Irrecevabilité des demandes des consorts [T] en cause d’appel
Les demandes des consorts [T] en cause d’appel ne sont pas considérées comme nouvelles, car elles sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge. De plus, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel. Par conséquent, la demande d’irrecevabilité formée par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] est rejetée.
Fin de non-recevoir des « prétentions de la SARL Auberge Yacine sur l’indemnisation de l’activité hôtel »
La fin de non-recevoir concernant les prétentions de la SARL AUBERGE YACINE sur l’indemnisation de l’activité hôtel est rejetée, car le dispositif des conclusions de l’intimée ne formule pas une telle prétention. De plus, l’indemnité d’éviction du preneur est une question de fond qui ne peut être tranchée par une fin de non-recevoir.
Opérations d’expertise et nullité du document de synthèse déposé par l’expert judiciaire
L’expert judiciaire a déposé un document de synthèse sans avoir répondu aux dires des parties, mais cela ne constitue pas une partialité ou un attentisme de sa part. Ce document sera apprécié en l’état par la cour au regard des autres pièces produites par les parties.
Irrecevabilité de la demande de résiliation du bail par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17]
La demande de résiliation du bail par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] est déclarée recevable, car la chose jugée s’applique aux infractions commises avant le congé visé par le dispositif du jugement.
Demande de résiliation judiciaire
Les manquements allégués ne sont pas caractérisés et ne justifient pas une résiliation judiciaire du bail. Les différentes prétentions ne sont pas fondées.
Indemnité d’éviction
L’indemnité d’éviction totale due à la SARL AUBERGE YACINE s’élève à un montant total de 292 303 €, comprenant l’indemnité principale, les frais de remploi, le trouble commercial, les frais de déménagement et les frais de licenciement.
Indemnité d’occupation
L’indemnité d’occupation est fixée à un montant annuel de 44 696 € à compter du terme du bail jusqu’à la complète restitution des lieux. Il n’y a pas lieu d’ordonner la compensation entre l’indemnité d’éviction et l’indemnité d’occupation.
Dommages-intérêts réciproques des parties
Les demandes de dommages-intérêts réciproques des parties sont rejetées, car il n’est pas démontré de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.
Frais irrépétibles et dépens
Les dépens de l’appel sont laissés à la charge exclusive de la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17]. Cette dernière devra également indemniser la SARL AUBERGE YACINE, Monsieur [L] [T] et Mademoiselle [E] [T] de leurs frais irrépétibles d’appel à hauteur de 1 000 € chacun.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
12 avril 2023
Cour d’appel de Paris
RG n° 20/07859
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 3
ARRET DU 12 AVRIL 2023
(n° , 18 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/07859 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CB5I5
Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2020 – Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY – RG n° 14/03599
APPELANTE
S.C.I. L’IMMOBILIER DE [Localité 17] immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n°D 523 624 773, agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au sigèe social:
[Adresse 1]
[Localité 11]
Représentée par Me Stéphanie GUATIERI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0039, avocat postulant
Représentée par Me Marine BOISSIER DEFROCOURT, avocat au barreau de PARIS, toque : D0125, avocat plaidant
INTIMES
Monsieur [L] [T]
né le 14 juillet 1954 à [Localité 16]
demeurant:
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représenté par Me Caroline NICOLAS de la SELARL SCHECROUN – NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1263, avocat postulant
Madame [E] [T]
née le 7 juillet 1963 à [Localité 16]
représentée par sa tutrice, Madame [B] [J]
venant en lieu et place de Madame [G] [W]
demeurant:
[Adresse 14]
[Localité 8]
Représentée par Me Caroline NICOLAS de la SELARL SCHECROUN – NICOLAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D1263, avocat postulan;
S.A.R.L. AUBERGE YACINE immatriculée au RCS de BOBIGNY sous le n°323 680 447, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social:
[Adresse 5]
[Localité 10]
Représentée par Me Antoine ATTIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2306, avocat postulant
Monsieur [F] [T]
né le 1er avril 1974
demeurant:
[Adresse 7]
[Localité 10]
défaillant, déclaration d’appel signifiée à domicile
Madame [EI] [T] épouse [R]
née le 24 octobre 1960 à [Localité 12] (94)
demeurant:
[Adresse 5]
[Localité 10]
défaillante, déclaration d’appel signifiée à domicile
Madame [Y] [T]
née le 6 aout 1955 à [Localité 16]
demeurant:
[Adresse 3]
[Localité 12]
défaillante, déclaration d’appel signifiée dans les conditions de l’article 659 du code de procédure civile après procès verbal de recherches infructueuses
Madame [D] [T] épouse [O]
née le 4 septembre 1957 à [Localité 16]
demeurant:
[Adresse 4]
[Localité 12]
défaillante, déclaration d’appel signifiée à étude
Madame [I] [T]
née le 20 octobre 1964 à [Localité 16]
demeurant:
[Adresse 2]
[Localité 9]
défaillante, déclaration d’appel signifiée à étude
Madame [A] [T] épouse [K]
née le 2 juillet 1968 à [Localité 15] (94)
demeurant:
[Adresse 6]
[Localité 9]
défaillante, déclaration d’appel signifiée à étude
Monsieur [U] [T]
né le 4 décembre 1961 à [Localité 16]
demeurant:
[Adresse 18]
[Localité 13](Algérie)
défaillant, déclaration d’appel signifiée selon les modalités prévues aux articles 684 et suivants du code de procédure civile et de la convention de La Haye du 15 novembre 1965
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 janvier 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant:
Madame Nathalie RECOULES, Présidente
Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller
Un rapport a été présenté à l’audience par M.Douglas BERTHE, Conseiller, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Nathalie RECOULES, Présidente
Monsieur Douglas BERTHE, Conseiller
Madame Marie GIROUSSE, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffière, lors des débats : Madame FOULON
ARRÊT :
– par défaut
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Nathalie RECOULES, présidente et par Madame Laurène BLANCO, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon acte sous seing privé du 3 décembre 1981, prenant effet le 1er janvier 1982 pour une durée de neuf ans, Monsieur [V] [S] a donné à bail commercial à Monsieur [L] [T] et Madame [LD] [P], sa mère, des locaux, constitués d’un rez-de-chaussée élevé de deux étages, sis [Adresse 5] à [Localité 17] pour y exercer l’activité de ‘ café-hôtel meublé-restaurant ‘. Il est par ailleurs précisé que le preneur ‘ pourra sous-louer les chambres meublées, en respectant les lois en vigueur, de manière que le bailleur ne soit jamais inquiété à ce sujet ‘.
Concomitamment, une cession de fonds de commerce a été régularisée entre les mêmes parties, au profit des preneurs.
Par acte authentique du 15 juin 2011, M. [S] a vendu l’immeuble à la SCI l’Immobilier de [Localité 17], dont les associés sont Messieurs et Mesdames [X] [Z], [M] et [H] [S].
Selon acte sous seing privé en date du 16 janvier 2015, avec effet au 20 janvier 2015, les consorts [T] ont conclu avec la SARL Auberge Yacine, représentée par Madame [AT] [C], un acte intitulé ‘ cession de fonds de commerce ‘, le dit fonds comportant notamment le droit au bail portant sur les locaux susvisés.
