Prescription de l’action en concurrence déloyale
La société Burolive a engagé une action en concurrence déloyale contre la société BSE, alléguant que cette dernière avait copié des éléments de son site internet.
La société BSE a plaidé la prescription de l’action, invoquant un délai de cinq ans à compter de la première commande passée en 2014. Cependant, la Cour a retenu que le délai de prescription avait commencé à courir à partir du moment où les faits litigieux étaient connus, soit en novembre 2018, et que l’action n’était pas prescrite.
Actes de concurrence déloyale
La société Burolive a soutenu que la société BSE avait commis des actes de concurrence déloyale en copiant des éléments de son site internet. La société BSE a nié ces allégations, arguant que les éléments en question étaient couramment utilisés par d’autres entreprises du même secteur. Après examen des preuves, la Cour a conclu que la société BSE avait effectivement copié des éléments du site de Burolive, constituant ainsi un acte de parasitisme.
Indemnisation des préjudices et demande de retrait du contenu
La société Burolive a demandé une indemnisation pour le préjudice économique subi, le détournement de clientèle, le préjudice moral et le trouble commercial causés par la concurrence déloyale de la société BSE. La Cour a accordé une somme de 8 000 euros pour le préjudice économique, mais a rejeté les autres demandes. Elle a également ordonné à la société BSE de retirer le contenu copié de son site internet sous astreinte.
Dépens et article 700 du code de procédure civile
La société BSE a été condamnée aux dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’à verser une somme de 3 000 euros à la société Burolive au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
1. Il est important de bien documenter les faits litigieux dès leur connaissance, afin de pouvoir établir le point de départ du délai de prescription pour engager une action en concurrence déloyale.
2. Lorsqu’il s’agit de prouver des actes de concurrence déloyale par parasitisme, il est essentiel de démontrer clairement la copie d’éléments spécifiques du site concurrent, en fournissant des preuves tangibles telles que des captures d’écran ou des constats d’huissier.
3. En cas de condamnation pour concurrence déloyale, il est recommandé de demander le retrait du contenu copié du site internet de l’auteur des actes répréhensibles, sous astreinte en cas de non-respect de cette obligation.
Réglementation applicable
– Article 2224 du code civil
– Article 1240 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
Avocats
– Me Sylvain SENGEL de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM
– Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON
– Me Bernard TRUNO de la SARL TRUNO & Associés
Mots clefs
– Prescription de l’action en concurrence déloyale
– Article 2224 du code civil
– Délai de prescription de cinq ans
– Connaissance des faits litigieux
– Date de prescription fixée au 28 novembre 2018
– Action non prescrite
– Actes de concurrence déloyale
– Parasitisme
– Copie d’éléments du site internet
– Principe de la libre concurrence
– Préjudices causés
– Préjudice économique
– Détournement de clientèle
– Préjudice moral
– Trouble commercial
– Demande de retrait du contenu
– Indemnisation des préjudices
– Demande de retrait sous astreinte
– Dépens de première instance et d’appel
– Article 700 du code de procédure civile
– Condamnation aux dépens
– Condamnation à payer une somme de 3.000 euros
Définitions juridiques
La prescription de l’action en concurrence déloyale est régie par l’article 2224 du code civil, qui fixe un délai de prescription de cinq ans à compter de la connaissance des faits litigieux. Dans le cas présent, la date de prescription a été fixée au 28 novembre 2018, ce qui signifie que l’action n’est pas prescrite. Les actes de concurrence déloyale, tels que le parasitisme ou le détournement de clientèle, peuvent causer des préjudices économiques et moraux, ainsi qu’un trouble commercial. Il est possible de demander le retrait du contenu litigieux, sous astreinte si nécessaire, et de demander une indemnisation des préjudices subis. En cas de condamnation, il est également possible de demander le remboursement des dépens de première instance et d’appel, ainsi qu’une somme fixée par l’article 700 du code de procédure civile, pouvant s’élever à 3.000 euros.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° RG 20/05262 – N° Portalis DBVX-V-B7E-NFEV
Décision du Tribunal de Commerce de ROANNE du 16 septembre 2020
RG : 2019f00070
S.A.R.L. BUROLIVE
C/
S.A.R.L. BUREAU SERVICE EUROPE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE LYON
3ème chambre A
ARRET DU 21 Mars 2024
APPELANTE :
S.A.R.L. BUROLIVE immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Roanne sous le numéro 501 579 791, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentée par Me Sylvain SENGEL de la SELARL SELARL AD JUSTITIAM, avocat au barreau de ROANNE
INTIMEE :
S.A.R.L. BUREAU SERVICE EUROPE immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Montpellier sous le numéro 393 092 341,agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège
[Adresse 1]
[Localité 2] / FRANCE
Représentée par Me Jean-Bernard MICHEL de la SELARL ELLIPSE AVOCATS LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 1377, postulant et par ME Bernard TRUNO de la SARL TRUNO & Associés, avocat au barreau de CUSSET-VICHY
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Date de clôture de l’instruction : 14 Octobre 2021
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 25 Janvier 2024
Date de mise à disposition : 21 Mars 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
– Patricia GONZALEZ, présidente
– Aurore JULLIEN, conseillère
– Viviane LE GALL, conseillère
assistées pendant les débats de Clémence RUILLAT, greffière
A l’audience, un membre de la cour a fait le rapport, conformément à l’article 804 du code de procédure civile.
Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Patricia GONZALEZ, présidente, et par Clémence RUILLAT, greffière, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE
La SARL Burolive est spécialisée dans la vente de matériels informatiques et de fournitures de bureau. Elle dispose d’un site internet « www.bur-o-live.com » auquel s’ajoute un blog. Ce site internet a été créé par la société You’nivers en novembre 2008 et est mis à jour par Mme [D] [M].
La SARL Bureau Service Europe (la société BSE) est spécialisée dans le domaine de la fourniture de bureau spécifique de haute qualité. Elle dispose d’un site internet « www.bseclassement.fr ».
Estimant que le site internet de la société BSE présentait de nombreuses similitudes avec son propre site, la société Burolive a fait procéder, le 22 juillet 2019, à un constat d’huissier.
Aucune solution amiable n’ayant été trouvée, par acte d’huissier du 19 novembre 2019, la société Burolive a assigné la société BSE devant le tribunal de commerce de Roanne afin d’obtenir des dommages-intérêts pour ses préjudices économiques et moraux et pour détournement de clientèle, se voir communiquer l’intégralité du fichier client de la société BSE sous astreinte et voir retirer l’intégralité du contenu copié à partir de son site internet sur le site internet de la société BSE sous astreinte.
Par jugement contradictoire du 16 septembre 2020, le tribunal de commerce de Roanne a :
– rejeté la fin de non-recevoir tirée de prescription de l’action en concurrence déloyale, soulevée par la société Bureau Service Europe,
– rejeté en intégralité toutes les demandes de la société Burolive,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire,
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure,
– condamné le demandeur aux entiers dépens,
– liquidé les frais de greffe compris dans les dépens,
– rejeté comme inutiles et non fondés tous autres demandes, moyens et conclusions contraire des parties.
La société Burolive a interjeté appel par acte du 2 octobre 2020.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 3 juin 2021 fondées sur les articles 1240, 1241 et suivants, 2219 et 2224 du code civil, la société Burolive demande à la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
rejeté en intégralité toutes ses demandes,
dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la présente procédure,
condamné le demandeur aux entiers dépens,
rejeté comme inutiles et non fondés tous autres demandes, moyens et conclusions contraire des parties,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a :
rejeté la demande de prescription de l’action en concurrence déloyale soulevée par la société Bureau Service Europe,
statuant à nouveau,
– condamner la société Bureau Service Europe à lui verser la somme de 39.811,70 euros au titre du préjudice économique subi,
– condamner la société Bureau Service Europe à lui verser la somme de 12.000 euros au titre du détournement de clientèle subi,
– condamner la société Bureau Service Europe à lui verser la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral subi,
– ordonner à la société Bureau Service Europe de retirer l’intégralité du contenu copié à partir de son site, de leur site internet « www.bseclassement.fr », à peine d’une astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir,
– débouter la société Bureau Service Europe de l’intégralité de ses demandes,
– condamner la société Bureau Service Europe à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Bureau Service Europe aux entiers dépens de l’instance.
