Contexte de l’affaire
Les demandeurs ont dirigé leur action contre la société Acanel et M. [H], cherchant à les condamner in solidum pour réparer les conséquences de leurs fautes respectives, contractuelles pour la société et délictuelles pour M. [H].
Appels principaux et incidents
La cour est saisie d’appels principaux et incidents concernant la responsabilité de la société Acanel et de M. [H] envers la Sci Les Buissons et M. [J] pour un redressement fiscal.
Éléments de preuve
Les productions démontrent l’existence d’un redressement de la SASU Cogibat et d’un contrôle TVA de la Sci Les Buissons, ainsi que l’intervention de la SARL Acanel et de M. [H] dans la gestion comptable de ces sociétés.
Responsabilité et condamnations
La cour a retenu la responsabilité de la société Acanel et de M. [H] pour des fautes commises dans la gestion comptable, les condamnant à des dommages et intérêts.
Décision finale
La somme allouée en dommages et intérêts est confirmée, assortie d’intérêts au taux légal. Les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile sont également confirmés, avec une indemnité allouée à M. [J] mais pas à la Sci Les Buissons. Les appelants supporteront les dépens d’appel, sans indemnité de procédure d’appel.
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°447
N° RG 22/00165
N° Portalis DBV5-V-B7G-GORA
[J]
S.A.S.U. COGIBAT
S.C.I. LES BUISSONS
C/
[H]
S.A.R.L. ACANEL
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
1ère Chambre Civile
ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 décembre 2021 rendu par le Tribunal de Commerce de SAINTES
APPELANTS :
Monsieur [Y] [J]
né le [Date naissance 2] 1964 à [Localité 10] (33)
[Adresse 7]
[Localité 6]
S.C.I. LES BUISSONS
N° SIRET : 494 811 508
[Adresse 7]
[Localité 6]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Bénédicte CHASSAGNE, avocat au barreau de POITIERS
INTIMÉS :
Monsieur [K] [H]
né le [Date naissance 1] 1965 à [Localité 9]
N° SIRET : 491 007 399
[Adresse 4]
[Localité 3]
S.A.R.L. ACANEL
N° SIRET : 490 980 984
[Adresse 4]
[Localité 3]
ayant tous deux pour avocat postulant Me Stéphanie FRUCHARD LAURENT de la SCP AIGOIN FRUCHARD-LAURENT, avocat au barreau de SAINTES
Appelée en cause,
La SCP L.G.A.
représentée par Me [F] [V] mandataire, en qualité de mandataire à la liquidation judiciaire de la S.A.S.U. COGIBAT
[Adresse 8]
[Localité 5]
défaillante bien que régulièrement assignée
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 07 Septembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre
qui a présenté son rapport
Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller
Monsieur Philippe MAURY, Conseiller
qui en ont délibéré
GREFFIER, lors des débats : Monsieur Lilian ROBELOT,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Thierry MONGE, Président de Chambre et par Monsieur Lilian ROBELOT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
EXPOSÉ :
La société Cogibat, qui exerçait l’activité de conseils en bâtiment et d’études de marché, et qui avait pour gérant M. [Y] [J], avait confié sa gestion administrative, sociale et comptable à la société CGEA.
Cogibat a fait l’objet entre octobre et décembre 2017 d’un contrôle fiscal portant sur les exercices 2014, 2015 et 2016.
Ce contrôle a donné lieu à des redressements
.à l’égard de la société Cogibat, pour une somme de 13.857 euros
.à l’égard de M. [J] à titre personnel, pour 15.954 euros.
La Sci Les Buissons, société familiale également gérée par M. [J], a quant à elle fait l’objet d’un contrôle de TVA à l’issue duquel le fisc lui a réclamé 1.914 euros.
Considérant que ces rectifications étaient imputables aux fautes commises par la société Acanel et par son dirigeant M. [H], qui selon eux avaient pris la suite de CGEA dans la gestion administrative, sociale et comptable, la SASU Cogibat, la Sci Les Buissons et M. [J] les ont fait assigner, par actes du 1er juillet 2020, devant le tribunal de commerce de Saintes afin de les entendre condamner à les indemniser de leur préjudice respectif, sollicitant
.Cogibat : 15.940,20 euros
.la Sci Les Buissons : 1.914 euros
.M. [J] : 17.548 euros
outre capitalisation des intérêts, et 4.000 euros d’indemnité de procédure.
La société Acanel et M. [H] ont dénié leur responsabilité et conclu au rejet de toute prétention dirigée à leur encontre.
Par jugement du 16 décembre 2021, le tribunal de commerce de Saintes a
* débouté la SARL Acanel de ses demandes
* constaté les fautes contractuelles commises par la société Acanel
* condamné in solidum la société Acanel et M. [H] à payer
.à M. [J] : 1.722 euros
.à la Sci Les Buissons : 148 euros
* débouté les demanderesses de leurs autres demandes
* condamné in solidum la société Acanel et M. [H] à payer 1.000 euros à chacun des demandeurs application de l’article 700 du code de procédure civile
* condamné in solidum la société Acanel et M. [H] aux dépens
* dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire.
Pour statuer ainsi les juges consulaires ont retenu, en substance,
-qu’il ressortait des productions, et de la procédure de vérification fiscale, que la société Acanel avait la qualité de déclarante pour les sociétés demanderesses, qu’elle avait été payée pour ses prestations de service, et que même si aucune convention n’avait été formalisée par écrit, il existait bien un contrat entre elle et d’une part Cogibat, et d’autre par la Sci Les Buissons
-que la société Acanel et M. [H] avaient établi les bilans de Cogibat pour les exercices 2014, 2015 et 2016
-qu’ils n’avaient pas assisté Cogibat, ni la Sci Les Buissons ni M. [J], pendant la procédure de vérification
-que cette procédure avait mis en lumière une écriture comptable anormale, consistant à avoir inscrit au bilan à titre d’indemnités kilométriques en 2014 puis en 2016 des sommes incohérentes avec le chiffre d’affaires, dans le but de compenser le compte-courant d’associé du dirigeant
-qu’ils n’auraient pas dû prêter la main à cet artifice
-que la société Acanel n’apparaissait pas enregistrée auprès de l’administration fiscale pour procéder aux formalités déclaratives qu’elle avait réalisées pour les deux sociétés ; que malgré la demande expresse du tribunal, elle n’avait pas justifié être titulaire d’une assurance professionnelle ; qu’au vu de cette situation, son dirigeant devait être regardé comme répondant des fautes commises par la personne morale
-que leur responsabilité dans le redressement fiscal était engagée
-que le montant même des sommes réclamées en principal par l’administration des impôts correspondait à une dette des contribuables et ne pouvait pas constituer un préjudice dont la société Acanel et son dirigeant étaient susceptibles de répondre
-que ceux-ci devaient en revanche répondre des pénalités de retard et majorations qui, en l’état des pièces produites s’avéraient être de148 euros pour la Sci Les Buissons et de 1.722 euros s’agissant de M. [J]
-que Cogibat n’avait pas quant à elle subi de pénalités.
La société Cogibat, la Sci Les Buissons et M. [J] ont relevé appel le 24 décembre 2021.
La société Cogibat a été placée en liquidation judiciaire le 8 mars 2022 par jugement du tribunal de commerce de Périgueux.
Les dernières écritures prises en compte par la cour au titre de l’article 954 du code de procédure civile ont été transmises par la voie électronique
* le 28 septembre 2022 par la Sci Les Buissons et M. [J]
* le 24 novembre 2022 par la SARL Acanel et M. [H].
La Sci Les Buissons et M. [J] demandent à la cour d’infirmer les dispositions du jugement qui ont condamné in solidum la société Acanel et M. [H] à payer 1.722 euros à M. [J] et 148 euros à la Sci Les Buissons, et statuant à nouveau, de
.juger que M. [H] a commis des fautes contractuelles à titre personnel à l’égard de Cogibat et de M. [L]
.condamner in solidum la société Acanel et M. [H] à titre personnel à payer 1914 euros à la Sci Les Buissons
.juger que M. [J] est bien fondé à engager la responsabilité délictuelle de la SARL Acanel et de M. [H]
.condamner in solidum la société Acanel et M. [H] à titre personnel à payer à M. [J] la somme de 17.548 euros
.ordonner que les sommes produiront intérêts à compter de la lettre de mise en demeure du 23 août 2018
.ordonner la capitalisation des intérêts
.débouter la SARL Acanel et M. [H] de toutes leurs demandes
.condamner in solidum la société Acanel et M. [H] aux dépens et à payer 4.000 euros aux demandeurs en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Ils affirment que M. [H] a expressément reconnu avoir été le comptable de Cogibat et qu’il a passé les écritures litigieuses.