Diverses décisions administratives ont affecté l’exploitation des locaux.
Par arrêté du 5 juillet 1994, prenant effet le 21 juin 1992, l’hôtel a fait l’objet d’une fermeture administrative, la réouverture étant conditionnée au dépôt d’un dossier de déclaration de travaux pour l’aménagement et la mise aux normes de sécurité et d’hygiène de l’établissement. Il a été indiqué par la cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 1 eroctobre 2003, que cette fermeture était notamment due à la nécessaire réfection de l’intégralité de la toiture en raison de sa vétusté, obligation mise à la charge de M. [S] en sa qualité de bailleur par un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 16 juin 1998.
Lors d’une visite du 9 septembre 1999, la commission communale de sécurité de la ville de [Localité 17] a émis un avis favorable à la poursuite de l’exploitation de la partie restaurant de l’établissement et un avis défavorable à la réouverture de l’activité d’hôtellerie, notamment en raison du défaut d’isolement entre certaines parties du bâtiment et de la présence de tuyaux de gaz en plomb.
Lors d’un contrôle effectué le 27 février 2014, la commission de sécurité a de nouveau rendu un avis défavorable à la poursuite de l’exploitation de l’hôtel, notamment en raison de problèmes d’isolement.
Un avis favorable permettant la réouverture de l’hôtel sera finalement rendu le 5 janvier 2015 après la réalisation, par le preneur, des travaux préconisés.
Plusieurs procédures judiciaires ont par ailleurs émaillé les relations des bailleurs et preneurs successifs.
Par acte introductif d’instance signifié les 14, 15 et 21 novembre 2013, la SCI L’Immobilier de [Localité 17] a assigné le preneur exploitant et l’ensemble des héritiers de Mme [P], devenus co-preneurs au bail et propriétaires indivis du fonds de commerce, aux fins notamment, de faire constater des violations dans le cadre de l’exploitation du local commercial, tendant in fine à voir prononcer la résiliation du bail commercial à compter du 9 septembre 1999, ordonner l’expulsion, et voir fixer une indemnité d’éviction.
Par jugement du 6 août 2014, confirmé par un arrêt de la cour d’appel de PARIS en date du 28 octobre 2016, le tribunal de grande instance de Bobigny a notamment débouté la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] de sa demande en résiliation judiciaire du bail au motif que les difficultés soulevées par la commission de sécurité lors de ses visites successives n’étaient pas imputables à des dégradations occasionnées par le preneur ou à des manquements à son obligation d’entretien et de réparation mais constituaient des insuffisances objectives du local au regard de sa destination contractuelle et des normes imposées et caractérisaient par conséquent un manquement du bailleur à son obligation de délivrance.
Par exploit d’huissier en date des 5, 6 et 11 décembre 2013, le bailleur a notifié au preneur exploitant, Monsieur [L] [T], et aux héritiers de Madame [LD] [P] un congé avec refus de renouvellement pour motif grave et légitime avec effet au 30 juin 2014.
Par acte introductif d’instance en date du 10 mars 2014, les consorts [T] ont entendu contester le congé délivré et ont sollicité l’octroi d’une indemnité d’éviction.
Le 13 mars 2015, la SARL AUBERGE YACINE est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement du 16 décembre 2015, le tribunal de grande instance de Bobigny a notamment :
– dit que la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] ne justifiait pas de motifs graves et légitimes à l’appui du congé qu’elle a fait signifier les 5, 6 et 11 décembre 2013,
– dit que le bail commercial a pris fin le 30 juin 2014 par l’effet du congé précité,
– dit que la SARL AUBERGE YACINE pouvait prétendre au paiement d’une indemnité d’éviction et la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] au paiement d’une indemnité d’occupation depuis le 1er juillet 2014,
– ordonné une expertise judiciaire avant-dire-droit sur l’indemnité d’éviction due à la preneuse et l’indemnité d’occupation due à la bailleresse, a commis pour y procéder Monsieur [N] [BZ], expert, et a mis à la charge de la preneuse le versement de la provision,
– débouté la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice découlant de l’impossibilité de déplafonner le loyer depuis le mois de juin 2011,
– condamné la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à Monsieur [L] [T] la somme de 50 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du manquement à l’obligation de délivrance du bailleur pour la période du 15 juin 2011 (date d’acquisition des murs des lieux loués par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] auprès de Monsieur [V] [S]) au 16 janvier 2015 (date de la cession du fonds de commerce par Monsieur [T] à la SARL AUBERGE YACINE),
– condamné la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à Monsieur [L] [T] la somme de 62 863,84 euros au titre du remboursement des travaux de mise en conformité qu’il a finalement fait réaliser,
– ordonné la mainlevée de l’opposition au paiement du prix de vente du fonds de commerce de 180 000 euros réalisée le 24 février 2015 par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] concernant la cession du 16 janvier 2015 qui a été conclue entre Monsieur [L] [T] et la SARL AUBERGE YACINE,
– débouté Monsieur [L] [T] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice découlant de l’opposition au paiement du prix de vente,
– sursis à statuer sur les autres demandes dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire.
Par arrêt en date du 11 octobre 2017, la cour d’appel de PARIS a confirmé la décision sus-citée sauf en ce qui concerne le remboursement des travaux de mise en conformité, faute pour le preneur d’avoir au préalable mis la bailleresse en demeure de les réaliser et la mainlevée intégrale de l’opposition au paiement du prix de cession de fonds de commerce.
S’agissant du déroulement de la mesure d’expertise, compte tenu de l’absence d’exécution provisoire du jugement 16 décembre 2015, les parties se sont opposées sur la possibilité pour l’expert de poursuivre ses opérations, ce dont ce dernier s’est ouvert auprès du juge de la mise en état par courrier du 28 avril 2016. Les parties ont par la suite, à compter du 9 novembre 2016, échangé plusieurs conclusions d’incident, comprenant notamment la question de la reprise des opérations d’expertises. Suite à un entretien avec le juge de la mise en état le 22 février 2017, les parties, par messages des 9 et 14 mars 2017, ont fait part de leur accord pour la reprise des opérations d’expertise.
La SARL AUBERGE YACINE n’ayant pas versé la provision complémentaire mise à sa charge par ordonnance du 20 avril 2018, le juge de la mise en état a autorisé l’expert, en application des dispositions de l’article 280 du Code de procédure civile, à déposer son rapport en l’état.
L’expert a déposé, le 9 avril 2018, un ‘ document de synthèse ‘.