***
Par conclusions notifiées par voie dématérialisée le 16 juillet 2021 fondées sur les articles 1240, 2219 et 2224 du code civil et l’article 122 du code de procédure civile, la société Bureau Service Europe demande à la cour de :
– réformer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté sa demande de prescription de l’action en concurrence déloyale,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a rejeté en intégralité toutes les demandes de la société Burolive,
statuant à nouveau,
à titre principal,
– juger que l’action en concurrence déloyale et les demandes indemnitaires, formulées par la société Burolive, sont prescrites par l’effet de la prescription extinctive depuis le 04 avril 2019,
– juger fondés et justifiés la fin de non-recevoir qu’elle soulève et tirée de la prescription des demandes de la société Burolive,
en conséquence,
– débouter la société Burolive de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
subsidiairement,
– juger que la société Burolive ne prouve pas l’existence d’agissements déloyaux fautifs de sa part,
– juger que la société Burolive ne démontre pas subir des préjudices consécutifs à des actes déloyaux qu’elle aurait commis,
– juger qu’il n’existe aucun lien de causalité entre les fautes et préjudices allégués,
– juger qu’elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale envers la société Burolive.
en conséquence,
– débouter la société Burolive de sa demande tendant à engager sa responsabilité délictuelle pour concurrence déloyale,
– débouter la société Burolive de sa demande indemnitaire pour préjudice économique,
– débouter la société Burolive de sa demande indemnitaire pour détournement de clientèle,
– débouter la société Burolive de sa demande indemnitaire pour préjudice moral,
– débouter la société Burolive de sa demande de condamnation à son égard à retirer l’intégralité du contenu copié à partir du site internet de la société Burolive, sur son site internet, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours suivant la notification du jugement à intervenir,
en toute hypothèse,
– débouter la société Burolive de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
– condamner la société Burolive à lui payer et porter une somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
***
La procédure a été clôturée par ordonnance du 14 octobre 2021, les débats étant fixés au 25 janvier 2024.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère, pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, à leurs conclusions écrites précitées.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la prescription de l’action en concurrence déloyale
La société BSE fait valoir que l’appelante s’est fournie auprès d’elle dès mars 2014, ce qui est attesté par des factures dont la première date du 18 mars 2014 ; que la société Burolive a donc utilisé son site internet, prenant ainsi connaissance de son contenu qui n’a pas évolué depuis ; qu’en application de l’article 2224 du code civil, la société Burolive disposait d’un délai de cinq ans à compter de cette date pour engager une action en concurrence déloyale, laquelle a été mise en oeuvre par l’assignation du 19 novembre 2019, de sorte qu’elle est prescrite, ainsi que l’action en responsabilité et les demandes indemnitaires.
La société Burolive réplique que :
– le simple devis daté du 5 avril 2014 est insuffisant pour démontrer qu’elle avait utilisé le site internet litigieux et avait donc eu connaissance de son contenu, faisant courir la prescription ; de même, les nouvelles pièces produites par la société BSE sont insuffisantes pour démontrer que la concluante aurait nécessairement utilisé le site internet litigieux afin de s’approvisionner,
– la société BSE a nécessairement, dans le cadre de son activité, fait évoluer le contenu de son site internet depuis 2014,
– il est reproché à la société BSE des agissements réitérés qui se poursuivent à l’heure actuelle ; dès lors, la prescription quinquennale ne pouvait pas être acquise à la date de l’assignation,
– une partie du contenu copié par la société BSE avait été créé pour le compte de la concluante au début de l’année 2018 ; la constatation du plagiat ne pouvait intervenir qu’après la mise en ligne du contenu ; la prescription n’était pas acquise à la date de l’assignation.
Sur ce,
L’article 2224 du code civil dispose : ‘Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.’
Il résulte de ce texte que le délai de prescription d’une action fondée sur la contrefaçon commence à courir à la date à laquelle celui qui invoque la contrefaçon a eu connaissance des faits litigieux, même si la contrefaçon s’inscrit dans la durée.
En l’espèce, la société BSE justifie, par la production d’une facture, avoir fait réaliser un site internet de boutique en ligne, en 2014. Elle justifie également, par la production de factures et devis, avoir été en relation commerciale avec la société Burolive dès 2014, cette dernière ayant procédé à des commandes de fournitures.
Toutefois, ces éléments ne permettent pas d’établir que les commandes ont nécessairement été passées via le site et que la société Burolive aurait ainsi eu connaissance dès 2014 du contenu du site internet de la société BSE.
En revanche, il résulte d’un e-mail adressé par le gérant de la société Burolive à celui de la société BSE, le 28 novembre 2018, que celui-là reprochait une copie de son site en ces termes : ‘salut [N], je te joins le descriptif de ton site, copie parfaite de notre blog sur le site bur o live, étrange n’est-ce pas ‘ Vois avec ton ‘webmaster’ afin d’éviter, comme je le pense, l’aspiration de mon site’.
Il est donc établi qu’à cette date, les faits litigieux étaient connus de la société Burolive. En l’absence de preuve d’une connaissance plus ancienne, le point de départ du délai de prescription peut ainsi être fixé au 28 novembre 2018. Or la société Burolive a délivré l’assignation à la société BSE le 19 novembre 2019, soit dans le délai de cinq ans, de sorte que l’action n’est pas prescrite.
Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu’il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action.
Sur les actes de concurrence déloyale
La société Burolive fait valoir que :
– les deux parties ont une activité commune ; elles ciblent une clientèle identique,
– l’intimée a commis des actes de concurrence déloyale par parasitisme en copiant des éléments sur son site avec seulement quelques changements cosmétiques, notamment en reprenant des photographies à l’exception du filigrane, et en copiant des paragraphes de présentation de produits, erreurs de mise en page comprises ; certains liens du site de l’intimée renvoient même vers le sien,
– le procès-verbal de l’huissier instrumentaire met en évidence la similitude des textes des deux sites internet,
– il ressort des attestations établies par le prestataire qui a créé et géré son site internet depuis 2008 que les photographies originales qu’il a réalisées pour le compte de la concluante sont protégées au titre de la propriété intellectuelle ; en revanche, pour quelques produits, les photographies utilisées sont fournies directement par le fabricant de sorte qu’elles peuvent être présentes sur les sites internet d’autres sociétés,
– le fait que l’attestation de Mme [M] indique le même domicile que le gérant de la concluante est indifférent dès lors qu’elle est indépendante de la concluante et assure des missions rémunérées en tant qu’autoentrepreneur ; ses attestations ne doivent pas être écartées des débats,
– elle a dépensé et continue à dépenser des sommes conséquentes pour son site internet et le blog parallèle,
– en copiant son site, l’intimée a réalisé une économie non négligeable,
– l’intimée s’est immiscée dans son sillage et a indûment tiré profit de ses investissements,
– sa clientèle a été détournée par l’intimée ; la reproduction de son site est de nature à créer un risque de confusion.
La société Bureau Service Europe réplique que :
– les deux parties proposent des services identiques conformément au principe de la libre concurrence,
– elle n’a commis aucun acte de concurrence déloyale envers l’appelante ; les photographies diffusées sur son site internet sont également diffusées sur les sites internet d’autres sociétés de fournitures de bureau qui utilisent des appellations semblables ; le débat porte sur seulement quatre articles parmi des centaines,
– l’huissier instrumentaire n’a pas constaté le moindre texte identique,
– l’appelante ne justifie pas de la propriété des photographies présentes sur son site ; l’attestation de M. [Z] est insuffisante,
– Mme [M] manque d’objectivité dans la mesure où elle est la compagne du représentant légal de l’appelante ; son attestation doit donc être écartée,
– la valeur probante des captures d’écran produite est nulle ; elles sont illisibles ; l’identité de l’auteur des textes qu’elles contiennent n’est pas démontrée ; leur contenu ne démontre pas d’acte de concurrence déloyale.
Sur ce,
L’article 1240 du code civil dispose que ‘tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer’.
Le parasitisme consiste, pour un opérateur économique, à se placer dans le sillage d’un autre afin de tirer indûment profit de ses efforts et de son savoir-faire, de la notoriété acquise ou des investissements consentis.
