Clause résolutoire : preuve de la créance et demande de provision

Notez ce point juridique

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, le juge des référés peut constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail commercial, à condition que certaines conditions soient remplies. En l’espèce, la société demanderesse n’a pas réussi à prouver le caractère manifestement fautif du défaut de paiement, et la somme réclamée a été payée dans le délai imparti. Par conséquent, les demandes de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et d’expulsion sont rejetées.

Sur les demandes de provision

Le juge des référés peut accorder une provision au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable. En l’espèce, la société ZEDKA est condamnée à payer une provision au titre des loyers et charges dues. Les intérêts seront calculés à partir de la date de délivrance de l’assignation.

Sur les mesures accessoires

Le juge des référés statue sur les dépens et peut condamner la partie perdante à les payer. En l’espèce, la société ZEDKA est condamnée à supporter les dépens, ainsi qu’une somme de 1000 euros au titre des frais exposés par la société ARTOIS DAMPLY.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

28 février 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 23/59315

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/59315 – N° Portalis 352J-W-B7H-C3PQJ

N° : 5 – MD

Assignation du :
11 et 13 Décembre 2023

[1]

[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 28 février 2024

par Marie-Hélène PENOT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Maude DEAUVERNE, Greffier.
DEMANDERESSE

La S.C.I. ARTOIS DAMPLY
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Pascale BIKARD, avocate au barreau de PARIS – #D1890

DEFENDERESSES

La S.A.R.L. ZEDKA
[Adresse 7]
[Localité 6]

non représentée

CREANCIER INSCRIT

La CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE
[Adresse 2]
[Adresse 3] (pour la signification)

non représentée

DÉBATS

A l’audience du 24 Janvier 2024, tenue publiquement, présidée par Marie-Hélène PENOT, Juge, assistée de Maude DEAUVERNE, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte du 23 novembre 2009, la société civile immobilière ARTOIS DAMPLY a donné à bail commercial à Monsieur [P] [Z] des locaux situés [Adresse 7] et [Adresse 4] – [Localité 6], moyennant un loyer annuel en principal de 34 000 euros, hors charges et hors taxes, payable d’avance à une fréquence mensuelle.

Par avenant du 18 mars 2010 puis acte de cession de fonds de commerce en date du 12 septembre 2017, Monsieur [Z] s’est vu substituer, en qualité de preneur, la société à responsabilité limitée EME SUSHI, laquelle a cédé son fonds de commerce à la société à responsabilité limitée CHEZ NATSU.

Par acte du 21 février 2019, la société ARTOIS DAMPLY et la société CHEZ NATSU ont renouvelé le bail les liant à effet au 23 novembre 2018, moyennant un loyer annuel de 37 511,61 euros.

Par acte sous seing privé en date du 19 juillet 2019, la société CHET NATSU a cédé son fonds de commerce à la société à responsabilité limitée ZEDKA.

Par acte extrajudiciaire délivré le 5 juin 2023, le bailleur a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 13 414,70 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 2 juin 2023 et de pénalités de retard, augmentée du coût de l’acte.

Par assignation délivrée le 11 décembre 2023, la société ARTOIS DAMPLY a attrait la société ZEDKA devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé, aux fins de voir :
– constater l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail ;
– ordonner l’expulsion de la société ZEDKA et celle de tous occupants de son chef des lieux loués avec le concours de la force publique si besoin,
– assortir l’expulsion d’une astreinte de 15 euros par jour de retard à compter du seizième jour suivant la signification de l’ordonnance à intervenir ;
– ordonner le transport et la séquestration du mobilier trouvé dans les lieux dans tel garde-meubles qu’il plaira au bailleur aux frais, risques et péril de la partie expulsée ;
– condamner la société ZEDKA à payer à la société ARTOIS DAMPLY la somme provisionnelle de 14272,37 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 5 décembre 2023 (terme du mois de décembre 2023 inclus), avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance du commandement sur la somme de 12 195,18 et à compter de l’assignation pour le surplus ;
– condamner la société ZEDKA au paiement d’une indemnité d’occupation provisionnelle égale au montant du loyer augmenté des charges, jusqu’à la libération des locaux qui se matérialisera par la remise des clés ou l’expulsion du défendeur ;
– dire que le dépôt de garantie demeurera acquis au bailleur ;
– condamner la société ZEDKA au paiement d’une somme de 2500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût du commandement.

Bien que régulièrement assignée selon les formes prévues à l’article 654 du code de procédure civile, la société ZEDKA n’a pas constitué avocat, de sorte qu’il doit être statué par décision réputée contradictoire.

A l’audience du 24 janvier 2024, la société ARTOIS DAMPLY a, par l’intermédiaire de son conseil, maintenu les prétentions de son exploit introductif d’instance et les moyens qui y sont contenus.

L’assignation a été dénoncée à a société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE, créancier inscrit.

Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation introductive d’instance.

MOTIFS

Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparait pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes

L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

La juridiction des référés n’est toutefois pas tenue de caractériser l’urgence, au sens de l’article 834 du code de procédure civile, pour constater l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d’un bail.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu’un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Le bailleur, au titre d’un bail commercial, demandant la constatation de l’acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
– le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
– le bailleur soit, de toute évidence, en situation d’invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
– la clause résolutoire soit dénuée d’ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.

En l’espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Le bail comprend une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou d’inexécution d’une clause quelconque du contrat et un mois après la délivrance d’un commandement de payer demeuré infructueux.

Le commandement de payer signifié le 5 juin 2023 à la société ZEDKA vise cette clause. Il porte sur une somme en principal de 13 414,70 euros, laquelle se décompose d’une part en la somme de 12195,18 euros au titre de l’arriéré locatif consistant en plusieurs échéances de loyer et provision sur charges, d’autre part en la somme de 1219,52 euros au titre d’une pénalité de retard.

Le bail ne prévoit pas expressément que la clause résolutoire puisse être mise en œuvre par suite du non paiement de pénalités, de sorte que le caractère manifestement fautif du défaut de paiement de la somme de 1219,52 euros n’est pas établi. Pour autant, un commandement signifié pour une somme supérieure à la somme due n’est pas nul mais voit simplement ses effets réduits au montant de la créance dont l’exigibilité n’est pas sérieusement contestable, soit en l’espèce 12195,18 euros.

Il ressort du décompte produit par la société ARTOIS DAMPLY que la somme de 12195,18 euros a été acquittée par chèque le 26 juin 2023, soit dans le mois de la délivrance du commandement de payer.

La société demanderesse sera en conséquence déboutée de ses demandes tendant à voir constater l’acquisition de la clause résolutoire et des prétentions subséquentes tendant à l’expulsion, à la fixation provisionnelle d’une indemnité d’occupation et à la conservation du dépôt de garantie.

Sur les demandes de provision

L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.

Aux termes de l’article 1353 du code civil, c’est à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, au vu du décompte produit par la société ARTOIS DAMPLY, l’obligation de la société ZEDKA au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d’occupation au 5 décembre 2023 n’est pas sérieusement contestable à hauteur de 14272,37 euros (échéance du mois de décembre 2023 comprise), somme au paiement de laquelle il convient de condamner la société ZEDKA à titre de provision. Les causes du commandement ayant été apurées, la condamnation emportera intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation, premier acte valant mise en demeure.

Sur les mesures accessoires

L’article 491 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Le défendeur, qui succombe, doit supporter la charge des dépens, ne comprenant pas le coût du commandement de payer qui n’entretient pas de lien nécessaire avec l’instance en ce que ses causes ont été apurées.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, 2° et, le cas échéant, à l’avocat du bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l’aide aurait exposés s’il n’avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s’il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l’Etat.

Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.

Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de la société ZEDKA ne permet d’écarter la demande de la société ARTOIS DAMPLY formée sur le fondement des dispositions sus-visées. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 1000 euros en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,

Rejetons les demandes relatives à l’acquisition de la clause résolutoire, à l’expulsion, à l’indemnité d’occupation et à la conservation du dépôt de garantie ;

Condamnons par provision la société ZEDKA à payer à la société ARTOIS DAMPLY la somme de quatorze mille deux cent soixante-douze euros et trente-sept centimes (14272,37 euros) à valoir sur les loyers, charges et accessoires arriérés arrêtés au 5 décembre 2023 (échéance du mois de décembre 2023 incluse), avec intérêts au taux légal à compter du 11 décembre 2023 ;

Condamnons la société ZEDKA aux dépens de l’instance ;

Condamnons la société ZEDKA à payer à la société ARTOIS DAMPLY la somme de mille euros (1000 euros) par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons toutes les autres demandes des parties ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 28 février 2024

Le Greffier,Le Président,

Maude DEAUVERNEMarie-Hélène PENOT

 

 

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