Par jugement du 3 mars 2020, le tribunal judiciaire de Bobigny a :
– REJETÉ la demande de la SARL AUBERGE YACINE tendant à ce qu’il soit fait application de l’article 24 du Code de procédure civile,
– REJETÉ la demande de la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] tendant à voir déclarer nul le document de synthèse déposé par Monsieur [BZ],
– DÉCLARÉ recevables les demandes des parties relatives à la résiliation du bail, la perte du droit à indemnité d’éviction de la SARL AUBERGE YACINE et à la fixation d’une indemnité d’éviction concernant un fonds de commerce avec activité hôtelière,
– DÉBOUTÉ la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] de sa demande tendant à voir le bail résilié et la SARL AUBERGE YACINE privée de son droit à indemnité d’éviction,
– DIT que la SARL AUBERGE YACINE a droit à une indemnité d’éviction correspondant à la perte de son fonds de commerce,
– FIXÉ à la somme de 561.053 euros, augmentée des frais de licenciement sur production des justificatifs, le montant de l’indemnité d’éviction due par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la SARL AUBERGE YACINE,
– FIXÉ le montant de l’indemnité d’occupation due par la SARL AUBERGE YACINE à la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la somme annuelle de 42.491 euros, à compter du terme du bail, soit le 30 juin 2014, et jusqu’à complète restitution des lieux,
– DIT que les sommes déjà versées depuis le 30 juin 2014 par la SARL AUBERGE YACINE en contrepartie de l’occupation des lieux seront déduites de la créance d’indemnité d’occupation du bailleur.
Par déclaration d’appel en date du 23 juin 2020, la société l’Immobilier de [Localité 17] a interjeté appel partiel du jugement du 3 mars 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 18 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS
Vu les conclusions déposées le 17 janvier 2023, par lesquelles la société l’Immobilier de [Localité 17], appelante demande à la cour de :
– CONFIRMER le jugement en ce qu’il a :
rejeté la demande de la SARL Auberge Yacine tendant ce qu’il soit fait application de l’article 24 du code de procédure civile,
déclaré recevables les demandes des parties relatives à la résiliation du bail, la perte du droit indemnité d’éviction de la SARL Auberge Yacine et la fixation d’une indemnité d’éviction concernant un fonds de commerce avec activité hôtelière,
– INFIRMER le jugement en ce qu’il a :
rejeté la demande de la SCI l’Immobillier de [Localité 17] tendant à voir déclarer nul le document de synthèse déposé par M. [BZ] ;
débouté la SCI l’Immobillier de [Localité 17] de sa demande tendant à voir le bail résilié et la SARL Auberge Yacine privé de son droit indemnité d’éviction ;
dit que la SARL Auberge Yacine a droit une indemnité d’éviction correspondant la perte de son fonds de commerce ;
fixé à la somme de 561.053 euros, augmentée des frais de licenciement sur production des justificatifs, le montant de l’indemnité d’éviction due par la SCI l’Immolibillier de [Localité 17] à la SARL Auberge Yacine ;
fixé le montant de l’indemnité d’occupation due par la SARL Auberge Yacine à la SCI l’Immolibillier de [Localité 17] à la somme annuelle de 42.491 euros, à compter du terme du bail, soit le 30 juin 2014, et jusqu’ à complète restitution des lieux ;
dit que les sommes déjà versées depuis le 30 juin 2014 par la SARL Auberge Yacine en contrepartie de l’occupation des lieux seront déduites de la créance d’indemnité d’occupation du bailleur ;
Statuant à nouveau,
– DÉBOUTER la SARL Auberge Yacine et Monsieur [T] de leur appel incident ;
– DÉCLARER IRRECEVABLE les prétentions nouvelles de Monsieur [T] ;
– PRONONCER LA NULLITÉ du rapport d’expertise déposé par M. [BZ] ;
– REJETER les conclusions de l’expert judiciaire ;
– RAPPELER que bail commercial a pris fin le 30 juin 2014 par l’effet du congé délivré le 5, 6 et 11 décembre 2013 ;
– REQUALIFIER la cession de droit de fonds de commerce en cession de droit en bail ;
– CONSTATER que le bailleur n’a pas autorisé cette cession de fonds de commerce ;
– DÉCLARER INOPPOSABLE LA CESSION à la SCI l’Immobilier de [Localité 17] et le chiffre d’affaires réalisé par la SARL Auberge Yacine ;
– DÉCLARER IRRECEVABLES les prétentions de la SARL Auberge Yacine sur l’indemnisation de l’activité hôtel en raison de la fin de non-recevoir fondée sur le principe nul ne peut se contredire au détriment d’autrui ;
– PRONONCER LA RÉSILIATION JUDICIAIRE du bail commercial liant la SCI l’Immobilier de [Localité 17] à la SARL Auberge Yacine pour les graves infractions commises, et l’absence d’autorisation de la cession de droit en bail ;
– PRIVER la SARL Auberge Yacine de tout paiement d’une indemnité éviction en raison des infractions ;
– ORDONNER L’EXPULSION de la SARL Auberge Yacine ainsi que de tous occupants de son chef du local susvisé, et ce avec l’assistance s’il y a lieu d’un commissaire de police et de la force publique ainsi que d’un serrurier ;
– DIRE que les meubles et objets mobiliers se trouvant sur place donneront lieu à l’application des dispositions des articles 65 de la loi n°91-650 du 9 juillet 1991 et 201 du décret n°92-755 du 31 juillet 1992 ;
– CONDAMNER la SARL Auberge Yacine au paiement d’une indemnité d’occupation annuelle de 55.961,92 euros au profit de la SCI l’Immobilier de [Localité 17] et à compter du 30 juin 2014 et jusqu’à libération du local commercial actuellement occupé par la remise des clés ;
– AUGMENTER L’INDEMNITÉ D’OCCUPATION à compter du 30 juin 2014 et jusqu’à la libération effective du local commercial effective du local commercial, d’une somme provisionnelle équivalente à celle des charges et taxes foncières ;
– ORDONNER que la SARL Auberge Yacine, sera tenue de restituer les locaux, et ce sous astreinte de 200,00 euros par jour de retard à compter du jour où la décision sera rendue ;
– AUGMENTER par ailleurs l’indemnité d’occupation, dans l’hypothèse où l’occupation sans droit ni titre du local commercial par la SARL Auberge Yacine ou tous occupants de son chef devait se prolonger plus d’un an après la date de résiliation du bail, par le jeu de l’indice du coût de la con struction publiée par l’INSEE, l’indice de base étant le dernier indice paru à la date du résiliation du bail ;
– DIRE ET JUGER que la SARL Auberge Yacine a une attitude dilatoire dans le cadre des opérations d’expertise ;
– FIXER la consistance du fonds de commerce aux activités de bar-restaurant ;
– PRENDRE ACTE de l’aveu judiciaire du preneur concernant l’absence d’activité d’hôtel au 1er juillet 2014 ;
– FIXER le coefficient de pondération du chiffre restaurant de la manière suivante :
(Année 2021) 5.319 euros x3 = 15.597
(Année 2020) 5.139 euros x2 = 10.278
(Année 2019) 20.405 euros x1 = 20.405
114.498/6 = 7.773,33 euros ;
– FIXER le coefficient de valorisation de l’indemnité restaurant-rapide à 50% du montant de la moyenne des chiffres d’affaires, soit la somme de 3.886,67 euros au titre de l’indemnité ;