Il résulte du procès-verbal de constat d’huissier de justice établi le 22 janvier 2019 à la demande de la société Burolive, que les deux sites internet présentent des visuels très distincts : celui de la société Burolive présente son logo en tête de page, dans des tons de vert et de rouge dans un bandeau blanc proposant plusieurs onglets, alors que celui de la société BSE présente le logo ‘bureau service europe’ en tête de page sur la gauche, dans des couleurs de bleu, de blanc pour l’écriture et de rouge pour le motif, le tout dans un bandeau en trois parties de couleurs noir, gris et rouge, les onglets proposant divers produits se trouvant dans le bandeau rouge.
Les différents onglets proposés dans le bandeau en haut de page de chacun des sites ne sont pas les mêmes. En effet, le site de Burolive propose dans cet ordre : ‘écriture, fournitures, tampons papeterie, classement communication, hygiène médical, catalogue mobilier, promotions, blog/actu’, alors que le site de BSE propose dans cet ordre : ‘affichage, agrafeuses, chemise, écriture, boîtes, colles, correcteurs, dossier suspendu, magnétique, classement’.
A l’examen du constat d’huissier, il ne ressort pas de similitude visuelle entre les deux sites internet et la société Burolive ne procède à aucune démonstration en ce sens.
Par ailleurs, l’huissier a procédé à des captures d’écran pour un lot de trois stylos de différentes couleurs (rouge, jaune et bleu) avec un trait d’encre à côté de chacun d’eux. La photographie présente sur le site de Burolive est identique à celle présente sur le site de BSE, à l’exception de la présence d’un ‘film’ mentionnant en transparence la marque ‘BurOlive’ en vert avec le ‘O’ rouge.
Toutefois, le site de la société BSE présente une seconde photographie de ce pack de trois stylos, les montrant groupés, laquelle ne se retrouve pas sur le site BurOlive. De plus, la société BSE produit une capture d’écran du site internet d’une autre papeterie en ligne (‘instantloisir.com’), sur laquelle figure les deux mêmes photographies que celle de son propre site.
Il apparaît donc que la société Burolive a utilisé la même photographie que ses concurrents, en ajoutant, en travers de l’illustration, la mention de sa marque en transparence. Or, la société Burolive admet, dans ses écritures, que pour certains articles, les photographies d’illustration sont celles fournies par le fabricant de l’article ainsi commercialisé.
Il en va de même pour le dossier suspendu de couleur bleu, dont l’huissier a fait une capture d’écran : la photographie présente sur le site de la société Burolive est identique à celle du site BSE, à l’exception de l’ajout de la marque ‘burOlive’ sur le dossier. Or, le site de BSE présente d’autres photographies du même produit sous d’autres angles et en situation d’utilisation. Sur les photographies de chaque site, l’on peut voir la marque du fabricant sur le bas du dossier.
Il résulte donc manifestement que ces produits sont présentés avec des photographies fournies par le fabricant.
De même, les photographies des boîtes de classement de plusieurs couleurs et plusieurs formats sont très différentes d’un site à l’autre. Quant aux registres des délibérations et registres des arrêtés, ils ne sont pas présentés de la même manière sur chacun des sites : alors que sur le site BurOlive, quatre registres sont présentés sur une même photographie comprenant deux registres bleus (arrêtés) en haut et deux registres noirs (délibérations) en-dessous, les captures d’écran réalisées sur le site de BSE montrent soit trois registres noirs identiques côtes-à-côtes de face, soit deux registres côtes-à-côtes de couleurs différentes (un bleu et un noir).
La société Burolive soutient que ‘les photographies sont identiques’ mais ne précise aucunement de quelles photographies il s’agirait ni lesquelles lui seraient propres en ce qu’elles ne proviendraient pas du fabricant, et ne procède à aucune démonstration aux termes de ses écritures.
En revanche, il résulte du constat d’huissier que le descriptif de la boîte de classement ‘Orclass’ présenté sur le site ‘BurOlive’ se retrouve parfaitement à l’identique sur le site de BSE, alors que le texte ne se borne pas à décrire factuellement l’article, mais ajoute des informations et appréciations. En effet, il est précisé : ‘Depuis de nombreuses années, les formats ont évolué du 25 x 19 jusqu’au 31 x 47 cm en passant par les séries spécifiques.
Série standard 32 x 32, série grande capacité, série administrative, comptable, notaire, avocat, administration, permis de construire, journal officiel, listing, bulletin officiel, journaux.
(…)
Nous sommes heureux de vous présenter trois nouveaux coloris pour nos ‘boîtes de classement Orclass’ : Bleu Lagon, Vert Anis, Rose Fuschia.(…)’
De même, la société Burolive propose, sur son site internet, un service de reliure des arrêtés et délibérations, en ces termes sous la mention ‘Notre solution’ :
‘Afin de vous faciliter ces démarches, nous avons mis en place un service spécifique pour les communes et les CCAS.
Nous nous déplaçons directement en mairie (départements 42, 03, 71, 69, 63 et 43) et nous effectuons sur place vos reliures de délibérations et arrêtés. Pour les autres départements, vous pouvez nous les expédier et nous les renvoyons au plus tard dans les trois jours ouvrés après réception de votre colis.
Nous possédons une machine à relier ainsi que les couvertures sérigraphiées pour chaque reliure des arrêtés et des délibérations. Nous nous adaptons à chaque commune car nos couvertures possèdent des dos de différents formats (de 7 mm à 28 mm) et nous pouvons relier des dossiers d’arrêtés ou de délibérations pouvant aller jusqu’à 280 feuilles en 80 gr.
Pour la conservation des registres de délibérations ou d’arrêtés avant la reliure, nous vous proposons de conserver les feuillets mobiles dans nos reliures provisoires. Les agrafes, les perforations et les classeurs à spirale sont déconseillés.
Après la reliure, il convient de mettre les registres de délibérations ou d’arrêtés à l’abri de la lumière et de la chaleur. L’idéal est de les garder dans une armoire fermée que vous penserez à ouvrir régulièrement pour renouveler l’air.’
Au vu du constat d’huissier, les parties portées en gras dans le texte ici reproduit correspondent aux liens hypertextes présents dans le texte du site ‘BurOlive’.
Or, comme l’huissier l’a constaté, le site de la société BSE présente exactement le même texte, la seule modification portant sur les départements énumérés. Il doit être souligné que les mots sélectionnés pour les liens hypertextes sont identiques, avec cette même omission du ‘s’ pour les mots ‘nos reliures provisoires’, et que, de plus fort, l’huissier a constaté qu’en cliquant sur le lien ‘une machine à relier’, il était redirigé, non pas vers une autre page du site BSE, mais vers le site internet de la société Burolive, précisément sur la page de la machine à relier proposée par cette dernière.
La copie de certains éléments du site ‘BurOlive’ par la société BSE est donc manifeste et la faute de cette dernière au titre du parasitisme, caractérisée.
Dès lors, il convient d’infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté l’action en concurrence déloyale formée par la société Burolive et l’ensemble de ses demandes subséquentes.
Sur l’indemnisation des préjudices et la demande de retrait du contenu
La société Burolive fait valoir que :
– les faits de concurrence déloyale de l’intimée lui ont causé un préjudice certain,
– le total des sommes versées à son prestataire pour la création du site et son maintien est de 39.811,70 euros ; le préjudice économique qui doit être réparé correspond à l’économie réalisée par l’intimée, et donc à ce montant,
– sa clientèle a été détournée ; Mme [M] atteste que l’intimée a obtenu des marchés aux dépens de la concluante, en employant des pratiques douteuses tels que des mensonges et des prix excessivement bas en dessous des tarifs du marché ; le préjudice subi causé par le détournement de clientèle est évalué à 10% du chiffre d’affaire de la concluante, soit 12.000 euros,
– la baisse du chiffre d’affaires de l’intimée sur la période 2014-2019 est indifférente quant au détournement de clientèle ; c’est au contraire cette baisse qui a motivé ses agissements,
– elle a subi un préjudice moral, accru par la mauvaise foi de l’intimée ; ce préjudice doit être réparé à hauteur de 10.000 euros,
– le trouble commercial certain qu’elle a subi persiste à ce jour, l’intimée n’ayant toujours pas retiré les éléments copiés de son site internet, il est indispensable de mettre fin aux troubles qu’elle subit, de sorte que l’intimée doit se voir enjoindre de retirer l’intégralité des contenus copiés sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard passé le délai de 8 jours à compter de la notification de la décision à intervenir.
