Sur la demande de résiliation judiciaire du bail formée par la S.C.I. MAD ET FILS
La S.C.I. MAD ET FILS a demandé la résiliation judiciaire du bail avec la société LE NOCTAMBULE pour plusieurs manquements, notamment des troubles de voisinage, un défaut d’attestation d’assurance, un non-paiement du dépôt de garantie, des travaux réalisés sans autorisation, une absence d’exploitation des lieux loués, une tentative de cession du droit au bail sans autorisation, et un défaut de paiement des loyers et charges depuis mai 2022. La société LE NOCTAMBULE a contesté ces manquements.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur les troubles anormaux de voisinage allégués
La S.C.I. MAD ET FILS a soutenu que l’activité de la société LE NOCTAMBULE causait des troubles de voisinage en raison de la cuisine quotidienne de plats à base de poissons et de fritures sans extraction des odeurs. Cependant, aucun élément probant n’a été fourni pour établir ces troubles anormaux de voisinage.
Sur le défaut d’attestation d’assurance conforme
La S.C.I. MAD ET FILS a reproché à la société LE NOCTAMBULE un défaut d’attestation d’assurance conforme à l’activité exercée. Cependant, la société LE NOCTAMBULE a modifié son attestation d’assurance pour être conforme à ses activités, ce qui a été jugé acceptable.
Sur l’absence de versement de l’intégralité du dépôt de garantie
La société LE NOCTAMBULE n’a pas contesté le fait qu’elle n’avait pas versé l’intégralité du dépôt de garantie, ce qui a été considéré comme un manquement.
Sur la réalisation de travaux sans autorisation affectant la structure de l’immeuble
La S.C.I. MAD ET FILS a accusé la société LE NOCTAMBULE d’avoir réalisé des travaux sans autorisation affectant la structure de l’immeuble. Cependant, les preuves fournies n’ont pas été jugées suffisantes pour établir ce manquement.
Sur l’absence d’exploitation des lieux loués depuis le 16 mars 2022
La bailleresse a affirmé que la société LE NOCTAMBULE n’exploitait plus les locaux depuis le 16 mars 2022, mais aucun élément probant n’a été fourni pour étayer cette allégation.
Sur la tentative de cession du droit au bail sans l’accord de la bailleresse
La S.C.I MAD ET FILS a reproché à la société LE NOCTAMBULE d’avoir tenté de céder le droit au bail sans autorisation. Cette tentative de cession a été considérée comme une cession déguisée soumise à autorisation, ce qui a été jugé comme un manquement.
Sur le défaut de paiement des loyers et charges depuis le mois de mai 2022
La société LE NOCTAMBULE n’a pas contesté le défaut de paiement des loyers et charges depuis mai 2022, ce qui a été considéré comme un manquement.
Résultat de la décision
La résiliation judiciaire du bail a été prononcée aux torts de la société LE NOCTAMBULE. Celle-ci a été condamnée à verser le solde du dépôt de garantie et un arriéré locatif, ainsi qu’une indemnité d’occupation. La demande de dommages-intérêts de la S.C.I. MAD ET FILS a été rejetée. La demande de délais de paiement et de dommages-intérêts de la société LE NOCTAMBULE a également été rejetée. La société LE NOCTAMBULE a été condamnée aux dépens et à verser une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le:
à Me ROBIN
Me HABRANT
■
18° chambre
2ème section
N° RG 22/05674
N° Portalis 352J-W-B7G-CW36C
N° MINUTE : 4
Assignation du :
11 Mai 2022
JUGEMENT
rendu le 24 Janvier 2024
DEMANDERESSE
S.C.I. MAD ET FILS (RCS 750 778 185)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Maître Pierre ROBIN de la SELARL R & R, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0622
DÉFENDERESSE
S.A.S. LE NOCTAMBULE (RCS Paris 888 348 158)
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Edouard HABRANT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D2165
Décision du 24 Janvier 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 22/05674 – N° Portalis 352J-W-B7G-CW36C
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique,
assistée de Henriette DURO, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 15 Novembre 2023 tenue en audience publique.
Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 24 Janvier 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort
_________________
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon un acte sous seing privé en date du 1er juin 2020, la S.C.I. MAD ET FILS a donné à bail à la S.A.S. LE NOCTAMBULE (ci-après la société LE NOCTAMBULE) des locaux commerciaux situés [Adresse 1] à [Localité 2] pour y exercer une activité de « restauration, vente de plats sur place et à emporter, service traiteur », pour une durée de neuf années courant à compter du 30 juin 2020 pour se terminer le 29 juin 2029, moyennant le versement d’un loyer annuel en principal de 14.400 euros hors taxes payable mensuellement et d’avance.
Les locaux sont désignés comme suit :
« une boutique composée d’un rez-de-chaussée et d’un local au sous-sol d’une surface mesurant environ 20 m², sur rue avec rideau de fer métallique ».
Se plaignant du fait que l’exploitation de la locataire engendrait des troubles anormaux subis par les résidents de l’immeuble, du défaut de règlement des loyers et charges à bonne date et du défaut d’assurance souscrite de manière conforme, la S.C.I. MAD ET FILS a fait signifier à la société LE NOCTAMBULE, suivant acte extrajudiciaire du 16 février 2021, une sommation visant la clause résolutoire au visa des dispositions de l’article L. 145-17 du code de commerce, d’avoir dans le délai d’un mois :
– fait procéder à tous travaux de mise aux normes des installations d’évacuation / extraction / filtrage d’air de l’établissement tels que préconisés à la suite de la visite en octobre 2020 de l’architecte de l’immeuble de manière à cesser les propagations d’odeurs de toute sorte dans l’immeuble et plus généralement prendre toutes mesures pour faire cesser les troubles de voisinage ;
– cesser de laisser l’accès des WC communs à la clientèle et cesser leur utilisation ;
– justifier d’une assurance conforme à l’activité réellement exercée dans les lieux telle que décrite au bail à savoir restauration, vente de plats sur place et à emporter, service traiteur mentionnant l’existence de cuisson à feu vif et l’utilisation de friteuses.
Décision du 24 Janvier 2024
18° chambre 2ème section
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Après avoir délivré une mise en demeure, la S.C.I. MAD ET FILS a fait assigner la société LE NOCTAMBULE devant le juge des référés de ce tribunal.
Par une ordonnance en date du 23 novembre 2021, le juge des référés a :
Au principal, renvoyé les parties à se pourvoir au fond, mais dès à présent, par provision,
– Débouté la société civile immobilière MAD ET FILS de sa demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire ;
– Condamné la SAS LE NOCTAMBULE à verser à la S.C.I. MAD ET FILS une provision de 2.420 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 octobre 2021 ;
– Dit que la société LE NOCTAMBULE pourra verser cette somme en 11 mensualités de 200 euros, suivies d’une mensualité de 220 euros, dont la première devra intervenir dans les quinze jours de la signification de la présente décision et les suivantes avant le CINQ de chaque mois ;
– Débouté la S.C.I. MAD ET FILS de sa demande de provision fondée sur le dépôt de garantie ;
– Dit qu’à défaut d’un seul règlement, l’intégralité de la dette deviendra immédiatement exigible ;
– Condamné la société LE NOCTAMBULE à verser à la S.C.I. MAD ET FILS la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Mis les entiers dépens à la charge de la société LE NOCTAMBULE, y compris le coût de la sommation du 16 février 2021.
L’ordonnance a été signifiée à la société LE NOCTAMBULE le 21 décembre 2021.
La S.C.I. MAD ET FILS a fait signifier un procès-verbal de saisie attribution le 31 mars 2022 sur le compte ouvert par la locataire auprès de la banque CIC en règlement de la somme de 1.483,75 euros restant due en exécution de l’ordonnance ; seule une somme de 161,35 euros a été saisie.
Par acte d’huissier délivré le 11 mai 2022, la S.C.I. MAD ET FILS a fait assigner devant ce tribunal la société LE NOCTAMBULE aux fins de voir prononcer la résiliation du bail.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 janvier 2023, la S.C.I. MAD ET FILS demande au tribunal de :
Vu les pièces versées aux débats,
Vu les articles 1728, 1741, 1224 et suivants du code civil,
Vu le nombre et l’importance des fautes contractuelles commises par la société LE NOCTAMBULE,
– Prononcer la résiliation du bail commercial signé le 1er juin 2020 entre la S.C.I. MAD ET FILS et la société LE NOCTAMBULE ;
– En conséquence, ordonner l’expulsion de la société LE NOCTAMBULE des lieux qu’elle occupe sis [Adresse 1] ainsi que de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier si besoin rappelés ci-après :
« Désignation des lieux : une boutique composée d’un rez-de-chaussée et d’un local au sous-sol d’une surface d’environ 20 m² sur rue avec rideau de fer métallique sise [Adresse 1] » ;
– Ordonner le transport et la séquestration des meubles et objets mobiliers garnissant lesdits lieux au sein d’un garde-meubles que le preneur désignera et dans tel autre lieu au choix du bailleur et ce aux entiers frais de la société LE NOCTAMBULE en garantie de toutes sommes qui sont dues ;
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– Condamner la société LE NOCTAMBULE au paiement au profit de la S.C.I. MAD ET FILS d’une indemnité d’occupation à compter de la résiliation calculée quotidiennement et équivalent au loyer contractuel et à la provision pour charges et ce jusqu’à complet déménagement et restitution des clefs par la locataire ;
– Condamner la société LE NOCTAMBULE à verser à la S.C.I. MAD ET FILS les sommes suivantes :
– 2.600 euros au titre du complément du dépôt de garantie ;
– 15.380 euros au titre des loyers et charges impayées arrêtés au mois de février 2023 inclus ;
– 5.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
– Débouter la société LE NOCTAMBULE de ses demandes reconventionnelles ;
– Condamner la société LE NOCTAMBULE au paiement au profit de la S.C.I. MAD ET FILS d’une somme d’un montant de 3.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens ;
– Dire que rien ne justifie que l’exécution provisoire ne soit pas ordonnée.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2023, la société LE NOCTAMBULE demande au tribunal de :
Vu les articles 1224 et suivants, 1728, 1741 et 1343-5 du code civil,
Vu l’article L. 145-16 du code de commerce,
Vu les pièces versées aux débats,
Vu la jurisprudence,
– La juger recevable en ses présentes conclusions et demandes ;
– En conséquence, débouter la S.C.I. MAD ET FILS de l’intégralité de ses demandes ;
– Accorder à la société LE NOCTAMBULE des délais de paiement pour s’acquitter de sa dette locative, dans la limite de deux années ;
– Condamner la S.C.I. MAD ET FILS à verser à la société LE NOCTAMBULE la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts, en raison du refus injustifié d’agréer, la cession du fonds de commerce ;
– Condamner la S.C.I. MAD ET FILS à verser à la société LE NOCTAMBULE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
* * *
Ainsi que le permet l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l’exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.
La clôture a été prononcée le 6 février 2023. L’affaire a été appelée pour plaidoiries à l’audience tenue en juge unique le 15 novembre 2023 et mise en délibéré à ce jour.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande de résiliation judiciaire du bail formée par la S.C.I. MAD ET FILS
La S.C.I. MAD ET FILS se prévaut de plusieurs manquements de la locataire pour solliciter la résiliation judiciaire du bail sur le fondement des articles 1728, 1741 et 1224 du code civil. Elle soutient que l’exploitation de la société LE NOCTAMBULE cause des troubles anormaux de voisinage ; que la locataire ne justifie pas d’une attestation d’assurance conforme aux activités exercées ; qu’elle n’a pas versé l’intégralité du dépôt de garantie ; qu’elle a réalisé des travaux sans autorisation affectant la structure de l’immeuble consistant en la création d’une trappe entre le rez-de-chaussée et le sous-sol ; qu’elle n’exploite plus les lieux loués depuis le 16 mars 2022 ; qu’elle a tenté de céder le droit au bail sans l’accord de la bailleresse ; qu’elle ne paye plus les loyers et charges depuis le mois de mai 2022.
La société LE NOCTAMBULE conteste tout manquement et conclut au rejet de cette demande.
* * *
L’article 1728 du code civil dispose que le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d’après les circonstances, à défaut de convention ;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.
L’article 1741 du même code énonce que le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.