– FIXER le coefficient de valorisation à 0 fois la recette journalière en raison de l’arrêt de l’activité bar licence IV depuis plus de 3 ans ;
– FIXER en conséquence le montant de l’indemnité d’éviction due par le bailleur à la somme de 5.275,33 euros se décomposant de la manière suivante :
3.886,67 euros au titre de l’indemnité principale (3.886,67 euros pour le restaurant, et 0 euro pour le bar) : perte de fonds de commerce ;
388,66 euros au titre des frais de remploi ;
1.000 euros au titre du trouble commercial ;
– FIXER à 0 euro les frais de réinstallation dès lors que le locataire ne justifie pas d’aménagements spécifiques dans les locaux objet de l’éviction ;
– ORDONNER que les frais de licenciement ne porteront que sur le personnel du bar-restaurant ;
– FIXER une surface pondérée de 86,55m²p se décomposant de la manière suivante :
‘ rez-de-chaussée
– zone d’angle, forfaitairement : 10,00m² x 1,2 = 12,00
– zone 1, sur le solde de la salle et du bar : 36,60m² x 1,00 = 36,60
– cuisine : 9,25m² x 0,50 = 4,63
– office : 8,00m² x 0,50 = 4,00
– sanitaires : 1,50m² x 0,30 = 0,45
– locaux non reliés éclairés par une fenêtre sur cour : 23,95m² x 0,45 = 10,77
– local poubelles dans l’appentis, réserve dans l’appentis avec armoire froide, cour pavée avec appentis
– façades en brique et enduit ou pierre : 14m²x 0,15 =2,1
‘ sous-sol
– annexes, forfaitairement : 80,00m² x 0,20 = 16,00 ;
– FIXER la valeur locative à la somme de 400 euros par m², soit une valeur locative de 34.620 euros (400 euros x 86,55m²) portée à 38.774,40 euros en appliquant le coefficient de 1,12 pour l’avantage terrasse et logement ;
– FIXER la valeur de renouvellement à la somme de 300 euros par m², soit une valeur de renouvellement de 25.965 euros (300 euros x 86,55 m²), portée à 29.080,92 euros en appliquant le coefficient de 1,12 pour l’avantage terrasse et logement ;
– FIXER la surface habitation à 150,45 m² pour la partie se décomposant de la manière suivante : 10m² au rez-de-chaussée, 79,17m² au 1 er étage, et 61,28m² au 2ème étage ;
– FIXER la valeur locative habitation à la somme de 15,50 euros par m² et par mois pour le rez-de-chaussée et le 1 er étage, et à la somme de 14 euros par m² et par mois pour le 2ème étage, soit la somme de 26.881 euros se décomposant de la manière suivante :
Rez-de-chaussé : 10m²x 15,50 euros x12 mois = 1.860 euros ;
1er étage : 79,17 m² x 15,50 euros x 12 mois = 14 726 euros ;
2 me étage mansardé : 61,28 m² x 14,00 euros x 12 mois = 10 295 euros ;
– FIXER le montant de l’indemnité d’occupation annuelle due par la SARL Auberge Yacine et les consorts [T] à la somme de 55.961,92 euros se décomposant de la somme de :
29.080,92 euros pour la partie bar-restaurant ;
26.881 euros pour la partie habitation ;
– fixer la valeur droit au bail à la somme de 35.312,40 euros (4 x 8.828,10) en retenant un coefficient de 4 ;
À titre subsidiaire, en cas de reconnaissance d’une activité de location meublée,
– FIXER le coefficient à 1 pour l’activité de location meublée ;
– FIXER en conséquence le montant de l’indemnité d’éviction due par le bailleur à la somme de 10.785,92 euros se décomposant de la manière suivante :
8.896,29 euros au titre de l’indemnité principale (3.886,67 euros pour le restaurant, 0 euros pour le bar ;
5.009,62 euros pour la location meublée) : perte de fonds de commerce ;
889,63 euros au titre des frais de remploi ;
1.000 euros au titre du trouble commercial ;
– FIXER à 0 euro les frais de réinstallation dès lors que le locataire ne justifie pas d’aménagement spécifiques dans les locaux objet de l’éviction ;
– ORDONNER que les frais de licenciement ne porteront que sur le personnel du bar-restaurant,
À titre infiniment subsidiaire, en cas de reconnaissance d’une activité hôtelière,
– FIXER le coefficient pour l’hôtel à 0,80 ;
– FIXER en conséquence le montant de l’indemnité d’éviction due par le bailleur à la somme de 69.075,33 euros se décomposant de la manière suivante :
61.886,67 euros au titre de l’indemnité principale (3.886,67 euros pour le restaurant, 0 euro pour le bar, et 58.000 euros pour l’hôtel) : perte de fonds de commerce ;
6.188,66 euros au titre des frais de remploi ;
1.000 euros au titre du trouble commercial ;
– FIXER à 0 euro les frais de réinstallation dès lors que le locataire ne justifie pas d’aménagements spécifiques dans les locaux objet de l’éviction ;
En tout état de cause,
– REJETER toute demande pour abattement de précarité en raison de l’augmentation du chiffre d’affaires et de l’attitude dilatoire du preneur ;
– ORDONNER que le montant de l’indemnité d’éviction viendra se compenser avec les sommes dues par l’Auberge Yacine au titre de l’indemnité d’occupation conformément aux dispositions de l’article 1289 du code civil ;
– ORDONNER que la SARL Auberge Yacine sera tenue de restituer les locaux en parfait état d’utilisation en conformité avec les clauses du bail, et sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter du jour où la décision à intervenir sera définitive ;
– ORDONNER qu’une fois le montant de l’indemnitéd’éviction payée, la SARL Auberge Yacine ne pourra se maintenir dans les lieux et devra en pareille circonstance être déclaré occupant sans droit ni titre ;
– DIRE ET JUGER que le bailleur pourra faire procéder à son expulsion, avec au besoin le recours à la force publique ;
– ORDONNER que l’indemnité d’éviction sera versée auprès d’un séquestre ;
– CONDAMNER in solidum la SARL Auberge Yacine et les consorts [T] à payer à la SCI l’Immobillier de [Localité 17] la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en raison des man’uvres dilatoires ;
– CONDAMNER la SARL Auberge Yacine au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER les consorts [T] au paiement de la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– CONDAMNER l’Auberge Yacine aux entiers dépens qui comprendront l’intégralité des frais d’expertise, dont distraction au bénéfice de l’avocat postulant, dans les termes de l’article 699 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions déposées le 25 novembre 2020, par lesquelles les consorts [T], intimés à titre principal et appelants à titre incident, demande à la cour de :
– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :
– rejeté la demande de la SCI l’Immobilier de [Localité 17] tendant à voir déclarer nul le document de synthèse déposé par l’Expert ;
– INFIRMER le jugement en ce qu’il a :
– fixé le montant de l’indemnité d’occupation due à la somme annuelle de 42.491 euros, à compter du terme du bail, soit le 30 juin 2014 ;
Et statuant à nouveau :
– DÉBOUTER la SCI l’Immobilier de [Localité 17] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
– FIXER l’indemnité d’occupation à la somme de 23.400 euros au 1er juillet 2014 ;
– CONDAMNER la SCI l’immobilier de [Localité 17] à verser aux consorts [T] la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 CPC ;
– CONDAMNER la SCI l’Immobilier de [Localité 17] aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Schecroun-Nicolas, avocat, dans les conditions de l’article 699 du CPC.
Vu les conclusions déposées le 9 janvier 2023, par lesquelles la société AUBERGE YACINE, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la cour de :
CONFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU’IL A :
Rejeté la demande de la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] tendant à voir déclarer nul le document de synthèse déposé par Monsieur [BZ],
Déclaré recevables les demandes des parties relatives à la résiliation du bail, la perte du droit à indemnité d’éviction de la SARL AUBERGE YACINE et à la fixation d’une indemnité d’éviction concernant un fonds de commerce avec activité hôtelière,
Débouté la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] de sa demande tendant à voir le bail résilié et la SARL AUBERGE YACINE privée de son droit à indemnité d’éviction,
Dit que la SARL AUBERGE YACINE a droit à une indemnité d’éviction correspondant à la perte de son fonds de commerce,
Condamné la SCI aux dépens de l’instance en ce compris les frais d’expertise,
INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU’IL A :
Déclaré recevables les demandes des parties relatives à la résiliation du bail, la perte du droit à indemnité d’ éviction de la SARL AUBERGE YACINE et à la fixation d’une indemnité d’ éviction concernant un fonds de commerce avec activité hôtelière,
INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU’IL A LIMITÉ L’INDEMNITE D’EVICTION à la somme de 561.053 euros, augmentée des frais de licenciement sur production des justificatifs, le montant de l’indemnité d’éviction due par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la SARL AUBERGE YACINE,
INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU’IL A FIXÉ le montant de l’indemnité d’occupation due par la SARL AUBERGE YACINE à la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la somme annuelle de 42.491 euros, à compter du terme du bail, soit le 30 juin 2014, et jusqu’à complète restitution des lieux,
INFIRMER LE JUGEMENT ENTREPRIS EN CE QU’IL A REJETÉ LES DEMANDES DE LA SOCIETE AUBERGE YACINE TENDANT :
– à l’indemnisation des frais de réinstallation
– au paiement de dommages et intérêts pour procédure abusive
ET STATUANT DE NOUVEAU DE CES CHEFS :
Déclarer irrecevable sinon mal fondée la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] en ses demandes,
Débouter la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 539.662 Euros au titre de l’indemnité principale d’éviction,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 53.962 Euros au titre des frais de remploi,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 71.700 Euros au titre des frais de réinstallation,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 22.053 Euros au titre du trouble commercial subi,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE
YACINE les frais de déménagement de la Société AUBERGE YACINE sur justificatif,
Fixer l’indemnité d’occupation à la somme de 23.400 Euros au 1er juillet 2014,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 20.000 Euros au titre des frais irrépétibles de première instance,
condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 10.000 Euros au titre des frais irrépétibles d’appel,
Condamner la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE la somme de 30.000 Euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties.
Motifs de l’arrêt :
Sur l’irrecevabilité de l’ensemble des demandes des consorts [T] en cause d’appel comme étant nouvelles :
Il résulte des articles 18, 566 et 567 du code de procédure civile que les parties ont le droit de se défendre et peuvent faire valoir à hauteur d’appel les demandes qui sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire des prétentions soumises au premier juge. En outre, les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel. En l’espèce et en première instance, les consorts [T] n’avaient pas constitué avocat, à l’exception de Monsieur [L] [T], ni conclu. Les intéressés se contentent essentiellement à hauteur d’appel de demander le débouté des prétentions du bailleur et de limiter l’indemnité d’occupation. Ces demande ne sauraient donc être déclarées comme nouvelles au sens de l’article 564 du code de procédure civile et la demande d’irrecevabilité formée par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à ce titre sera rejetée.
Sur la fin de non recevoir des « prétentions de la SARL Auberge Yacine sur l’indemnisation de l’activité hôtel » :
La fin de non-recevoir s’applique aux demandes formées au dispositif et non aux divers moyens de l’adversaire. En l’espèce, la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] prétend que la SARL AUBERGE YACINE demande « l’indemnisation de l’activité Hôtel ». Force est de constater que le dispositif des conclusions récapitulatives du 9 janvier 2023 de la SARL AUBERGE YACINE ne formule nullement une telle prétention. La cour ne pourra donc statuer ultra petita en considérant que cette fin de non-recevoir s’appliquerait à tout ou partie du dispositif des conclusions de l’intimée. Au surplus et si par un raisonnement extensif, cette fin avait pu avoir vocation à s’appliquer à la demande d’indemnité d’éviction du preneur, il est observé que cette indemnité a vocation à compenser exactement le préjudice causé par l’éviction, l’appréciation du périmètre du préjudice et de son quantum étant dès lors une question de fond. La « fin de non-recevoir » invoquée sera donc rejetée.
Sur les opérations d’expertise et la nullité du document de synthèse déposé par l’expert judiciaire :
Il résulte de l’article 237 du Code de procédure civile que le technicien commis par le tribunal doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité.
Il résulte par ailleurs de l’article 276 de ce code que l’expert doit prendre en considération les observations ou réclamations des parties, et, lorsqu’elles sont écrites, les joindre à son avis si les parties le demandent. Il est par ailleurs précisé que l’expert doit faire mention, dans son avis, de la suite qu’il aura donnée aux observations ou réclamations présentées.
Il résulte enfin de l’article 280 qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l’expert dépose son rapport en l’état.
En l’espèce,aux termes du jugement du 16 décembre 2015 non assorti de l’exécution provisoire, le rapport d’expertise devait être déposé au plus tard le 30 avril 2016. La SARL AUBERGE YACINE a procédé, le 20 janvier 2016, à la consignation initiale. Cependant, la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] a interjeté appel du jugement. Eu égard à cet appel d’un jugement non assorti de l’exécution provisoire est né un différend entre les parties sur la possibilité de commencer les opérations d’expertise en dépit de l’appel en cours. Il apparaît des éléments soumis au débat que c’est l’expert qui a souhaité faire trancher cette difficulté par le juge de la mise en état, ce dernier ayant invite’ l’expert judiciaire à de’marrer ses ope’rations. Cependant, la SARL AUBERGE YACINE s’est abstenue de verser la provision complémentaire et l’expert a donc été autorisé par le juge de la mise en état à déposer son rapport en l’état de ses diligences, conformément à l’article 280 du code de procédure civile. Ce n’est donc qu’un simple ‘ document de synthèse ‘qui a été finalement remis par l’expert le 9 avril 2018, sans que l’expert ait pu répondre aux dires des parties, l’envoi du rapport en l’état constituant la seule diligence pouvant être effectuée à ce stade par l’expert. Dans ces conditions, il ne saurait donc être fait grief à l’expert de ne pas avoir répondu aux dires des parties et il ne ressort de ces éléments aucune démonstration d’attentisme, de partialite’ ou de subjectivite’ de l’expert judiciaire. Toutefois, le document qu’il a déposé ne peut être considéré comme un rapport d’expertise. Ce document de synthe’se a toutefois été soumis aux débats, critiqué contradictoirement par les parties dans le cadre de leurs écritures. Son contenu sera donc apprécié en l’état par la cour au regard des autres pièces produites par les parties le corroborant ou l’infirmant sans que sa valeur probante ne soit privilégiée.