La société Bureau Service Europe réplique que :
– elle n’a pas commis de faute ; le lien de causalité n’est pas établi,
– la demande de l’appelante relativement au préjudice économique doit être rejetée car il s’agit d’une demande de remboursement des sommes exposées au titre de son site internet comme si elle n’avait pu réaliser la moindre vente, alors qu’il contribue à la réalisation de son chiffre d’affaires depuis 2008 ; il ne s’agit donc pas d’une perte,
– l’appelante est incapable d’identifier les clients détournés par le biais de son site internet ; les marchés obtenus l’ont été en raison du prix inférieur,
– le fondement des demandes de l’appelante n’est pas la pratique de prix anormalement bas de nature à fausser le marché,
– son devis est antérieur au devis de l’appelante, de sorte qu’elle n’a pu proposer un prix inférieur en réponse à celui de l’appelante,
– la crédibilité du témoignage unique produit sur la fabrication des produits de la concluante est sujette à caution,
– elle produit une attestation de son expert comptable qui montre l’absence de détournement de la clientèle par l’absence d’évolution notable de son chiffre d’affaires suite à la création de son site internet,
– la réalisation par l’appelante de ses deux meilleurs chiffres d’affaires en 2018 et 2019 démontre l’absence d’incidence d’un détournement de clientèle,
– la demande au titre d’un détournement de clientèle est fondée sur une somme forfaitaire de sorte qu’elle doit être rejetée,
– l’appelante ne justifie pas d’un préjudice moral,
– le trouble commercial ne relève pas du préjudice moral ;
– elle n’a commis aucun agissement fautif dans le cadre des publications sur son site internet ; la demande de retrait du contenu de son site est donc injustifiée.
Sur ce,
Comme précédemment examiné, la société BSE n’a pas procédé à la ‘reproduction du site internet’ de la société Burolive, mais en a néanmoins copié certains éléments qui relevaient d’un apport propre à la société Burolive. Le préjudice de cette dernière ne peut donc être considéré comme égal à la totalité de la somme qu’elle a dépensée pour la création et la mise à jour de son site.
Cependant, au vu des coûts ainsi exposés par la société Burolive et dont la société BSE a fait l’économie en reproduisant quelques éléments du site concurrent, il convient d’évaluer son préjudice à la somme de 8.000 euros. La société BSE sera ainsi condamnée au paiement de cette somme.
En revanche, le préjudice invoqué au titre d’un détournement de clientèle n’est pas établi, étant observé que l’offre de la société BSE à des tarifs inférieurs relève de la libre concurrence et que le service de reliure des arrêtés et délibérations directement en mairie proposé par la société BSE porte sur une zone géographique qui n’est pas celle de la société Burolive.
De même, le préjudice moral, distinct de la réparation de la concurrence déloyale, n’est pas démontré.
Ces deux demandes seront donc rejetées.
Toutefois, il convient d’accueillir la demande de retrait, sous astreinte, du contenu copié, s’agissant de la description des boîtes de classement ‘Orclass’ et du service de reliure, dont les termes sont ci-dessus reproduits.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société BSE succombant à l’instance, elle sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de rejeter sa demande formée à ce titre et de la condamner à payer à la société Burolive la somme de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement,
Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu’il rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l’action en concurrence déloyale ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Bureau service Europe à payer à la société Burolive la somme de huit mille euros (8.000 euros) à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice économique ;
Enjoint à la société Bureau service Europe, sous peine d’astreinte de 100 euros (cent euros) par jour de retard applicable quinze jours après la signification de la présente décision, de retirer de son site internet le descriptif des boîtes de classement ‘Orclass’ reproduit dans les motifs de la présente décision, ainsi que le descriptif du service de reliure également reproduit dans les motifs de la présente décision ;
Rejette les demandes de la société Burolive en indemnisation de son préjudice de détournement de clientèle et de son préjudice moral ;
Condamne la société Bureau service Europe aux dépens de première instance et d’appel ;
Condamne la société Bureau service Europe à payer à la société Burolive la somme de trois mille euros (3.000 euros) au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE