Litige sur paiement des arriérés de loyers

Notez ce point juridique

Réformation du jugement demandée par le liquidateur judiciaire

Le liquidateur judiciaire demande la réformation du jugement et sollicite, sur le fondement des nullités facultatives de la période suspecte, la condamnation de la bailleresse à lui rembourser la somme 103.436,93 euros correspondant au paiement des arriérés de loyers, en lui reprochant d’avoir eu connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio.

Arguments du liquidateur judiciaire

Il soutient que la société bailleresse avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio lorsqu’elle a obtenu le règlement préférentiel de sa créance, et que l’acte de cession du fonds de commerce et le paiement des arriérés de loyers sont intervenus pendant la période suspecte.

Arguments de la société bailleresse

La société bailleresse affirme être intervenue à la signature de l’acte de cession conformément au bail commercial et que la clause stipulant que la société Astonio n’était pas en état de cessation des paiements reflète la volonté des parties. Elle conteste avoir eu connaissance de cet état et soutient que le prix de cession couvrait le passif exigible.

Décision du tribunal

Le tribunal a confirmé le jugement en faveur de la société bailleresse, estimant qu’il n’était pas démontré qu’elle avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio au moment du paiement. Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective et une somme de 2.000 euros sera versée à la société bailleresse au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

25 juillet 2023
Cour d’appel de Paris
RG n° 22/11755

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 25 JUILLET 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/11755 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAQC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2021015785

APPELANTE

S.E.L.A.F.A. MJA ès qualités de Mandataire liquidateur de la société ASTONIO immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 803 916 451

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentée par Me Jacques GOURLAOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque : A0396

INTIMES

M. [X] [W] [L]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Défaillant

S.C.I. WAK BROS

prise en la personne de ses représentants légaux

immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PONTOISE sous le numéro 809 952 625

[Adresse 2]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 20 Avril 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Mme Déborah CORICON, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

GREFFIER : Mme Saoussen HAKIRI lors des débats.

ARRET :

– réputé contradictoire,

– rendu par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffier présent lors de la mise à disposition.

**********

La SCI Wak Bros avait consenti à la SAS Astonio un bail commercial portant sur des locaux sis», [Adresse 4] à [Localité 8], où elle exploitait un fonds de commerce de restaurant sous l’enseigne « Al Piccolo » .

M.[L], président de la société Astonio, s’était porté caution solidaire du preneur.

En raison d’impayés de loyers, la SC Wak Bros, par acte du 5 mai 2017 avait assigné la société Astonio aux fins d’acquisition de la clause résolutoire et de son expulsion, puis par protocole transactionnel du 13 juin 2017, homologué par ordonnance de référé du président du tribunal judiciaire de Paris du 4 juillet 2017, le règlement de la dette locative a été organisé et la transaction précisait qu’en l’absence de paiement dans les conditions prévues, la clause résolutoire du bail serait acquise.

En février 2019, la société Wak Bros a fait inscrire sur le fonds de commerce, en sa qualité de bailleur, un nantissement à hauteur de 75.000 euros.

Par acte du 11 mars 2020, la SAS Astonio a cédé son fonds de commerce à la société Angevi Trading pour un prix de cession de 150.000 euros. Etaient notamment annexés à l’acte, les inscriptions de privilèges, le bilan de 2018 comprenant des pertes en report à nouveau d’un montant de 47.709 euros et un passif de 306.536 euros. La société Wak Bros, bailleresse, a été appelée à la signature de l’acte.

Dans le cadre de cette cession il a été convenu que la société Astonio règle au jour de la cession, à la bailleresse, la SCI Wak Bros une somme totale de 91.013,36 euros décomposée comme suit : loyers et charges impayés 95.162,99 euros, moins le dépôt de garantie de 12.423,57 euros, auquel était ajouté 8.273,94 euros au tire des pénalités.

L’acte de cession précisait en outre que la bailleresse donnait main levée du nantissement de 75.000 euros, inscrit sur le fonds de commerce et libérait MM [L] et [C] de leur engagement de caution.

Il résulte de cet acte que d’autres inscriptions avaient été prises sur le fonds de la société Astonio par l’URSSAF Île de France et Klésia Retraite ARRCO, pour un montant total de 31.921 euros.

Saisi par assignation de l’URSSAF, par jugement du 5 novembre 2020, le tribunal de commerce de Paris, a prononcé la liquidation judiciaire de la société Astonio et désigné la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], en qualité de liquidateur judiciaire. La date de cessation des paiements a été fixée au 5 mai 2019, soit 18 mois antérieurement au prononcé du jugement.

Me [B], ès qualités, a assigné la société Wak Bros par acte du 15 février 2021, aux fins d’obtenir la condamnation de la bailleresse à lui restituer les sommes reçues à l’occasion de la cession du fonds de commerce, sur le fondement des nullités de la période suspecte, considérant qu’elle avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio lors du règlement intervenu durant la période suspecte.

Par jugement du 15 juin 2022, le tribunal de commerce de Paris a débouté la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Astonio, de l’ensemble de ses demandes, et dit n’y avoir lieu à l’application de l’article 700 du Code de procédure civile.

La SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Astonio a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 22 juin 2022.

*****

Dans ses conclusions d’appelante notifiées par RPVA le 14 septembre 2022, la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Astonio demande à la cour de :

Faisant droit à l’appel interjeté par la SELAFA MJA ès qualités.

Dire cet appel recevable et bien fondé.

En conséquence,

Réformer le jugement entrepris,

Vu l’article L 632-2 et l’article L 632-3 du Code de Commerce,

Vu l’acte de cession du fonds de la société ASTONIO du 11 mars 2020 et les bilans y annexés,

Dire que la société WAK BROS n’a pu obtenir le règlement contesté que par un démembrement des actifs de sa cocontractante et en l’espèce, par la cession de son fonds de commerce suscité de longue date qui a entraîné l’arrêt de son activité, le prix de cession dans ce contexte ne pouvant être considéré comme un actif disponible.

Dire que la société WAK BROS avait une connaissance personnelle acquise au moment du règlement préférentiel dont elle a bénéficié, en pleine période suspecte de l’état de cessation des paiements de la société ASTONIO, notamment à la lecture des annexes de la cession comportant les bilans de l’entreprise.

En conséquence, la condamner à rembourser à la SELAFA MJA ès qualités la somme de 103 436.93 €.

Condamner la société ASTONIO à payer à la SELAFA MJA la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La condamner en tous les dépens.

*****

Dans ses conclusions d’intimée notifiées par RPVA le 13 décembre 2022, la société Wak Bros demande à la cour de :

RECEVOIR la société WAK BROS en ses demandes, fins et conclusions,

La disant bien-fondé :

DEBOUTER la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [Y] [B], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société ASTONIO, de son appel et de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence :

CONFIRMER dans toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal de Commerce de PARIS le 15 juin 2022

Y ajoutant,

CONDAMNER la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [Y] [B], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société ASTONIO à régler à la société WAK BROS la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, laquelle somme sera inscrite à titre privilégié au passif de la procédure de liquidation judiciaire,

CONDAMNER la SELAFA MJA, prise en la personne de Maître [Y] [B], ès qualités de Liquidateur judiciaire de la société ASTONIO aux entiers dépens

*****

Bien que la déclaration d’appel et les conclusions lui aient été régulièrement signifiées par acte d’huissier du 20 septembre 2022, M. [L] n’a pas constitué avocat.

*****

SUR CE,

Le liquidateur judiciaire demande la réformation du jugement et sollicite, sur le fondement des nullités facultatives de la période suspecte, la condamnation de la bailleresse à lui rembourser la somme 103.436,93 euros correspondant au paiement des arriérés de loyers, en lui reprochant d’avoir eu connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio.

Il rappelle que la date de cessation des paiements a été fixée au 5 mai 2019, de sorte que l’acte de cession du 11 mars 2020 et le paiement des arriérés de loyers sont intervenus pendant la période suspecte.

Il soutient que la société Wak Bros, bailleresse, avait connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio lorsqu’elle a obtenu le règlement préférentiel de sa créance, puisqu’elle est intervenue à l’acte de cession du fonds de commerce et avait donc une connaissance circonstanciée de la situation ainsi que des annexes comportant les bilans de la société cédante.

Le liquidateur judiciaire souligne que la mention dans l’acte de cession que la société Astonio « n’est pas en état de cessation des paiements », n’a aucune portée car, selon lui, il s’agit d’une clause de style, retranscrite habituellement dans les actes de cession de fonds de commerce. Il ajoute que cette mention est contredite par d’autres mentions notamment celles relatives à l’existence de créanciers impayés (tels que l’URSSAF Île de France, Klésia retraite ARRCO) pour un montant de 33.437 euros, celles mettant en évidence des pertes de 47.709 euros et un passif de 306.536 euros, démontrant, selon lui, l’existence d’un état de cessation des paiements de la société. Il considère que l’existence de privilèges sur un fonds de commerce caractérise un état de cessation des paiements.

La société Wak Bros répond être intervenue à la signature de l’acte de cession conformément à l’article 10 du bail commercial et rappelle que son intervention était limitée à la renonciation aux effets de l’ordonnance de référé rendue le 4 juillet 2017, au fait de donner mainlevée du nantissement du fonds de commerce d’un montant de 75.000 euros et afin de libérer les représentants légaux de la société Astonio de leurs engagements de caution personnelle et solidaire du bail commercial. 

Elle fait valoir que l’article 6.1 de l’acte de cession stipule que les sociétés Astonio et Angevi Trading « ne sont pas en état de cessation des paiements, qu’aucune procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire n’a été ouverte à leur encontre ». Elle réfute l’argument selon lequel cette clause serait retranscrite dans tous les actes de cession et soutient que l’acte reflète la volonté des parties, cocontractants de bonne foi.

Elle ajoute que les chiffres d’affaires et résultats de la société Astonio mentionnés dans l’acte de cession sont insuffisants à prouver l’état de cessation des paiements de la société Astonio, sa connaissance de cet état ou la connaissance de l’état de cessation des paiements par la société Agenvi Trading.

Elle souligne que si l’état d’endettement annexé révèle des inscriptions de créanciers sociaux d’un montant de 31.921 euros, celles-ci pouvaient être couvertes par le prix de cession séquestré après paiement de la dette locative, ce qui ne laissait pas apparaitre un état de cessation des paiements.

Selon l’article L. 632-2 du Code de commerce : « Les paiements pour dettes échues effectués à compter de la date de cessation des paiements et les actes à titre onéreux accomplis à compter de cette même date peuvent être annulés si ceux qui ont traité avec le débiteur ont eu connaissance de la cessation des paiements.

Par ailleurs, selon l’article L.631-1 du code de commerce, l’état de cessation des paiements se définit comme étant l’impossibilité de faire face à son passif exigible avec son actif disponible.

En l’espèce, il résulte des énonciations de l’acte de cession que le fonds de commerce de la société Astonio a été cédé pour un montant de 150.000 euros, que la bailleresse a perçu la somme de 91.013,36 euros ( et non 103.436,93 euros comme indiqué à tort par le liquidateur judiciaire), décomposée comme suit : loyers et charges impayés 95.162,99 euros, moins le dépôt de garantie de 12.423,57 euros, auquel était ajouté 8.273,94 euros au titre de la clause pénale, et que les inscriptions de privilèges, hors le nantissement de la bailleresse étaient d’un montant de 31.921 euros, de sorte que le prix de vente couvrait tant ces inscriptions que le paiement effectué entre les mains de la bailleresse.

Ainsi, après les paiements intervenus consécutifs à la vente, aucun autre élément ne permettait de caractériser aux yeux d’un tiers, l’état de cessation des paiements de la société Astonio puisque le prix de cession pouvait apparaître comme permettant de régler le passif exigible.

Il s’ensuit qu’il n’est pas démontré que la société Wak Bros, bailleresse, avait, le 11mars 2020, date à laquelle elle a perçu le paiement, connaissance de l’état de cessation des paiements de la société Astonio et, en conséquence, le jugement sera confirmé.

Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Astonio, sera condamnée à payer à la société Wak Bros une somme de 2.000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement,

Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,

Condamne la SELAFA MJA, prise en la personne de Me [B], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Astonio à payer à la société Wak Bros une somme de 2.000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE

 

 

0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x
Scroll to Top