Selon les articles 434-15-2 du code pénal et 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, est punissable toute personne qui, ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, refuse de la remettre aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.
Un moyen de cryptologie s’entend de tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète.
Une convention de déchiffrement s’entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d’une donnée transformée par un moyen de cryptologie, que ce soit à l’occasion de son stockage ou de sa transmission. Il en résulte que le code de déverrouillage d’un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement si ce téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie.
Il incombe au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d’un tel moyen et si son code de déverrouillage permet de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contient ou auxquelles il donne accès.
Pour relaxer M. [U] du chef de refus de communiquer ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, l’arrêt attaqué énonce que le dossier ne comporte aucun élément permettant de déterminer si le téléphone, dont les caractéristiques techniques demeurent inconnues, trouvé en possession du prévenu, était équipé d’un moyen de cryptologie et si son code de déverrouillage permettait de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contenait ou auxquelles il donnait accès.
En se déterminant ainsi, sans mieux rechercher, au besoin par une mesure d’instruction complémentaire, si l’appareil en cause était équipé d’un moyen de cryptologie dont le prévenu avait connaissance et si son code de déverrouillage permettait de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contient ou auxquelles il donne accès, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
1. Assurez-vous de respecter les dispositions légales en matière de communication ou de mise en œuvre de codes de déverrouillage de cryptologie, notamment en cas de réquisition par les autorités compétentes.
2. Veillez à ce que les éléments de preuve nécessaires soient correctement établis et présentés lors de la procédure judiciaire, afin de garantir une analyse précise de la situation par le juge.
3. En cas de doute sur l’équipement d’un moyen de cryptologie sur un appareil, demandez un supplément d’information pour clarifier la situation et éviter toute ambiguïté dans la décision judiciaire.
Réglementation applicable
– Article 434-15-2 du code pénal
– Article 591 du code de procédure pénale
– Article 485 du code de procédure pénale
Avocats
– M. BONNAL président
– M. Gouton, conseiller
– M. Bougy, avocat général
– M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre
– M. Maréville, greffier de chambre
Mots clefs
– Examen des moyens
– Violation des articles 434-15-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale
– Relaxation de M. [U] du chef de refus de communiquer ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie
– Infraction caractérisée par le refus avéré du prévenu de communiquer ou de mettre en oeuvre le code de déverrouillage de son téléphone
– Violation des articles 485 et 591 du code de procédure pénale
– Cour d’appel ne pouvait indiquer à la fois qu’il appartient au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d’un moyen de cryptologie et si son code de déverrouillage permet la mise au clair des données cryptées
– Absence d’ordonnance de supplément d’information pour établir si l’appareil concerné était équipé d’un tel moyen
Définitions juridiques
– Examen des moyens
– Violation des articles 434-15-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale
– Relaxation de M. [U] du chef de refus de communiquer ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie
– Infraction caractérisée par le refus avéré du prévenu de communiquer ou de mettre en oeuvre le code de déverrouillage de son téléphone
– Violation des articles 485 et 591 du code de procédure pénale
– Cour d’appel ne pouvait indiquer à la fois qu’il appartient au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d’un moyen de cryptologie et si son code de déverrouillage permet la mise au clair des données cryptées
– Absence d’ordonnance de supplément d
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
N° N 23-81.132 F-D
N° 00265
GM
6 MARS 2024
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 6 MARS 2024
Le procureur général près la cour d’appel de Metz a formé un pourvoi contre l’arrêt de ladite cour d’appel, chambre correctionnelle, en date du 19 janvier 2023, qui a relaxé M. [E] [U] des chefs de blanchiment et de refus de remettre aux autorités judiciaires la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, et, qui, pour outrage et rébellion, en récidive, l’a condamné à quatre mois d’emprisonnement et a prononcé sur les intérêts civils.
Un mémoire a été produit.
Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l’audience publique du 31 janvier 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l’article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l’arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. M. [E] [U] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel des chefs d’outrage, rébellion, refus de communiquer ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, blanchiment de trafic de stupéfiants, en récidive.
3. Par jugement du 10 novembre 2022, le tribunal correctionnel l’a déclaré coupable, l’a condamné à un an d’emprisonnement et a ordonné la révocation d’un sursis précédent.
4. M. [U] a relevé appel de cette décision. Le ministère public a formé appel incident.
Examen des moyens
Enoncé des moyens
5. Le premier moyen est pris de la violation des articles 434-15-2 du code pénal et 591 du code de procédure pénale.
6. Il critique l’arrêt attaqué en ce qu’il a relaxé M. [U] du chef de refus de communiquer ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, alors que cette infraction était caractérisée par le refus avéré du prévenu, qui en avait été requis, de communiquer ou de mettre en oeuvre le code de déverrouillage de son téléphone pouvant avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit.
7. Le second moyen est pris de la violation des articles 485 et 591 du code de procédure pénale.
8. Il critique l’arrêt attaqué du même chef, alors que la cour d’appel ne pouvait, sauf à se contredire, indiquer tout à la fois qu’il appartient au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d’un moyen de cryptologie et si son code de déverrouillage permet la mise au clair de tout ou partie des données cryptées qu’il contient, et, sans ordonner sur ce point de supplément d’information, considérer que les éléments de la procédure ne permettent pas d’établir que l’appareil concerné était équipé d’un tel moyen.
Réponse de la Cour
9. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 434-15-2 du code pénal et 29 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique :
10. Selon le premier de ces textes, est punissable toute personne qui, ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie susceptible d’avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, refuse de la remettre aux autorités judiciaires ou de la mettre en oeuvre, sur les réquisitions de ces autorités délivrées en application des titres II et III du livre Ier du code de procédure pénale.
11. Selon le second, un moyen de cryptologie s’entend de tout matériel ou logiciel conçu ou modifié pour transformer des données, qu’il s’agisse d’informations ou de signaux, à l’aide de conventions secrètes ou pour réaliser l’opération inverse avec ou sans convention secrète.
12. Pour l’application du premier de ces textes et au sens du second, une convention de déchiffrement s’entend de tout moyen logiciel ou de toute autre information permettant la mise au clair d’une donnée transformée par un moyen de cryptologie, que ce soit à l’occasion de son stockage ou de sa transmission. Il en résulte que le code de déverrouillage d’un téléphone mobile peut constituer une clé de déchiffrement si ce téléphone est équipé d’un moyen de cryptologie.
13. Dès lors, il incombe au juge de rechercher si le téléphone en cause est équipé d’un tel moyen et si son code de déverrouillage permet de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contient ou auxquelles il donne accès.
14. Pour relaxer M. [U] du chef de refus de communiquer ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie, l’arrêt attaqué énonce que le dossier ne comporte aucun élément permettant de déterminer si le téléphone, dont les caractéristiques techniques demeurent inconnues, trouvé en possession du prévenu, était équipé d’un moyen de cryptologie et si son code de déverrouillage permettait de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contenait ou auxquelles il donnait accès.
15. En se déterminant ainsi, sans mieux rechercher, au besoin par une mesure d’instruction complémentaire, si l’appareil en cause était équipé d’un moyen de cryptologie dont le prévenu avait connaissance et si son code de déverrouillage permettait de mettre au clair tout ou partie des données cryptées qu’il contient ou auxquelles il donne accès, la cour d’appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés.
16. La cassation est par conséquent encourue.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives à la relaxe de M. [U] du chef de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en oeuvre la convention secrète de déchiffrement d’un moyen de cryptologie et à la peine. Les autres dispositions seront donc maintenues.