Sanction disciplinaire injustifiée

Notez ce point juridique

Sur les avertissements

Aux termes de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L.1333-1 du même code prévoit qu’en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l’employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il résulte de l’article L.1333-2 que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

Sur l’avertissement du 31 août 2017

L’avertissement du 31 août 2017 reproche à M. [D] des dégâts sur un tracteur, mais les preuves fournies par l’employeur sont floues et peu convaincantes. M. [D] conteste les faits et fournit des photographies postérieures qui ne correspondent pas aux dégâts décrits. Le tribunal conclut que les griefs établis à l’encontre de M. [D] ne justifient pas l’avertissement qui lui a été donné.

Sur l’avertissement du 23 mai 2018

L’avertissement du 23 mai 2018 reproche à M. [D] des manquements aux règles de conduite et de sécurité. Malgré les contestations de M. [D], les preuves fournies par l’employeur sont suffisantes pour établir les faits reprochés. Le tribunal confirme la légitimité de cet avertissement.

Sur les dommages et intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées

M. [D] ne parvient pas à prouver un préjudice lié à l’avertissement annulé. Par conséquent, sa demande de dommages et intérêts est rejetée.

Sur le licenciement

Le licenciement de M. [D] est jugé comme étant pour cause réelle et sérieuse, mais pas pour faute grave. Il a droit à des indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement. Le tribunal confirme la légitimité du licenciement, mais accorde des indemnités à M. [D].

Sur les conséquences financières du licenciement

M. [D] a droit à des indemnités de préavis, de congés payés et de licenciement. Le tribunal confirme ces décisions.

Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires

M. [D] ne parvient pas à prouver des circonstances vexatoires entourant son licenciement. Sa demande de dommages et intérêts est rejetée.

Sur les documents sociaux

La société Jardel Services ST est ordonnée de remettre à M. [D] les documents sociaux nécessaires. Le tribunal confirme cette décision.

Sur les intérêts

Les intérêts dus à M. [D] seront calculés conformément à la loi. La capitalisation des intérêts est également ordonnée.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Jardel Services ST est condamnée aux dépens de première instance et d’appel. M. [D] reçoit une indemnité de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL

d’ANGERS

Chambre Sociale

ARRÊT N°

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00083 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EYQN.

Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 18 Janvier 2021, enregistrée sous le n° F 19/00052

ARRÊT DU 30 Mars 2023

APPELANT :

Monsieur [C] [D]

[Adresse 4]

[Localité 3]

représenté par Me Samuel DE LOGIVIERE de la SELARL SULTAN – LUCAS – DE LOGIVIERE – PINIER – POIRIER, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 190004

INTIMEE :

S.A.S.U. JARDEL SERVICES S.T. ayant pour nom commercial SARRAZAIN TRANSPORTS prise en la personne de ses représentants légaux domicilés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentéepar Maître Nathalie GREFFIER, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 21023, avocat postulant et par Maître Xavier ORGERIT de la SELARL ATLANTICJURIS, avocat au barreau de LA ROCHE SUR YON, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame [I] d’instruire l’affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER

Conseiller : Madame Estelle GENET

Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN

ARRÊT :

prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

La Sas Sarrazain Transports (désormais dénommée la Sasu Jardel Services ST) a pour activité principale le transport routier de marchandises. Elle emploie plus de onze salariés et applique la convention collective nationale des transports routiers.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 12 juin 2015, M. [C] [D] a été embauché par la société Sarrazain Transports en qualité de conducteur super poids lourds courte distance, coefficient 150 M, catégorie ouvrier.

L’employeur lui a notifié deux avertissements, l’un le 31 août 2017 lui reprochant les dégâts occasionnés sur un tracteur dans la nuit du 9 au 10 août 2017 sans avoir signalé cet accrochage, et l’autre le 23 mai 2018 lui faisant grief de négligences et d’un comportement dangereux constatés les 26 et 27 mars 2018 ainsi que le 5 avril 2018.

Par courrier du 11 octobre 2018, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 22 octobre suivant. Puis par courrier du 23 octobre 2018, il a été convoqué à un second entretien préalable fixé le 5 novembre 2018.

Par courrier du 9 novembre 2018, la société Sarrazain Transports a procédé au licenciement de M. [D] pour faute grave essentiellement motivé par la plainte le 8 octobre 2018 du client Dachser lui reprochant de prendre sa douche dans le vestiaire de son personnel malgré son interdiction réitérée et la mise à disposition d’une douche réservée aux personnels de passage, et par la plainte le 16 octobre 2018 du responsable de la plate-forme Colis Colissimo lui reprochant une conduite dangereuse constatée à plusieurs reprises malgré différents rappels, de surcroît avec les remorques floquées Colissimo altérant ainsi l’image de cette société et celle du groupe La Poste.

Par courrier du 20 novembre 2018, M. [D] a contesté les motifs de son licenciement. Par courrier du 30 novembre 2018, la société Sarrazain Transports a maintenu sa décision.

Le 23 janvier 2019, M. [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers pour contester d’une part, le bien-fondé de ses deux avertissements et d’autre part, celui de son licenciement, et solliciter des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des sanctions disciplinaires injustifiées, des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, des dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture de son contrat, une indemnité de préavis, les congés payés afférents, une indemnité de licenciement, le remboursement de frais professionnels outre la remise des documents sociaux sous astreinte, la capitalisation des intérêts et une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 18 janvier 2021 le conseil de prud’hommes d’Angers a :

– dit que la demande d’annulation de l’avertissement du 31 août 2017 n’est pas justifiée ;

– dit que la demande d’annulation de l’avertissement du 23 mai 2018 n’est pas justifiée ;

– dit que le licenciement de M. [C] [D] repose sur une cause réelle et sérieuse ;

– dit que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas justifiée ;

– dit que les demandes d’indemnité de préavis et d’indemnité de licenciement ne sont pas justifiées ;

– dit que la demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement n’est pas fondée ;

– en conséquence, débouté M. [C] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées, de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de sa demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement ;

pris acte que la Sas Sarrazain Transports procédera au remboursement des frais professionnels pour 69,22 euros ;

– condamné la Sas Sarrazain Transports au paiement de la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– débouté M. [C] [D] de ses autres demandes.

M. [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 3 février 2021, son appel étant limité à l’ensemble des dispositions lui faisant grief énoncées dans sa déclaration, et ne portant pas sur celles par lesquelles le conseil de prud’hommes a pris acte de ce que la Sas Sarrazain Transports procédera au remboursement des frais professionnels pour 69,22 euros.

La Sasu Jardel Services ST a constitué avocat le 25 février 2021.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 4 janvier 2023 et l’affaire a été fixée à l’audience du conseiller rapporteur du 9 janvier 2023.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [C] [D], dans ses dernières conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe le 19 août 2021 par voie électronique, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de débouter la société Jardel Services ST de son appel incident, et statuant sur son appel partiel, le déclarer recevable et bien fondé, et y faisant droit de :

– infirmer le jugement en ce qu’il a :

– dit que la demande d’annulation de l’avertissement du 31 août 2017 n’est pas justifiée,

– dit que la demande d’annulation de l’avertissement du 23 mai 2018 n’est pas justifiée,

– dit que le licenciement de M. [C] [D] repose sur une cause réelle et sérieuse,

– dit que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n’est pas justifiée,

– dit que les demandes d’indemnité de préavis et d’indemnité de licenciement ne sont pas justifiées,

– dit que la demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement n’est pas fondée,

En conséquence,

– débouté M. [C] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées,

– débouté M. [C] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– débouté M. [D] de sa demande de dommages et intérêts pour conditions vexatoires du licenciement,

– plus généralement, débouté M. [C] [D] de ses demandes suivantes :

*19 284,00 euros net de CSG et de CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

*3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture,

*4 821,33 euros à titre d’indemnité de préavis outre les congés payés y afférents pour 482,13euros,

* 1 646,33 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– confirmer le jugement en ce qu’il a pris acte que la société Sas Sarrazain Transports désormais dénommée Jardel Services ST procédera au remboursement des frais professionnels pour 69, 22 euros,

Pour le surplus, statuant à nouveau :

– dire et juger qu’il est bien fondé en ses demandes,

– prononcer l’annulation des avertissements du 31 août 2017 et du 23 mai 2018,

– condamner la société Jardel Services ST au règlement de la somme de 4 000 euros en réparation du préjudice subi du fait des sanctions disciplinaires injustifiées,

– constater le défaut de fondement des griefs de licenciement,

En conséquence,

– dire et juger que la rupture du contrat de travail est dépourvue de cause réelle et sérieuse,

– condamner la société Jardel Services ST à lui payer à les sommes suivantes :

– 19 284,00 euros net de CSG et CRDS à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 000,00 euros à titre de dommages et intérêts en raison des conditions vexatoires de la rupture de son contrat,

– 4 821, 33 euros à titre d’indemnité de préavis, outre les congés payés afférents pour 482,13 euros ;

-1 646, 33 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– ordonner la délivrance d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi dûment rectifiés, sous astreinte de 50,00 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

– se réserver la faculté de liquider l’astreinte,

– ordonner la capitalisation des intérêts sur le fondement de l’article 1154 du code civil,

– rejeter toutes demandes de la société Jardel Services ST comme dépourvues de tout fondement,

– condamner la société Jardel Services ST au règlement de la somme de 4 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Concernant l’avertissement du 31 août 2017, M. [D] fait d’abord valoir que le conseil de prud’hommes en a dénaturé les termes. Il conteste ensuite avoir causé des dégâts au camion, ceux constatés ayant au surplus été amplifiés par l’employeur. Il affirme n’avoir eu aucun accrochage ni accident, et considère que la société Jardel Services ST n’en apporte pas la preuve.

Concernant l’avertissement du 23 mai 2018, l’appelant prétend en premier lieu que l’employeur a fait le choix de qualifier les faits comme constitutifs d’une insuffisance professionnelle et non d’une faute disciplinaire. En second lieu, il conteste que le caisson de la remorque du Hub ait jamais chuté le 26 mars 2018. Il affirme que le 27 mars 2018, il a effectué 3 heures 40 supplémentaires non rémunérées. Il prétend que les traces sur le bitume constatées le 5 avril 2018 ne procèdent en rien d’un demi-tour dans la cour, mais de la présence incongrue d’un chauffeur qu’il a dû éviter, et qu’il n’y a aucun panneau de sens interdit au sein du site Geodis Calberson.

S’agissant du licenciement, il conteste chaque grief avancé par l’employeur, estimant que celui-ci ne rapporte la preuve d’aucun d’entre eux.

*

Par conclusions, régulièrement communiquées, transmises au greffe par voie électronique le 25 juin 2021, ici expressément visées, et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, la Sasu Jardel Services ST demande à la cour de :

– déclarer M. [C] [D] non fondé en son appel et l’en débouter,

– confirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a condamnée à la somme de 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– infirmer le jugement de ce chef,

– si la cour venait à infirmer le jugement :

– dire le licenciement de M. [C] [D] fondé sur une cause réelle et

sérieuse,

– en conséquence débouter M. [C] [D] de sa demande d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et ramener à de bien plus justes proportions les demandes du salarié,

A titre subsidiaire :

– débouter M. [C] [D] de sa demande tendant à voir l’article L.1235-3 du code du travail déclaré inconventionnel,

– ramener à de bien plus justes proportions les demandes du salarié.

En tout état de cause :

– condamner M. [C] [D] à payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeter toutes prétentions contraires comme non recevables en tout cas non fondées,

– condamner M. [C] [D] aux entiers dépens de l’instance.

L’employeur affirme s’agissant du premier avertissement, il n’y a aucun doute sur la responsabilité de M. [D] puisque les dégâts ont été constatés le lendemain de sa nuit de travail.

S’agissant du second avertissement, il fait valoir que, contrairement à ce que soutient le salarié, le fait de présenter un total désintérêt pour son travail notamment concernant les questions de sécurité constitue un comportement fautif susceptible de faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

Sur le licenciement, l’intimée estime rapporter la preuve des griefs formulés à l’encontre de M. [D], notamment par le courriel de M. [U], responsable départs et quais de la société Dachser, l’informant de son comportement, ainsi que par la lettre recommandée avec accusé réception adressée par M. [T], responsable transport de la plate-forme Colissimo [Localité 7] à [Localité 9] se plaignant de sa conduite dangereuse réitérée malgré plusieurs rappels.

MOTIVATION

Sur les avertissements

Aux termes de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l’employeur à la suite d’un agissement du salarié considéré par l’employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.

L’article L.1333-1 du même code prévoit qu’en cas de litige portant sur une sanction disciplinaire, le juge apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction, et forme sa conviction au vu des éléments retenus par l’employeur pour prononcer la sanction et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations. Si un doute subsiste, il profite au salarié.

Il résulte de l’article L.1333-2 que le juge peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

1. Sur l’avertissement du 31 août 2017

L’avertissement du 31 août 2017 est libellé ainsi:

‘Nous tenons par la présente à vous reprocher les dégâts que vous avez occasionnés sur le tracteur ED 360 CG dans la nuit du mercredi 9 au jeudi 10 août 2017.

En effet, le jeudi matin, lorsqu’un de nos chauffeurs a récupéré le tracteur que vous veniez d’utiliser durant la nuit, il n’a pu que constater les dégâts :

– Pare-brise complètement fissuré

– Barre pare-cycliste latérale tordue

– Plaque ADR avant pliée

– Conduite électrique arrachée

Il convient de remarquer d’une part que vous n’avez jamais signalé l’accrochage que vous avez eu (alors que cela est prévu dans votre contrat de travail), mais encore lorsqu’il vous a été demandé des explications, vous avez juste dit que vous aviez accroché sans pouvoir donner les moindres détails.

Cette situation est parfaitement inadmissible.

Vous n’êtes pas sans ignorer que vous devez rester maître de l’ensemble qui vous est confié, ce qui nécessite en amont de respecter toutes les règles de conduite et de sécurité nécessaires pour maintenir votre intégrité physique, la sécurité des autres usagers de la route, et le parfait état du matériel.

Or, manifestement, cela n’a pas été le cas. (…)’

M. [D] fait valoir qu’il n’a jamais eu d’accident, que personne ne l’a appelé à ce sujet et que le camion ne présentait pas les dégâts tels que rapportés dans l’avertissement. Il souligne que les photos communiquées par l’employeur sont en noir et blanc, floues, de petit format, prises dans une quasi-obscurité, et par conséquent illisibles. Lui-même verse aux débats des photographies du camion postérieures à l’avertissement, qui démontrent selon lui que les dégâts ne sont pas ceux décrits par l’employeur. Enfin, il affirme que le pare-brise comportait déjà des fissures qui n’ont pu que s’agrandir avec le temps, que les barres pare-cycliste ne sont pas tordues, que la prise électrique était déjà dégradée quand il a pris le véhicule, et qu’il a été contraint de plier légèrement la plaque ADR pour changer une ampoule se trouvant derrière cette plaque, le changement d’ampoule s’avérant nécessaire pour que le véhicule puisse rouler en sécurité. Il ajoute que le camion est utilisé par trois chauffeurs, que son intervention se terminait à 23 heures à [Localité 3], et que le 10 août 2017 à 7h52, à l’heure du MMS informant l’employeur des dégâts, le véhicule était conduit par un autre chauffeur et se trouvait à [Localité 8].

La société Jardel Service ST affirme que les dégâts ont été constatés le matin suivant la nuit de travail du salarié, que le chauffeur succédant à M. [D] a immédiatement envoyé des photographies et qu’il n’y a aucun doute sur sa responsabilité, ajoutant que l’intéressé n’a pas eu le comportement adapté en s’abstenant de signaler les éléments dégradés du véhicule dont l’état n’assurait pas son intégrité physique et la sécurité des autres usagers de la route.

Pour en justifier, la société Jardel Services ST verse aux débat un MMS daté du 10 août 2017 à 7h52 accompagné de quatre photographies et du texte suivant : ‘voici le camion qu’a récupéré Ravelosone ce matin. C’est [C] [D] qui bossait cette nuit. Bonjour, hier soir le pare-brise complètement fissuré, la plaque ADR avant pliée, aucun éclairage sur la remorque, la conduite électrique est arrachée.’

M. [D] communique pour sa part son mail de contestation du 21 septembre 2017 auquel il joint des photographies prises le 6 septembre 2017, et aux termes duquel il allègue que les fissures du pare-brise qui comportait plusieurs impacts ont eu tendance à s’agrandir, que les parties pare-cycle sont présentes, et qu’il n’a pas arraché la prise électrique et l’a ‘eue comme cela’. Il reconnaît avoir légèrement tordu la plaque ADR pour changer une ampoule se trouvant à l’arrière de cette plaque.

S’agissant de la matérialité des dégâts, l’examen des photographies en noir et blanc, de petit format, prises dans la nuit et dont deux sont floues, ne permet pas de s’assurer des fissures du pare-brise ni de la dégradation de la barre pare-cycle. Elles montrent toutefois que la conduite électrique est dégradée et la plaque ADR avant tordue. M. [D] reconnaît la réalité des fissures du pare-brise et avoir tordu la plaque ADR. Il indique sans être valablement contredit que cette torsion était nécessaire pour changer une ampoule, élément de sécurité primordial pour pouvoir circuler. Il convient de souligner que les photographies prises par M. [D] le 6 septembre 2017, soit près d’un mois après la constatation des faits intervenue le 10 août 2017, démontrent qu’à cette date, la plaque ADR n’avait toujours pas été redressée. En outre, au vu de la disparité de leur localisation sur le camion, rien ne permet de démontrer que ces dégâts seraient consécutifs à un accrochage, lequel n’est attesté.

S’agissant de l’imputabilité des dégâts, l’horaire auquel a été envoyé le MMS n’établit pas avec certitude que ceux-ci, à l’exception de la torsion de plaque ADR qu’il reconnaît, seraient imputables au salarié alors que celui-ci affirme, sans être une nouvelle fois contredit d’une part, que le pare-brise comportait préalablement des impacts et d’autre part, que le camion a circulé avec un autre chauffeur avant que les dégradations soient signalées.

Par conséquent, les griefs établis à l’encontre de M. [D] sont constitués par le fait de ne pas avoir signalé les impacts sur le pare-brise ni la dégradation de la prise électrique qui auraient dus l’être par le précédent chauffeur, par la dégradation de la plaque ADR pour un motif légitime et que l’employeur n’a pas estimé utile de changer immédiatement, et par l’absence de signalement de cette dégradation. L’avertissement notifié au salarié le 31 août 2017 apparaît dès lors disproportionné au regard des seuls reproches qui lui sont imputables.

Il convient en conséquence d’annuler cet avertissement et d’infirmer le jugement de ce chef.

2. Sur l’avertissement du 23 mai 2018

L’avertissement du 23 mai 2018 est libellé ainsi:

‘Par courrier du 11 avril 2018, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à la prise d’une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement, entretien initialement prévu le lundi 30 avril 2018 à 15 heures, reporté à votre demande au lundi 7 mai à 15 heures auquel vous vous êtes présenté.

Lors de cet entretien, nous vous avons reproché les faits suivants:

1. Client Dachser [Localité 6] (mail du client du 28 mars 2018)

– Lundi 26/03: ‘votre salarié a accroché le caisson de la remorque avant la fin du chargement et a avancé alors que le pont niveleur était encore en position, entraînant sa chute. Aucun chargeur n’était sur le pont à ce moment-là.’

Vous avez reconnu les faits et par là-même votre négligence.

Vous avez précisé que lorsque vous encaissez la remorque, vous avancez légèrement. Si le pont niveleur est positionné au raz de la caisse, il tombe. Si le pont niveleur est positionné plus à l’intérieur, pas de problème.

– Mardi 27/03: ‘votre salarié, le même, a oublié de mettre en position la béquille arrière droite du caisson de la remorque pour le Hub. En montant dedans avec l’engin, notre chargeur s’est arrêté juste à l’entrée mais aurait pu entrer franchement dedans.’

Là encore, vous avez reconnu les faits et par là-même votre négligence.

Vous avez précisé que vous vous en êtes aperçu alors que le châssis était encore sous la caisse, vous vous êtes repositionné pour mettre la béquille en place.

2. Client Geodis Calberson [Localité 5]

– 1/2 tour dans la cour avec le tracteur à en laisser de la gomme sur le bitume.

Vous contestez ce fait.

Par contre, vous avez précisé que le 5 avril 2018, en quittant le quai, un chauffeur vous avait bloqué avec son camion vous obligeant pour sortir du quai de braquer fortement, ce qui a laissé des traces sur le bitume.

– Le 5 avril 2018, chandelle accrochée en laissant cet accessoire sous la remorque et démarrer ainsi.

Vous avez reconnu avoir accroché ce jour-là la chandelle, mais pas les circonstances ci-dessus.

En fait lorsque vous êtes sorti du quai, vous avez accroché la chandelle, mais avec le porte à faux arrière de la remorque. Vous n’avez pas démarré en ayant laissé la chandelle sous la remorque.

Vous avez prévenu le client de cet incident.

– Sortie du site en sens interdit malgré les avertissements des chauffeurs sur place.

Vous contestez ce fait, et précisez que vous n’avez jamais pris de sens interdit et que vous respectez le sens entrée/sortie du site. (…)

La société Jardel Service ST fait valoir que ces griefs ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle, mais de manquements fautifs aux règles de conduite et de sécurité inhérentes à la profession de chauffeur poids lourds exercée par M. [D]. Pour les établir, elle communique un courriel du client Dachser du 28 mars 2018 et un courriel du client Geodis du 9 avril 2018.

M. [D] allègue en premier lieu que les faits qualifiés par l’employeur de négligences, d’incident et d’un défaut de vigilance relèvent de l’insuffisance professionnelle et non d’une faute disciplinaire. En second lieu, il conteste que le caisson de la remorque du Hub ait jamais chuté le 26 mars 2018. Il affirme que le 27 mars 2018, il a travaillé non seulement 7 heures 23, mais il a aussi effectué 3 heures 40 supplémentaires avec son véhicule personnel pour le compte du client La Poste Colissimo sans que l’employeur l’ait rémunéré pour ce temps de travail. Enfin, s’agissant des faits du 5 avril 2018, il prétend que les traces sur le bitume ne procèdent en rien d’un demi-tour dans la cour, mais de la présence incongrue d’un chauffeur qu’il a dû éviter, et qu’il n’y a aucun panneau de sens interdit au sein du site Geodis Calberson. Il considère enfin que les pièces communiquées par l’employeur sont insuffisantes à établir la matérialité des faits.

En premier lieu, il convient de rappeler que l’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi. L’insuffisance professionnelle du salarié se manifeste lorsqu’il ne parvient pas à effectuer correctement son travail, alors même qu’il fait preuve de bonne volonté. Au contraire, la faute disciplinaire nécessite que le caractère défectueux découle de la mauvaise volonté délibérée du salarié, étant précisé que la faute n’a pas à être intentionnelle pour être caractérisée et que le salarié ne doit pas forcément avoir recherché la production d’un dommage.

En l’espèce, il est patent que les faits reprochés ne relèvent pas de l’insuffisance professionnelle dans la mesure où M. [D], en sa qualité de conducteur poids lourds, était parfaitement au fait depuis au moins trois ans, des règles de sécurité et de conduite de l’ensemble qui lui était confié, et que dès lors, l’erreur de positionnement lors du chargement, l’oubli de la béquille, le demi-tour dans une cour ayant laissé des traces, et la conduite en sens interdit caractérisent un manque d’attention et des négligences fautives susceptibles de faire l’objet d’une sanction disciplinaire.

S’agissant des faits des 26 et 27 mars 2018, le mail du 28 mars 2018 de M. [U], responsable départs et quais de la société Dachser est rédigé ainsi:

‘Mon équipe de nuit me signale des problèmes de sécurité importants cette semaine qui auraient pu entraîner des accidents graves:

– le 26/03 votre salarié a accroché le caisson de la remorque du Hub avant la fin du chargement et a avancé alors que le pont niveleur était encore en position entraînant sa chute. Aucun chargeur n’était sur le pont à ce moment là.

– le 27/03 votre salarié, le même, a oublié de mettre en position la béquille arrière droite du caisson de la remorque pour le Hub. En montant dedans l’engin, notre chargeur s’est arrêté juste à l’entrée mais aurait pu entrer franchement dedans.

Merci de bien vouloir prendre des dispositions pour éviter que ce type d’incident ne se renouvelle !’

M. [D] conteste les faits du 26 mars. Pour autant, ceux-ci ont nécessairement été remontés à M. [U] par des gens de terrain, sans confusion possible avec un autre chauffeur dans la mesure où le salarié est identifié comme étant le même que pour les faits du 27 mars que M. [D] ne conteste pas formellement. Par conséquent, il convient de considérer que le mail de M. [U] est suffisamment probant pour en établir la matérialité.

S’agissant des faits du 27 mars, le seul moyen opposant développé par M. [D] consiste à soutenir avoir effectué ce jour-là plusieurs heures supplémentaires, ce qui s’avère au demeurant inexact au vu du relevé d’heures qu’il verse aux débats. Il convient dès lors de considérer que le mail de M. [U] est de la même manière, suffisamment probant à en établir la matérialité.

S’agissant des faits du 5 avril 2018, le mail du 9 avril 2018 de M. [L], assistant administratif de la société Geodis est rédigé ainsi:

‘Veuillez trouver ci-dessous des infos transmises par notre équipe quai transit:

Sarrazain : le chauffeur qui récupère la semie au transit l’après-midi a détérioré une chandelle le 5 avril 2018.’

M. [D] ne s’explique pas sur ce grief dans ses écritures. Il résulte des termes de l’avertissement qu’il n’a au demeurant pas contesté avant la présente instance, qu’il a reconnu avoir accroché la chandelle avec le porte à faux arrière de la remorque. Par conséquent, il convient de considérer que le mail du client est suffisant à établir la matérialité de ce grief.

Enfin, aucun élément communiqué par la société Jardel Services ST ne vient corroborer le fait que M. [D] ait fait un demi-tour dans la cour et soit sorti en sens interdit, griefs que le salarié conteste. Par conséquent, il convient de considérer que la matérialité de ces griefs n’est pas établie.

La chute du caisson de la remorque le 26 mars et l’oubli de la béquille le 27 mars auraient pu être causes d’accident et entraîner de graves conséquences. Ces négligences fautives ajoutées à la détérioration du matériel du client Geodis le 5 avril justifient l’avertissement du 23 mai 2018.

Il convient en conséquence de maintenir cet avertissement et de confirmer le jugement de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour sanctions disciplinaires injustifiées

M. [D] n’apporte aucun élément justifiant avoir subi un préjudice du fait de l’avertissement annulé et n’explicite pas davantage celui-ci dans ses écritures.

Il doit par conséquent être débouté de cette demande et le jugement confirmé de ce chef.

Sur le licenciement

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise.

L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La lettre de licenciement du 9 novembre 2018 qui fixe les limites du litige est libellée ainsi :

‘ Par mail du 8 octobre 2018, Mr [U], Responsable Départs et Quais de notre client Dachser à [Localité 6] (85) s’est plaint de votre comportement, dans les termes suivants :

« Pour faire suite à notre échange téléphonique de cet après-midi, je vous serais reconnaissant d’intervenir auprès de votre chauffeur [C] [D].

En effet, depuis plusieurs mois, nous lui expliquons qu’il ne doit pas prendre de douche dans le vestiaire du personnel, qu’une douche réservée aux personnes de passage est à sa disposition de l’autre côté du site.

Pour information, le vestiaire est équipé d’un contrôle d’accès par badge que nous l’avons déjà vu forcer en poussant violemment la porte.

Après plusieurs rappels de nos chefs de quai, il continue et déclare même qu’il continuerait à le faire’

Merci de votre intervention, de mon côté j’ai déjà prévu de rester un soir en fin de semaine ou la semaine prochaine, et j’aimerais autant ne pas avoir à intervenir mais n’hésiterai pas à le faire si le problème persiste ».

Lors de l’entretien, vous avez reconnu utiliser la douche du personnel Dachser mais vous nous avez dit avoir l’autorisation de deux personnes, l’une prénommée [B] à l’accueil et l’autre prénommée [H] sur le quai, sans pour autant être en mesure de nous indiquer leurs noms de famille, leur fonction et de démontrer l’accord qui vous aurait été donné.

Au cours de l’entretien, vous avez demandé l’autorisation de téléphoner chez Dachser, vous avez pu directement échanger avec M. [U], qui vous a confirmé oralement les propos écrits dans son mail concernant votre comportement.

Aucune autorisation ne vous ayant été donnée de prendre votre douche à cet endroit, vous conviendrez que votre comportement est totalement déplacé, au regard notamment des différents rappels à l’ordre déjà faits par notre client, et vous comprendrez que nous ne pouvons le tolérer.

Il convient de rajouter que ce type de plainte, de la part d’un client est particulièrement malvenu,

d’autant que Dachser est un client avec lequel nous avons eu plusieurs lignes en France. Ce type d’incident nuit à l’image des conducteurs Sarrazain et par là-même à celle de notre société et peut avoir des répercussions commerciales.

Par courrier recommandé du 16 octobre 2018, reçu le 23 octobre 2018, Mr [T], Responsable Transport de la plate-forme Colis Colissimo à le Rheu (35) s’est plaint à votre égard d’un comportement routier dangereux dans les termes suivants :

« Je tenais à vous informer que mardi 16 octobre 2018, Mr [D], chauffeur au sein de votre société qui effectuait la liaison 69C-1235 entre les plates-formes de St Laurent de Mure et de [Localité 9], a eu un comportement dangereux.

Mardi 16/10 à 15h15 j’ai reçu une plainte de l’adjoint de site de la Compagnie Fruitière France, société qui se trouve à côté de notre plate-forme de [Localité 9], car tous les jours il constate que Mr [D] conduit à vive allure sur la route passant aux abords de son entreprise, et cela malgré les gestes qu’il fait pour demander au chauffeur de ralentir. Dans la plainte qu’il m’a adressée, il fait état que cette conduite dangereuse et irresponsable met en danger son personnel qui vient travailler ou se trouve aux abords du site.

Plusieurs rappels ont été faits auprès de Mr [D] sur sa conduite et son comportement au niveau de la plate-forme de [Localité 9]. Il ne semble pas les prendre en compte et, fait plus grave, sa conduite à l’extérieur de la plate-forme altère l’image de Colissimo car c’est en roulant à toute vitesse dans la zone industrielle avec nos remorques floquées Colissimo qu’il a pu être identifié.

Je ne peux tolérer de tels agissements, tant au sein de la plate-forme de [Localité 9] mais également à l’extérieur, où l’image de Colissimo et du Groupe la Poste pourrait être terni.

Je vous prierais de prendre les mesures pour que de tels agissements ne se reproduisent plus ».

Après vérification avec le système de géolocalisation, il apparaît effectivement que ce jour-là, mardi 16 octobre 2018 vers 13h50, avant d’arriver sur la plate-forme Colissimo à [Localité 7], vous circuliez sur la voie « rue des orchidées » où se situe sur la droite de la chaussée, la Compagnie Fruitière France.

Lors de l’entretien, vous avez reconnu emprunter cette voie, mais vous contestez avoir eu une conduite dangereuse.

Pour autant, la plainte de la Compagnie Fruitière France faite auprès de notre client, fait clairement état d’une « conduite à vive allure, dangereuse et irresponsable qui met en danger le personnel ». Ce type de comportement routier est parfaitement inacceptable et nous ne pouvons le tolérer.

En effet, ce genre d’incident est susceptible de présenter un danger grave pour vous et les autres usagers de la route, alors que vous savez notre attachement au respect des conditions de sécurité au volant.

En tant que conducteur routier professionnel, vous devez avoir non seulement une conduite adaptée aux circonstances exigées par la sécurité routière, mais de surcroît vous devez également tenir compte de la fréquentation des autres usagers de la route qui varie en fonction de l’horaire, du type de voie et de ses accotements, des accès des entreprises limitrophes, la priorité absolue étant la sécurité de tous les usagers de la route.

Or manifestement, vous ne tenez pas compte de tous ces paramètres. En plus, vous faites totalement abstraction des gestes qui vous sont faits pour vous demander de ralentir.

De surcroît, votre conduite inappropriée l’est également à l’intérieur de la plate-forme de [Localité 9], où là encore des rappels vous ont été faits.

Par ailleurs, ce comportement routier inapproprié, en plus d’être dangereux, nuit à l’image de notre client, en effet la remorque étant floquée Colissimo, c’est cette image qui est associée à votre comportement routier et à laquelle vous portez atteinte.

Là encore, en tant que conducteur professionnel, vous n’êtes pas sans ignorer que vous représentez l’image et les valeurs de l’entreprise. Une fois encore, vous n’en faites pas cas.

Vous comprendrez aisément que nous ne pouvons cautionner votre comportement irresponsable et inadmissible au regard de vos obligations professionnelles.

Ces agissements étant constitutifs de fautes graves, nous sommes contraints de prononcer à votre égard un licenciement pour faute grave (…)’

Pour justifier de ces griefs, la société Jardel Services ST communique le mail du 8 octobre 2018 de M. [U] de la société Dachser relatif à l’utilisation par M. [D] de la douche de son personnel malgré son interdiction, un courrier recommandé avec avis de réception du 16 octobre 2018 de M. [T] responsable transport de la plate-forme Colis Colissimo de [Localité 7]-[Localité 9] relatif à la conduite dangereuse de M. [D] et qualifiant ce courrier de dernier avertissement sous peine d’interdiction de site en cas de récidive, et un mail du 20 décembre 2018 de M. [R] de la Compagnie Fruitière France relatant la conduite dangereuse d’un chauffeur de camion floqué Colissimo passant quotidiennement devant son entreprise.

M. [D] conteste les faits qui lui sont reprochés. S’agissant du premier grief, il affirme que le mail de M. [U] du 8 octobre 2018 est imprécis sur la datation et la réitération des faits, alléguant qu’il avait l’autorisation de deux salariés de la société Dachser, ‘[V]’ et ‘[H]’, d’utiliser la douche du personnel et qu’il a cessé dès qu’il lui a été demandé d’aller dans l’autre bâtiment. Il ajoute qu’il n’a pas forcé la porte et qu’il a utilisé le badge donné par un troisième.

S’agissant du second grief qu’il conteste également, il fait valoir qu’il n’est pas nommément désigné par la Compagnie Fruitière de France et donc pas identifié, qu’il n’est pas seul à circuler avec un camion floqué Colissimo, la seule localisation de son camion étant insuffisante à certifier qu’il s’agit bien de lui. Il s’étonne en outre qu’en présence d’une conduite aussi dangereuse pratiquée quotidiennement sur une période conséquente, l’entourage ne se soit pas manifesté plus tôt.

1. Sur l’utilisation de la douche du client Dachser

Le 8 octobre 2018, la société Sarrazain a été destinataire d’un mail de M. [U], responsable départs et quais de la société Dachser aux termes duquel celui-ci se plaint que depuis plusieurs mois, il explique à M. [D] qu’il ne doit pas prendre de douche dans le vestiaire du personnel, qu’une douche réservée au personnel de passage est à sa disposition de l’autre côté du site, et que malgré plusieurs rappels des chefs de quai, M. [D] persiste et déclare qu’il continuera.

M. [D] ne conteste pas avoir utilisé la douche du personnel Dachser, mais se prévaut de l’autorisation de salariés de cette société. Pour autant, cette autorisation ne résulte que de ses allégations et n’est confirmée par aucun élément. En outre, il est avéré qu’il s’est entretenu téléphoniquement avec M. [U] lors de l’entretien préalable et que celui-ci a confirmé les termes de son mail.

Il s’en suit que la matérialité de ce grief est établie.

2. Sur la conduite dangereuse

Il ressort du mail du 20 décembre 2018 de M. [R], salarié de la Compagnie Fruitière France située [Adresse 10] qu’a été constaté ‘le comportement dangereux d’un chauffeur roulant avec une remorque Colissimo passant quotidiennement devant (son) entreprise.’ Il poursuit en ces termes: ‘le constat est le suivant, camion roulant à vive allure dans cette zone avec la présence d’autre camion mettent en danger (son) personnel ainsi que celui d’autre entreprise figurant dans cette zone. C’est pourquoi, après (avoir) fait plusieurs fois remarquer par des gestes de ralentir et afin de ne pas engendrer de dommage matériel voire corporel, (il a) appelé le responsable de la cellule transport de La Poste. (Il) pense que ce chauffeur (lui) paraissait imprudent surtout au volant d’un camion de cette taille.’

Ce mail fait suite à un échange avec la société Sarrazain Transport. Celle-ci lui a simplement demandé de bien vouloir lui apporter toutes précisions utiles concernant le comportement du chauffeur en cause, et ne l’a dès lors, pas influencée dans ses dires. Il est par ailleurs légitime que la Compagnie Fruitière France ne cite pas nommément M. [D] dans la mesure où elle n’a aucun contact professionnel avec lui et ne peut connaître son nom, sa seule certitude étant que le chauffeur incriminé roule dans un camion floqué Colissimo.

M. [D] a de fait, été formellement identifié par M. [T] de la plate-forme Colis Colissimo de [Localité 7] qui ajoute que ces agissements ont de la même manière été constatés au niveau de la plate-forme, et exprime son vif mécontentement à la société Sarrazain Transport par courrier du 16 octobre 2018 reçu le 23 octobre 2018 en ces termes:

‘Mardi 16/10 à 15h15 j’ai reçu une plainte de l’adjoint de site de la Compagnie Fruitière France, société qui se trouve à côté de notre plate-forme de [Localité 9], car tous les jours il constate que M. [D] conduit à vive allure sur la route passant aux abords de son entreprise, et cela malgré les gestes qu’il fait pour demander au chauffeur de ralentir. Dans la plainte qu’il m’a adressée, il fait état que cette conduite dangereuse et irresponsable met en danger son personnel qui vient travailler ou se trouve aux abords du site.

Plusieurs rappels ont été faits auprès de M. [D] sur sa conduite et son comportement au niveau de la plate-forme de [Localité 9]. Il ne semble pas les prendre en compte et fait plus grave, sa conduite à l’extérieur de la plate-forme altère l’image de Colissimo car c’est en roulant à toute vitesse dans la zone industrielle avec nos remorques floquées Colissimo qu’il a pu être identifié.

Je ne peux tolérer de tels agissements, tant au sein de la plate-forme de [Localité 9] mais également à l’extérieur, où l’image de Colissimo et du Groupe La Poste pourrait (être) ternie.

Face à ce comportement, par la présente lettre, je donne un dernier avertissement à votre chauffeur. En cas de récidive, je me verrais dans l’obligation de l’interdire de site.’

Ainsi, il est avéré que M. [D] a régulièrement eu une conduite inappropriée au mépris des règles de sécurité pour lui-même et pour les usagers de la route, tant au niveau de la plate-forme Colissimo qu’à l’extérieur, et qu’il a persisté dans ce comportement malgré les rappels qui lui ont été faits par le client lui-même et par les demandes de ralentir des salariés de la Compagnie Fruitière France, au point de se voir menacé d’être interdit de site.

Il s’en suit que la matérialité de ce grief est établie.

Ces faits font suite à l’avertissement du 23 mai 2018 dont il a été vu que trois des griefs tenant à la conduite de M. [D] sont justifiés. Ils sont de surcroît, de nature à porter atteinte à l’image du client dans la mesure où le salarié roulait dans une camion floqué Colissimo.

Pour autant, il apparaît qu’informée le 8 octobre 2018 des faits d’utilisation de la douche du personnel Dachser et le 23 octobre 2018 des faits de conduite dangereuse, la société Sarrazain n’a pas mis à pied M. [D] à titre conservatoire, et que ce dernier a poursuivi son activité jusqu’au 9 novembre 2018, date de son licenciement. Il doit en outre être observé que le courrier de la plate-forme Colissimo formulait un dernier avertissement et que s’il en était menacé, M. [D] n’était pas interdit de site.

Au vu de ces éléments, il convient de considérer que les fautes retenues à son encontre justifient un licenciement pour cause réelle et sérieuse, mais ne caractérisent pas la faute grave justifiant la rupture immédiate de la relation de travail.

Par conséquent, le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, mais infirmé en ce qu’il a rejeté les demandes présentées par M. [D] au titre des indemnités de rupture.

Sur les conséquences financières du licenciement

Le licenciement n’étant pas fondé sur la faute grave, M. [D] a droit à une indemnité compensatrice de préavis de 4 821,33 euros brut, aux congés payés afférents d’un montant de 482,13 euros brut, et à une indemnité de licenciement de 1 646,33 euros dont les montants ne sont pas contestés par l’employeur à titre subsidiaire.

Le jugement sera infirmé de ces chefs.

En revanche, le licenciement reposant sur une cause réelle et sérieuse, M. [D] doit être débouté de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires

Un salarié peut solliciter des dommages et intérêts pour licenciement vexatoire lorsqu’il apparaît que son employeur a entouré le licenciement d’un comportement brutal, injurieux ou propre à porter atteinte à sa dignité.

Une telle preuve n’est toutefois pas rapportée, en l’espèce, à l’encontre de la société Jardel Services ST qui n’a ni dénigré, ni injurié M. [D], ni fait preuve à son égard d’une particulière brutalité, ni entouré la rupture d’aucune circonstance vexatoire.

M. [D] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts en raison de conditions vexatoires de la rupture de son contrat de travail, et le jugement confirmé de ce chef.

Sur les documents sociaux

Afin de faire valoir ses droits, il convient d’ordonner à la société Jardel Services ST de remettre à M. [D] un bulletin de salaire, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt sans qu’il soit nécessaire de prévoir une astreinte.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les intérêts

Conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de la société Jardel Service ST devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne.

Il est justifié d’ordonner la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l’article 1343-2 du code civil.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé sur ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.

La société Jardel Service ST qui succombe pour l’essentiel à l’instance doit être condamnée aux dépens de première instance et d’appel, et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel.

L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile en appel au bénéfice de M. [D]. Il lui sera alloué la somme de 2 000,00 euros à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l’appel, contradictoirement, publiquement, par mise à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 18 janvier 2021 sauf en ce qu’il a rejeté la demande d’annulation de l’avertissement du 31 août 2017, et débouté M. [D] de ses demandes d’indemnité de préavis, d’indemnité de licenciement, de remise de documents sociaux rectifiés et de capitalisation des intérêts ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

ANNULE l’avertissement du 31 août 2017 ;

CONDAMNE la Sasu Jardel Services ST à payer à M. [C] [D] les sommes suivantes :

– 4 821,33 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 482,13 euros brut à titre de congés payés afférents ;

– 1 646,33 euros à titre d’indemnité de licenciement ;

ORDONNE la remise d’un bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi conformes au dispositions du présent arrêt ;

DIT n’y avoir lieu à astreinte ;

RAPPELLE que conformément aux articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la convocation de la Sasu Jardel Service ST devant le conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter de la décision qui les ordonne ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus au moins pour une année entière, conformément à l’article 1343-2 du code civil ;

DEBOUTE la Sasu Jardel Services ST de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel ;

CONDAMNE la Sasu Jardel Services ST à payer à M. [C] [D] la somme de 2 000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;

CONDAMNE la Sasu Jardel Services ST aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,

Viviane BODIN Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS

 

 

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