Aux termes de l’article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l’application d’une clause résolutoire soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification du créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
La résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice. Le juge peut alors, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Il est constant qu’il appartient au bailleur de démontrer que la gravité des manquements allégués rend impossible la poursuite du bail.
– Sur les troubles anormaux de voisinage allégués
La S.C.I. MAD ET FILS soutient que l’activité de la société LE NOCTAMBULE engendre d’importants troubles auprès des résidents de l’immeuble en raison de la cuisine quotidienne de plats à base de poissons et de fritures et ce, sans avoir réalisé les travaux nécessaires à l’extraction des odeurs.
Elle expose que le syndic de la copropriété s’est plaint auprès d’elle par mail le 23 novembre 2020 ; que l’architecte de la copropriété s’est rendu sur place fin octobre 2020 et a préconisé un certain nombre de travaux nécessaires à l’évacuation des odeurs afin que les nuisances cessent. La S.C.I. MAD ET FILS ajoute qu’elle a été également alertée et mise en cause par Monsieur [V] [B], copropriétaire, par lettre du 22 décembre 2020 dénonçant les odeurs de cuisine s’évacuant dans la cour intérieure à moins d’un mètre de certaines fenêtres des résidents et l’utilisation des toilettes situées au sein des parties communes de la copropriété par les clients du restaurant, occasionnant gênes et problèmes de sécurisation des lieux en infraction avec les dispositions du règlement de copropriété.
La bailleresse explique avoir demandé à la société locataire de faire le nécessaire afin de remédier à la situation et qu’aucune suite n’a été donnée à sa requête.
La société LE NOCTAMBULE répond que le juge des référés a relevé qu’elle avait mis en demeure son bailleur afin qu’il lui délivre les autorisations nécessaires des copropriétaires pour lui permettre de poursuivre les travaux et que la S.C.I. MAD ET FILS ne justifiait nullement avoir fait le nécessaire ; qu’aucun élément nouveau ne permet de remettre en cause cette appréciation. Elle ajoute qu’aucun élément ne démontre qu’elle s’est opposée à la mise en œuvre des travaux de réalisation d’un conduit conforme. S’agissant du trouble de voisinage qui découlerait de l’utilisation des toilettes communes, la société locataire réplique que le juge des référés a exactement considéré que « l’interdiction de laisser l’accès aux WC communs suppose la mise à disposition du local loué de sanitaires privés, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ». Elle fait valoir que la destination contractuelle des locaux donnés à bail vise la vente de repas traditionnels et de boissons sur place et à emporter et que cette destination implique un accès à des WC, qu’ils soient communs ou privatifs. Elle soutient que dans ces conditions, elle a pris acte, lors de la signature du bail, des déclarations de la bailleresse aux termes desquelles les toilettes situées dans les parties communes constituaient le support de l’activité de restauration sur place. Enfin, elle soutient qu’il n’est nullement établi que l’accès aux WC communs entraînerait des inconvénients graves ou une infraction avec les dispositions du règlement de copropriété. La société LE NOCTAMBULE conclut qu’elle n’a commis aucun manquement ou faute ayant engendré des troubles anormaux de voisinage.
* * *
En application de l’article 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil, il appartient au bailleur d’apporter la preuve des obligations auxquelles il reproche au preneur d’avoir manqué tandis qu’il incombe à celui-ci de démontrer qu’il les a exécutées.
Pour établir les troubles de voisinage allégués, la S.C.I. MAD ET FILS verse au débat un courrier adressé le 22 décembre 2020 à la S.C.I. MAD ET FILS par un copropriétaire de l’immeuble, Monsieur [B] et un procès-verbal d’assemblée générale ordinaire des copropriétaires en date du 30 novembre 2021 qui aborde les travaux de mise en conformité de l’extraction de la cuisine, une photographie des toilettes dans les parties communes dont les installations sanitaires ont été démontées.
Ces éléments sont insuffisants pour établir les troubles anormaux de voisinage allégués concernant les nuisances olfactives et l’utilisation des toilettes situés en partie commune de l’immeuble par la société LE NOCTAMBULE. Dès lors l’existence d’un manquement de la société LE NOCTAMBULE n’est pas établi.
– Sur le défaut d’attestation d’assurance conforme
L’article V du bail intitulé « assurances » stipule que « Le PRENEUR devra faire assurer contre l’incendie, les explosions, la foudre, le bris et les dégâts des eaux, à une compagnie française notoirement solvable, ses mobiliers, matériel, marchandises et glaces, le déplacement et le replacement desdits, ainsi que les risques locatifs et le recours des voisins. Il devra payer les primes ou cotisations et justifier du tout à première demande, supporter ou rembourser toutes surprimes qui seraient réclamées de son fait au BAILLEUR ou aux autres locataires ou copropriétaires (…) ».
Aux termes de la sommation de respecter les clauses du bail signifiée sur le fondement de l’article L. 145-17 du code de commerce le 16 février 2021 à la société LE NOCTAMBULE, la S.C.I. MAD ET FILS a fait sommation à la locataire de « justifier d’une assurance conforme à l’activité réellement exercée dans les lieux telle que décrite au bail savoir « Restauration, vente de plats sur place et à emporter, service traiteur » mentionnant l’existence de cuissons à feu vif et l’utilisation de friteuses ».
La S.C.I. MAD ET FILS expose que suite à cette sommation, la locataire lui a communiqué les conditions particulières de l’assurance souscrite auprès de la société SOGESSUR le 7 septembre 2020 qui mentionnent les activités déclarées suivantes : « restauration de type rapide sans friteuse, sans cuisson au feu de bois / charbon, sans activité de restauration ambulante, sans hôtellerie et sans transfert de fonds ». Puis, selon la S.C.I. MAD ET FILS, la société LE NOCTAMBULE lui a transmis une nouvelle attestation d’assurance le 2 mars 2021 faisant état d’une activité de « restauration rapide, friterie (non ambulante) ».
Elle souligne que l’assurance a été souscrite très tardivement et que les activités déclarées ne sont pas conformes à l’activité de la société LE NOCTAMBULE qui utilise quotidiennement friteuses et plaques de cuisson. La bailleresse conclut que la police d’assurance ne couvre pas les risques inhérents à l’activité, ce qui équivaut à un défaut d’assurance.
La société LE NOCTAMBULE répond que le juge des référés a constaté qu’elle justifiait avoir modifié son attestation d’assurance dans le délai d’un mois ; que l’assurance souscrite était conforme en visant la restauration rapide et qu’elle justifie, à la demande du bailleur, d’une attestation en cours de validité (pour la période du 2 avril 2022 au 2 avril 2023) souscrite auprès de la société CIC ASSURANCES pour les activités « restauration rapide, friterie (non ambulante) et par extension : vente à emporter, livraison ».
Dès lors, il est constaté que la société LE NOCTAMBULE a fait modifier les activités déclarées auprès de son assureur et que contrairement à ce que soutient la bailleresse, les activités déclarées sont conformes à celles exercées et à la destination contractuelle des lieux loués.
– Sur l’absence de versement de l’intégralité du dépôt de garantie
Le contrat de bail conclu entre les parties prévoit le versement par la locataire d’un dépôt de garantie de 3.600 euros.
Il n’est pas contesté par la locataire qu’elle n’a versé à ce titre que la somme de 1.200 euros et qu’elle reste redevable de la somme de 2.400 euros au titre du dépôt de garantie.
– Sur la réalisation de travaux sans autorisation affectant la structure de l’immeuble consistant en la création d’une trappe entre le rez-de-chaussée et le sous-sol
La S.C.I. MAD ET FILS se prévaut du paragraphe III – 2 du bail qui stipule :
« Tous les travaux comportant changement de distribution, démolition ou percement de murs, de poutres ou de planchers devront faire l’objet d’une autorisation préalable et écrite du bailleur. Dans ce cas les travaux devront être exécutés aux frais risques et périls exclusifs du preneur et sous la surveillance d’un architecte ou d’un bureau d’étude techniques agrée par le bailleur et dont les honoraires seront supportés par le preneur ».
Elle expose que les lieux loués sont constitués :
– au rez-de-chaussée d’une boutique d’environ 25 m² et d’une petite réserve sur rue avec rideau de fer métallique ;
-au sous-sol d’une cave d’environ 15 m² et que l’accès à la cave s’est toujours fait par les parties communes de l’immeuble.
La bailleresse explique que la gérante de la société LE NOCTAMBULE, Madame [Y] [F], faisait partie des connaissances d'[K] [S], gérante de la S.C.I MAD ET FILS et que cette dernière lui a remis en confiance les clés du bien objet du bail dans le courant du mois de mai 2020. Elle soutient que sans l’aviser et sans l’intervention préalable d’un architecte, la société LE NOCTAMBULE a fait procéder à l’ouverture d’une trappe, créant un trou béant entre le rez-de-chaussée et le sous-sol pour pouvoir accéder au sous-sol ; qu’elle a alors immédiatement fait réaliser une note de calculs par un architecte, Monsieur [W] [L], afin de s’assurer que cette ouverture ne présentait pas de caractère dangereux. Elle fait valoir qu’elle n’a jamais pu obtenir de la locataire les documents afférents à ces travaux (devis, facture, attestation d’assurance de l’entrepreneur ayant réalisé les travaux) mais qu’elle est toutefois parvenue à identifier l’entrepreneur ayant réalisé les travaux. La S.C.I MAD ET FILS ajoute que l’assemblée générale des copropriétaires lors de la réunion du 30 novembre 2021 a constaté l’ouverture de la trémie et lui a demandé de faire intervenir un ingénieur structure pour contrôler l’état du plancher et le cas échéant mettre en œuvre les travaux nécessaires à sa consolidation.
Elle soutient que la société LE NOCTAMBULE n’a jamais laissé l’accès à quiconque et que depuis le 16 mars 2022, l’établissement est fermé.
La société LE NOCTAMBULE réplique que les éléments versés au débat par la bailleresse sont inexploitables et conclut que le manquement allégué n’est pas caractérisé.
Pour établir ses allégations, la bailleresse verse au débat :
– des photographies du local prises manifestement lors des travaux réalisés,
– une note de calculs d’un ingénieur structure de juin 2020,
– le procès-verbal d’assemblée générale ordinaire du 30 novembre 2021,
– un courrier de Monsieur [I] [D] [P], entrepreneur, daté du 30 mai 2020, selon lequel il a « été mandaté par Madame [Y] [F], locataire du local situé au [Adresse 1] pour faire une trappe au plafond du sous-sol. Madame [Y] [F] prend toute responsabilité des dégâts qui pourraient être occasionnés lors de l’intervention des travaux ».
Il est notable que le courrier de l’entrepreneur daté du 30 mai 2020 est antérieur à la conclusion du bail liant les parties et que la note de calculs de l’ingénieur structure mandaté par la bailleresse est en date de juin 2020, soit concomitamment à la conclusion du bail et n’explicite pas les conditions de création de la trémie litigieuse.
Le courrier précité ne remplit pas les conditions formelles d’une attestation probante, n’est pas accompagné de la pièce d’identité de son auteur, et ne saurait suffire à démontrer que la locataire serait à l’origine des travaux litigieux.
Par conséquent, le manquement allégué n’est pas caractérisé.
– Sur l’absence d’exploitation des lieux loués depuis le 16 mars 2022
La bailleresse soutient que la société LE NOCTAMBULE, sans l’en aviser, n’exploite plus les locaux depuis le 16 mars 2022 ; qu’ils sont depuis cette date tenus constamment fermés en infraction avec les dispositions du bail et notamment le paragraphe IV.
La société LE NOCTAMBULE ne répond pas sur ce point.
Si le paragraphe IV du bail stipule que « le preneur devra maintenir les lieux loués constamment utilisés (…) », force est de constater que la bailleresse n’établit pas le défaut d’exploitation. Aucun élément probant à l’appui de son allégation n’est versé au débat. Par conséquent, le tribunal considère que le manquement allégué n’est pas caractérisé.
– Sur la tentative de cession du droit au bail sans l’accord de la bailleresse
La S.C.I MAD ET FILS reproche à sa locataire d’avoir tenté de céder le droit au bail sans son autorisation, en dissimulant cette cession par une cession de fonds de commerce en date du 20 avril 2022. Elle fait valoir que la cessionnaire, la société HOLLYWOOD CUTS, a pour objet social et activité la coiffure, de sorte qu’aucun élément corporel ou incorporel n’est en réalité cédé. Elle expose s’être opposée à cette cession.
La société LE NOCTAMBULE répond qu’il est expressément stipulé dans l’acte de cession que l’acquéreur fait son affaire personnelle d’une éventuelle modification de l’activité et qu’il s’engage à respecter les termes du contrat de bail et notamment les dispositions afférentes à l’activité exploitée. Elle soutient que le souhait de l’acquéreur d’exercer à l’avenir une activité de coiffure est insuffisant à caractériser la cession déguisée du droit au bail, la fraude ne se présumant pas.
En l’espèce, l’acte de promesse de vente de fonds de commerce stipule expressément que « l’acquéreur souhaite y exercer une activité de coiffure et de vente de produits cosmétiques ». L’activité est donc très différente de la destination contractuelle des locaux de vente de repas traditionnel et de boissons sur place et à emporter. Il est donc établi qu’il s’agit d’une cession de bail déguisée soumise à autorisation du bailleur en application de l’article 2 du contrat de bail.
Le manquement de la locataire est caractérisé.
– Sur le défaut de paiement des loyers et charges depuis le mois de mai 2022
La bailleresse fait valoir que la société LE NOCTAMBULE a cessé de payer régulièrement les loyers et les charges et est redevable à ce titre de la somme de 15.380 euros, compte arrêté au mois de février 2023.
La société LE NOCTAMBULE ne conteste pas l’arriéré locatif faisant valoir que la bailleresse l’a placée dans l’impossibilité de satisfaire à son obligation en s’opposant de manière injustifiée à la cession du fonds de commerce projetée et en s’opposant aux travaux permettant l’exploitation du fonds.
Le décompte communiqué daté de février 2023 fait apparaître un solde débiteur de 15.380 euros, échéance impayée de février 2023 incluse, lequel n’est pas contesté par la locataire.
Le manquement est donc avéré.
* * *
Il résulte de ce qui précède qu’en ne versant pas l’intégralité du dépôt de garantie, en ne réglant pas les loyers et charges contractuellement dus, en ayant tenté de déguiser sous la forme d’une cession de fonds de commerce une cession du droit au bail nécessitant l’autorisation de la bailleresse, la société LE NOCTAMBULE a commis des manquements graves à ses obligations qui justifient le prononcé de la résiliation judiciaire du bail conclu entre les parties à compter du présent jugement aux torts de la société LE NOCTAMBULE. L’expulsion de celle-ci et de tous occupants de son chef sera donc ordonnée suivant les modalités définies dans le dispositif
En application de l’article 1240 du code civil, celui qui se maintient sans droit dans des lieux après l’expiration de son titre d’occupation commet une faute quasi-délictuelle qui ouvre droit pour le propriétaire au paiement d’une indemnité d’occupation.
En l’espèce, la société Le NOCTAMBULE, occupante des lieux loués sans droit ni titre à compter de la présente décision, sera donc condamnée au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle, à compter de cette décision et jusqu’à la libération complète des lieux, qui sera justement fixée à une somme égale au montant du dernier loyer contractuel majoré des charges.
Sur les demandes de condamnation formées par la S.C.I. MAD ET FILS
Il résulte des développements qui précèdent que la société LE NOCTAMBULE est redevable du solde du dépôt de garantie de 2.400 euros et d’un arriéré locatif arrêté au mois de février 2023 inclus de 15.380 euros. Elle sera condamnée à verser ces sommes à la S.C.I. MAD ET FILS.
La S.C.I. MAD ET FILS forme également une demande de dommages-intérêts à hauteur de 5.000 euros au motif que les fautes commises par la société LE NOCTAMBULE ont conduit à des relations très tendues avec les autres copropriétaires.
Il incombe en application de l’article 9 du code de procédure civile à la S.C.I. MAD ET FILS de démontrer l’existence d’une faute, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Or, en l’espèce, les relations tendues avec les copropriétaires résultent au regard du procès-verbal de l’assemblée générale ordinaire des copropriétaires communiqué des travaux réalisés dans le local dont le tribunal a considéré qu’il n’était pas démontré qu’ils étaient imputables à la société LE NOCTAMBULE. Par ailleurs, il est notable que la S.C.I. MAD ET FILS n’étaye par aucun élément probant le préjudice allégué.
Dès lors, elle sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts.
Sur la demande reconventionnelle de délais de paiement formée par la société LE NOCTAMBULE
La société LE NOCTAMBULE sollicite des délais de paiement de deux ans pour s’acquitter de sa dette locative, demande à laquelle la partie demanderesse s’oppose.
L’article 1343-5 du code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, force est de constater, comme le souligne la S.C.I. MAD ET FILS que la société LE NOCTAMBULE ne produit aucun élément sur sa situation financière permettant au tribunal de considérer qu’elle est en mesure de régler l’arriéré locatif dans le délai de deux ans.
Elle sera donc déboutée de sa demande de délais de paiement.
Sur la demande reconventionnelle de dommages-intérêts formée par la société LE NOCTAMBULE
La société LE NOCTAMBULE soutient que la bailleresse est de mauvaise foi et que celle-ci est caractérisée par le fait d’imposer au locataire des travaux pour la réalisation desquels elle n’a pas obtenu l’accord de la copropriété et par l’opposition injustifiée à la cession du fonds de commerce projetée. Elle demande la condamnation de la partie adverse à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages-intérêts, précisant que son préjudice est constitué par la perte de chance d’obtenir le gain espéré.
La société LE NOCTAMBULE n’étaye pas le premier manquement allégué qui ne sera donc pas retenu. S’agissant de l’opposition à la cession projetée, le tribunal a retenu qu’il s’agissait d’une cession du droit au bail déguisée soumise à l’autorisation de la bailleresse. Aucune faute de la part de cette dernière n’est donc établie. La partie défenderesse sera donc déboutée de sa demande de ce chef.
Sur demandes accessoires
Succombant à l’instance, la société LE NOCTAMBULE est condamnée aux dépens.
Elle est condamnée à verser à la S.C.I MAD ET FILS une somme qu’il est équitable de fixer à 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société LE NOCTAMBULE sera corrélativement déboutée de sa demande de ce chef.
Enfin aucun motif ne conduit à écarter l’exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le Tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
PRONONCE la résiliation judiciaire à compter du présent jugement du bail conclu le 1er juin 2020 liant, d’une part, la S.C.I. MAD ET FILS, et d’autre part, la S.A.S. LE NOCTAMBULE, portant sur les locaux loués au sein de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 2], aux torts de la S.A.S. LE NOCTAMBULE,
ORDONNE à la S.A.S. LE NOCTAMBULE de quitter les locaux sis [Adresse 1] à [Localité 2], et ce dans un délai d’un mois à compter de la date de signification de la présente décision,
ORDONNE, à défaut de libération volontaire des lieux dans le délai susvisé, l’expulsion de la S.A.S. LE NOCTAMBULE et de tous occupants de son chef, des lieux sis [Adresse 1] à [Localité 2] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier,
DIT que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L. 433-1 à L. 433-2, R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,
CONDAMNE la S.A.S. LE NOCTAMBULE à payer à la S.C.I. MAD ET FILS une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer contractuel, majoré des charges, frais, impôts et taxes, qui auraient été dus si le contrat s’était poursuivi conformément aux conditions fixées dans le bail, et ce, à compter du présent jugement et jusqu’à la libération effective des lieux manifestée par la remise des clés,
CONDAMNE la S.A.S. LE NOCTAMBULE à payer à la S.C.I. MAD ET FILS les sommes suivantes :
– 2.400 euros au titre du solde du dépôt de garantie,
– 15.380 euros au titre des loyers et charges dus, compte arrêté au mois de février 2023 inclus,
– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la S.C.I. MAD ET FILS de sa demande de dommages-intérêts,
DÉBOUTE la S.A.S. LE NOCTAMBULE de ses demandes de délais de paiement, de dommages-intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la S.A.S. LE NOCTAMBULE aux dépens,
DIT n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 24 Janvier 2024
Le GreffierLe Président
Henriette DUROMaïa ESCRIVE