Sentences arbitrales : Commisimpex c/ République du Congo

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Saisie-attribution entre les mains de Saipem

En exécution de deux sentences arbitrales rendues les 3 décembre 2000 et 21 janvier 2013, sous les auspices de la Chambre de commerce internationale, le 14 novembre 2016, Commisimpex a pratiqué, entre les mains de Saipem, une saisie-attribution régulièrement dénoncée à la République du Congo le 18 novembre 2016, par acte remis au parquet aux fins de signification par voie diplomatique conformément à l’article 684 alinéa 2 du Code de procédure civile.

Le 29 novembre 2016, la Saipem a déclaré être redevable envers la République du Congo de la somme totale de 2.208.981,90 € au titre de divers impôts et taxes.

L’article L111-2 du code des procédures civiles d’exécution

Aux termes de l’article L111-2 du code des procédures civiles d’exécution, le créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut en poursuivre l’exécution forcée sur les biens de son débiteur dans les conditions propres à chaque mesure d’exécution.

En l’espèce, il n’est pas discuté que la société Commisimpex dispose d’un titre exécutoire à l’encontre de la République du Congo.

Il résulte de l’article L. 111-1 du même code que la société Commisimpex peut contraindre celle-ci, dont la défaillance n’est pas contestée, à exécuter ses obligations à son égard par des mesures d’exécution forcée à moins que la débitrice ne bénéficie d’une immunité d’exécution.

L’article L. 211-1 prévoit que le créancier peut saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent.

Le principe de territorialité du recouvrement de l’impôt

La République du Congo soutient que le principe de territorialité des voies d’exécution et le principe de territorialité du recouvrement de l’impôt, impliquent que les créances de nature fiscale et sociale soient nécessairement et uniquement localisées sur le territoire de l’État sur lequel s’exerce l’activité donnant lieu à ladite imposition de sorte que de telles créances ne sauraient valablement être appréhendées sur le territoire d’un autre État, que considérer présentes sur le territoire français, donc rendre saisissables en France les créances fiscales d’un État étranger, reviendrait à permettre le recouvrement de l’impôt étranger sur le sol français, ce qui contrevient au principe de territorialité du recouvrement de l’impôt et porte atteinte à la souveraineté de l’État étranger.

D’une part, s’il n’est pas réellement contesté que les créances saisies soient de nature ‘scale et sociale et résultent d’une activité exclusivement réalisée par un ‘établissement stable’ au Congo, dès lors que la succursale de Saipem au Congo ne dispose d’aucun patrimoine et n’est pas dotée de la personnalité morale, que les créances saisies sont localisées au siège social de la société française, tiers saisi, sur l’ensemble des dettes dues par cette personne morale, et que s’impose le principe de l’unicité du patrimoine, la saisie-attribution a donc bien porté effet sur des dettes localisées en France.

Le risque de double-imposition invoqué en l’espèce n’est pas une cause de la nullité de la saisie mais une conséquence éventuelle de celle-ci dont le juge de l’exécution n’a pas à connaître.

D’autre part, le litige ne concerne pas l’exercice, en France, de mesures de contraintes en vue du recouvrement par la République du Congo de créances fiscales et les sommes saisies ne portent pas sur la ressource fiscale ou le produit de l’impôt en eux-mêmes, mais sur une dette fiscale d’un tiers, de sorte que le principe de territorialité du recouvrement de l’impôt n’a pas lieu de s’appliquer à la cause .

Enfin, sont étrangères à la solution du litige les menaces d’atteinte à la pérennité d’une présence industrielle française au Congo.

La violation de l’immunité d’exécution bénéficiant à la République du Congo

Aux termes de l’article L111-1 du code des procédures civiles d’exécution , l’exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux personnes qui bénéficient d’une immunité d’exécution.

La République du Congo a, aux termes d’une lettre d’engagement en date du 3 mars 1993 indiqué: ‘Le présent engagement est considéré comme un acte de commerce et est constitué à des fins commerciales. Il s’ensuit que le signataire de la présente renonce définitivement et irrévocablement à invoquer dans le cadre du règlement d ‘un litige en relation avec les engagements objet de la présente toute immunité de juridiction ainsi que toute immunité d ‘exécution ».

Elle a ainsi renoncé expressément à se prévaloir de son immunité d’exécution à l’égard de la société sur tous les biens susceptibles d’en bénéficier, qu’il soient ou non affectés à l’accomplissement de la mission diplomatique.

Le juge de l’exécution a retenu que le droit international coutumier n’exige pas une renonciation autre qu’expresse à l’immunité d’exécution et que la renonciation était en l’espèce claire et non équivoque.

La République du Congo argue cependant de la violation de l’immunité d’exécution à laquelle il ne pouvait être renoncé en l’espèce que suivant une renonciation expresse et spéciale .

La loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 a introduit, dans le code des procédures civiles d’exécution, deux nouvelles dispositions :

-selon l’article L111-1-2 du code des procédures civiles d’exécution, sont considérés comme spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l’Etat à des fins de service public non commerciales les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’Etat ou de ses postes consulaires.

-aux termes de l’article L111-1-3 du même code, des mesures conservatoires ou des mesures d’exécution forcée ne peuvent être mises en oeuvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique des Etats étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales qu’en cas de renonciation expresse et spéciale des Etats concernés.

Ces dispositions législatives qui subordonnent la validité de la renonciation par un Etat étranger à son immunité d’exécution à la double condition que cette renonciation soit expresse et spéciale est inapplicable aux faits de l’espèce, l’entrée en vigueur de la loi étant postérieure à la saisie-attribution litigieuse pratiquée le 14 novembre 2016.

S’il a pu être retenu que devant l’impérieuse nécessité, dans un domaine touchant à la souveraineté des Etats et à la préservation de leurs représentations diplomatiques, de traiter de manière identique des situations similaires et notamment celles antérieures à l’entrée en vigueur de la loi, l’objectif de cohérence et de sécurité juridique impose de ne pas recourir au droit international coutumier pour les mesures d’exécution forcée pouvant être mises en ‘uvre sur les biens, y compris les comptes bancaires, utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique des États étrangers ou de leurs postes consulaires, de leurs missions spéciales ou de leurs missions auprès des organisations internationales, ce principe ne s’étend pas aux biens régaliens autres que diplomatiques, dont notamment les créances fiscales ou parafiscales des États étrangers sur le sol français et il n’est pas soutenu en l’espèce que les biens saisis seraient utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique ou des postes consulaires de la République du Congo, de ses missions spéciales ou de ses missions auprès des organisations internationales , ni même présumés tels, et peu importe dès lors que les biens saisis soient spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés à des fins non commerciales, qu’il s’agisse de créances fiscales et que la créance cause de la saisie n’ait aucun lien avec l’objet de la saisie.

Seuls les biens utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions des missions diplomatiques bénéficiant d’une protection supplémentaire, il convient donc de confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a rejeté les demandes de nullité et de mainlevée de la saisie-attribution du 14 novembre 2016 et débouté la République du Congo de sa demande de dommages-intérêts.

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