En application de l’article L. 462-7 du code de commerce, dans sa rédaction du 17 mars 2014, l’ouverture d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence interrompt la prescription de l’action civile. L’interruption résultant de l’ouverture de cette procédure produit ses effets jusqu’à la date à laquelle la décision de ces autorités ou, en cas de recours, de la juridiction compétente est définitive.
De jurisprudence constante, la prescription d’une action en responsabilité court en outre à compter de la réalisation du dommage ou à la date à laquelle il est révélé à la victime. Or une entreprise victime de pratiques anticoncurrentielles ne peut connaître l’existence de ces dernières avant que l’Autorité de la concurrence ait circonscrit leur étendue, déterminé leurs auteurs, qualifié les comportements comme étant anticoncurrentiels et ait sanctionné ceux-ci (En ce sens Cass. Com. 31 mars 2021, 19-14.877, Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 22 nov. 2019, n°418645).
Il s’en suit qu’eu égard au périmètre des faits dommageables susceptibles en l’espèce d’ouvrir droit à réparation, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a écarté les faits antérieurs au 14 octobre 2015 comme prescrits.
En application des derniers alinéas des articles 483- 5 et 483-8 de commerce, il appartient en outre au juge d’ « écarter des débats les pièces (‘) qui seraient produites ou communiquées par les parties lorsque ces pièces ont été obtenues uniquement grâce à l’accès au dossier d’une autorité de concurrence ».
Il s’en évince que la saisine d’une autorité de concurrence par la partie saisissante qui en est l’auteur et souhaite s’en prévaloir devant le juge de droit commun dans le cadre d’une action indemnitaire ne fait pas partie des pièces concernées par le dispositif prévu aux articles L. 473-4 et suivants du code de commerce. La partie ne s’est en effet dépossédée en saisissant l’autorité de concurrence que d’un des originaux de cette pièce, et elle est donc en mesure de fournir ce document, dans le cadre de l’action en dommages et intérêts qu’elle introduit, sans qu’il soit besoin de recourir à une injonction aux fins de production forcée.
Cette saisine qu’elle a rédigée préexiste en outre à l’ouverture du dossier de l’Autorité de concurrence, puisque son objet même est d’obtenir l’ouverture de ce dernier. Elle ne peut donc être écartée des débats sur le fondement des derniers alinéas des articles 483-5 et 483-8 de commerce, lesquels visent exclusivement les pièces « obtenues uniquement grâce à l’accès au dossier ».
Eu égard au cadre légal applicable tel qu’il vient d’être exposé, la circonstance que la fiche n°8 (« Identification des pièces figurant au dossier des autorités de concurrence en France et faisant l’objet de restrictions d’usage au cours d’une procédure judiciaire ») de la circulaire d’application NOR : JUSC1708788C du 23 mars 2017 de la Direction des affaires civiles et du sceau évoque « la saisine initiale d’un plaignant » (surlignage par la Cour) parmi les pièces protégées au titre de l’article L. 483-8 du code de commerce est dépourvu de toute portée, étant relevé que c’est à raison que Subsonic fait observer que le pouvoir réglementaire a par ailleurs pris le soin de préciser que la liste qu’il dressait l’était « sous réserve de l’analyse des juridictions ».
Il se déduit de l’ensemble qu’il convient d’infirmer le jugement du 24 janvier 2022 en ce qu’il a ordonné « le retrait en la cause de la pièce n°83 de Subsonic » et lui a interdit de mentionner cette pièce ou de s’y référer.
La Cour a jugé que la société SIEE a été valablement saisie par Subsonic, infirmant ainsi la décision du tribunal de la mettre hors de cause. En ce qui concerne la production de pièces issues du dossier de l’Autorité de la concurrence, la Cour a autorisé Subsonic à verser une pièce et a infirmé la décision du tribunal qui avait écarté cette pièce des débats. En ce qui concerne la disjonction d’instance, le sursis à statuer et l’évocation, la Cour a décidé de ne pas scinder l’affaire des deux intimées et a ordonné la réouverture des débats pour statuer sur les demandes d’indemnisation de Subsonic. Enfin, la Cour a retenu que la prescription de l’action en responsabilité est interrompue par l’ouverture d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence.
Par ailleurs, une décision de sursis à statuer suspend, en application de l’article 378 du code de procédure civile, le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. De jurisprudence constante, hors des cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
En application de l’article 568 du code de procédure, la cour d’appel peut, lorsqu’elle infirme un jugement qui a mis fin à l’instance, évoquer les points non jugés si elle estime d’une bonne administration de la justice de donner à l’affaire une solution définitive.
En premier lieu, la Cour observe qu’il ressort en l’espèce des pièces de procédure que la présente instance ne vise pas à indemniser des faits relevant de la concurrence déloyale, comment le prétendent à tort les intimées, mais à réparer le préjudice causé par des fautes délictuelles sur le fondement de l’article 1240 du code civil, d’une part, et de dispositions spécifiques relatives à l’abus de position dominante, d’autre part.
Subsonic a dès son assignation (pièce SIEEF n°1) visé, aux fins de réparation de son « entier préjudice », non seulement les articles 102 du TFUE, L. 420-2 et L. 481-1 et suivant du code de commerce, mais la procédure engagée devant l’Autorité de la concurrence sous le n°16/0090F, en considération notamment du fait que selon elle, les mesures techniques avaient eu pour effet de réserver à « Sony » le marché connexe des manettes compatibles PS4.
Il s’en déduit que l’appelante n’a formulé aucune prétention irrecevable car présentée pour la première fois en cause d’appel.
En deuxième lieu, la Cour retient que le juge consulaire chargé de l’affaire en application de l’article 861-3 du code de commerce, en décidant par jugement du 24 janvier 2022 de ne pas faire droit à la demande de disjonction de l’instance « s’agissant de la demande de Subsonic en réparation de son préjudice allégué à raison de la prétendue faute de concurrence déloyale par dénigrement reproché à SIEF et b) la demande de Subsonic en réparation du préjudice allégué à raison de prétendues fautes d’abus de position dominante reprochées à SIEE » a décidé à raison, à cette date, que l’instruction de l’ensemble des demandes de nature indemnitaires devaient être poursuivies.
Le jugement du 24 janvier 2022 est confirmé sur ce point.
Voici 3 conseils juridiques basés sur l’extrait fourni :
1. Assurez-vous de respecter les règles de signification des actes judiciaires, en particulier lorsqu’il s’agit de sociétés étrangères. Vérifiez les dispositions légales applicables et assurez-vous que la signification a été effectuée conformément à ces règles pour éviter toute contestation ultérieure.
2. Lorsque vous introduisez une action en dommages et intérêts pour des pratiques anticoncurrentielles, veillez à ce que vos demandes soient clairement formulées et fondées sur des faits précis. Assurez-vous que vos demandes sont recevables et ne constituent pas de nouvelles demandes en appel.
