Présentation de l’affaire
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Les obligations des copropriétaires
Aux termes de l’article 9, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Les travaux sur les parties communes
En l’espèce, il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 10 juin 2021 produit par le syndicat des copropriétaires qu’un système d’extraction de fumées a été installé dans le local appartenant à l’appelante, qui se manifeste par la présence de deux grilles d’aération sur la devanture, au-dessus de l’enseigne, sur la façade extérieure et sur le côté droit du commerce.
La contestation de l’appelante
La SCI La Croix ne conteste ni les travaux ni l’absence d’autorisation préalable, mais soutient que la société NMK, qui exploite désormais son local qu’elle avait donné à bail à la société Ninis Thai, a réalisé les travaux sans les soumettre au vote de l’assemblée générale des copropriétaires.
Décision de la Cour
En l’absence de preuves suffisantes de la présence de la société NMK dans les lieux et de son intervention pour les travaux litigieux, la demande de condamnation in solidum dirigée contre elle est rejetée. La condamnation de l’appelante à la remise en état des lieux est confirmée, ainsi que sa condamnation aux dépens et à indemniser le syndicat des copropriétaires.
Conclusion
L’ordonnance du premier juge est confirmée, sauf en ce qui concerne la condamnation in solidum de la société NMK. L’appelante est tenue aux dépens et à indemniser le syndicat des copropriétaires.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
26 mai 2023
Cour d’appel de Paris
RG n° 22/17949
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 1 – Chambre 8
ARRET DU 26 MAI 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17949 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGSMK
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 23 Juin 2022 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CRETEIL – RG n° 21/01611
APPELANTE
S.C.I. LA CROIX prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090
Assistée par Me Augustin BILLOT, avocat au barreau de PARIS
INTIMES
SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES [Adresse 3] pris en la personne de son syndic la SAS IMMO DE FRANCE PARIS ILE DE FRANCE
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par Me Xavier GUITTON de l’AARPI AUDINEAU GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502
Assisté par Me Julie FABRIZI, substituant Me Xavier GUITTON de l’AARPI AUDINEAU GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502
S.A.S.U. NINIS THAI prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 7]
Défaillant – Déclaration d’appel signifiée à étude le 25/11/2022
S.A.S. NMK prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège,
[Adresse 1]
[Localité 7]
Défaillant – Déclaration d’appel signifiée à étude le 25/11/2022
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 avril 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Florence LAGEMI, Président et Rachel LE COTTY, Conseiller chargé du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de:
Florence LAGEMI, Président,
Rachel LE COTTY, Conseiller,
Patrick BIROLLEAU, Magistrat honoraire,
Greffier, lors des débats : Marie GOIN
ARRÊT :
– PAR DEFAUT
– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Florence LAGEMI, Président et par Saveria MAUREL, Greffier présent lors de la mise à disposition.
*****
La SCI La Croix est copropriétaire d’un local commercial dans la [Adresse 3] située [Adresse 8], [Adresse 3], [Adresse 3].
Un dispositif d’extraction de fumée a été installé sur la façade de l’immeuble sans autorisation préalable de la copropriété.
Par lettre du 22 décembre 2020, le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] a mis en demeure la SCI La Croix de remettre en état les parties communes.
Par actes des 4, 5 et 26 octobre 2021, le syndicat des copropriétaires a assigné la SCI La Croix et la société Ninis Thai devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil pour les entendre condamner in solidum à faire déposer à leurs frais les installations non autorisées et, notamment, les extracteurs de fumées installés sur la façade de la résidence.
Par acte du 4 avril 2022, la SCI La Croix a assigné en intervention forcée la société NMK pour que la décision lui soit rendue commune et opposable, qu’il soit constaté que celle-ci, qui exploite les lieux, est responsable de la situation et qu’en conséquence, elle doit être seule condamnée à remettre les lieux en l’état.
Les deux instances ont été jointes et, par ordonnance réputée contradictoire du 23 juin 2022, le juge des référés a :
– déclaré recevable l’action engagée par le syndicat des copropriétaires de la [Adresse 3] située [Adresse 8], [Adresse 3], [Adresse 3] ;
– mis hors de cause Mme [C] ;
– condamné in solidum la SCI La Croix et la société NMK à faire déposer à leurs frais les installations non autorisées par le syndicat des copropriétaires à savoir, l’extracteur de fumées installé sur la façade de la [Adresse 3] située [Adresse 8], [Adresse 3], [Adresse 3], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;
– dit qu’à défaut d’exécution passé ce délai, elles encourront une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
– dit qu’il se réservait la liquidation de l’astreinte ;
– déclaré irrecevables les demandes formulées par la SCI La Croix à l’encontre de la société Ninis Thai ;
– débouté la SCI La Croix de sa demande de garantie de la société NMK ;
– condamné la SCI La Croix à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société NMK à payer à la SCI La Croix la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la SCI La Croix aux dépens de l’instance en référé engagés par le syndicat des copropriétaires et condamné la société NMK aux dépens de l’instance engagée par la SCI La Croix à son encontre ;
– dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes.
Par déclaration du 19 octobre 2022, la SCI La Croix a interjeté appel de cette décision en critiquant l’ensemble de ses chefs de dispositif, sauf ceux relatifs à la mise hors de cause de Mme [C] et à la condamnation de la société NMK aux dépens et au paiement de la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 novembre 2022, elle demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance entreprise en ce qu’elle :
‘ l’a condamnée in solidum avec la société NMK à faire déposer à leurs frais les installations non autorisées par le syndicat des copropriétaires à savoir, l’extracteur de fumées installé sur la façade de la résidence la Croix du Sud, dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;
‘ dit qu’à défaut d’exécution passé ce délai, elles encourront une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
‘ l’a déboutée de sa demande de garantie de la société NMK ;
‘l’a condamnée à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance ;
et statuant à nouveau,
– condamner la société NMK à faire déposer à ses frais les installations non autorisées par le syndicat des copropriétaires à savoir, l’extracteur de fumées installé sur la façade de la résidence la Croix du Sud, dans un délai d’un mois à compter de la signification de l’arrêt ;
– dire qu’à défaut d’exécution passé ce délai, la société NMK encourra une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
– condamner la société NMK à la garantir de toute condamnation et/ou responsabilité qui serait recherchée à son encontre, relative à l’installation et au dépôt des extracteurs litigieux ;
en tout état de cause,
– débouter les intimés de l’ensemble de leurs demandes formées à son encontre ;
– condamner la société NMK à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société NMK aux dépens de première instance et d’appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 13 décembre 2022, le syndicat des copropriétaires demande à la cour de :
– le recevoir en ses demandes ;
– y faisant droit,
– confirmer l’ordonnance entreprise en y ajoutant la condamnation in solidum de la société Ninis Thai à déposer les installations non autorisées par le syndicat des copropriétaires, en ce qu’elle a :
‘ déclaré recevable son action ;
‘ condamné in solidum la SCI La Croix et la société NMK à faire déposer à leurs frais les installations non autorisées à savoir, l’extracteur de fumées installé sur la façade de la [Adresse 3], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;
‘ dit qu’à défaut d’exécution passé ce délai, elles encourront une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
‘ condamné la SCI La Croix à lui payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
en tout état de cause,
– condamner in solidum la SCI La Croix, la société NMK et la société Ninis Thai à lui payer une somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;
– condamner in solidum la SCI La Croix, la société NMK et la société Ninis Thai aux entiers dépens de première instance et d’appel, comprenant notamment le coût du constat Maître [F], huissier.
Les sociétés Ninis Thai et NMK, à qui la déclaration d’appel et les conclusions de l’appelante ont été signifiées le 25 novembre 2022, n’ont pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 5 avril 2023.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et prétentions des parties, la cour renvoie expressément aux conclusions susvisées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
En cours de délibéré, à la demande de la cour, l’appelante a produit un extrait Kbis récent de la société Ninis Thai faisant apparaître une radiation d’office en application de l’article R. 123-136 du code de commerce.
SUR CE, LA COUR,
Selon l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Aux termes de l’article 9, alinéa 1er, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
Cet article est repris en substance par le règlement de copropriété (article VIII).
Aux termes de l’article 25 b) de la même loi, ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.
Il en résulte que les travaux effectués par un copropriétaire sur des parties communes doivent être préalablement autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires.
En l’espèce, il résulte du procès-verbal de constat d’huissier du 10 juin 2021 produit par le syndicat des copropriétaires qu’un système d’extraction de fumées a été installé dans le local appartenant à l’appelante, qui se manifeste par la présence de deux grilles d’aération sur la devanture, au-dessus de l’enseigne, sur la façade extérieure et sur le côté droit du commerce.
Cette installation, qui a conduit au percement de la façade de l’immeuble, partie commune, nécessitait l’autorisation préalable de l’assemblée générale des copropriétaires, laquelle n’a pas été sollicitée, encore moins obtenue.
Le trouble manifestement illicite est donc constitué, ce qui justifie la remise en état ordonnée par le premier juge.
Au demeurant, la SCI La Croix ne conteste ni les travaux ni l’absence d’autorisation préalable, mais soutient que la société NMK, qui exploite désormais son local qu’elle avait donné à bail à la société Ninis Thai, a réalisé les travaux sans les soumettre au vote de l’assemblée générale des copropriétaires, comme elle le lui avait demandé. Elle expose que, si elle avait donné un accord de principe pour ces travaux, elle avait expressément indiqué à la société NMK qu’elle devait soumettre un dossier au vote des copropriétaires.
Elle prétend donc ne jamais avoir tenté de se soustraire à ses obligations de copropriétaire et précise avoir fait délivrer un commandement de faire à la société NMK afin qu’il soit rapidement remédié au trouble illicitement causé.
Elle estime en conséquence qu’elle ne peut être condamnée in solidum avec la société NMK et que seule cette dernière doit supporter la condamnation, ajoutant que la solidarité ne se présume pas.
En cas de condamnation prononcée à son encontre, elle argue qu’elle doit être garantie par la société NMK.
Le syndicat des copropriétaires s’oppose aux demandes de l’appelante au motif qu’il est impossible, au vu des éléments produits et des propos contradictoires de celle-ci, de savoir si l’extraction a été posée par la société Ninis Thai ou la société NMK.
Or, en effet, l’appelante ne produit pas la moindre pièce pour confirmer la présence dans son local de l’une ou l’autre des sociétés, aucun contrat de bail ou de cession de fonds de commerce n’étant produit, ni aucun constat d’huissier permettant de constater une occupation de fait des lieux. Elle ne produit pas davantage le commandement de faire qu’elle aurait délivré à l’une ou l’autre des sociétés.
La seule pièce produite est une lettre de mise en demeure qu’elle aurait adressée le 18 mars 2021 afin de demander « l’établissement d’un dossier technique complet d’extraction de cuisine » mais dont le destinataire est inconnu.
En outre, dans son assignation en intervention forcée devant le premier juge, la SCI La Croix indiquait : « il apparaît que la SCI Nina Thai a installé une extraction des fumées de cuisine en perçant la façade de l’immeuble, partie commune » et elle soutient, à hauteur d’appel, sans aucune pièce étayant cette affirmation, qu’il s’agirait en fait de la société NMK.
Dans ces conditions, sa demande de condamnation dirigée contre la seule société NMK ne peut qu’être rejetée, de même que sa demande de garantie.
En outre, en sa qualité de copropriétaire du local, elle est tenue des obligations prévues par les textes précités et le règlement de copropriété, de sorte que sa condamnation à la remise en état des lieux s’impose.
Le syndicat des copropriétaires ne produisant de son côté aucune pièce confirmant l’existence d’un bail commercial au profit de la société Ninis Thai, sa présence dans les lieux et/ou son intervention pour installer les grilles d’aération litigieuses, ses demandes dirigées contre cette société seront rejetées.
L’ordonnance sera donc confirmée, sauf en ce qui concerne la condamnation in solidum prononcée à l’égard de la société NMK, faute de tout élément relatif à la présence dans les lieux de cette société.
L’appelante, partie perdante, sera tenue aux dépens de première instance et d’appel, qui incluront le coût du procès-verbal de constat de Maître [F], commissaire de justice, du 10 juin 2021, et condamnée à indemniser le syndicat des copropriétaires des frais qu’il a de nouveau été contraint d’exposer, à hauteur de la somme de 3.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, cette condamnation s’ajoutant à celle prononcée en première instance.
PAR CES MOTIFS
Confirme l’ordonnance entreprise des chefs dont il a été fait appel, sauf en ce qu’elle a :
condamné in solidum la SCI La Croix et la société NMK à faire déposer à leurs frais les installations non autorisées par le syndicat des copropriétaires à savoir, l’extracteur de fumées installé sur la façade de la [Adresse 3] situé [Adresse 8], [Adresse 3], [Adresse 3], dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision ;
dit qu’à défaut d’exécution passé ce délai, elles encourront une astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
Statuant à nouveau de ces chefs,
Condamne la SCI La Croix à faire déposer à ses frais les installations non autorisées par le syndicat des copropriétaires à savoir, l’extracteur de fumées installé sur la façade de la [Adresse 3] située [Adresse 8], [Adresse 3], [Adresse 3], dans un délai de trois mois à compter de la signification de l’arrêt et, passé ce délai, sous astreinte de 100 euros par jour de retard pendant une durée de 2 mois ;
Y ajoutant,
Condamne la SCI La Croix aux dépens de première instance et d’appel, qui incluront le coût du procès-verbal de constat de Maître [F], commissaire de justice, du 10 juin 2021 ;
La condamne à payer au syndicat des copropriétaires de la [Adresse 8] la somme de 3.000 euros au titre de l’appel, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT