Cession de fonds de commerce : le consentement vicié

Notez ce point juridique

Erreur de consentement

M. [G] estime avoir été victime d’une erreur qui a vicié son consentement lors de la cession du fonds de commerce, mais le tribunal a jugé qu’il n’y avait pas d’erreur suffisante pour annuler la cession.

Acte notarié et contestations

L’acte notarié mentionnait des loyers impayés mais ne précisait pas le montant exact, laissant place à des approximations. De plus, M. [G] était informé des contestations de M.[V] sur le décompte de la bailleresse, ce qui le rendait vigilant.

Absence de cause

M. [G] soutient que la cession est privée de sa substance en raison d’un commandement de quitter les lieux, mais le tribunal a jugé que cela ne justifiait pas l’annulation de la cession.

Solde du paiement

M.[V] a justifié le montant de sa créance et le tribunal a confirmé le montant de la dette de M [G].

Demandes annexes

M. [G] est condamné à payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 février 2023
Cour d’appel de Rennes
RG n° 21/00958

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N° 84

N° RG 21/00958 – N° Portalis DBVL-V-B7F-RK7B

M. [I] [G]

C/

M. [C] [V]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me PLOUX

Me JAN

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 28 FEVRIER 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre, rapporteur

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats, et Madame Lydie CHEVREL, lors du prononcé,

DÉBATS :

A l’audience publique du 17 Janvier 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 28 Février 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [I] [G]

né le 06 Avril 1961 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Guillaume PLOUX de la SCP DEBUYSER/PLOUX, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMÉ :

Monsieur [C] [V]

né le 06 Juillet 1967 à [Localité 5]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Hervé JAN de la SELARL AVOCATS OUEST CONSEILS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de QUIMPER

FAITS

Par acte authentique du 24 janvier 2019, M. [C] [V] a cédé à M. [I] [G] son fonds de commerce de restaurant ‘AUX P’TITS OIGNONS’ à [Localité 2] moyennant le paiement du prix principal de 80 000 euros.

Sur ce prix le cessionnaire a réglé comptant entre les mains du notaire la somme de 20 000 euros.

Pour le solde d’un montant de 60 000 euros il était prévu que M. [G] s’engage à procéder à son règlement en 60 échéances mensuelles de 1 000 euros chacune en principal et intérêts exigibles pour la première fois le 1er février 2019 et ainsi de suite, la dernière échéance étant fixée au 1er janvier 2024.

L’acte prévoit qu’à défaut de paiement à la date convenue d’une seule des échéances prévues, le montant restant dû deviendra immédiatement et de plein droit exigible, un mois après une simple sommation de payer demeurée infructueuse.

La même clause prévoit également que le solde des sommes dues au cédant deviendra immédiatement et de plein droit exigible si M. [G] venait à cesser l’exploitation du fonds de commerce par suite de résiliation ou de non renouvellement du bail.

M. [V] fait valoir que depuis la cession, M. [G] n’a procédé à aucun paiement des échéances mensuelles du crédit vendeur consenti.

Le 3 juin 2019, il l’a mis en demeure d’honorer les échéances du crédit.

A défaut de réglement il l’a assigné en paiement de la somme en principal de 60 000 euros devant le tribunal de commerce de Quimper le 3 juin 2020.

Par jugement du 4 décembre 2020 le tribunal de commerce a :

– Constaté la non-comparution de la partie défenderesse, ni personne pour elle

– Condamné Monsieur [G] [I] à payer à Monsieur [V] [C] la somme de 60.000 euros outre les intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

– Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision

– Condamné monsieur [G] [I] à payer à monsieur [V] [C] la somme de 800 euros en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit la partie demanderesse injustifiée pour le surplus de sa demande faite au titre du dit article, l’en déboute ;

– Condamné monsieur [G] [I] en tous les dépens de la présente instance qui comprennent notamment les frais de greffe, liquidés pour le présent jugement à la somme de 63,36 euros.

M. [G] a interjeté appel du jugement le 11 février 2021.

L’ordonnance de clôture est en date du 5 janvier 2023.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Dans ses écritures notifiées le 7 mai 2021. M. [G] demande à la cour de:

– Infirmer le jugement rendu le 04 décembre 2020 en toutes ses dispositions;

Statuant à nouveau :

A titre principal au visa des articles 1130 et suivants du code civil de :

– juger nul le contrat de cession de fonds de commerce du 24 janvier 2019 en raison d’une erreur sur les qualités essentielles de la prestation ;

A titre subsidiaire :

-Constater l’absence de cause du contrat de cession de fonds de commerce du 24 janvier 2019

En conséquence,

-Juger nul ce même contrat ;

En tout état de cause ;

-Condamner Monsieur [C] [V] à payer la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner Monsieur [C] [V] aux entiers dépens.

Dans ses écritures notifiées le 1er juillet 2021, M. [V] demande à la cour au visa des dispositions des articles 1892 et suivants du code civil, de:

– Débouter Monsieur [G] de toutes ses demandes, fins ou conclusions plus amples ou contraires ;

– Confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions.

Subsidiairement,

– Constater l’exigibilité de la créance de Monsieur [C] [V] ;

– Condamner Monsieur [I] [G] à payer à Monsieur [C] [V] la somme de 60 000.00 euros (Soixante Mille Euros) en principal outre les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

– Condamner Monsieur [I] [G] à payer à Monsieur [C]

[V] la somme de 5 000.00 en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé à leurs dernières écritures.

DISCUSSION

L’erreur

M. [G] estime qu’il a été victime d’une erreur qui a vicié son consentement le jour de la cession du fonds de commerce, le cessionnaire lui ayant indiqué que son litige avec la bailleresse portait sur 5 loyers impayés alors qu’il concernait deux ans d’arriérés.

M. [V] rappelle que M [G] a été informé de l’existence du contentieux avec la propriétaire des murs ce que l’acte notarié établit.

L’article 1132 du code civil précise :

L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

L’acte notarié du 24 janvier 2019 comporte la mention suivante :

Le CEDANT déclare sous sa responsabilité :

– qu’il n’est dû aucun arriéré de loyer ou de charges, à l’exception de 5 termes de loyers dus au BAILLEUR depuis le 1er janvier 2013 …

– qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire a été délivré par le bailleur le 7 décembre 2018 concernant un différend de paiement de loyer, à cet égard le cédant déclare :

– qu’à aucun moment le BAILLEUR ne lui a délivré de demande en révision dans les formes prévues par le bail ci – dessus visé (par acte extrajudiciaire ou lettre recommandée avec accusé de réception) ; en conséquence ce dernier conteste l’augmentation de 1 023,14 euros Hors taxes A à 1.418,18 euros hors taxes survenue au cours du mois d’avril 2014 ;

– que le décompte annexé au commandement de saisie est inexact quant aux versements ; en effet, à l’appui du paiement de la quasi-totalité des loyers, il se fonde sur l’attestation de l’expert comptable et des témoignages attestant de versement de plusieurs mensualités omises dans le décompte du bailleur;

– qu’il a répondu au BAILLEUR par courrier recommandé avec accusé de réception par l’intermédiaire de son avocat Maitre LE FRIANT, avocat à QUIMPER lequel courrier est ci-annexé ;

– qu’enfin, Madame [X], bailleur, ne lui délivre pas de quittance correspondant à la somme exacte du loyer versé, ce qui engendre des difficultés, voire une impossibilité de récupération de la Taxe sur la Valeur Ajoutée ;

– qu’aucune contravention aux clauses du bail n’a été commise par ailleurs, tant par le titulaire actuel que par ses prédécesseurs, susceptible de permettre au bailleur de refuser le renouvellement du bail sans payer l’indemnité d’éviction,

– que ledit fonds de commerce n’a pas été confié en location-gérance en infraction au bail ou aux dispositions légales,

Le CESSIONNAIRE prend acte de ce différend avec le propriétaire des murs et déclare avoir été éclairé sur la portée de la procédure qui pourrait être initiée par Madame [X], visant à faire jouer la clause résolutoire du bail du 6 juillet 1989. ll accepte de prendre la place du CEDANT dans son commerce à ses risques et périls pour l’avenir.

Le jour de la cession M. [G] a été informé de l’existence du commandement de payer délivré par la bailleresse quelques semaines plus tôt.

Il a été assigné devant le tribunal de grande instance de Quimper dans le cadre du litige opposant la bailleresse à M.[V] le 5 mars 2019 et ne s’est pas présenté à l’audience du 10 décembre 2019 ni ne s’est pas fait représenté.

Le tribunal dans son jugement du 28 décembre 2020 signale que M. [V] doit à sa bailleresse au titre des années 2013 à 2018, 24 loyers impayés :

année 2013 4X 1223,67 : 4 894,68 euros

année 2014 5X 1227,77 : 6 138,85 euros

année 2015 5X 1227,77 : 6 138,85 euros

année 2016 3X 1227,77 : 3 683,31 euros

année 2017 2X 1227,77 : 2 455,54 euros

année 2018 5X 1227,77 : 6 138,85 euros

soit une somme totale de 29 450,26 euros

Il est donc établi qu’au jour de la cession le 24 janvier 2019, le locataire était débiteur de plus de 5 loyers impayés.

Pour autant M. [G] ne peut affirmer qu’il a été victime d’une erreur ayant vicié son consentement.

L’acte notarié n’évoque que 5 échéances restées impayées mais détaille les contestations de M.[V] sur le décompte de la bailleresse, ce qui ouvre la voie à des approximations sur le montant des loyers qui restaient réellement dûs, qu’il soit à la baisse mais également à la hausse, d’autant qu’un commandement de payer visant la clause résolutoire avait déjà été délivré.

Dans ce contexte qui était de nature à le rendre particulièrement vigilant, M. [G] ne peut s’étonner que le tribunal ait finalement tranché que les sommes dues étaient plus importantes, risque qu’il a accepté de prendre comme le rappelle l’acte notarié.

En outre la lettre de réclamation (non datée) qu’il a rédigée pour solliciter un report des échéances, ne vise pas la difficulté concernant les loyers et/ou cette prétendue erreur mais des vices cachés et les dissimulations concernant l’équipement du restaurant .

Dans ces conditions la cession du 24 janvier 2019 n’encourt aucune nullité pour erreur.

L’absence de cause

M. [G] considère que la cession est privée de sa substance, les locaux ne pouvant être utilisés en raison de la délivrance d’un commandement de quitter les lieux qui lui a été notifié le 7 février 2021.

M.[V] fait valoir que M [G] peut toujours exercer son activité professionnelle, le commandement de quitter les lieux n’interdisant pas à M [G] de négocier un nouveau bail ou de s’installer dans un autre local.

L’acte notarié du 24 janvier 2019 précise :

Le CESSIONNAIRE reconnaît avoir été parfaitement informé par Maitre [T], de l’intérêt de renouveler ledit bail ou d’en conclure un nouveau et déclare vouloir en faire son affaire personnelle.

Pour échapper au réglement de sa dette, M. [G] ne peut se retrancher derrière le commandement de quitter les lieux auquel il pouvait s’attendre puisqu’il était informé de l’existence de loyers impayés et du commandement de payer visant la clause résolutoire, alors qu’il a été informé du risque d’expulsion et invité à prendre des dispositions pour l’anticiper.

Dans ces conditions la cession du 24 janvier 2019 n’encourt aucune nullité pour absence de cause.

En conséquence le jugement du tribunal de commerce est confirmé sur l’obligation à paiement de M [G].

Le solde du paiement

M.[V] justifie du montant de sa créance pour la somme de 60 000 euros.

Le jugement du tribunal de commerce est confirmé sur le montant de la dette de M [G].

Les demandes annexes

Il n’est pas inéquitable de condamner M. [G] à la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

M. [G] est condamné aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour

– Confirme le jugement du tribunal de commerce.

Y ajoutant :

– Condamne M. [I] [G] à régler à M. [C] [V] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne M. [I] [G] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top