3. En cas de litige impliquant plusieurs parties et plusieurs demandes, veillez à ce que l’ensemble de l’affaire soit traité de manière cohérente et complète. Assurez-vous que toutes les parties concernées soient jugées ensemble pour garantir une décision définitive et équitable.
Réglementation applicable
– Code de procédure civile
– Règlement n°1393/2007
– Code de commerce
– Directive Dommages 2014/104
– TFUE
– Code civil
Avocats
– Me Nathalie Lesenechal, avocat au barreau de Paris
– Me Hubert Mortemard de Boisse, avocat au barreau de Paris
– Me Estelle RIGAL-ALEXANDRE de la SELARL BUNCH, avocat au barreau de Paris
– Me Matthieu Boccon Gibod de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de Paris
– Me Maud Chanover de LLP FIESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER, avocat au barreau de Paris
– Me Jérôme Philippe de LLP FIESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER, avocat au barreau de Paris
Mots clefs
– Motivation
– Cour
– Procédure
– Moyens des parties
– Société SIEE
– Signification
– Assignation
– Tribunal de commerce de Paris
– Règlement n°1392/2007
– High Court – Queen’s Bench de Londres
– Article 7 du Règlement du 13 novembre 2007
– Entité requise
– Attestation de signification
– Code de procédure civile français
– Article L. 463-6 du code de commerce
– Autorité de la concurrence
– Saisine
– Divulgation
– Circulaire du 23 mars 2017
– Décret d’application
– Disjonction d’instance
– Sursis à statuer
– Évocation
– Article 562 du code de procédure civile
– Article 568 du code de procédure civile
– Fautes délictuelles
– Abus de position dominante
– Prescription
– Article L. 462-7 du code de commerce
– Indemnisation
– Dépens
– Article 700 du code de procédure civile
Définitions juridiques
Les mots clés dans ce texte sont les suivants: Motivation, Cour, Procédure, Moyens des parties, Société SIEE, Signification, Assignation, Tribunal de commerce de Paris, Règlement n°1392/2007, High Court – Queen’s Bench de Londres, Article 7 du Règlement du 13 novembre 2007, Entité requise, Attestation de signification, Code de procédure civile français, Article L. 463-6 du code de commerce, Autorité de la concurrence, Saisine, Divulgation, Circulaire du 23 mars 2017, Décret d’application, Disjonction d’instance, Sursis à statuer, Évocation, Article 562 du code de procédure civile, Article 568 du code de procédure civile, Fautes délictuelles, Abus de position dominante, Prescription, Article L. 462-7 du code de commerce, Indemnisation, Dépens, Article 700 du code de procédure civile.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 4
ARRÊT DU 20 MARS 2024
(n° , 14 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 22/04468 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFL4W
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Janvier 2022 – Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2020050746
APPELANTES
S.A.S. SUBSONIC agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Lyon sous le numéro 509 666 178
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Me Nathalie Lesenechal, avocat au barreau de Paris, toque : D2090
assistée par Me Hubert Mortemard de Boisse et Me Estelle RIGAL-ALEXANDRE de la SELARL BUNCH, avocat au barreau de Paris, toque : B0625
INTIMEES
S.A. SONY INTERACTIVE ENTERTAINMENT FRANCE SA prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 399 930 593
[Adresse 2]
[Localité 4]
Société SONY INTERACTIVE NTERTAINMENT EUROPE LIMITED prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Société de droit étranger
[Adresse 1]
[Localité 6] ROYAUME UNI
représentée par Me Matthieu Boccon Gibod de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de Paris, toque : C2477
assistée par Me Maud Chanover et Me Jérôme Philippe de LLP FIESHFIELDS BRUCKHAUS DERINGER, avocat au barreau de Paris, toque J007
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 29 Novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Brigitte Brun-Lallemand, premier présidente de chambre, chargée du rapport et Monsieur Julien Richaud, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte Brun-Lallemand, premier présidente de chambre Madame Sophie Depelley, conseillère
Monsieur Julien Richaud, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie Mollé
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signée par Madame Brigitte Brun-Lallemand, première présidente de chambre et par Monsieur Maxime Martinez, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société Subsonic a pour activité la conception, la fabrication, l’achat et la vente de tous produits accessoires en relation avec les jeux vidéo ou électroniques.
La société Sony Interactive Entertainment Europe Limited (ci-après SIEE) est spécialisée dans le commerce de gros d’ordinateurs, d’équipements informatiques périphériques et de logiciels. Etablie au Royaume-Uni, elle est à la tête de la division des jeux vidéo en Europe et est notamment chargée de l’attribution des licences officielles pour l’Europe. La société Sony Interactive Entertainment France (ci-après SIEF) est en charge du marketing et de la vente de produits Sony pour le marché français. Ces sociétés sont filiale et sous-filiale à 100 % de la société de droit japonais Sony Corporation.
La société Subsonic commercialise depuis 2008, sans licence officielle du groupe Sony, des manettes compatibles avec la console de Sony PlayStation 3, sous le nom de « Pro Controller ». La vente de ces manettes a représenté jusqu’à 40 % du chiffre d’affaires de Subsonic en 2012 et 2013.
Suite au lancement en 2013, de la console PlayStation 4, Subsonic a commercialisé en 2015 sa propre manette compatible.
Sony, qui avait refusé d’accéder à ses demandes de lui accorder une licence a, à compter de novembre 2015, mis en ‘uvre différents dispositifs techniques ayant pour effet de rendre inopérantes les manettes tierces non licenciées « OLP », lors de certaines mises à jour du système d’exploitation de la console.
Ces contre-mesures techniques désactivant toutes les manettes de jeux conçues pour la console PS4 produites par des tiers non licenciés OLP, alors même que l’intégration au programme OLP n’était pas accessible à Subsonic, a entrainé des déréférencements de Subsonic par certains distributeurs et une très importante diminution de sa part de marché.
Le 20 octobre 2016, la société Subsonic a saisi l’Autorité de la concurrence de pratiques mises en ‘uvre par les sociétés du groupe Sony dans le secteur des consoles statiques de jeux vidéo de huitième génération et des accessoires de contrôle compatibles avec la PlayStation 4.
Quatre propositions d’engagements ont successivement été formulées par Sony, à l’issue desquelles le dossier a été renvoyé à l’instruction par décision du collège de l’Autorité du 23 octobre 2020, en l’absence de réponse considérée comme pertinente aux préoccupations de concurrence identifiées.
Sony a été déboutée par le tribunal judiciaire de Paris le 4 septembre 2020 de l’action en contrefaçon qu’elle avait intentée contre Subsonic.
Le 13 octobre 2020, la société Subsonic a assigné les sociétés Sony Interactive Entertainment France et Sony Interactive Entertainment Europe Limited devant le tribunal de commerce de Paris, au visa de la procédure engagée devant l’Autorité de la concurrence sous le n°16/0090F, des articles 1240 du code civil, 102 du TFUE, L. 420-2 et L. 481-1 et suivant du code de commerce, en réparation « des préjudices subis par Subsonic du fait des fautes civiles délictuelles commises ».
Par jugement du 24 janvier 2022 statuant un incident de procédure et des demandes formulées en lien, le tribunal de commerce de Paris a :
– Dit Sony Interactive Entertainment Europe Limited hors de cause ;
– Débouté Subsonic de sa demande de sursis à statuer ;
– Débouté Sony Interactive Entertainment France de sa demande de disjonction de l’instance ;
– Ordonné le retrait de la cause de la pièce n° 83 de Subsonic ; lui interdit de mentionner cette pièce ou de s’y référer dans ses conclusions à venir et dans les bordereaux de pièces y afférents ;
– Ordonné à Subsonic de conclure au fond au plus tard à l’audience de la 15ème
Chambre du 18 février 2022 – 14h, sauf si Subsonic n’entendait pas conclure auquel cas la cause serait réattribuée au juge chargé d’instruire l’affaire pour solution ;
– Condamné Subsonic à payer à Sony Interactive Entertainment France la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamné Subsonic aux dépens qui seront liquidés lors du jugement définitif.
Par déclaration reçue au greffe le 24 février 2022, la société Subsonic a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance sur incident du 27 septembre 2022, le conseiller chargé de la mise en état a retenu que :
– le refus de disjonction et le renvoi de l’affaire avec injonction à conclure sont des mesures d’administration judiciaire insusceptibles d’appel ;
– le rejet d’une demande de sursis à statuer est une exception de procédure ne mettant pas fin à l’instance et le retrait des débats de certaines pièces communiquées ne tranche pas une partie du principal aux sens de l’article 454 du code civil ; ils ne peuvent être frappés d’appels indépendamment des jugements sur le fond ;
– le jugement a mis hors de cause un des deux défendeurs, mettant fin à l’instance et l’appel interjeté est en conséquence recevable s’agissant de ce chef.
Par jugement du 23 janvier 2023 auquel SIEE n’est pas partie, le tribunal de commerce de Paris a :
– Débouté la SAS Subsonic de sa demande de sursis à statuer ;
– Écarté le paragraphe 110 des conclusions récapitulatives n°1 de la SAS Subsonic pour violation de l’article L. 463-6 du code de commerce,
– Ecarté les faits antérieurs au 14 octobre 2015 comme prescrits,
– Débouté la SAS Subsonic de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de Sony Interactive Entertainment France,
– Condamné la SAS Subsonic à verser à la société SA Sony Interactive Entertainment France la somme de 50.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– Condamné la SAS Subsonic aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 129,79 euros dont 21,42 euros de TVA.
Par déclaration reçue au greffe le 21 mars 2023, la société Subsonic a interjeté appel.
Les deux procédures ont été jointes par décision du 23 mai 2023.
Vu les dernières conclusions de la société Subsonic, déposées et notifiées le 20 novembre 2023, il est demandé à la cour d’appel de Paris de :
Vu la procédure engagée devant l’Autorité de la concurrence sous le n°16/0090F,
Vu les articles 1240 et 2224 du code civil,
Vu les articles 102 TFUE, L. 420-2, L. 462-7 dans sa version du 17 mars 2014 et L. 481-1 et suivants du code de commerce,
Vu les articles 114, 378, 455, 562 et suivants, 649 et suivants, 688 et suivants, 700 et 857 du code de procédure civile,
Vu le Règlement n°1393/2007 relatif à la signification des actes judiciaires en matière commerciale,
Infirmer le jugement entrepris du 24 janvier 2022 en ce qu’il a :
– Dit SIEE hors de cause,
– Débouté Subsonic de sa demande de sursis à statuer,
– Ordonné le retrait de la cause de la pièce n°83 de Subsonic, lui a interdit de mentionner cette pièce ou de s’y référer dans ses conclusions à venir et dans les bordereaux de pièces y afférents,
– Condamné Subsonic à payer à SIEF la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la même aux dépens qui seront liquidés lors du jugement définitif,
Infirmer le jugement entrepris du 23 janvier 2023 en ce qu’il a :
– Écarté le paragraphe 110 des conclusions récapitulatives n° 1 de Subsonic pour violation de l’article L.463-6 du code de commerce,
– Écarté les faits antérieurs au 14 octobre 2015 comme prescrits,
– Débouté Subsonic de l’ensemble de ses demandes à l’encontre de SIEF,
– Condamné Subsonic à verser à SIEF la somme de 50000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la même aux entiers dépens,
En conséquence, statuant à nouveau :
A titre principal, vu l’effet dévolutif de l’appel :
– Surseoir à statuer dans l’attente d’une décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire enregistrée sous le numéro 16/0090 F ne pouvant plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire ;
– Constater que l’assignation en date du 14 octobre 2020 a été régulièrement délivrée à la société SIEE par Subsonic et par conséquent que SIEE est dans la cause ;
A titre subsidiaire :
– Évoquer l’entier litige vis-à-vis de SIEE,
– Surseoir à statuer dans l’attente d’une décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire enregistrée sous le numéro 16/0090 F ne pouvant plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire ;
– Constater que l’assignation en date du 14 octobre 2020 a été régulièrement délivrée à la société SIEE par Subsonic et par conséquent que SIEE est dans la cause ;
Sur le fond :
– Constater les fautes délictuelles commises par SIEF et SIEE à l’encontre de Subsonic et les préjudices qui en résultent ;
– Débouter les intimées de toutes leurs demandes ;
– Condamner solidairement ou in solidum les sociétés SIEF et SIEE à réparer le préjudice ainsi subi par Subsonic, outre intérêts au taux légal 2015 avec capitalisation des intérêts dus pour une année complète, jusqu’à complet règlement, ce préjudice étant estimé à titre provisoire à la somme de 5 570 709,31 € à parfaire, avant actualisation au taux de rémunération du capital de l’appelante pour chaque année ;
En tout état de cause,
Condamner la société SIEF à la publication du jugement dans cinq journaux spécialisés dans le domaine des jeux vidéo ainsi que sur la page d’accueil du site internet www.playstation.com, dans les quinze jours suivant la signification du jugement et pendant une durée de trente jours, sous astreinte de 1 000 € par jour de retard ;
Condamner solidairement ou in solidum les sociétés SIEF et SIEE au paiement de la somme de 140 000 euros au titre de l’Article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner solidairement ou in solidum les sociétés SIEF et SIEE aux entiers dépens de l’instance et notamment aux frais de traduction et de signification des actes de procédure qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la société Sony Interactive Entertainment Limited, déposées et notifiées le 13 novembre 2023, il est demandé à la cour d’appel de Paris de :
Vu l’article 1240 du code civil,
Vu l’articles L. 420-1 du code de commerce,
Vu les articles 462, 561, 568, 654, et 700 du code de procédure civile,
A titre liminaire,
Disjoindre le recours de Subsonic contre le jugement avant dire droit du 24 janvier 2022 s’agissant de SIEE du recours de Subsonic contre le Jugement avant dire droit du 24 janvier 2022 s’agissant de SIEF et le jugement du 23 janvier 2023 qui ne concerne que SIEF ;
A titre principal,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2022 en toutes ses dispositions contestées relatives à SIEE, c’est-à-dire en ce qu’il a dit SIEE hors de la cause faute d’avoir été valablement touché par l’assignation ;
Subsidiairement,
Débouter Subsonic de sa demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire enregistrée sous le numéro 16/ 0090F ne pouvant plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire ;
Débouter Subsonic de sa demande de constater que l’assignation a été régulièrement délivrée à SIEE par Subsonic et par conséquent que SIEE est dans la cause ;
Juger qu’il n’y a pas lieu pour la cour d’appel d’examiner le fond dans le cadre de cet appel ;
Très subsidiairement,
Juger que SIEE n’a pas qualité à défendre contre toute pratique qui serait en lien avec un prétendu dénigrement ; en conséquence juger irrecevable les demandes formées contre SIEE en lien avec un prétendu dénigrement ;
Débouter Subsonic de l’ensemble de ses demandes sur le fond ;
En tout état de cause,
Condamner la société Subsonic à verser à la société SIEE la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Subsonic aux entiers dépens.
Vu les dernières conclusions de la société Sony Interactive Entertainment France, déposées et notifiées le 20 novembre 2023, il est demandé à la cour d’appel de Paris de :
Vu les articles 1240 et 2224 du code civil,
Vu les articles L. 463-6, L. 483-8 et suivants du code de commerce,
Vu les articles 122, 394, 564 et 565 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
A titre liminaire,
Disjoindre le recours de Subsonic contre le Jugement avant dire droit du 24 janvier 2022 s’agissant de SIEE du recours de Subsonic contre le Jugement avant dire droit du 24 janvier 2022 s’agissant de SIEF et le jugement du 23 janvier 2023 qui ne concerne que SIEF ;
S’agissant du jugement avant dire droit du tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2022,
Confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2022 en toutes ses dispositions contestées relatives à SIEF, c’est-à-dire en ce qu’il a rejeté le sursis statuer dans l’attente d’une décision de l’Autorité de la concurrence dans l’affaire enregistrée sous le numéro 16/0090 F ne pouvant plus faire l’objet d’une voie de recours ordinaire et ordonné le retrait de la cause de la pièce n°83 de Subsonic ;
Subsidiairement,
Juger que SIEF n’a pas qualité à défendre contre toute pratique qui serait en lien avec l’octroi ou le non-octroi de licences OLP ; en conséquence, juger irrecevables les demandes formées contre SIEF en lien avec l’octroi ou le non-octroi de licences OLP ;
Juger que SIEF n’a pas qualité à défendre contre toute pratique qui serait en lien avec des mesures techniques mises en ‘uvre au niveau mondial ; en conséquence, juger irrecevables les demandes formées contre SIEF en lien avec des mesures techniques mises en ‘uvre au niveau mondial ;
Juger irrecevable toute demande formée en cause d’appel relativement à des pratiques anticoncurrentielles qui n’étaient pas visées en tant que telles en première instance ;
En conséquence, rejeter la demande de sursis à statuer formée par la société Subsonic SAS s’agissant de son litige avec SIEF ;
Écarter la pièce numérotée 83 des conclusions de première instance de Subsonic pour violation de l’article L. 463-6 du Code de commerce en ce qu’elle serait produite ou citée an cause d’appel ;
S’agissant du jugement du tribunal de commerce de Paris du 23 janvier 2023, le confirmer en toutes ses dispositions ;
Subsidiairement,
Rejeter la demande de sursis à statuer formée par la société Subsonic SAS s’agissant de son litige avec SIEF ;
Juger que SIEF n’a pas qualité à défendre contre toute pratique qui serait en lien avec l’octroi ou le non-octroi de licences OLP ; en conséquence, juger irrecevables les demandes formées contre SIEF en lien avec l’octroi ou le non-octroi de licences OLP ;
Juger que SIEF n’a pas qualité à défendre contre toute pratique qui serait en lien avec des mesures techniques mises en ‘uvre au niveau mondial ; en conséquence, juger irrecevables les demandes formées contre SIEF en lien avec des mesures techniques mises en ‘uvre au niveau mondial ;
Juger irrecevable toute demande formée en cause d’appel relativement à des pratiques anticoncurrentielles qui n’étaient pas visées en tant que telles en première instance ;
Écarter le paragraphe 110 des conclusions récapitulatives n°1 de la société Subsonic SAS pour violation de l’article L. 463-6 du code de commerce ;
Écarter pour cause de prescription les faits dont il n’est pas démontré par la société Subsonic SAS qu’ils se sont produits à partir du 14 octobre 2015 ; en conséquence juger irrecevables les demandes de la société Subsonic SAS relatives à ces faits prescrits ;
Constater que la société Subsonic SAS s’est désistée de ses demandes relatives à la pratique de concurrence déloyale sous forme de dénigrement reprochée à SIEF concernant tous distributeurs autres que Auchan ; en conséquence juger irrecevables les demandes nouvelles de la société Subsonic SAS formulées en cause d’appel s’agissant de tous les distributeurs autres que Auchan ;
Juger qu’aucun dommage réparable n’est valablement demandé par la société Subsonic SAS à SIEF du faut de l’absence de démonstration à suffisance de droit d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les deux ;
en tout état de cause, débouter la société Subsonic SAS de l’ensemble de ses demandes au fond ;
Rejeter la demande de la société Subsonic SAS de remboursement des coûts liés à la procédure devant l’Autorité de la concurrence ;
Rejeter la demande de la société Subsonic SAS de publication de la décision à venir ;
Débouter la société Subsonic SAS de toute demande résiduelle ;
En tout état de cause,
Condamner la société Subsonic SAS à verser à la société Sony Interactive Entertainment
France la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamner la société Subsonic SAS aux entiers dépens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 novembre 2023.
A l’audience de plaidoirie, les parties ont indiqué que la décision de l’Autorité de la concurrence faisant suite à la saisine n°16/0090F de Subsonic et examinée en séance le 29 novembre 2022 allait prochainement être rendue. Elles ont été autorisées à transmettre cette décision à la juridiction, par RPVA, afin que la formation de jugement puisse en prendre connaissance en cours de délibéré, ce versement ne devant être accompagné d’aucune observation.
A été régulièrement communiquée le 1er février 2024, conformément à l’article 445 du code de procédure civile à la demande de la présidente, la décision n°23-D-14 du 20 décembre 2023, laquelle retient la responsabilité solidaire de quatre sociétés du groupe Sony, dont SIEE et SIEF, en tant qu’auteures, pour abus de position dominante sur la période du 12 décembre au 17 avril 2020, en raison de la mise en ‘uvre simultanée de deux pratiques (des contre-mesures techniques visant à déconnecter de la console de jeu PS4 les manettes non produites ou non licenciées par elle ; une politique d’octroi de licences opaques, dans le cadre du programme OLP difficile à intégrer en pratique), l’Autorité de la concurrence considérant que ce comportement est susceptible de restreindre de façon sensible la concurrence sur le marché et que les moyens mis en ‘uvre par Sony pour atteindre l’objectif de protection de ses droits de propriété intellectuelle sont disproportionnés voire inadaptés, si bien que les pratiques abusives ne sauraient être considérées comme justifiées.
Les notes succinctes en délibéré des parties des 1er et 8 février 2024 en lien avec cette transmission ne sont pas recevables, l’interdiction posée par l’article 445 précité, sous réserve des exceptions prévues par ce texte, concernant toutes les écritures judiciaires, quels qu’en soient la présentation et le contenu (Cass. Civ. 1ere, 20 déc. 2017, n°16-20.997).
MOTIVATION
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
Sur la mise hors de cause de la société SIEE
Moyens des parties
La société SIEE demande la confirmation du jugement attaqué en ce qu’il l’a dit hors de la cause. Elle rappelle les dispositions de l’article 654 du code de procédure civile aux termes desquelles la signification à personne est faite au représentant légal, à un fondé de pouvoir ou à une personne habilitée à cet effet. Elle ajoute s’être constituée en appel non pas aux fins de « régulariser » la signification de l’assignation, mais pour « pouvoir expliquer sa situation au Juge ». Elle soutient que le tribunal a entendu, au regard de sa motivation, la mettre hors de cause car elle n’est jamais entrée dans la cause, faute d’avoir été touchée par l’assignation. Il appartiendrait à Subsonic de formuler une requête en interprétation ou en rectification d’erreur matérielle du jugement du 24 janvier 2022 si cette formulation n’est pas adaptée.
La société Subsonic répond que le tribunal de commerce de Paris a été valablement saisi d’un acte introductif d’instance à l’égard de SIEE, qui a été touchée par l’assignation et qu’il n’y a pas lieu de se référer à l’article 654 du code de procédure civile relatif à la signification à personne, puisque ce sont des règles particulières aux notifications internationales (articles 683 et suivants du même code) qui s’appliquent. La signification est conforme à l’article 10 du Règlement n°1393/2007 applicable avant le Brexit, dès lors que Subsonic produit la preuve de l’envoi du formulaire de l’annexe I à l’entité requise et l’attestation de signification effectuée par cette entité le 1er décembre 2020 à l’adresse de SIEE, à une personne identifiée et désignée comme un agent de sécurité, salarié de SIEE, qui l’a acceptée, ainsi que l’a au demeurant reconnu le conseil de SIEE devant le tribunal de commerce lors de l’audience du 5 novembre 2021.
Subsonic soutient en outre que le tribunal ne pouvait prononcer une « mise hors de cause » d’une partie qu’elle n’estimait pas valablement touchée par l’assignation. Il aurait dû seulement procéder à un éventuel constat de défaut de saisine régulière du tribunal ou une nullité de l’assignation (laquelle aurait impliqué, cependant, la démonstration d’un grief, étant observé que SIEE a bénéficié depuis la constitution de son conseil le 25 octobre 2021 de tout le temps nécessaire pour prendre connaissance de l’assignation et conclure, si elle l’avait souhaité). Elle ajoute que ne relèvent pas de la procédure de rectification d’erreur matérielle l’interprétation erronée d’un document, les erreurs d’appréciation de la juridiction, l’application de la règle de droit appropriée au règlement du litige.
Réponse de la Cour
La Cour retient, en premier lieu, que SIEE est une société de droit anglais, dont le siège social est situé à [Localité 6], et qu’au jour de la notification par l’huissier mandaté par Subsonic le 14 octobre 2020, soit durant la période de transition avant le retrait du Royaume-Uni (le 31 décembre 2020), le Règlement n°1392/2007 du 13 novembre 2007 relatif à la signification des actes judiciaires en matière commerciale demeurait applicable.
Sur ce fondement, et ainsi qu’il en est justifié (pièces Subsonic n°79 à 82) :
– la High Court – Queen’s Bench de Londres, entité requise en l’espèce conformément à la désignation du Royaume Uni a été saisie en application de l’article 4 (transmission par courrier recommandé avec avis de réception à l’entité requise de la demande de signification de l’acte, de l’assignation, de sa traduction et de l’annexe 2 du Règlement) ;
– La signification a été effectuée (« completion of service ») par l’entité requise le 1er décembre 2020 à l’adresse de SIEE à une personne mentionnée comme étant agent de sécurité (« Security officer »), salarié (« employee ») de SIEE, qui ne l’a pas refusée (rubrique « refusal of document » non cochée). L’intéressé a de surcroit plus spécifiquement été informé (par une rubrique distincte -rendue nécessaire par l’article 8 du Règlement- mentionnée en gras et cochée) que l’acte pouvait être refusé s’il n’était pas écrit ou accompagné d’une traduction dans une langue qu’il comprenait.
– L’attestation de signification de l’acte établie en application de l’article 10 a été complétée et signée le 19 février 2021par l’entité requise (sous le n°163428), qui a par ailleurs apposé le tampon « Senior Courts of England and Walses – Foreign Process Section ».
La Cour retient, en second lieu, que l’article 7 du Règlement du 13 novembre 2007 précité dispose que l’entité requise procède ou fait procéder à la signification ou à la notification de l’acte soit conformément à la législation de l’Etat membre requis, soit selon le mode particulier demandé par l’entité d’origine, sauf si ce mode est incompatible avec la loi de cet Etat membre.
A supposer même que l’application de modalités propres à la signification telle que réglementée par les articles 653 et suivants du code de procédure civile français puisse être le cas échéant être sollicitée à titre spécifique par l’entité d’origine, il doit être constaté qu’aucun mode particulier n’a en l’espèce été demandé. Il n’y a donc pas lieu de faire référence à ces règles de droit français.
Il doit être relevé, ensuite, que SIEE n’allègue pas de la non-conformité de la signification du jugement à la législation de l’Etat requis, soit au droit anglais.
Il convient d’observer, enfin, qu’est versée aux débats l’attestation d’accomplissement, émise par l’entité britannique requise, des formalités prévues par le Règlement quant à la signification réalisée.
Il se déduit de l’ensemble que le tribunal de commerce de Paris a été valablement saisi d’un acte introductif d’instance à l’égard de SIEE, qui a été touchée par l’assignation, laquelle a valablement porté à sa connaissance les demandes et l’a invitée à comparaitre devant la juridiction française saisie en l’espèce.
Le jugement du 24 janvier 2022 est infirmé en ce que, du fait que SIEE « ne semble pas avoir été touchée par l’assignation », il a « dit hors de cause » cette société.
Sur le versement aux débats de la saisine de Subsonic de l’Autorité de la concurrence du 20 octobre 2016 (pièce Subsonic n°83) et sur la violation alléguée de l’article L. 463-6 du code de commerce
Moyen des parties
La société Subsonic rappelle que la saisine initiale qu’elle a produite devant le tribunal n’a pas été obtenue grâce à l’accès au dossier de l’Autorité de la concurrence, mais parce que Subsonic a elle-même rédigé cette plainte. Elle déduit de l’article L. 483-8 dernier alinéa du code de commerce que l’interdiction de communication ou de production avant la clôture de la procédure devant l’Autorité de la concurrence commandée par cet article ne s’applique pas à une telle saisine, lui permettant de verser aux débats sa pièce n°83.
Elle demande en outre que le jugement du 23 janvier 2023 soit infirmé en ce qu’il a écarté le paragraphe 110 des conclusions récapitulatives n°1 de Subsonic pour violation de l’article L. 463-6 du code de commerce qui prohibe la divulgation par l’une des parties des informations dont elle n’a pu avoir connaissance qu’à la suite de l’accès au dossier au dossier de l’Autorité.
La société SIEF répond que la production de pièce n°83 viole les dispositions des articles L. 483-8 et L. 463-6 du code de commerce et que le jugement doit être confirmé en ce qu’il écarte des débats une pièce issue du dossier d’instruction, toujours pendant, de l’Autorité de la concurrence. La circulaire du 23 mars 2017 publiée au Bulletin officiel du ministère de la justice, qui accompagne les dispositions de l’ordonnance n°2017-303 du 9 mars 2017 relative aux actions en dommages et intérêts du fait des pratiques anticoncurrentielles et le décret d’application n°2017-305 du 9 mars 2017, précise expressément que, parmi les pièces visées par cet article L. 483-8, 1°, figure la saisine initiale du plaignant.
Réponse de la Cour
Il est, à la section III (« de la communication et de la production des pièces figurant dans le dossier d’une autorité de concurrence ») du chapitre III du titre VIII (« des actions en dommages et intérêts des pratiques anticoncurrentielles ») du livre IV du code de commerce, prévu des dispositions spécifiques distinguant :
– les pièces établies dans le cadre d’une procédure de clémence ou dans le cadre d’une procédure de transaction et qui comportent une autoincrimination de la part de l’entreprise, qui correspondant à la » liste noire » de l’article L. 483-5 du code de commerce, d’une part,
– les pièces correspondant aux autres hypothèses, lesquelles relèvent de la « liste grise » de l’article L. 483-8 du code de commerce, d’autre part.
Ces dispositions visent à délimiter le périmètre des pièces à l’égard desquelles, en partie de façon temporaire tant que la procédure concernée n’est pas close par une décision adoptée par l’Autorité de la concurrence, « le juge ne peut pas enjoindre la communication ou la production ».
Ces articles sont précédés par l’article L. 473-4 du code de commerce, aux termes duquel le juge ne peut ordonner la production d’une pièce figurant dans le dossier d’une autorité de concurrence « lorsque l’une des parties ou un tiers est raisonnablement en mesure de fournir cette pièce ».
En application des derniers alinéas des articles 483- 5 et 483-8 de commerce, il appartient en outre au juge d’ « écarter des débats les pièces (‘) qui seraient produites ou communiquées par les parties lorsque ces pièces ont été obtenues uniquement grâce à l’accès au dossier d’une autorité de concurrence ».
Il s’en évince que la saisine d’une autorité de concurrence par la partie saisissante qui en est l’auteur et souhaite s’en prévaloir devant le juge de droit commun dans le cadre d’une action indemnitaire ne fait pas partie des pièces concernées par le dispositif prévu aux articles L. 473-4 et suivants du code de commerce. La partie ne s’est en effet dépossédée en saisissant l’autorité de concurrence que d’un des originaux de cette pièce, et elle est donc en mesure de fournir ce document, dans le cadre de l’action en dommages et intérêts qu’elle introduit, sans qu’il soit besoin de recourir à une injonction aux fins de production forcée.
Cette saisine qu’elle a rédigée préexiste en outre à l’ouverture du dossier de l’Autorité de concurrence, puisque son objet même est d’obtenir l’ouverture de ce dernier. Elle ne peut donc être écartée des débats sur le fondement des derniers alinéas des articles 483-5 et 483-8 de commerce, lesquels visent exclusivement les pièces « obtenues uniquement grâce à l’accès au dossier ».
Eu égard au cadre légal applicable tel qu’il vient d’être exposé, la circonstance que la fiche n°8 (« Identification des pièces figurant au dossier des autorités de concurrence en France et faisant l’objet de restrictions d’usage au cours d’une procédure judiciaire ») de la circulaire d’application NOR : JUSC1708788C du 23 mars 2017 de la Direction des affaires civiles et du sceau évoque « la saisine initiale d’un plaignant » (surlignage par la Cour) parmi les pièces protégées au titre de l’article L. 483-8 du code de commerce est dépourvu de toute portée, étant relevé que c’est à raison que Subsonic fait observer que le pouvoir réglementaire a par ailleurs pris le soin de préciser que la liste qu’il dressait l’était « sous réserve de l’analyse des juridictions ».
Il se déduit de l’ensemble qu’il convient d’infirmer le jugement du 24 janvier 2022 en ce qu’il a ordonné « le retrait en la cause de la pièce n°83 de Subsonic » et lui a interdit de mentionner cette pièce ou de s’y référer.
Il y a lieu également d’infirmer le jugement du 23 janvier 2023 en ce qu’il retient qu’en application de l’article L. 463-6 du code de commerce, tout élément provenant du dossier présenté à l’Autorité de la concurrence ne peut être produit devant le tribunal tant que cette dernière est saisie. Ce texte vise en effet exclusivement la divulgation par l’une des parties d’informations « dont elle n’a pu avoir connaissance qu’à la suite des communications ou consultations auxquelles il a été procédé » (alinéa 1), cette disposition, ainsi qu’il est mentionné expressément à l’alinéa 2, n’étant « pas applicable lorsque la divulgation intervient conformément aux dispositions prévues au chapitre II du titre VIII ».
Contrairement à ce qu’a estimé le tribunal de commerce, la production de deux échanges de courriel datés d’octobre 2015 entre Subsonic et son interlocuteur d’Auchan (pièces Subsonic n°21 et 22), et qui sont donc extraites de la messagerie de deux salariés de Subsonic, ne rentre en conséquence pas dans cette catégorie.
Sur la disjonction d’instance, le sursis à statuer et l’évocation
Moyen des parties
En premier lieu, la société Subsonic considère le sursis à statuer justifié à l’égard des deux intimés pour une bonne administration de la justice.
Elle soutient que l’Autorité de la concurrence a été saisie des faits de pratiques anticoncurrentielles du groupe Sony de nature diverse (mise en ‘uvre délibérée de mesures techniques altérant les connexions entre les manettes ne disposant pas de licence OLP et la console PS4, refus de licence OLP puis politique d’attribution de licence opaque, discriminatoire et injustifiée de Sony, dénigrement de SIEF auprès des distributeurs de Subsonic), lesquelles constituent toutes une faute délictuelle au sens de l’article 1240 du code civil. Elle ajoute que s’agissant plus spécifiquement du dénigrement, il peut tout à la fois relever de la concurrence déloyale et de la pratique anticoncurrentielle. Elle souligne l’imbrication des pratiques reprochées aux deux intimées, ces dernières étant commises par la même entreprise Sony au sens du droit de la concurrence. Elle considère en conséquence que c’est à tort que le tribunal de commerce, dans la décision du 24 janvier 2022, a estimé qu’il ne serait reproché à SIEF que trois fautes constitutives de concurrence déloyale, lesquelles ne ressortiraient pas de la compétence de l’Autorité de la concurrence, contrairement à l’éventuelle la « stratégie globale et systématique des différentes entités du groupe Sony dénoncée par Subsonic » objet selon le tribunal de la saisine de l’Autorité de la concurrence. Elle estime que Sony cherche, mais en vain, à scinder artificiellement l’affaire.
Elle observe par ailleurs que les mesures techniques critiquées ont été mises en ‘uvre pour partie après l’ordonnance du 9 mars 2017 et que s’agissant en particulier des mises à jour des 28 avril 2017 et 8 mars 2018 et de toute autre pratique commise ou poursuivie après le 10 mars 2017, les juridictions civiles seront tenues par la qualification de la pratique anticoncurrentielle ainsi que son imputation par l’Autorité de la concurrence dans sa décision en application de l’article L. 481-2 du code de commerce. [F] ajoute que les dispositions relatives à la production de certaines pièces issues notamment du dossier de l’Autorité sont applicables à la présente action en réparation, sur le fondement de l’article L. 483-8 du code de commerce, eu égard à l’application dans le temps des dispositions de la directive Dommages 2014/104.
En second lieu, Subsonic soutient que la Cour est compétente pour statuer sur l’entier litige, l’objet de ce dernier, qui indivisible à l’encontre des sociétés, justifiant la dévolution pour l’ensemble en application de l’article 562 du code de procédure civile. A titre subsidiaire, elle fait valoir que la Cour est en mesure d’évoquer l’affaire vis-à-vis de SIEE au titre de l’article 568 du même code. En effet, en disant SIIE hors de cause, le tribunal a mis fin à l’instance à l’égard de cette société. Une telle évocation serait de bonne justice, les pratiques, concomitantes et étroitement imbriquées, s’étant renforcées les unes et les autres et ayant eu pour effet d’évincer Subsonic du marché des manettes compatibles avec la PS4. Non seulement elles ont été portées ensemble par Subsonic devant l’Autorité de la concurrence, mais la présente chambre a joint les deux affaires ouvertes en considération des jugements rendus successivement.
Les sociétés SIEF et SIEE répondent que Subsonic évoque trois fautes divisibles, puisqu’elle attribuerait selon elles les deux premières (mesures techniques, refus de licence) à SIEE, et la troisième (concurrence déloyale par dénigrement) à SIEF. Or reprocher des pratiques anticoncurrentielles en cause d’appel, là où de simples pratiques de concurrence déloyale seraient visées en première instance, reviendraient à formuler de nouvelles demandes en cause d’appel, irrecevables donc.
SIEF soutient que le sursis demandé ne sert qu’à retarder artificiellement une affaire qui était en état d’être jugée, chaque partie ayant pu apporter ses preuves et plusieurs échanges de conclusions au fond ayant eu lieu entre les parties devant le tribunal.
Pour SIEE, si le Cour devait infirmer le jugement avant dire-droit, son arrêt viendrait de surcroit à mettre – et non remettre – SIEE dans la cause devant le tribunal, lequel n’a statué ni en fait ni en droit sur le fond du litige entre Subsonic et SIEE. L’appel ne peut donc avoir aucun effet dévolutif. Elle se prévaut de surcroît de jurisprudences ayant rejeté les demandes d’évocation au motif que l’évocation fait perdre un degré de juridiction, notamment quand la condamnation sollicitée porte sur une somme importante ou lorsque le litige comporte une multiplicité de prétentions et moyens.
Réponse de la Cour
Une décision de sursis à statuer suspend, en application de l’article 378 du code de procédure civile, le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine. De jurisprudence constante, hors des cas où cette mesure est prévue par la loi, les juges du fond apprécient discrétionnairement l’opportunité du sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.
En application de l’article 568 du code de procédure, la cour d’appel peut, lorsqu’elle infirme un jugement qui a mis fin à l’instance, évoquer les points non jugés si elle estime d’une bonne administration de la justice de donner à l’affaire une solution définitive.
En premier lieu, la Cour observe qu’il ressort en l’espèce des pièces de procédure que la présente instance ne vise pas à indemniser des faits relevant de la concurrence déloyale, comment le prétendent à tort les intimées, mais à réparer le préjudice causé par des fautes délictuelles sur le fondement de l’article 1240 du code civil, d’une part, et de dispositions spécifiques relatives à l’abus de position dominante, d’autre part.
Subsonic a dès son assignation (pièce SIEEF n°1) visé, aux fins de réparation de son « entier préjudice », non seulement les articles 102 du TFUE, L. 420-2 et L. 481-1 et suivant du code de commerce, mais la procédure engagée devant l’Autorité de la concurrence sous le n°16/0090F, en considération notamment du fait que selon elle, les mesures techniques avaient eu pour effet de réserver à « Sony » le marché connexe des manettes compatibles PS4.
Il s’en déduit que l’appelante n’a formulé aucune prétention irrecevable car présentée pour la première fois en cause d’appel.
En deuxième lieu, la Cour retient que le juge consulaire chargé de l’affaire en application de l’article 861-3 du code de commerce, en décidant par jugement du 24 janvier 2022 de ne pas faire droit à la demande de disjonction de l’instance « s’agissant de la demande de Subsonic en réparation de son préjudice allégué à raison de la prétendue faute de concurrence déloyale par dénigrement reproché à SIEF et b) la demande de Subsonic en réparation du préjudice allégué à raison de prétendues fautes d’abus de position dominante reprochées à SIEE » a décidé à raison, à cette date, que l’instruction de l’ensemble des demandes de nature indemnitaires devaient être poursuivies.
Le jugement du 24 janvier 2022 est confirmé sur ce point.
En troisième lieu, la Cour retient que c’est en revanche de façon inadéquate que le tribunal de commerce a dans sa seconde décision, le 23 janvier 2023, décidé de ne pas sursoir à statuer et a débouté Subsonic de l’ensemble de ses demandes à l’égard de SIEF, sans attendre que la cour d’appel, qui avait jugé l’appel recevable sur ce point, ait statué sur la mise hors de cause de SIEE ordonnée par jugement 24 janvier 2022.
Le tribunal a tranché au fond sur la base, eu égard au contexte procédural du moment, de considérations générales relatives à l’existence de très nombreuses manettes contrefaites destinées à la PS4 et aux remèdes employés selon lui par Sony (désactivation de certaines manettes à l’occasion des mises à jour lorsque les numéros de puce lui apparaissent frauduleux), de la nature de la procédure d’engagement (qui n’implique pas reconnaissance des faits) et sur la circonstance que le dossier était toujours à l’instruction devant l’Autorité de la concurrence de sorte qu’aucune décision d’infraction n’était, à la date où il s’est prononcé, intervenue à l’encontre de l’une quelconque des sociétés du groupe Sony. Il a ensuite plus spécifiquement examiné le dénigrement allégué.
La Cour, en considération du prononcé la décision n°23-D-14 du 20 décembre 2023 de l’Autorité de la concurrence portée à la connaissance de la Cour durant le délibéré, estime que les conditions d’un sursis à statuer ne sont plus réunies. Il lui appartient donc, par l’effet dévolutif de l’appel, de statuer à nouveau en fait et en droit à l’égard de SIEF.
En quatrième lieu, la Cour constate qu’il a été mis fin à l’instance à l’égard de SIEE par le jugement du 24 janvier 2022, suite à une exception de procédure soulevée à l’audience. Par suite, le tribunal ne s’est pas prononcé sur le fond à l’égard de SIEE, le jugement du 23 janvier 2023 ayant été rendu à l’encontre de SIEF uniquement.
La Cour, usant de la faculté que lui confère l’article 568 du code de procédure civile, estime de bonne justice de ne pas scinder le cas des deux intimées. Ces dernières ont en effet été assignées ensemble aux fins de voir constater qu’elles ont commis des fautes délictuelles et de voir réparer l’intégralité des conséquences dommageables subies par Subsonic en lien. Elles ont été depuis considérées par l’Autorité de la concurrence comme co-auteures de faits d’abus de position dominante. Il y lieu de les juger ensemble afin de donner à l’affaire une décision définitive.
La Cour retient en conséquence qu’il convient qu’elle fasse usage de son droit d’évocation à l’égard de SIEE.
Sur la prescription
Moyen des parties
Subsonic soutient que l’article L. 462-7 du code de commerce, dans sa rédaction du 17 mars 2014, trouve à s’appliquer y compris s’agissant des faits de dénigrements à l’égard desquels le tribunal de commerce a statué de façon distincte.
SIEF répond conteste qu’il puisse être fait recours à cette disposition et demande qu’il soit fait application de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil.
Réponse de la Cour
En application de l’article L. 462-7 du code de commerce, dans sa rédaction du 17 mars 2014, l’ouverture d’une procédure devant l’Autorité de la concurrence interrompt la prescription de l’action civile. L’interruption résultant de l’ouverture de cette procédure produit ses effets jusqu’à la date à laquelle la décision de ces autorités ou, en cas de recours, de la juridiction compétente est définitive.
De jurisprudence constante, la prescription d’une action en responsabilité court en outre à compter de la réalisation du dommage ou à la date à laquelle il est révélé à la victime. Or une entreprise victime de pratiques anticoncurrentielles ne peut connaître l’existence de ces dernières avant que l’Autorité de la concurrence ait circonscrit leur étendue, déterminé leurs auteurs, qualifié les comportements comme étant anticoncurrentiels et ait sanctionné ceux-ci (En ce sens Cass. Com. 31 mars 2021, 19-14.877, Conseil d’État, 7ème – 2ème chambres réunies, 22 nov. 2019, n°418645).
Il s’en suit qu’eu égard au périmètre des faits dommageables susceptibles en l’espèce d’ouvrir droit à réparation, le jugement doit être infirmé en ce qu’il a écarté les faits antérieurs au 14 octobre 2015 comme prescrits.
Sur la demande d’indemnisation de la société Subsonic et les autres demandes
Les parties n’ont pas pu échanger ni sur la teneur, ni sur la portée de la décision °23-D-14 du 20 décembre 2023 de l’Autorité de la concurrence.
Il convient en conséquence avant dire droit sur la demande d’indemnisation de la société Subsonic ainsi que sur les autres demandes formulées d’ordonner la réouverture des débats et de renvoyer l’affaire à la mise en état du 25 juin 2024 à 10h00.
Il n’y a pas lieu à ce stade de statuer sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile, qui seront réservés.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Infirme le jugement du tribunal de commerce de Paris du 24 janvier 2022 en ce qu’il a :
– Dit Sony Interactive Entertainment Europe Limited hors de cause,
– Ordonné le retrait de la cause de la pièce n°83 de Subsonic, lui a interdit de mentionner cette pièce ou de s’y référer dans ses conclusions à venir et dans les bordereaux de pièces y afférents,
– Condamné Subsonic à payer à la société Sony Interactive Entertainment France la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et la même aux dépens qui seront liquidés lors du jugement définitif,
Infirme le jugement entrepris du 23 janvier 2023 en l’ensemble de ses dispositions ;
Statuant à nouveau,
Constate que l’assignation en date du 14 octobre 2020 a été régulièrement délivrée à la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited ;
Déboute la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited de sa demande de mise hors de cause ;
Fait usage de son droit d’évocation à l’égard de la société Sony Interactive Entertainment Europe Limited ;
Rejette la demande de retrait de la cause de la pièce n°83 de la société Subsonic ;
Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription ;
Avant dire droit sur la demande d’indemnisation de la société Subsonic et les autres demandes,
Ordonne la réouverture des débats et invite les parties à s’expliquer au regard de la décision °23-D-14 du 20 décembre 2023 de l’Autorité de la concurrence ;
Révoque l’ordonnance de clôture ;
Renvoie à l’affaire à l’audience de mise en état du 25 juin 2024 à 10h00.
Réserve les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE