Les inventions de posologie : Bayer c/ Sandoz

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L’invention revendiquée par Bayer d’une posologie constituée d’une administration par jour de Rivaroxaban par un comprimé à libération rapide a été jugée comme évidente pour l’homme du métier à la date de la priorité. L’incertitude de la durée de vie du Rivaroxaban, et la mention d’une demi-vie de 10 heures ou moins par le brevet, n’est pas de nature, à elle seule, à démontrer le caractère inventif dont se prévaut la société Bayer.  La revendication 1 du brevet a été annulée.

L’activité inventive

Aux termes de l’article 56 « activité inventive » de la convention sur le brevet européen, « une invention est considérée comme impliquant une activité inventive si, pour un homme du métier, elle ne découle pas d’une manière évidente de l’état de la technique.

Si l’état de la technique comprend également des documents visés à l’article 54, paragraphe 3, ils ne sont pas pris en considération pour l’appréciation de l’activité inventive ».

La nullité du brevet européen

Aux termes de l’article L. 614-12 du code de la propriété intellectuelle « la nullité du brevet européen est prononcée en ce qui concerne la France par décision de justice pour l’un quelconque des motifs visés à l’article 138, paragraphe 1, de la Convention de Munich. / Si les motifs de nullité n’affectent le brevet qu’en partie, la nullité est prononcée sous la forme d’une limitation correspondante des revendications (…) ».

Ainsi pour apprécier l’activité inventive d’un brevet, il convient de déterminer d’une part, l’état de la technique le plus proche, d’autre part le problème technique objectif à résoudre et enfin d’examiner si l’invention revendiquée, en partant de l’état de la technique le plus proche et du problème technique objectif, aurait été évidente pour l’homme du métier.

Les éléments de l’art antérieur ne sont destructeurs d’activité inventive que si, pris isolément ou associés entre eux selon une combinaison raisonnablement accessible à l’homme du métier, ils permettaient à l’évidence à ce dernier d’apporter au problème résolu par l’invention la même solution que celle-ci.

Il convient de tenir compte de l’intérêt d’une interprétation convergente de textes européens et nationaux, poursuivant la même finalité de protection des innovations comme le rappelle la Cour de cassation dans son arrêt du 30 août 2023 (Cass. Com., 30 août 2023, pourvoi n° 20-15.480, publié au Bulletin).

Les inventions de posologie

Les inventions de posologie sont admises par la Cour de cassation et la Chambre des recours de l’OEB, y compris pour le traitement d’une même maladie (Cass. Com. 6 décembre 2017 15-19.726, Ch. des recours OEB grande chambre, 19 février 2010, G 2/08). Le droit commun de l’activité inventive est applicable à ces inventions (v. OEB recueil I.C.7.2.4 sous e) et OEB Ch. des recours, 13 novembre 1990, T 290/86).

Relevant, à ce titre, des compétences de l’homme du métier, ces inventions reposent sur la quantité de médicament administrée et la fréquence d’administration (Ch. des recours OEB, 20 septembre 2011 T 1979/09).

Le remplacement d’un régime posologique par un autre régime posologique pour le même objectif a pu être considéré comme une question d’expérimentation de routine en particulier si l’effet de l’agent actif est déjà connu ou évident (Ch. des recours OEB, 20 septembre 2011 T 1979/09, 1er avril 2009 T 1409/06).

Un effet surprenant ou inattendu peut être considéré comme constitutif d’une activité inventive (Ch. des recours OEB, 28 février 1984 T 181/82).

L’activité inventive est cependant exclue si le résultat est évident au regard des enseignements de l’état de la technique (Ch. des recours OEB, 5 septembre 1988, T 365/86) même s’il apporte un avantage (Ch. des recours OEB, 21 mars 2000, T 231/97).

Il est tenu compte des choix multiples auxquels l’homme du métier est confronté pour établir l’activité inventive (Ch. des recours OEB, 22 mars 1984, T 192/82) ; celle-ci est au contraire exclue face à une situation à sens unique où l’utilisation du moyen conduit de manière évidente à des avantages prévisibles (Ch. des recours OEB, 27 juin 2017 T 1936/13).

L’espérance raisonnable de réussite suppose de déterminer si l’homme du métier aurait introduit l’invention parce qu’il en escomptait un perfectionnement ou un avantage quelconque (Ch. des recours OEB, T 2/83 15 mars 1984).

Cette notion n’exige pas une certitude de réussite ou la preuve d’essais cliniques réussis (Ch. des recours OEB, 6 octobre 2004, T 0918/01§9.1). L’espérance raisonnable de réussite suppose que l’homme du métier soit en mesure de prévoir, à partir des connaissances disponibles avant le lancement d’un projet de recherche, que celui-ci peut être mené à bien dans un délai raisonnable.

Plus un domaine de recherche technique est inexploré, plus il est difficile d’en prévoir la réussite et, par conséquent, plus l’espérance de réussite est faible (Ch. des recours OEB,8 mai 1996 T 694/92, recueil OEB I.D.7.1).

Cela suppose de tenir compte, dans le cadre d’une approche scientifique et au cas par cas, du délai raisonnable pour mener à bien la recherche, des compétences techniques et de l’aptitude de l’homme du métier à prendre les bonnes décisions tout au long du projet en cas de difficultés inattendues (Ch. des recours OEB, 8 avril 1997, T 207/94, 7 septembre 1993 T 816/90).

La notion d’espérance raisonnable de succès ne s’applique pas en l’absence de difficulté technique particulière, ni si l’homme du métier, pessimiste au regard de l’art antérieur et de ses connaissances, abandonne l’idée de tester un dispositif prometteur ; au contraire, il peut être tenu compte de son état optimisme pour déterminer son incitation à atteindre un résultat (Ch. des recours OEB, 5 octobre 2000, T 333/97).

Des critères comparables sont retenus par des décisions d’autres pays ayant eu à connaître de la validité de brevets de posologie, décidant de les annuler (v. en ce sens Cour Suprême du Royaume-Uni, 27 mars 2019, Actavis Group PTC EHF and others c. ICOS Corporation an another UKSC 15 ; TO (première instance), 8 février 2021, Milan Synthon BV et Mylan SpA c. Yeda et Teva n°14639/2017 ; OLG (appel) Düsseldorf, 23 février 2023, Biogen c. Viatris 2 U 116/22).

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