Conditions générales d’utilisation d’Alibaba : une affaire de responsabilité clarifiée

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Conditions générales d’utilisation d’Alibaba.com

La société intimée produit aux débats les conditions d’utilisation des sites Web alibaba.com régissant l’usage des services, des logiciels, des produits et des plateformes électroniques en ligne, dont il résulte (article 1.1) qu’en accédant et en utilisant les sites et les services, l’utilisateur accepte d’être lié par ces conditions, qui précisent à l’article 7 que alibaba.com ne représente ni le vendeur ni l’acheteur dans aucune transaction et pour aucun service et ne contrôle pas et n’est pas responsable de la qualité, sécurité, légalité ou disponibilité des produits ou services proposés à la vente sur les sites en ligne.

Contrat liant les membres inscrits sur Alibaba.com

M. [J], qui prétend s’être porté acquéreur d’un lot de PlayStations 5 par l’intermédiaire du site Alibaba, ne conteste pas que les conditions générales d’utilisation invoquées par la société intimée lui sont opposables.

Il est stipulé à l’article 2.2 que pour accéder et utiliser les services en ligne l’utilisateur doit s’inscrire en tant que membre et à l’article 2. 1 :

– que tout membre inscrit sur l’un des sites et résidant en Chine continentale est contractuellement lié à la société Hangzhou Alibaba Advertising Co Ltd,
– que tout membre inscrit sur l’un des sites et résidant à Hong Kong ou Macao est contractuellement lié à la société alibaba.com Hong Kong Ltd,
– que les membres inscrits sur l’un des sites et résidant en dehors de la Chine continentale, de Hong Kong et de Macao sont contractuellement liés à la société Alibaba.com Singapore E-commerce Private limited.

Identification de l’exploitant du site Web

À l’égard de M. [J], qui exerçait à [Localité 5] (France), où il est domicilié, une activité de négoce de divers produits sous l’enseigne « DISTRI PRO », l’exploitant du site Web par l’intermédiaire duquel la transaction litigieuse aurait été conclue est par conséquent la société Alibaba.com Singapore E-commerce Private limited, laquelle constitue une entité juridique distincte de la SAS Alibaba France, qui aux termes de l’extrait K bis versé au dossier a pour activité principale la promotion et le marketing de la marque Alibaba, ainsi que le développement des plateformes e-commerce et services associés.

Rejet de la demande indemnitaire

La demande indemnitaire formée par M. [J] sera par conséquent déclarée irrecevable sans examen au fond à défaut pour la société Alibaba France d’avoir qualité pour défendre à l’action.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société défenderesse.

Application de l’article 700 du code de procédure civile

L’équité commande enfin de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société intimée.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00751 – N° Portalis DBVM-V-B7G-LH4G

C2*

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

la SELARL BARD

la SCP MBC AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 14 NOVEMBRE 2023

Appel d’une décision (N° RG 11-21-0002)

rendue par le Tribunal d’Instance de Montélimar

en date du 14 janvier 2022

suivant déclaration d’appel du 18 février 2022

APPELANT :

M. [W] [J]

né le 17 septembre 1979 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Vincent BARD de la SELARL BARD, avocat au barreau de VALENCE

INTIMEE :

S.A.S.U. ALIBABA RCS PARIS prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Isabelle KESTENES-PSILA de la SCP MBC AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller,

Mme Véronique Lamoine, conseiller

DÉBATS :

A l’audience publique du 26 septembre 2023, Mme Clerc président de chambre chargé du rapport, assistée de Mme Anne Burel, greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par l’intermédiaire de la plateforme d’achat en ligne Alibaba M. [W] [J], exerçant sous l’enseigne DISTRI PRO, aurait fait l’acquisition auprès de la société MAB INTEL LTD de 30 consoles de jeu « PlayStation 5 » moyennant le prix de 5.385 $.

Une facture pro forma d’un montant de 4.000 $ a été émise le 11 novembre 2020 par M. [F] [N] domicilié à [Localité 4].

M. [J] prétend que le prix de cette commande a été payé au moyen de plusieurs virements d’un montant total de 5.105,70 euros frais d’envoi compris effectués via la société Western Union.

Les marchandises n’étant pas livrées, M. [J] a mis en demeure le 15 décembre 2020 la société Alibaba France d’intervenir auprès du vendeur en vue de l’expédition de la commande ou de procéder au remboursement des sommes versées.

Par acte d’huissier du 27 mai 2021, M. [J] a fait assigner la société Alibaba France devant le tribunal de proximité de Montélimar en paiement de la somme principale de 5.107,50 euros à titre de dommages et intérêts, outre 1.500 euros en réparation de son préjudice moral, sur le fondement de sa responsabilité délictuelle et subsidiairement sur celui de l’article L. 121’1 du code de la consommation.

La société Alibaba France s’est opposée à l’ensemble de ces demandes en prétendant qu’elle n’avait pas qualité à défendre à l’action et que la transaction litigieuse n’avait pas été conclue par son intermédiaire.

Par jugement en date du 14 janvier 2022 le tribunal de proximité de Montélimar a déclaré recevables mais mal fondées les demandes formées par M. [W] [J] à l’encontre de la société Alibaba France, a débouté ce dernier de l’ensemble de ses prétentions, a dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné le demandeur aux dépens.

Le tribunal a considéré en substance :

que l’action était recevable à défaut pour la société Alibaba France d’établir que le responsable du site de vente en ligne accessible depuis la France aurait été l’entité distincte alibaba.com Singapore e’commerce basée en Asie, elle-même n’assumant que la prospection commerciale des sociétés françaises auprès du groupe Alibaba,

que cependant M. [J] ne démontrait pas que la transaction litigieuse aurait été conclue par l’intermédiaire de la société Alibaba France, aucun des documents produits ne faisant mention de la société défenderesse ou du site Alibaba.com.

M. [W] [J] a relevé appel de cette décision selon déclaration reçue le 18 février 2022 aux termes de laquelle il critique le jugement en toutes ses dispositions.

L’appelant a été placé en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère en date du 22 mars 2022, qui a désigné Me [S] en qualité de liquidateur judiciaire.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 17 mai 2022 par M. [W] [J] représenté par Me [S] ,ès qualités de mandataire liquidateur, qui demande à la cour, par voie de réformation du jugement, de déclarer la société Alibaba France responsable de son préjudice et de la condamner à lui payer les sommes de 5.107,50 euros en remboursement des sommes payées en exécution de la transaction, de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral et de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

qu’en sa qualité d’éditeur, ou d’hébergeur, la société Alibaba a l’obligation de contrôler et de surveiller toutes les informations diffusées sur son site et engage ainsi sa responsabilité délictuelle à l’égard des utilisateurs,

que la responsabilité de la société est également engagée sur le fondement de l’article L. 121’1 du code de la consommation pour pratique commerciale trompeuse,

que le tribunal a justement considéré qu’en raison de la confusion volontairement entretenue sur l’entité effectivement responsable du site il n’y avait pas lieu de mettre hors de cause la société Alibaba France,

que l’entité auprès de laquelle il a passé commande ( « LA TIENDA DE RAMON ») est référencée sur le site Alibaba en qualité de fournisseur « GOLD SUPPLYER », ce qui implique que le responsable de la plateforme, tenu à une obligation de vérification, doit garantir la sécurité des transactions,

qu’il a manifestement été victime d’une escroquerie, qui engage la responsabilité du site en ligne pour avoir hébergé un fournisseur indélicat.

Vu les conclusions déposées et notifiées le 10 août 2022 par la SASU Alibaba France qui sollicite l’infirmation du jugement en ce qu’il a déclaré l’action recevable et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile, mais sa confirmation en ce qu’il a débouté M. [J] de l’ensemble de ses prétentions.

Elle demande à la cour de déclarer irrecevables et à tout le moins mal fondées les demandes formées à son encontre et en tout état de cause de débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre condamnation aux dépens.

Elle fait valoir :

que le site alibaba.com, qui est exploité par une société distincte Alibaba Singapore pour les utilisateurs résidant en France, est une plateforme d’intermédiation permettant à des acheteurs professionnels d’entrer en relation avec des vendeurs,

que le site, qui n’intervient en aucune façon dans les transactions, n’est pas partie aux contrats conclus entre les vendeurs et les acheteurs et ne saurait donc répondre des risques liés aux opérations,

que la transaction litigieuse n’a pas été effectuée sur le site alibaba.com et n’a pas donné lieu à l’utilisation du système de paiement sécurisé proposé par la société Alibaba Singapore,

que le fournisseur désigné ( MAB INTEL LTD) n’est pas enregistré sur le site,

que la facture produite par M. [J], d’un montant de 4.000 $ seulement, est émise par un certain « [F] [N] », et non par le prétendu fournisseur,

que les virements bancaires allégués ont été adressés à trois personnes physiques différentes, dont il n’est pas établi qu’ils ont un lien avec la société MAB INTEL LTD,

Sur l’irrecevabilité de l’action

qu’elle n’a pas qualité pour défendre à l’action alors qu’elle n’est pas l’exploitante du site alibaba.com, qui est exclusivement géré par la société Alibaba Singapore pour les utilisateurs résidant en dehors de la Chine continentale, de Hong Kong et de Macao, ce qui est expressément rappelé par les conditions générales d’utilisation lors de la création d’un compte,

qu’elle n’est investie que de missions d’animation et de promotion commerciale pour certaines activités du groupe Alibaba en France, de sorte qu’elle n’est impliquée à aucun titre dans la transaction litigieuse que M. [J] prétend avoir effectuée sur le site,

qu’en toute hypothèse l’appelant, qui doit faire la preuve des faits nécessaires au succès de sa prétention, ne démontre pas son implication dans l’exploitation du site,

Sur le mal fondé de la demande

que les pièces versées aux débats par M. [J] ne permettent d’établir ni la réalité de la transaction litigieuse ni son lien avec le site alibaba.com,alors qu’aucune transaction n’est intervenue sur le site entre M. [J] et la société MAB INTEL LTD, laquelle n’est pas référencée, et que les pièces justificatives produites recèlent de multiples incohérences (notamment facture n’émanant pas du prétendu fournisseur, montant du prix ne correspondant pas aux versements bancaires),

qu’en sa qualité d’hébergeur des annonces publiées par les vendeurs, et non pas d’éditeur, la société Alibaba Singapore n’assure qu’une prestation de stockage de données qu’elle ne contrôle pas et n’exerce aucun rôle actif dans le libellé et le contenu des annonces, ni aucune surveillance des activités potentiellement illicites, étant observé que le badge « GOLD SUPPLYER » signifie seulement que la plateforme a vérifié l’existence légale du vendeur et que la société MAB INTEL LTD n’est pas enregistrée sur le site,

que ce n’est qu’en cas de notification dûment motivée en fait et en droit que l’hébergeur a l’obligation de supprimer un contenu manifestement illicite,

que la lettre imprécise du conseil de M. [J] du 15 décembre 2020, qui n’a pas été adressée à l’exploitant du site, ne peut constituer la notification/signalement exigée par la loi,

que l’action ne saurait enfin être fondée sur l’article L. 121’1 du code de la consommation, alors que M. [J] a agi en qualité de professionnel pour les besoins de son activité commerciale et qu’en toute hypothèse il n’est nullement justifié de pratiques trompeuses au sens de ce texte.

L’instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 11 juillet 2023.

MOTIFS

La société intimée produit aux débats les conditions d’utilisation des sites Web alibaba.com régissant l’usage des services, des logiciels, des produits et des plateformes électroniques en ligne, dont il résulte (article 1.1) qu’en accédant et en utilisant les sites et les services, l’utilisateur accepte d’être lié par ces conditions, qui précisent à l’article 7 que alibaba.com ne représente ni le vendeur ni l’acheteur dans aucune transaction et pour aucun service et ne contrôle pas et n’est pas responsable de la qualité, sécurité, légalité ou disponibilité des produits ou services proposés à la vente sur les sites en ligne.

M. [J], qui prétend s’être porté acquéreur d’un lot de PlayStations 5 par l’intermédiaire du site Alibaba, ne conteste pas que les conditions générales d’utilisation invoquées par la société intimée lui sont opposables.

Il est stipulé à l’article 2.2 que pour accéder et utiliser les services en ligne l’utilisateur doit s’inscrire en tant que membre et à l’article 2. 1 :

que tout membre inscrit sur l’un des sites et résidant en Chine continentale est contractuellement lié à la société Hangzhou Alibaba Advertising Co Ltd,

que tout membre inscrit sur l’un des sites et résidant à Hong Kong ou Macao est contractuellement lié à la société alibaba.com Hong Kong Ltd,

que les membres inscrits sur l’un des sites et résidant en dehors de la Chine continentale, de Hong Kong et de Macao sont contractuellement liés à la société Alibaba.com Singapore E-commerce Private limited.

À l’égard de M. [J], qui exerçait à [Localité 5] (France), où il est domicilié, une activité de négoce de divers produits sous l’enseigne « DISTRI PRO », l’exploitant du site Web par l’intermédiaire duquel la transaction litigieuse aurait été conclue est par conséquent la société Alibaba.com Singapore E-commerce Private limited, laquelle constitue une entité juridique distincte de la SAS Alibaba France, qui aux termes de l’extrait K bis versé au dossier a pour activité principale la promotion et le marketing de la marque Alibaba, ainsi que le développement des plateformes e-commerce et services associés.

Aux termes de l’interview qu’elle a donnée le 9 septembre 2021 la directrice des partenariats stratégiques au sein de la société Alibaba France confirme d’ailleurs que cette dernière n’est investie que de missions d’animation et de promotion commerciale au profit des commerçants français (accompagnement à l’exportation en Chine, aide au développement des vendeurs et marchands locaux sur le territoire français, aide à la transformation digitale pour les entreprises françaises et proposition de services pour les consommateurs chinois en voyage en France).

Ces éléments de preuve ne sont pas sérieusement critiqués par l’appelant, qui se borne à s’approprier la motivation du tribunal selon laquelle en l’absence aux débats d’un extrait K bis une confusion serait organisée au sein des diverses entités du groupe, de sorte qu’il est suffisamment établi que la société Alibaba France n’est pas l’exploitant/hébergeur du site alibaba.com par l’intermédiaire duquel la transaction litigieuse aurait été conclue.

La demande indemnitaire formée par M. [J] sera par conséquent déclarée irrecevable sans examen au fond à défaut pour la société Alibaba France d’avoir qualité pour défendre à l’action.

Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu’il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société défenderesse.

L’équité commande enfin de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de la société intimée.

PAR CES MOTIFS

La cour,statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement déféré et statuant à nouveau :

Déclare M. [W] [J] irrecevable en ses demandes indemnitaires dirigées à l’encontre de la société Alibaba France,

Condamne M. [W] [J] à payer à la SAS Alibaba France la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne M. [W] [J] aux entiers dépens de première instance et d’appel dont distraction pour ceux d’appel au profit de la SCP MBC AVOCATS.

Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

 

 

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