Nuisances sonores et olfactives : résiliation du bail confirmée

Notez ce point juridique

————————-

Acquisition de la clause résolutoire :


Selon les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus. L’article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse et que la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. L’article L 145-41 du code de commerce dispose quant à lui que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.
Par ailleurs, aux termes du bail, la destination des locaux est « une activité de CAFE BRASSERIE à l’exclusion de toute autre activités, industries ou professions ». En page 8 du bail, le bail stipule en outre que le preneur est tenu de prendre toutes les précautions nécessaires pour que l’exercice de la profession sus-indiquée ne puisse nuire en quoi que ce soit à la jouissance paisible des voisins, à l’entretien, au bon aspect ou à la bonne tenue de l’immeuble ou de ses dépendances et en page 10 que le bail pourra être résilié de plein droit, un mois après un simple commandement demeuré infructueux :
1. en cas d’infraction aux clauses du bail ;
2. en cas de désordre et de scandales répétés ou abus dans la jouissance.
En l’espèce, la SA ELOGIE-SIEMP a fait signifier, par exploit du 6 juin 2017, à la SAS MELINA une sommation visant la clause résolutoire d’avoir à, dans le délai d’UN MOIS :
respecter la destination des lieux en cessant d’exploiter le bar à chicha ;
cesser l’ensemble des troubles et nuisances pouvant occasionner une gêne pour le voisinage.

Activité de bar à chicha et respect de la destination du bail :


En ce qui concerne l’activité de bar à chicha, il résulte du constat du 7 février 2018 produit par le bailleur, que la SAS MELINA se présente à la clientèle comme une espace de « Chicha – Restaurant – Lounge », les clients étant autorisés à fumer des chichas dans certains espaces.
Le café est un établissement recevant du public où l’on sert des boissons et des repas légers et la brasserie est un établissement où l’on consomme des boissons alcoolisées et où l’on peut également se faire servir des plats froids ou chauds rapidement préparés. Ces définitions ne limitent donc pas l’activité du preneur à une activité de brasserie dite « traditionnelle » et lui laisse la liberté de définir la thématique et le concept de son activité de service de boissons et des plats rapidement préparés. L’usage permettait la consommation de tabac dans ce type d’établissements et se trouve donc nécessairement incluse dans ces services. Cependant, cet usage est dorénavant restreint par de nouvelles dispositions tendant à réduire la consommation de tabac et d’alcool.
L’article L. 3511-7 du code de la santé publique prévoit en effet qu’il est désormais interdit de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif, quel que soit le statut juridique de l’exploitant. Cependant les débits de boissons à consommer sur place titulaires d’une licence de 3ème ou de 4ème catégorie peuvent, sous certaines conditions, revendre du tabac à leur clientèle. Les pièces produites démontrent que la SAS MELINA dispose d’une licence de débit de boissons de 4e catégorie de part la nature de son activité et se trouve autorisée, à la condition de disposer d’un fumoir d’une surface maximale de 20% de la superficie totale de son établissement ne pouvant dépasser 35 m², à revendre du tabac à ses clients (décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006).
Il en résulte que la mise à disposition

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

14 juin 2023
Cour d’appel de Paris
RG n° 21/01700

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 3

ARRET DU 14 JUIN 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01700 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC73B

Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19 / 05055

APPELANTE

S.A.S. MELINA société par actions simplifiée immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 750 917 387, agissant en la perssonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée de Me Gilles HITTINGER ROUX de la SCP HB & ASSOCIES-HITTINGER-ROUX BOUILLOT & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0497

INTIMEE

S.A. ELOGIE-SIEMP immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 552 038 200, prise en la perssonne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social:

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0483

Assistée de Me BENOIT GONIN Maxence, du cabinet LGH, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 4 Avril 2023, en audience publique, devant Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et M. Douglas BERTHE, Conseiller, rapport ayant été fait par M. Douglas BERTHE, conformément aux articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Nathalie RECOULES, Présidente de chambre

Douglas BERTHE, Conseiller

Emmanuelle LEBÉE, Magistrate honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles

Greffier, lors des débats : Laurène BLANCO

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Nathalie RECOULES, Présidente de chambre et par Mme Laurène BLANCO, Greffier présent lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 19 mars 2012, la SGIM, aux droits de laquelle se trouve la société Elogie Siemp, a donné à bail commercial en renouvellement aux époux [C], aux droits desquels se trouve la société Melina à la suite d’un acte de cession de fonds de commerce en date du 30 mai 2012, des locaux situés [Adresse 1], à destination de « café brasserie », exploités sous l’enseigne « Le Soixante-Quinze » moyennant un loyer annuel principal de 14 158 euros.

Par acte d’huissier du 6 juin 2017, la société Elogie-Siemp a fait délivrer à la société Mélina une sommation visant la clause résolutoire du bail de respecter la destination des lieux et de cesser l’ensemble des troubles et nuisances pouvant occasionner une gêne pour le voisinage.

Par acte d’huissier du 13 juillet 2017, la société Elogie-Siemp a fait citer la société Melina aux fins principalement de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail, à défaut résilier le bail et ordonner son expulsion.

Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :

– débouté la société Melina de sa demande aux fins de voir déclarer nulle la sommation visant la clause résolutoire du bail ;

– débouté la société Elogie-Siemp de sa demande aux fins de voir déclarer acquise la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail du 19 mars 2012 la liant à la société Melina ;

– prononcé la résiliation du bail commercial liant la société Elogie Siemp et la société Melina en date du 30 mai 2012 portant sur les locaux situés [Adresse 1], à destination de Café Brasserie, exploité sous l’enseigne « le Soixante-Quinze » ;

– ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les trois mois de la signification du jugement, l’expulsion de la société Melina et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

– dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désignée par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément aux dispositions légales ;

– fixé l’indemnité d’occupation due par la société Melina à compter du jugement et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel et des charges ;

– condamné la société Melina à payer à la société Elogie-Siemp la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Melina de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la décision ;

– rejeté les autres demandes ;

– condamné la société Melina aux entiers dépens, qui comprendront les frais des constats d’huissier des 10 mai 2017 et du 28 juin 2019 ainsi que ceux des sommations du 20 mai 2017 et 06 juin 2017 mais qui ne comprendront pas les autres constats et sommations, avec distraction au profit de maître Hazan-Ponto, avocat en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration du 22 janvier 2021, la société Melina a interjeté appel partiel du jugement.

Par conclusions déposées le 16 juillet 2021, la société Elogie-Siemp a interjeté appel incident partiel du jugement.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 04 avril 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS

Vu les conclusions déposées le 18 octobre 2021, par lesquelles la société Melina, appelante à titre principal et intimée à titre incident, demande à la Cour de :

– recevoir la société Melina en son appel et en ses demandes et les déclarer bien fondées ;

En conséquence,

– infirmer le jugement du 17 décembre 2020 et en ce qu’il :

– « l’a déboutée de sa demande aux fins de voir déclarer nulle la sommation visant la clause résolutoire du bail ;

– a débouté la société Elogie-Siemp de sa demande aux fins de voir déclarer acquise la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail du 19 mars 2012 la liant à la société Melina ;

– a prononcé la résiliation du bail commercial liant la société Elogie-Siemp et la société Melina en date du 30 mai 2012 portant sur les locaux situés [Adresse 1], à destination de Café Brasserie, exploité sous l’enseigne « Le Soixante-Quinze » ;

– ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans les trois mois de la signification du présent jugement, l’expulsion de la société Melina et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

– dit, en cas de besoin, que les meubles se trouvant sur les lieux seront remis aux frais de la personne expulsée dans un lieu désigné par elle et qu’à défaut, ils seront laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l’huissier chargé de l’exécution, avec sommation à la personne expulsée d’avoir à les retirer dans un délai de quatre semaines à l’expiration duquel il sera procédé à leur mise en vente aux enchères publiques, sur autorisation du juge de l’exécution, ce conformément aux dispositions légales ;

– fixé l’indemnité d’occupation due par la société Melina à compter du présent jugement et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel et des charges ;

– condamné la société Melina a payer à la société Elogie-Siemp la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté la société Melina de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;

– ordonné l’exécution provisoire de la présente décision ;

– rejeté les autres demandes » ;

Statuant à nouveau :

Sur la demande de résiliation du bail :

– juger n’y avoir lieu à prononcer la résiliation du bail, dans la mesure où la société appelante n’a ni violé l’article 4 du bail, ni les dispositions de l’article 1728 du code civil ;

En tout état de cause :

– débouter la société Elogie-Siemp de toutes ses demandes ;

– condamner la société Elogie-Siemp à payer à la société Melina la somme 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Elogie-Siemp en tous les dépens, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions déposées le 16 juillet 2021, par lesquelles la société Elogie-Siemp, intimée à titre principal et appelante à titre incident, demande à la Cour de :

– recevoir la société Elogie-Siemp en ses conclusions et demandes et l’y déclarer bien fondée ;

– rejeter l’appel interjeté par la société Melina ;

À titre principal :

– infirmer le jugement entrepris en en ce qu’il a débouté la société Elogie-Siemp de sa demande aux fins de voir déclarer acquise la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail du 19 mars 2012 la liant à la société Melina ;

Statuant à nouveau, constater l’acquisition de la clause résolutoire et en conséquence la résiliation de plein droit du bail liant la société Elogie-Siemp à la société Melina, à compter du 6 juillet 2017 ;

À titre subsidiaire,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail liant la société Elogie-Siemp à la société Melina en date du 30 mai 2012 portant sur les locaux sis [Adresse 1] ;

En tout état de cause,

– confirmer le jugement entrepris en l’ensemble de ses autres dispositions ;

– débouter la société Melina de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Melina à verser à la société Elogie-Siemp la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile au titre des frais irrépétibles de procédure d’appel ;

– condamner la société Melina aux entiers dépens, dont distraction au profit de la société LGH & Associés, prise en la personne de Maître Catherine Hennequin, Avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux conclusions ci-dessus visées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties. Cependant, pour une meilleure compréhension du présent arrêt, leur position sera succinctement résumée.

Sur les manquements du preneur et ses conséquences,

La société Melina expose :

sur l’inexécution de l’obligation contractuelle, qu’elle a respecté ses obligations contractuelles, que la société Elogie Siemp s’est abstenue de démontrer l’existence d’une obligation contractuelle de faire ou de ne pas faire relative à l’activité accessoire, aux nuisances et à l’installation d’un conduit,

sur la gravité des manquements, que le « trou rebouché grossièrement après la délivrance d’une sommation de remise en état délivrée par la bailleresse le 29 mai 2017 », ne peut être un motif suffisamment grave justifiant la résiliation, que l’installation d’un conduit de ventilation était nécessaire à son activité et a entraîné une amélioration, que toutes les prétendues infractions s’attachant aux odeurs et aux bruits sont inopérantes, que la zone litigieuse est une zone particulièrement bruyante compte tenu de l’axe routier et du tramway.

La société Elogie-Siemp expose aussi bien à titre principal qu’à titre subsidiaire que la société Melina a exercé une activité de « bar à chicha » dans les lieux loués et ce en violation de la clause de destination du bail, laquelle se limite à une activité de café-brasserie, qu’elle a également commis de graves nuisances sonores et olfactives provoquant des troubles de voisinage en violation de la page du 8 du bail, laquelle oblige le preneur à « prendre toutes les précautions nécessaires pour que l’exercice de la profession sus-indiquée ne puisse nuire en quoi que ce soit à la jouissance paisible des voisins, à l’entretien, au bon aspect ou à la bonne tenue de l’immeuble ou de ses dépendances » , que les nuisances ont été régulières et persistantes avant la signification de la sommation intervenue le 17 juin 2017, pendant le délai d’un mois après la sommation et à l’expiration de ce délai, qu’ainsi la sommation visant la clause résolutoire est demeurée infructueuse et que la clause résolutoire est acquise, que des plaintes ont été déposées par les locataires tout au long du mois de juin 2017 jusqu’au 27 de ce mois ; qu’il est démontré que la preneuse n’a pas déféré à la sommation intervenue, ce qui emporte l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail à compter du 6 juillet 2017.

Motifs de l’arrêt :

Sur l’acquisition de la clause résolutoire :

Selon les articles 1134 du code civil dans sa rédaction applicable au présent contrat et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et le preneur est tenu de deux obligations principales, soit d’user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus. L’article 1225 du code civil dispose que la clause résolutoire précise les engagements dont l’inexécution entraînera la résolution du contrat, que la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse et que la mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire. L’article L 145-41 du code de commerce dispose quant à lui que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux.

Par ailleurs, aux termes du bail, la destination des locaux est « une activité de CAFE BRASSERIE à l’exclusion de toute autre activités, industries ou professions ». En page 8 du bail, le bail stipule en outre que le preneur est tenu de prendre toutes les précautions nécessaires pour que l’exercice de la profession sus-indiquée ne puisse nuire en quoi que ce soit à la jouissance paisible des voisins, à l’entretien, au bon aspect ou à la bonne tenue de l’immeuble ou de ses dépendances et en page 10 que le bail pourra être résilié de plein droit, un mois après un simple commandement demeuré infructueux :

1. en cas d’infraction aux clauses du bail ;

2. en cas de désordre et de scandales répétés ou abus dans la jouissance.

En l’espèce, la SA ELOGIE-SIEMP a fait signifier, par exploit du 6 juin 2017, à la SAS MELINA une sommation visant la clause résolutoire d’avoir à, dans le délai d’UN MOIS :

respecter la destination des lieux en cessant d’exploiter le bar à chicha ;

cesser l’ensemble des troubles et nuisances pouvant occasionner une gêne pour le voisinage.

En ce qui concerne l’activité de bar à chicha, il résulte du constat du 7 février 2018 produit par le bailleur, que la SAS MELINA se présente à la clientèle comme une espace de « Chicha – Restaurant – Lounge », les clients étant autorisés à fumer des chichas dans certains espaces.

Le café est un établissement recevant du public où l’on sert des boissons et des repas légers et la brasserie est un établissement où l’on consomme des boissons alcoolisées et où l’on peut également se faire servir des plats froids ou chauds rapidement préparés. Ces définitions ne limitent donc pas l’activité du preneur à une activité de brasserie dite « traditionnelle » et lui laisse la liberté de définir la thématique et le concept de son activité de service de boissons et des plats rapidement préparés. L’usage permettait la consommation de tabac dans ce type d’établissements et se trouve donc nécessairement incluse dans ces services. Cependant, cet usage est dorénavant restreint par de nouvelles dispositions tendant à réduire la consommation de tabac et d’alcool.

L’article L. 3511-7 du code de la santé publique prévoit en effet qu’il est désormais interdit de fumer dans tous les lieux affectés à un usage collectif, quel que soit le statut juridique de l’exploitant. Cependant les débits de boissons à consommer sur place titulaires d’une licence de 3ème ou de 4ème catégorie peuvent, sous certaines conditions, revendre du tabac à leur clientèle. Les pièces produites démontrent que la SAS MELINA dispose d’une licence de débit de boissons de 4e catégorie de part la nature de son activité et se trouve autorisée, à la condition de disposer d’un fumoir d’une surface maximale de 20% de la superficie totale de son établissement ne pouvant dépasser 35 m², à revendre du tabac à ses clients (décret n° 2006-1386 du 15 novembre 2006).

Il en résulte que la mise à disposition de fumoir ne constitue donc pas par nature l’activité principale de la la SAS MELINA. Dès lors, il ne peut être reproché à la locataire de ne pas avoir respecté la destination du bail en offrant à ses clients l’usage de chicha, ni davantage lui être reproché de ne pas avoir cessé cet activité dans le délai imparti dans la sommation du 6 juin 2017.

En ce qui concerne les troubles occasionnés au voisinage, il ressort des pièces produites qu’avant la délivrance de la sommation, le voisinage s’était plaint des nuisances occasionnées par la locataire.

Cependant, la bailleresse n’établit pas que l’infraction a persisté au cours du délai compris entre le 6 juin et le 6 juillet 2017, le bailleur reconnaît lui-même ce délai d’un mois imparti au preneur pour faire cesser les infractions dans le commandement qu’il a fait délivrer. Les nuisances postérieures à ce délai sont ainsi nécessairement inopérantes pour constater l’acquisition de la clause résolutoire par 1’effet du commandement.

Il convient, en conséquence, de confirmer le jugement entrepris sur ce point, en ce qu’il a débouté la SA ELOGIE-SIEMP sa demande aux fins de voir déclarer acquise la clause résolutoire insérée dans le contrat de bail du 19 mars 2012. En outre la SAS MELINA MELINA sollicite l’infirmation du jugement du 17 décembre 2020 et en ce qu’il l’a déboutée de sa demande aux fins de voir déclarer nulle la sommation visant la clause résolutoire du bail mais ne développe pas de moyens à ce sujet. La cour adopte les motifs du premier juge relatifs à la nullité alléguée du commandement et à l’absence de mauvaise foi du bailleur qui lui paraissent pertinents et sa décision sur ce point sera confirmée.

Sur la demande de résiliation judiciaire du bail :

Selon les articles 1134, 1741 et 1728 du code civil dans leur rédaction applicable au présent contrat, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, le contrat de bail se résout par le défaut des parties de remplir leur engagement et le preneur est tenu d’user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail. L’article 1227 du Code civil indique que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice sans qu’une mise en demeure préalable, sauf stipulation contraire, soit nécessaire. Le manquement contractuel doit présenter toutefois une gravité suffisante pour justifier de résiliation du bail. Par ailleurs, l’article L.145-14 du code de commerce dispose que si le bailleur refuse le renouvellement du bail, il doit payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement. Cependant le bailleur peut être dispensé du paiement de l’indemnité d’éviction s’il démontre qu’après avoir délivré son congé, il a eu connaissance d’une infraction au bail qui existait antérieurement à la délivrance de son congé et suffisamment grave pour justifier la résiliation.

La cour observe que le local commercial se situe en zone urbaine à proximité de logements.

S’agissant de la période antérieure à la sommation visant la clause résolutoire du 6 juin 2017, il ressort des pièces produites :

– que pour réaliser une aération, la SAS MELINA a crée sans autorisation une ouverture dans le mur séparant son local et le couloir commun des caves de l’immeuble ;

– que les 27 décembre 2015 et 5 janvier 2016 un voisin écrivait à la SA ELOGIE SIEMP pour se plaindre des nuisances sonores nocturnes (musique, coups de klaxon des clients la SAS MELINA malgré les interventions de la police) ;

– que par lettre du 2 mars 2016, adressé la SAS MELINA, la SA ELOGIE SIEMP évoquait les plaintes du voisinage et l’invitait à préserver la tranquillité des voisins sous peine de recevoir un congé ;

– que le 8 mai 2017, une voisine écrivait à la mairie du 13 e arrondissement, pour se plaindre des nuisances sonores résultant notamment de la musique, des ‘ écrans-télés ‘ installés sur la terrasse extérieure, des éclats de voix, klaxon des clients ainsi que du refus du propriétaire de l’établissement de prendre des mesures pour remédier à ces problèmes.

S’agissant de la période postérieure à la sommation visant la clause résolutoire du 6 juin 2017, il ressort des pièces produites :

– que par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 juin 2017 ont été adressées au bureau des actions contre les nuisances de la préfecture de police de [Localité 6] formulaires de plaintes pour nuisances sonores provenant du ‘ Soixante-Quinze ‘, établies courant juin 2017, par des personnes résidant dans l’immeuble du [Adresse 1], faisant notamment état de nuisances sonores nocturnes depuis environ deux ans (musique très forte, cris, conversations bruyantes…), d’encombrement de la chaussée, de fumée de chicha pénétrant dans les logements, ainsi qu’une pétition ;

– qu’une pétition, signée de 59 personnes a été adressée a la SA ELOGIE SIEMP pour se plaindre des agissements du ‘ Soixante-Quinze ‘ : nuisances sonores tardives (musique, cris), nuisances olfactives (fumée montant dans les étages), occupation abusive du trottoir par les tables et de la chaussée (encombrement du passage piéton, de l’accès au parking, de l’accès a l’immeuble) et demander à la bailleresse de trouver une solution rapide a ces nuisances ;

– que ‘ le soixante quinze ‘ a fait l’objet d’une décision de fermeture administrative pour la période du 8 septembre 2017 au 7 octobre 2017 par la préfecture de police ;

– que selon procès-verbal du 19 janvier 2018, l’huissier était reçu par un voisin de l’exploitant où il constatait des nuisances liées à de la musique avec des basses nettement audibles (volumétrie de 40 db) ainsi que de bruits de chaises, la présence de personnes sur le devant du local commercial criant et chantant, qu’il constatait dans la cave un egaine en aluminium expirant de l’air et une forte odeur de fumée type chicha, constatations effectuées jusqu’à 0h20 ;

– que le 9 mai 2018 un autre résident a adressé une nouvelle plainte à la préfecture de police pour dénoncer la persistance des nuisances sonores et olfactives ;

– que le 8 avril 2019, une résidente de 1’immeuble a adressé un courriel pour signaler que les nuisances olfactives et sonores se poursuivent malgré l’intervention de la préfecture (musique, bruits des clients, fumée de chicha envahissant l’immeuble et l’ascenseur en raison de l’instal1ation d’un fumoir dans la cave sans aération) ;

– que le 31 juillet 2018, le bureau d’actions contre les nuisances professionnelles de la mairie de [Localité 5] a écrit a la SA ELOGIE-SIEMP, lui joignant copie du rapport d’enquête effectuée par l’inspecteur de salubrité concluant que l’émergence sonore enregistrée est superieure au seuil de tolérance fixé par le code de la santé publique, que les nuisances olfactives ne respectent pas les dispositions du règlement sanitaire de la ville de [Localité 5] ni celles du code de la santé publique relatives à l’interdiction de fumer dans les lieux affectés à un usage collectif, et indiquant qu’un délai de trois mois était imparti à 1’exploitant pour régulariser sa situation ;

– que selon le rapport d’enquête, 1e 25 juillet 2018, dans la pièce principale du domicile d’un voisin, fenêtre fermées, la musique et les bruits de la clientèle sont audibles, avec une émergence relevée supérieure a celle admise par la réglementation, par ailleurs, une enquête effectuée les 10 et 19 juillet 2018 a permis de constater que des odeurs de narguilé sont perçues dans ce logement ;

– que le 28 juin 2019, un procès-verbal de constat établi à 22 heures 45 relevait que depuis la voie publique ‘ de la musique est largement audible ‘, que dans la cour de l’immeuble deux fenêtres du ‘Soixante-Quinze ‘ sont ‘largement ouvertes’ si bien que des odeurs de cuisines sont ‘ largement perceptibles ‘ ainsi que des bruits de musique et instruments dc cuisine qui résonnent dans l’enceinte de la cour, que dans le hall du bâtiment B, de la musique est largement audible et résonne. Cette même musique est audible du rez-de-chaussée au 2e étage… ‘, qu’au sous-sol des caves du bâtiment B ‘ de la musique est audible et résonne. Cette musique provient du mur face en descendant l’escalier ainsi qu’au fond du couloir de droite. Des bruits de déplacements de meubles ainsi qu’un brouhaha de plusieurs personnes sont audibles et résonnent ‘, et ce, alors que selon les parties, la locataire aurait installé un limitateur de son en juillet 2018, manifestement insuffisant.

L’authenticité des différents courriers et plaintes, corroborant les constats d’huissier et l’enquête des services de la mairie, n’est pas discutée.

Il en résulte des nuisances sonores et olfactives avérées, particulièrement graves, persistantes et réitérées au détriment des occupants des logements de l’immeuble, et ce en violation des dispositions légales et des stipulations contractuelles précitées, étant précisé que les éléments soumis par le preneur, notamment les travaux acoustiques réalisés, ne sont pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité. Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point. De même les conséquences de la résiliation, soit la restitution volontaire des lieux et à défaut l’expulsion et sort des meubles, qui ne sont pas débattues par les parties seront confirmées. De même, il convient de confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a condamné la preneuse au paiement d’une indemnité d’occupation à compter du jugement et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, d’un montant égal à celui du loyer contractuel, outre les charges.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions portant sur les frais irrépétibles et les dépens. La SAS MELINA, succombant, il conviendra d’autoriser la S.E.L.A.S. LGH & Associés, prise en la personne de Maître Catherine HENNEQUIN, avocat aux offres de droit, à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a été fait l’avance sans avoir reçu provision en application de l’article 699 du code de procédure civile. La SAS MELINA devra en outre indemniser la SA ELOGIE-SIEMP de ses frais irrépétibles d’appel en lui payant la somme de 2 000 € en application de l’article 700 du même code.

PAR CES MOTIFS 

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 17 décembre 2020 du tribunal judiciaire de Paris,

CONDAMNE SAS MELINA à payer à la SA ELOGIE-SIEMP la somme de 2 000 € en indemnisation de ses frais irrépétibles d’appel,

CONDAMNE SAS MELINA aux dépens de l’appel et autorise la S.E.L.A.S. LGH & Associés, prise en la personne de Maître Catherine HENNEQUIN, avocat aux offres de droit, à recouvrer directement ceux dont il a été fait l’avance sans recevoir de provision en application de l’article 699 du code de procédure civile,

REJETTE les autres demandes.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top