Ils disent que ce rôle ressort des pièces qu’ils produisent -facture, habilitation, courriels- et qu’il a été attesté par l’inspectrice des finances publiques qui procéda au contrôle.
Ils contestent la sincérité ou la force probante des témoignages contraires de préposés produits par les intimés.
Ils soutiennent que le redressement n’a pas rétabli une imposition qui était due, car les sommes réclamées par l’administration fiscale correspondaient à des erreurs ayant artificiellement créé une créance, et à l’omission du report du déficit pour 2015 sur l’exercice 2016, de sorte que leur préjudice correspond bien au montant de ces sommes.
Ils affirment que les intimés ont décidé de leur propre initiative de contre-passer en indemnités kilométriques toutes les écritures du compte-courant d’associé de M. [J] sans lui en avoir référé et sans qu’a fortiori il l’ait approuvé, et qu’il s’est ainsi vu imputer par effet de cascade des revenus qu’il n’avait jamais perçus.
Ils font valoir qu’il est apparu devant le tribunal, aux demandes d’explications et de justifications duquel l’intéressé n’a pas répondu, que la SARL Acanel n’était pas assurée pour l’activité d’expert-comptable et n’était probablement pas même titulaire du diplôme d’expert-comptable, et ils affirment que M. [H] a commis un faux devant la juridiction consulaire en signant à la place de M. [J] une demande de confidentialité des comptes, de sorte que sa responsabilité personnelle est bien engagée.
Ils assurent être en droit de diriger leur action à la fois contre la société Acanel et M. [H], qui peuvent parfaitement être condamnés in solidum à réparer les conséquences de leurs fautes respectives, même sur des fondements différents, contractuel et délictuel.
La SARL Acanel et M. [H] demandent à la cour
¿ d’infirmer le jugement en ce qu’il a retenu la
responsabilité contractuelle de la SARL Acanel et en toutes les condamnations qu’il a prononcées, débouter M. [J] et la Sci Les Buissons de leurs demandes
¿ subsidiairement, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions
¿ en tout état de cause : de condamner M. [J] et la Sci Les Buissons aux dépens et à payer en application de l’artic e 700 du code de
procédure civile 2.000 euros à M. [H] et 2.000 euros à la société Acanel.
Ils font valoir que si M. [H] est certes le gérant de la société Acanel, il appartient aux demandeurs de diriger leur action contre l’un ou l’autre mais pas contre les deux, d’autant qu’ils n’invoquent pas d’imbrication de leur action respective.
Ils maintiennent que ni la SASU Cogibat ni la Sci Les Buissons ne faisaient partie du portefeuille de clientèle acquis et repris de M. [I] par la société Acanel, et que la société gérée par M. [J] qui en faisait partie, Sogesbatir, n’a quant à elle subi aucun redressement fiscal.
Ils contestent les affirmations des appelants relatives au rôle qu’ils auraient prétendument tenu, et se prévalent des témoignages de deux employées du cabinet, Mme [D] et Mme [N], attestant que c’est bien M. [I] qui assurait la gestion comptable de COGIBAT en 2016 et qu’il travailla avec M. [H] jusqu’en 2018.
Ils précisent que M. [I] travaillait dans les mêmes locaux que la société Acanel.
Ils observent que M. [I] interrogeait d’ailleurs Mme [D], en 2018 au sujet du redressement fiscal sur les écritures comptables qu’elle avait passées en 2014, 2015 et 2016.
Ils affirment que M. [I] a gardé des relations de proximité avec M. [J], et que tous deux tentent de faire porter les responsabilités sur M. [H] ou la SARL Acanel plutôt que les assumer.
Ils relèvent le caractère évasif des indications des appelantes sur la date à laquelle Acanel aurait prétendument repris la gestion comptable assurée par M. [I], en 2014, alors qu’une part non négligeable du redressement portait sur des écritures passées au printemps 2014, et ils observent que M. [I] a lui-même parlé d’une cession de portefeuille au 1er juillet 2014.
Contestant en tout état de cause l’existence d’une faute en lien avec les redressements et ayant causé un préjudice indemnisable aux demandeurs, ils estiment que la Sci Les Buissons se borne à indiquer avoir fait l’objet d’un redressement sans articuler de faute à leur encontre ; et que s’agissant de M. [J], redressé en qualité de gérant, il ne suffit pas de le prétendre pour prouver qu’il n’aurait pas connu et approuvé les écritures comptables qu’il querelle.
Très subsidiairement, si leur responsabilité était néanmoins retenue, ils sollicitent la confirmation du jugement déféré en faisant valoir que le préjudice subi ne peut tout au plus tenir qu’aux majorations.
La société COGIBAT, en liquidation judiciaire avec pour mandataire judiciaire la SCP LGA représentée par Me [F] [V], ne comparaît pas. Elle a été assignée par acte du 21 mars 2022 signifié à personne habilitée.
Elle est appelante, sous la constitution d’un avocat, et si elle n’a pas formulé ensuite de demandes par voie de conclusions, l’arrêt n’en est pas moins contradictoire, en application de l’article 469 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture est en date du 3 juillet 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Les demandeurs sont habiles à diriger leur action à la fois contre la société Acanel et M. [H], qui, si leur responsabilité respective est retenue, peuvent parfaitement être condamnés in solidum à réparer les conséquences de leurs fautes respectives, même sur des fondements différents, contractuel pour la première et délictuel pour le second.
Il ressort par ailleurs de la simple lecture de leurs premières conclusions d’appelants que la Sci Les Buissons et M. [J] ont d’emblée, et comme en première instance, argué d’une confusion entre les interventions de la société Acanel et celles faites à titre personnel par M. [K] [H].
La société Cogibat, aujourd’hui en liquidation judiciaire, n’a pas conclu et elle n’a donc pas sollicité la réformation du jugement en ses chefs de décision qui la déboutent de toutes ses demandes motif pris d’une absence de preuve de son préjudice.
L’effet dévolutif de l’appel n’a pas opéré de ces chefs de décisions, qui sont définitifs.
La cour est saisie d’appels principaux et incidents afférents aux chefs de décision relatifs à la responsabilité de la société Acanel et de M. [H] envers la Sci Les Buissons et envers M. [J] au titre du redressement fiscal qu’ils déclarent avoir subi l’un et l’autre.
Les productions démontrent
-l’existence d’un redressement de la SASU Cogibat (pièce n° 22 des appelants)
-l’existence d’un contrôle TVA de la Sci Les Buissons (leur pièce n°25).
S’agissant du redressement de Cogibat, il a porté sur les exercices 2014, 2015 et 2016 correspondant à l’année civile, et a abouti à une rectification imputée
-à la société Cogibat elle-même (TVA déduite pour des charges non justifiées ; chiffre d’affaires non comptabilisé et non déclaré en TVA)
-et à M. [J], gérant et associé unique, aux revenus personnels duquel l’administration a réintégré les sommes de 7.860 euros et 22.000 euros qui correspondaient à un revenu distribuable alors qu’elles avaient été comptabilisées, respectivement en 2014 et 2016, comme des indemnités kilométriques.
S’agissant de la somme de 1.913 euros réclamée par l’administration des impôts à la Sci Les Buissons dans sa mise en demeure du 29 juin 2018, il s’agit d’un rappel de TVA due au titre de l’exercice 2015 et de l’exercice 2016
Les productions démontrent l’intervention de la SARL Acanel ou de monsieur [H] pour des prestations de tenue de comptabilité, et pas seulement de gestion de la paie et des formalités en matière sociale ainsi que leur avocat l’a affirmé à celui des demanderesses au reçu de sa mise en demeure,
-pour la Sci Les Buissons, ainsi qu’il ressort des pièces par lesquelles
.[K] [H] a demandé avec succès en février 2015 à l’administration des impôts de l’agréer pour déclarer sa TVA (pièce n°34 des appelants) ; a été habilité par l’administration (pièce n°27) ; a déclaré auprès des
services fiscaux le 3 mai 2015 la TVA de la société (leur pièce n°35) ; et a demandé pour elle au fisc un remboursement de TVA le 29 août 2017 pour 23.535 euros (leur pièce 36)
.la société Acanel a facturé à la société 360 euros le 7 août 2017 l’établissement de sa liasse fiscale (pièce n°7)
-pour la SASU Cogibat, ainsi qu’il ressort
.de l’habilitation de [K] [H] par l’administration fiscale pour accéder aux services fiscaux en ligne pour le compte de la société
.de son courriel du 20 avril 2017 relatif au bilan rectifié de Cogibat pour 2017
.du courriel du 4 novembre 2019 de l’inspectrice des finances qui avait diligenté le contrôle fiscal adressé à M. [J] en réponse à son interrogation faisant état du litige, dans lequel elle lui écrit ‘les fichiers des écritures comptables (FEC) relatifs à la période vérifiée ont bien été transmis par courrier (lettre suivie) par votre comptable, la SARL Acanel, le 17/10/2017 (reçu par le service le 19/10/2017)’ (pièce n°20-2).
La SARL Acanel est inscrite au registre du commerce avec pour activité le conseil pour les affaires et autres conseils de gestion’ (pièce n°1).
[K] [H] est à titre personnel inscrit au répertoire SIREN avec pour activité principale ‘activités comptables’.
Ainsi, qu’ils aient ou pas le titre d’expert-comptable, ce dont ils ont résisté à justifier en première instance, il est avéré que tous deux ont accompli des opérations de gestion comptable de la SASU Cogibat et de la Sci Les Buissons pour la période concernée par la vérification et le contrôle, sans qu’il importe que ces sociétés n’aient pas figuré parmi la clientèle cédée par CGEA.
Ce constat n’est pas remis en cause par l’intervention de [T] [I] en 2018 notamment attestée par les pièces n°5 et 6 des intimés, laquelle s’explique par le fait que M. [J], dont il avait été l’expert-comptable et qui avait conservé des relations de confiance avec lui, a sollicité son assistance durant le contrôle fiscal, rien n’établissant qu’il ait été pour autant l’auteur des opérations et écritures comptables donnant lieu à rectification.
Quant au témoignage de deux salariées attestant n’avoir pas passé d’écritures comptables pour le compte de la société Cogibat, le lien de subordination de leurs auteurs avec une des parties au litige relativise sensiblement leur force probante, et au demeurant, la circonstance qu’aucune d’elles n’ait passé d’opérations n’implique pas nécessairement que la société Acanel et/ou M. [H] n’en aient pas passé, autrement que par elles.
Pour ce qui est de la somme principale de 1.765 euros réclamée par le fisc à la Sci Les Buissons au titre du principal, il s’agit de la TVA dont celle-ci restait redevable, et la juridiction consulaire a rejeté à bon droit la demande en paiement formulée pour ce montant par la société, qui est personnellement débitrice de cette somme.
Quant à celle de 148 euros que les premiers juges ont mise à la charge de la SARL Acanel ou à M. [H] personnellement, si elle est qualifiée de ‘pénalités’ dans le tableau des sommes dues figurant en première page de la mise en demeure du fisc, il apparaît clairement des pages 2 et 3 détaillant le contrôle TVA et la demande qu’il s’agit d’intérêts de retard, qualifiés tels dans le détail et l’explicitation de la réclamation (cf pages 2 et 3 de cette mise en demeure), de sorte que pour le créancier ils compensent son préjudice financier lié au
retard d’encaissement et que pour l’assujetti ils correspondent à la contrepartie d’avoir conservé la somme qu’il aurait dû débourser, rien n’établissant au surplus que la SARL Acanel et/ou que M. [H] aient commis un manquement en relation avec le défaut de paiement de cette taxe à la date où elle était exigible.
Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Acanel et M. [H] au paiement de cette somme.
Pour ce qui est du redressement, et contrairement à ce que soutient M. [J], la somme en principal et en intérêts qui a été mise à sa charge lui incombait bien, comme une dette personnelle, s’agissant de l’impôt sur le revenu et CSG 2014 et de l’impôt sur le revenu 2016 (cf sa pièce n°42) induits par la réintégration dans ses revenus personnels d’une somme de 7.860 euros pour 2014 et de 22.000 euros pour 2016 débitée du compte 625 de la SASU Cogibat au titre de ‘frais de déplacements’ dont la réalité n’a pu être démontrée aux services fiscaux, qui était dépourvue de toute plausibilité eu égard au chiffre d’affaires à peine double de l’entreprise, et dont l’intéressé admet au demeurant qu’elle ne correspondait nullement à des frais de déplacement, la réintégration de ces sommes dans les revenus personnels du gérant et associé unique ayant été faite en application des articles 109-1-1°, 109-1-2° et 111 du code général des impôts, en ce qu’ils considèrent comme distribués tous les produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital, qualifient de revenus distribués les sommes mises à la disposition des associés, et considèrent comme distribués les revenus occultes.
Si la SARL Acanel et M. [H], qui assuraient indifféremment l’un et l’autre à l’époque la gestion comptable de Cogibat, n’auraient certes pas dû passer cette écriture irrégulière, et ont commis une faute en le faisant, il n’en reste pas moins qu’elle l’a été pour faire diminuer le bénéfice, comme l’a d’ailleurs indiqué Mme [D] à M. [I] quand il l’interrogea durant le contrôle fiscal (cf pièce n°6 des intimés).
L’inscription factice de ces sommes au débit du compte social profitait à M. [J], et elle n’a pu se faire qu’avec l’accord de celui-ci qui, même totalement profane en matière de comptabilité, n’a pu ni ignorer, ni tenir pour réelles et sincères ces deux déductions d’indemnités kilométriques dépourvues de toute plausibilité eu égard au chiffre d’affaires.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité de la société Acanel et de M. [H] et qu’il les ont condamnés à des dommages et intérêts d’un montant égal aux seules majorations mises à la charge de M. [J], majorations dont ils ne discutent pas le montant tel que chiffré à 1.722 euros par la juridiction consulaire, sollicitant au contraire dans le cadre de leurs demandes subsidiaires la confirmation du jugement pour le cas, advenu, où la cour retiendrait, comme le tribunal, leur responsabilité à ce titre.
La somme allouée est assortie des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 23 août 2018, ainsi que le demandait M. [J] en première instance et qu’il le sollicite à nouveau en cause d’appel.
L’anatocisme est de droit lorsqu’il est sollicité en justice, et il doit être ordonné.
Les chefs de décision du jugement afférents aux dépens sont pertinents et adaptés et seront confirmés également.
Ceux afférents à l’application de l’article 700 du code de procédure civile seront infirmés en ce qu’il est alloué une indemnité à la Sci Les Buissons, et confirmé en ce qu’il en est alloué une à M. [J]
Devant la cour, les appelants succombent et supporteront donc les dépens d’appel.
L’équité justifie de ne pas mettre d’indemnité de procédure d’appel à leur charge.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort :
DIT que [K] [H] a engagé aux côtés de la SARL Acanel sa responsabilité envers [Y] [J] en raison des majorations que celui-ci a supportées sur l’imposition personnelle de ses revenus à la suite du redressement fiscal dont la SASU Cogibat a fait l’objet selon proposition de rectification du 13 décembre 2017
CONFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu’il condamne in solidum la SARL Acanel et M. [H] à payer 148 euros à la Sci Les Buissons et 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
statuant à nouveau de ce chef :
DÉBOUTE la Sci Les Buissons de tous ses chefs de demandes
ajoutant :
DIT que la somme de 1.722 euros mise à la charge de la SARL Acanel et de M. [H] est assortie des intérêts au taux légal depuis le 23 août 2018
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil
REJETTE toutes demandes autres ou contraires
CONDAMNE in solidum la Sci Les Buissons et [Y] [J] aux dépens d’appel
REJETTE les demandes formulées en cause d’appel sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,