Il n’y a dès lors pas lieu, au vu de l’ensemble de ces éléments, d’annuler ou d’écarter des débats le document de synthe’se produit par l’expert judiciaire.
Sur l’irrecevabilité de la demande de résiliation du bail formée par la SCI L’IMMOBILIER DE
[Localité 17] au regard de l’autorité de la chose jugée :
Le jugement du 16 décembre 2015 a, dans son dispositif, dit que le bailleur ne justifiait pas de motifs graves et légitimes à l’appui du congé qu’elle a fait signifier les 5,6 et 11 décembre 2013.
La chose jugée s’applique donc aux infractions commises avant le congé visé par le dispositif. Dès lors que le bailleur fait valoir des infractions aux clauses du bail postérieures, sa demande s’analyse nécessairement en une demande de déchéance du droit au maintien dans les lieux et de déchéance du droit à une indemnite’ d’e’viction pour le preneur.
Même si le bail commercial a dors et déjà pris fin, la demande en résiliation judiciaire du bail formée par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] sera donc déclarée recevable.
Sur la demande de résiliation judiciaire :
Sur l’usage des locaux par le preneur :
Si le preneur est tenu par le bail de ne faire dans les lieux loués aucun percement de murs et de cloisons de l’immeuble sans le consentement écrit du bailleur, une telle hypothèse n’est ni soutenue, ni démontrée. Il ne saurait en outre être fait grief au preneur d’avoir affecté une partie du local à l’usage de chambres meublées dans la mesure où c’est ici que réside précisément son obligation aux termes du bail qui stipule que l’ensemble des lieux loués ne doit être affecté qu’aux activités de café, hôtel, location de chambres meublées, restaurant, aucune clause du bail ne permettant une autre destination aux locaux ni une affectation particulière des différentes parties du local à l’une ou l’autre activité. De ce point de vue, le nombre de chambres existant à la signature du bail et sa mention ou non dans celui-ci s’avèrent donc inopérant.
Sur la prétendue majoration du chiffre d’affaires du preneur :
La Société AUBERGE YACINE a produit dans le cadre de l’expertise ses bilans certifiés conformes par son expert comptable et déclarés à l’administration fiscales. Le chiffre d’affaire est cohérent avec la capacité des locaux et la destination du bail. Aucune fraude ou mauvaise foi ne peut donc s’inférer de ces éléments. En outre, la réalisation d’un chiffre d’affaires ne constitue pas un manquement aux engagements du preneur au titre du bail de nature à justifier la résiliation de celui-ci ou son inopposabilité au bailleur. En outre, il n’est pas démontré que l’activité hôtelière et le chiffre d’affaires qui en résulte sont inexistants, factices ou à l’origine d’une escroquerie.
Sur la cession cession du droit de bail prétendument dissimulée :
Il est à noter que tant l’ancien preneur que le nouveau exploitent des activités conformes au bail et en cela nécessairement similaires. En outre, la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] échoue à démontrer que le fonds de commerce des consorts [T] avait perdu toute clientèle et que son seul élément d’actif résidait dans son droit au bail.
Le fait pour les anciens preneurs d’avoir cédé leur fonds de commerce à la Société AUBERGE YACINE ne saurait ainsi être considéré comme une infraction au bail qui rappelle au 25° de sa clause de « charges et conditions » la liberté inconditionnelle pour le preneur de céder son fonds de commerce. La cour ne pourra donc considérer que la cession du fonds de commerce des consorts [T] à la SARL AUBERGE YACINE doit être requalifiée en cession du droit au bail sans accord du bailleur ni que cette cession doit être déclarée inopposable au bailleur. En outre, la requalification de la cession du fonds de commerce en cession de droit en bail non autorisée par le bailleur doit s’analyser comme un moyen tendant à établir une infraction au bail et obtenir la résiliation judiciaire de celui-ci mais pas comme une prétention autonome.
Sur les retards de paiement allégués :
La Société AUBERGE YACINE a payé ses loyers, ce dont elle justifie. Les retards allégués n’ont pas fait l’objet d’une mise en demeure et ne sont pas caractérisés dans la mesure où le preneur justifie de multiples demandes au bailleur de lui adresser son relevé d’identité bancaire afin de mettre un terme à l’envoi de chèques non encaissés et de retours d’envoi de chèques avec la mention « n’habite pas à l’adresse indiquée », demandes non suivies d’effet. Dès lors, il ne saurait être reproché au preneur des retards de paiement.
***
Il n’y a donc pas lieu de considérer que les différents manquements allégués sont caractérisés ni qu’ils justifient une résiliation judiciaire du bail par ailleurs déjà résolu ni la perte du droit au maintien dans les lieux et de l’indemnité d’éviction du preneur.
Sur indemnité d’éviction :
Sur l’indemnité principale :
La consistance du fonds de commerce est déterminée par les seules activités autorisées par le bail (Cass. 3e Civ. 3 mai 2013 n°12-17,123) et s’apprécie à l’époque du refus du renouvellement (Cass. 3e Civ. 21 janvier. 1998, n° 96-12,998). Le préjudice s’évalue quant à lui au jour où la juridiction statue si le locataire s’est maintenu dans les lieux (Cass 3e Civ. 28 septembre 2011, n° 10-12,730).
En l’espèce, les activités à prendre en compte au titre de la consistance du fonds de commerce à l’époque du refus du renouvellement sont celles prévues par le bail, soit : café, hôtel, location de chambres meublées, restauration. La circonstance que l’activité d’hôtellerie et de location de chambres meublées n’a pas pleinement été exploitée par Monsieur [T] est dès lors une considération purement factuelle qui comme le relève le premier juge est imputable à la carence de la bailleresse qui n’avait respecté ni son obligation de procéder aux travaux rendus nécessaires par la vétusté de la toiture, ni celle de procéder aux travaux de mise aux normes. En l’espèce, l’hôtellerie est l’activité principale du preneur. Par ailleurs, la fixation de la consistance du fonds de commerce aux activités de bar-restaurant doit s’analyser comme un moyen et non une prétention sur laquelle il conviendrait de statuer dans le dispositif du présent arrêt.
L’expert judiciaire estime que l’éviction entraînera la perte du fonds dans la mesure où il n’existe pas d’immeuble vide à [Localité 16] ou en proche banlieue susceptible d’accueillir un hôtel, commerce qui présente pour les bailleurs une faible rentabilité locative. L’expert amiable de la bailleresse estime lui aussi que l’éviction entraînera la perte du fonds de commerce.
S’agissant de la détermination de la valeur du fonds de commerce, les deux experts estiment que la méthode dite du chiffre d’affaires, consistant à retenir un chiffre d’affaires moyen réalisé au cours des trois dernières années, affecté d’un pourcentage variable selon la branche d’activité et les caractéristiques du fonds, répond mieux aux circonstances de l’espèce et est plus conforme aux usages de la profession. Cette méthode sera donc utilisée en pondérant toutefois le chiffre d’affaires des trois derniers exercices connus, afin de mieux refléter l’évolution de l’activité du commerce considéré, étant observé que la prise en compte de la pondération n’est pas une prétention sur laquelle il appartient à la cour de statuer dans son dispositif. Seul le chiffre d’affaires hors taxes sera pris en considération, soit la valeur ajouté créée par le preneur.
Les parties s’accordent sur le fait que l’activite’ « bar » n’est plus exploite’e depuis 2018 et ne génère donc depuis plus aucun chiffre d’affaires.
Considérant les éléments produits par les parties, l’activité d’exploitation du preneur s’est résumé comme suit :
Il en résulte un chiffre d’affaires moyen pondéré sur les trois derniers exercices connus de 7 783 € pour l’activité « restauration » et de 157 993 € pour l’activité d’hôtellerie.
L’expert judiciaire indique que le barème à appliquer pour l’activité de restauration fluctue entre 50 à 200 % du chiffre d’affaires et pour l’hôtellerie de 250 à 450 %, à raison de la qualité des prestations proposés. Le bailleur produit l’édition Francis Lefebvre de 2021 qui détermine un coefficient de 52,18% pour les activité de restauration rapide et de 67,49% pour les meublés. L’activité de restauration n’ouvre que le midi et apparaît relativement basique de type « fast-food » (constat de novembre 2022) et l’activité d’hébergement est également minimale s’agissant d’une prestation d’accueil d’urgence sociale. Les barèmes retenus seront donc de 100 % pour l’activité restauration et de 150 % pour l’activité d’hôtellerie, soit une valeur de fonds de commerce de 244 773 € (7 783 € x 1 + 157 993 x 1,5) ; cette évaluation coïncide en outre avec la valorisation par la méthode de excédent brut d’exploitation à hauteur de 236 000 € pratiquée par l’expert judiciaire. Il est observé que la fixation des coefficient de valorisation n’est pas une prétention autonome sur laquelle il appartient à la cour de statuer dans son dispositif.
La valeur du droit au bail estimée par l’expert judiciaire se chiffre à 70 900 € tandis que l’expert amiable l’évalue à 40 500 €. Ces deux estimations, et a fortiori l’évaluation faite par le bailleur de la valeur du droit au bail dans ses écritures au montant de 35 312,40 €, sont toutes inférieures à celle de la valeur de fonds de commerce ; la valeur du droit au bail n’étant retenue pour fixer l’indemnité principale que si elle est supérieure à la valeur du fonds de commerce. C’est donc la valeur de fonds de commerce qui sera retenue pour fixer l’indemnité principale d’éviction. En outre, il est observé que la détermination de la valeur du droit au bail ne consiste pas en une prétention à laquelle il appartient à la cour de statuer dans son dispositif.
Sur les indemnités accessoires :
Les frais de remploi :
L’expert judiciaire propose de les fixer à 10 % du montant de l’indemnité principale, ce que les parties ne contestent pas sur le principe. L’indemnité principale ayant été fixée ci-dessus à la somme de 244 773 €, l’indemnité pour frais de remploi sera fixée à la somme de 24 477 €.
Le trouble commercial :
Aucun manquement n’ayant été retenu à l’encontre du preneur à raison de l’exploitation de l’activité hôtelière et eu égard notamment à l’excédent brut d’exploitation qui résulte de cette activité autorisée par le bail, le montant proposé par l’expert judiciaire sera retenu, soit 22 053 €.
Les frais de réinstallation :
S’il est exact que la perte probable du fonds de commerce est dorénavant susceptible d’entraîner l’octroi d’une indemnité pour « frais de réinstallation », il doit cependant être démontré que le preneur présente des besoins d’aménagements spécifiques. En l’espèce et comme le relève le premier juge, les éléments d’équipement et d’agencement pour ce commerce sont sommaires et ne caractérisent donc aucun agencement spécifique. En outre, le preneur ne produit aucun élément de nature à caractériser ni quantifier ce poste de préjudice. La demande présentée de ce chef sera donc rejetée.
Les frais de licenciement :
Ils devront être remboursés sur justificatifs, étant observé que la consistance du bail n’étant pas restreinte aux seules activités de bar-restaurant, c’est l’ensemble des frais de licenciement de tous les personnels, y compris hôteliers, qui devra être indemnisé.
Les frais de déménagement :
Il est exact que la Société AUBERGE YACINE ‘ indépendamment de l’occurrence de sa réinstallation ‘ devra libérer les lieux et ainsi déménager et libérer tous ses effets. Le préjudice étant ainsi certain, il lui sera accordé une somme forfaitaire de 1 000 € à ce titre.
***
Il ressort de1’ensemble des éléments ci-dessus exposés que l’indemnité d’éviction totale due à la SARL AUBERGE YACINE s’élève à la somme de :
– indemnité principale : 244 773 €
– frais de remploi : 24 477 €,
– trouble commercial : 22 053 €,
– frais de déménagement : 1 000 €,
TOTAL : 292 303 €, outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs.
En outre, indemnité d’éviction étant due au preneur, il n’y a pas lieu d’en ordonner la remise à un quelconque séquestre.
Sur l’indemnité d’occupation :
Il résulte de l’article L.145-28 et R 145-7 du code de commerce que le locataire évincé qui se maintient dans les lieux est redevable d’une indemnité d’occupation jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction, qui est égale à la valeur locative compte tenu de tous éléments d’appréciation, notamment les prix couramment pratiqués dans le voisinage concernent des locaux équivalents. Par l’effet du congé, le bail commercial liant la SARL AUBERGE YACINE et la la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] a pris fin le 30 juin 2014.
Le bailleur a communiqué à l’expert judiciaire un certificat de surface établi le 20 juillet 2010 par la société IDE, qu’il reproduit dans son rapport, les locaux présentant une surface totale brute de 238,75 m². Les experts ont opéré une distinction entre la partie café-restaurant accessible au public et le reste des locaux, avec un désaccord pour la pondération de la première surface, étant de 69,18 m²P pour l’expert judiciaire et de 81,08 m²P pour l’expert amiable. En outre, la charte de l’expertise en évaluation immobilière (mars 2017) défini les fourchettes coefficients de pondération des surfaces brutes.
Les parties n’arrivant pas aux mêmes conclusions, il conviendra de se référer au relevé de surface et à la charte susvisée pour fixer la surface pondérée des locaux comme suit :
La surface retenue sera donc de 81,95 m²P pour la partie accessible au publique et de 164,40 m² pour l’autre qui comprend notamment deux chambres au rez-de-chaussée. Il est observé que la fixation de la surface des locaux ne constitue pas une prétention à laquelle il appartient à la cour de statuer dans son dispositif.
En ce qui concerne le prix annuel au m² du local bar-restaurant, l’expert judiciaire a estimé sa valeur à la somme de 250 € du m² avant abattement de précarité (17300€/69,68 m²). L’expert amiable l’estime quant à lui à 300 € (24 300€/81,08 m²). En ce qui concerne, le loyer de l’autre partie (chambres) l’expert judiciaire l’évalue à 200€ du m² à l’année après avoir pratiqué un abattement de 5% pour charges exorbitantes et l’expert amiable à 150 €. L’abattement de 5% pratiqué par l’expert judiciaire apparaît légitime et proportionné dans la mesure où le bail met à la charge du preneur les grosses réparations de l’article 606 du code civil ainsi que la taxe foncière. Le cumul de loyer des deux surfaces aboutit à un loyer annuel total avant abattement pour précarité de 49 321 € pour l’expert amiable et de 49 800 € pour l’expert judiciaire, les deux experts produisant des références comparables.
