Consulting a été placée sous sauvegarde de justice.

——–

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 4 janvier 2024 et valant intervention volontaire de Maître [N] [J] en qualité de mandataire judiciaire et de la SELARL FHBX représentée par Maître [F] [X] en qualité d’administrateur judiciaire de la société Dixit Consulting (SARL), ces derniers demandent à la cour de :

Vu les articles L.622-1 et suivants du code de commerce,

Vu les articles 31, 32, 122, 700 et 789 du code de procédure civile,

Vu les articles L.113-2, L.113-5, L.131-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 1134 et 1135 (anciens) et 1104 (nouveau) du code civil,

Vu la jurisprudence et les pièces produites aux débats.

– statuer ce que de droit sur la recevabilité de l’appel interjeté le 6 février 2023 par la société Dixit Consulting à l’encontre de l’Ordonnance rendue par le Juge de la Mise en état du Tribunal Judiciaire Marseille en date du 9 janvier 2023.

– déclarer recevable et bien-fondée l’intervention volontaire de Me [N] [J] ès-qualités de mandataire judiciaire et de Me [F] [X] (FHBX) en qualité d’administrateur judiciaire de la société Dixit Consulting.

– réformer et infirmer totalement l’Ordonnance entreprise, rendue le 9 janvier 2023 par le Juge de la Mise en Etat, en ce qu’elle a (i) rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la mauvaise foi de Madame [D], (ii) rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de détermination du périmètre de la protection réclamée et de l’absence d’élément de nature à caractériser leur originalité, (iii) rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de titularité, (iv) condamné la société Dixit Consulting à payer à Madame [O] [D] la somme de quatre mille euros (4 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile, (v) rejeté la demande de Dixit Consulting au titre de l’article 700 du code de procédure civile, (vi) condamné la société Dixit Consulting aux dépens, (vii) renvoyé la cause et les parties à l’audience du juge de la mise en état du 27 février 2023 et invité la défenderesse à conclure sur le fond.

– En conséquence il est demandé à la cour, statuant à nouveau :

– Juger irrecevable et mal fondée l’action de Madame [D] pour défaut d’intérêt légitime et défaut de qualité à agir.

– Débouter en conséquence Madame [D] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, les rejeter à toutes fins qu’elles comportent.

– Condamner Madame [D] à verser à la société Dixit Consulting une indemnité d’un montant de 5.000 euros (cinq mille euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et la même somme au titre de l’instance d’appel.

– Condamner Madame [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

La société Dixit Consulting fait valoir que l’action de Mme [O] [D] est irrecevable dès lors qu’elle ne dispose ni d’un intérêt légitime à agir ni de la qualité à agir.

Ainsi, la société Dixit Consulting soutient que :

-ses demandes sont en totale contradiction avec le comportement qu’elle a adopté jusqu’à présent et empreintes d’une mauvaise foi caractérisée

-Mme [O] [D] ne rapporte pas la preuve qu’elle est à l’origine des créations qu’elle revendique et n’identifie ni le périmètre exact ni l’objet des droits revendiqués, persistant à définir l’originalité au regard d’éléments dont elle n’est pas à l’origine,

-Mme [O] [D] ne peut dans tous les cas être titulaire d’aucun droit dès lors qu’elle revendique des apports non protégeables sur le terrain de la propriété littéraire et artistique,

-Mme [O] [D] n’est enfin pas titulaire des droits d’auteur relatifs aux créations litigieuses qui constituent des oeuvres collectives propriété de la société Dixit Consulting,

-à titre subsidiaire, si les contributions de Mme [O] [D] devaient être considérées comme lui étant acquises et originales, Mme [O] [D] n’est cependant pas titulaire des droits d’auteur qui s’y réfèrent car elle les a implicitement cédés à la société Dixit Consulting

——-

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 17 avril 2023, auxquelles il convient de se reporter pour l’exposé détaillé de ses prétentions et moyens, Mme [O] [D] demande à la cour de :

Vu les articles L. 111-1, L. 111-2, L. 112-2, L. 112-4, L. 113-1 à L. 113-10, L. 121-1, L. 131-3 et L. 131-4 du code de la propriété intellectuelle,

Vu les articles 115, 122, 699, 700 et 753 du code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

Vu la jurisprudence,

A titre principal :

1. Confirmer l’ordonnance, rendue le 9 janvier 2023 par le juge de la mise en état de la 3 ème chambre du tribunal judiciaire de Marseille, sur l’ensemble de ses chefs, en ce qu’elle a :

(i) rejeté la fin de non-recevoir fondée sur la mauvaise foi de Madame [D],

(ii) rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de détermination du périmètre de la protection réclamée et de l’absence d’élément de nature à caractériser leur originalité,

(iii) rejeté la fin de non-recevoir tirée de l’absence de titularité,

(iv) condamné la société Dixit Consulting à payer à Madame [O] [D] la somme de quatre mille euros (4 000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

(v) rejeté la demande de Dixit Consulting au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

(vi) condamné la société Dixit Consulting aux dépens,

(vii) renvoyé la cause et les parties à l’audience du juge de la mise en état du 27 février 2023 et invité la défenderesse à conclure sur le fond.

A titre subsidiaire:

Si par extraordinaire, la Cour infirmait l’ordonnance rendue le 9 janvier 2023 par le juge de la mise en état de la 3ème chambre du tribunal judiciaire de Marseille en ce qu’elle a rejeté les fins de non-recevoir tirées du (i) défaut d’originalité des oeuvres litigieuses n°1 à n°5, (ii) du défaut de titularité de droits d’auteur de Madame [D] sur les oeuvres litigieuses n°1 à n°5 et (iii) de la cession des droits d’auteur de Madame [D] relatifs aux oeuvres litigieuses n°1 à n°5, il lui est demandé de :

2. Juger que les oeuvres litigieuses n°1 à n°5 sont originales ;

En conséquence,

– Débouter la société Dixit Consulting de sa demande de fin de non-recevoir fondée sur le défaut d’originalité des oeuvres litigieuses n°1 à n°5 ;

– Juger que les oeuvres litigieuses suivantes ne sont pas susceptibles d’être qualifiées d’oeuvres collectives et appartiennent à Madame [D] :

o le logo créé pour l’EHPAD [8] ainsi que sur la charte graphique afférente ;

o sur le logo créé pour la résidence [6], sur la charte graphique ainsi que sur les éléments graphiques de la plaquette de présentation afférentes ;

o sur le logo créé pour le Collège [5] et sur la charte graphique afférente ;

o sur les logos (logotypes et logos sur fond) créés pour le CPNE FP et Observatoire, sur la charte graphique ainsi que sur les éléments graphiques et les principes de mise en page de la plaquette de présentation afférentes ;

o le logo créé pour les 800 ans de l’université de médecine de [Localité 7], sur la charte graphique afférente ainsi que sur les éléments graphiques et de mise en page de la plaquette de référence « campagne de partenariat » ;

En conséquence,

– Débouter la société Dixit Consulting de sa demande de fin de non-recevoir fondée sur le défaut de titularité de droits d’auteur de Madame [D] sur les oeuvres litigieuses n°1 à n°5,

3. Juger que :

– Madame [D] n’a jamais renoncé au paiement de ses droits patrimoniaux d’auteur relatifs aux oeuvres litigieuses n°1 à n°5 ;

– qu’une cession de droits d’auteur à titre gratuit est une donation qui doit répondre au formalisme de l’article 931 du code civil ;

– qu’en l’absence de paiement de droits d’auteur de Madame [D] et de formalisation de la cession devant un notaire sous la forme ordinaire des contrats, la cession des oeuvres litigieuses est nulle ;

En conséquence,

– Débouter la société Dixit Consulting de sa demande de fin de non-recevoir fondée sur la cession des droits d’auteur de Madame [D] sur les oeuvres litigieuses n°1 à n°5 au profit de la société Dixit Consulting,

A titre infiniment subsidiaire :

Si par extraordinaire, la Cour considérait que la prétendue cession sur les oeuvres litigieuses n°1 à n°5 dont se prévaut Dixit Consulting n’était pas nulle,

4. Juger que cette cession est limitée dans le temps (à la durée de l’événement relatif aux 800 ans de la Faculté de médecine de [Localité 7]) et se restreint à la reproduction des oeuvres n°5 sur les supports de communication associés à l’événement des 800 ans de la Faculté de médecine de [Localité 7], à l’exclusion de toute exploitation commerciale ;

En conséquence,

– Débouter la société Dixit Consulting de sa demande de fin de non-recevoir fondée sur la cession des droits d’auteur de Madame [D] sur les oeuvres litigieuses n°1 à n°5 au profit de la société Dixit Consulting,

En conséquence,

– Juger recevable l’action de Madame [D] au fond devant le tribunal judiciaire de Marseille ;

– Débouter la société Dixit Consulting de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions en toutes fins qu’elles comportent ;

– Condamner la société Dixit Consulting à verser à Madame [D] une indemnité d’un montant de cinq mille (5 000) euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en réparation des frais irrépétibles qu’elle a été contrainte d »exposer dans le cadre de la présente procédure ;

– Condamner la société Dixit Consulting aux dépens, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Mme [O] [D] réplique que :

-le principe de l’estoppel opposé par la société Dixit Consulting pour tenter de prouver une prétendue mauvaise foi de sa part est inapplicable à l’espèce, seule la société Dixit Consulting a fait preuve de mauvaise foi,

-elle identifie précisément les oeuvres litigieuses sur lesquelles elle revendique une paternité,

-ses créations constituent des oeuvres originales protégeables par le droit d’auteur,

-ses créations ne constituent pas des oeuvres collectives au sens de l’article L.113-2 alinéa 3 du code de la propriété intellectuelle,

-elle n’a jamais implicitement cédé les droits d’auteurs patrimoniaux qu’elle détient sur les oeuvres litigieuses,

-les questions relatives à la titularité des droits d’auteur et de l’originalité des oeuvres en cause relèvent du débat au fond

MOTIFS

Aux termes des dispositions de l’article 789 6° du code de procédure civile, applicables aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, « le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal pour statuer sur les fins de non-recevoir ».

Ainsi, en application de l’article 122 du code de procédure civile « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».

Le juge de la mise en état a pour vocation essentielle de purger en amont les difficultés procédurales qui seraient de nature à rendre irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir, sans examen au fond.

La société Dixit Consulting soulève en premier lieu la théorie de l’estoppel en faisant valoir que les demandes de Mme [O] [D] sont en totale contradiction avec le comportement qu’elle a adopté jusqu’à présent et empreintes d’une mauvaise foi caractérisée.

A cet égard, la seule circonstance qu’une partie se contredise au détriment d’autrui n’emporte pas nécessairement fin de non-recevoir.

En tout état de cause, les griefs invoqués par la société Dixit Consulting pour invoquer l’irrecevabilité des demandes de Mme [O] [D] au titre de sa « mauvaise foi particulière » ne caractérisent pas la théorie de l’estoppel en ce qu’ils sont antérieurs à la procédure diligentée et ne relèvent pas d’une posture procédurale mais sont relatifs aux circonstances ayant précédé l’introduction de l’instance.

Ainsi, ne saurait constituer une fin de non-recevoir la dégradation incontestable des relations entre les parties, lesquelles ont pu avoir une collaboration fructueuse pendant plusieurs années avant de s’opposer, notamment au sujet du paiement de factures, sans que cette circonstance ne caractérise une contradiction procédurale mais seulement un contexte factuel précédant la procédure. Tout au plus, le juge du fond aura-il à apprécier la loyauté des parties à l’aune de l’exécution des relations contractuelles ayant existé entre elles.

La société Dixit Consulting fait valoir en second lieu que Mme [O] [D] ne rapporte pas la preuve qu’elle est à l’origine des créations qu’elle revendique et n’identifie ni le périmètre exact ni l’objet des droits revendiqués, persistant à définir l’originalité au regard d’éléments dont elle n’est pas à l’origine. La société Dixit Consulting soutient également que Mme [O] [D] ne peut dans tous les cas être titulaire d’aucun droit dès lors qu’elle revendique des apports non protégeables sur le terrain de la propriété littéraire et artistique, et qu’elle n’est enfin pas titulaire des droits d’auteur relatifs aux créations litigieuses qui constituent des oeuvres collectives propriété de la société Dixit Consulting.

Ainsi, la société Dixit Consulting conteste l’absence de preuve de l’originalité des oeuvres, l’absence de précision sur le périmètre des oeuvres revendiqués et l’absence de titularité des droits d’auteur.

Sur ce, l’article 789 du code de procédure civile prévoit que « lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir », sauf à user d’office de la faculté de renvoi qui lui est offerte devant la formation de jugement si les parties ne l’ont pas elles-mêmes exercée.

Il en résulte qu’en l’état du droit positif et en dépit des contradictions inhérentes à la rédaction des articles 122 et 789 susvisés, le juge de la mise en état est tenu de trancher la question de fond mais sous réserve d’une part, qu’elle soit nécessaire à l’examen de la fin de non-recevoir qui lui est soumise, et sous réserve d’autre part, que la question soulevée puisse se voir attribuer la qualification de fin de non-recevoir.

Ainsi, il a été jugé que l’existence du droit revendiqué par la partie requérante n’est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.

En l’espèce, la société Dixit Consulting conteste l’intérêt et la qualité à agir de Mme [O] [D] essentiellement aux motifs qu’elle ne serait pas à l’origine des logos revendiqués par cette dernière mais aurait simplement contribué à leur création dans le cadre d’une oeuvre collective, ce qui revient à contester sa qualité d’auteur et le caractère original des oeuvres revendiquées par Mme [O] [D], l’originalité s’entendant comme le reflet de la personnalité de son auteur.

En matière de contrefaçon de droit d’auteur, il appartient au demandeur, dès lors que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporel exclusif et opposable à tous, au sens de l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle, de caractériser les éléments qui, selon lui, manifestent l’originalité de son oeuvre et sa personnalité et d’identifier l’oeuvre et les reproductions qu’il estime attentatoires à ses droits, de façon à ce que la partie adverse soit en mesure d’organiser sa défense.

Ainsi, s’il appartient au demandeur à l’action d’établir clairement le périmètre des oeuvres revendiquées et de caractériser ce qui constitue, à ses yeux, l’empreinte de sa personnalité et les éventuelles atteintes qui y sont portées, et s’il appartient au juge de la mise en état de s’assurer que cette caractérisation ressort précisément de l’acte introductif d’instance, le juge de la mise en état n’a pas vocation, en revanche, à statuer sur le bien-fondé des éléments de preuve communiqués, cette question relevant d’un débat au fond.

De même, à supposer qu’il s’agisse d’une oeuvre collective au sens de l’article L.113-2 du code de la propriété intellectuelle, ou collaborative, il conviendra d’apprécier la contribution personnelle qui aurait été celle de Mme [O] [D], étant relevé que cette dernière conteste l’existence même de l’oeuvre collective qui lui est opposée, de sorte qu’elle n’est tenue de caractériser ce qui ressortirait de sa création personnelle à ce titre, qu’en réponse aux moyens développés en défense.

Au cas particulier, Mme [O] [D] décrit et reproduit dans le cadre de l’acte introductif et de ses dernières conclusions devant le juge de la mise en état, les cinq oeuvres dont elle revendique être l’auteur, avec les éléments relevant de sa création personnelle, à savoir :

-le logo de l’EHPAD [8],

-le logo de la « résidence Seniors » [6], à [Localité 7],

-le logo du collège privé Assomption à [Localité 7],

-le logo du CPNE et de l’Observatoire,

-le logo des 800 ans de l’Université de médecine de [Localité 7]

Ces oeuvres sont identifiables, listées et reproduites, et sont suffisamment précises pour que la société Dixit Consulting puisse discuter de leur pertinence, en témoignent au demeurant les conclusions détaillées prises par cette dernière pour infirmer le caractère original des oeuvres revendiquées par Mme [O] [D].

Mme [O] [D] produit par ailleurs un procès-verbal de constat établi les 17 septembre et 13 octobre 2020 par Maître [K] [V], huissier de justice, afin de voir constater les reproductions de ses oeuvres qu’elle estime contrefaisantes.

En outre, dans le cadre du moyen invoqué en défense tenant à la nature d’oeuvres collectives, Mme [O] [D] a pu caractériser encore ce qu’elle impute à sa personnalité.

En conséquence, les moyens soulevés par la société Dixit Consulting à ce titre excèdent la question de la recevabilité des demandes de Mme [O] [D] dans le cadre de la compétence dévolue au juge de la mise en état et partant de celle dévolue à la cour au même titre, considérant que la qualité d’auteur d’une oeuvre de l’esprit est un moyen de défense au fond lorsque cette appréciation dépend de la question préalable de l’originalité de l’oeuvre.

Enfin, en troisième lieu, la société Dixit Consulting soutient que Mme [O] [D] n’est pas titulaire des droits d’auteur qui s’y réfèrent car elle les a implicitement cédés à la société Dixit Consulting.

En l’espèce, la société Dixit Consulting se prévaut d’un mail daté du 17 décembre 2019 par laquelle Mme [O] [D] indique, s’adressant au représentant de la société Dixit Consulting, « Tu remarqueras que je te fais grâce des droits d’auteur sur les fichiers sources déjà envoyés et à venir », ce mail étant également invoqué au titre de la contradiction reprochée à Mme [O] [D] au titre de l’estoppel.

Pour autant, si cette déclaration permet de s’interroger à juste titre sur une éventuelle cession de ses droits par Mme [O] [D], et corrobore a contrario l’existence même de ses droits, il apparaît qu’au regard du caractère lapidaire et imprécis de cette déclaration faite par message électronique, il ne peut à ce stade, en être tiré de conséquence quant à une cession de ses droits, notamment au regard des conditions de forme posées notamment par l’article L.131-2 code de la propriété intellectuelle relative à la cession des droits.

En outre, cette déclaration ne se rapporte manifestement qu’à un seul logo au regard de la référence faite à la « plaquette 800 ans de la fac de médecine ». Elle a ainsi vocation à être interprétée par le juge du fond à la lumière des autres pièces du dossier, et n’est pas de nature à priver de facto Mme [O] [D] de son droit d’agir.

Il résulte de ce qui précède que l’ordonnance du juge de la mise en état en date du 9 janvier 2023 doit être confirmée en toutes ses dispositions, en ce compris l’indemnité fixée au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Dixit Consulting, partie succombante, conservera la charge des entiers dépens de la procédure d’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile, et sera tenue de payer à Mme [O] [D] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoirement,

Confirme l’ordonnance rendue le 9 janvier 2023 par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Marseille en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société Dixit Consulting aux entiers dépens de la procédure d’appel, recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,

Condamne la société Dixit Consulting à payer à Mme [O] [D] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 

 

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