Sur la base de ces éléments, il sera retenu un loyer annuel de 275 € au m² pour la partie café-restaurant accessible au public, soit 22 536 € (250 € x 81,95 m²P) et de 27 126 € (165€ x 164,4 m²) pour la partie chambres, soit un total de 49 662 € par an, étant rappelé qu’au terme du bail, la destination des locaux n’est pas à usage d’habitation. Il est observé que la fixation de la valeur locative ne consiste pas en une prétention à laquelle il appartient à la cour de statuer dans son dispositif.
Au regard du caractère précaire de l’occupation du preneur, un abattement de précarité de 10% sera appliqué à ce loyer qui s’élèvera donc au montant annuel HT HC de 44 696 € (49 662 € x 0,9) à compter du terme du bail, soit le 30 juin 2014 et ce jusqu’à complète restitution des lieux, étant rappelé que comme démontré ci-dessus le chiffre d’affaires du preneur n’a pas augmenté durant la période du maintien dans les lieux, les trois derniers exercices présentant un montant inférieur à la moyenne des chiffre d’affaires connus de 2015 à 2021, soit 190 472 €. Il est observé que la le choix d’opérer un abattement pour précarité ne constitue pas une prétention à laquelle il appartient à la cour de statuer dans son dispositif. L’indemnité d’occupation étant fixée hors taxes et hors charges et celles-ci demeurant dues, il n’y a pas lieu de fixer une provision au titre de ces dernières et il n’y aura pas lieu de l’indexer dans la mesure où elle a été déterminée conformément aux article L.145-28 et R 145-7 du code de commerce. En outre, la résiliation judiciaire du bail n’ayant pas été ordonnée et le preneur ayant droit au maintien dans les lieux, il ne saurait faire l’objet d’une expulsion ou être condamné à restituer les locaux sous astreinte. En ce qui concerne la demande de compensation entre l’indemnite’ d’e’viction et l’indemnite’ d’occupation, le bailleur bénéficiant d’un droit de repentir, l’indemnité d’éviction n’est pas à ce jour pas certaine ni exigible et il n’y a donc pas lieu d’ordonner la compensation. Il n’appartient pas à la cour d’ordonner qu’une fois le montant de l’indemnite’ d’e’viction payée, la SARL AUBERGE YACINE ne pourra se maintenir dans les lieux et devra en pareille circonstance être déclaré occupant sans droit ni titre et que le bailleur pourra faire procéder à son expulsion, s’agissant d’une situation hypothétique qui ne peut être considérée à ce jour.
Sur les dommages-intérêts réciproques des parties :
L’exercice d’un droit ne dégénère en abus pouvant donner naissance a une dette de dommages-intérêts que dans 1e cas de malice, de mauvaise foi, ou d’erreur grossière équipollente au dol. En outre l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales garantit aux parties l’accès au juge.
En l’espèce, les parties ont tenté de faire valoir leurs droits en justice et lors des opérations d’expertise. En l’occurrence, il n’est donc pas démontré de man’uvre dilatoire ou préjudiciable d’une partie à l’égard de l’autre dans l’exercice de ses droits ni sa mauvaise foi.
Les demandes seront donc rejetées.
Sur les demandes de « rappeler », « constater », prendre acte », « juger » et « dire » :
Par application de l’article 954 du code de procédure civile , la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions. Il n’y a donc pas lieu de statuer sur les demandes tendant à voir « prendre acte », « rappeler », « constater », « dire » ou « juger » qui ne constituent pas des prétentions mais ne sont en réalité que le rappel de moyens invoqués.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens – comprenant les frais de l’expertise ayant contribué à la solution du présent litige – et aux frais irrépétibles seront confirmées.
Les dépens de l’appel seront laissés à la charge exclusive de la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] qui a pris l’initiative du non-renouvellement du bail et la distraction ne sera pas ordonnée. En outre, il apparaît équitable qu’elle indemnise la SARL AUBERGE YACINE, Monsieur [L] [T] et Mademoiselle [E] [T] de leurs frais irrépétibles d’appel à hauteur d’un montant de 1 000 € chacun.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,
REJETTE la fin tendant à voir déclarer IRRECEVABLES les prétentions de Monsieur [L] [T],
REJETTE la fin de non recevoir des prétentions de la SARL Auberge Yacine portant sur « l’indemnisation de l’activité hôtel »
REJETTE la demande de prononcé de la nullite’ du document de synthèse de’pose’ dans le cadre de la présente procédure par Monsieur [N] [BZ], expert judiciaire,
REJETTE la demande de mise à l’écart des débats du document de synthèse de’pose’ dans le cadre de la présente procédure par Monsieur [N] [BZ], expert judiciaire,
REJETTE la demande d’inopposabilité à la SCI L’IMMOBILLIER DE [Localité 17] de la cession du fonds de commerce en date du 16 janvier 2015 et du chiffre d’affaires réalisé par la SARL AUBERGE YACINE,
INFIRME le jugement du 3 mars 2020 en ce qu’il a FIXÉ à la somme de 561 053 euros, le montant de l’indemnité d’éviction due par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la SARL AUBERGE YACINE et FIXÉ le montant de l’indemnité d’occupation due par la SARL AUBERGE YACINE à la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la somme annuelle de 42.491 euros,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau sur ces chefs,
FIXE à la somme de 292 303 €, le montant total de l’indemnité d’éviction due par la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la SARL AUBERGE YACINE, soit :
indemnité principale : 244 773 €
frais de remploi : 24 477 €,
trouble commercial : 22 053 €,
frais de déménagement : 1 000 €,
outre les frais de licenciement qui seront payés sur justificatifs,
FIXE le montant de l’indemnité d’occupation due à la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à la somme annuelle de 44 696 € HT HC, à compter du terme du bail, soit le 30 juin 2014, et ce jusqu’à complète restitution des lieux,
Y ajoutant,
REJETTE les demandes de condamnation de dommages-intérêts formées réciproquement par les parties pour procédures abusives ou man’uvres dilatoires,
REJETTE la demande de compensation judiciaire entre les créances réciproques de la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] et de la SARL AUBERGE YACINE,
REJETTE les demandes d’expulsion de la SARL AUBERGE YACINE et de tous occupants de son chef ainsi qu’il soit statué sur les meubles,
REJETTE les demandes de libération et de restitution des locaux sous astreinte,
REJETTE la demande de provision de la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] au titre des charges et taxes foncières,
Condamne la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] à payer à la SARL AUBERGE YACINE, à Monsieur [L] [T] et à Mademoiselle [E] [T] la somme de 1 000 € chacun en indemnisation de leurs frais irrépétibles d’appel,
Condamne la SCI L’IMMOBILIER DE [Localité 17] aux dépens de l’appel,
REJETTE les autres demandes.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE