Sur la clause de mobilité
La clause de mobilité doit préciser de façon précise la zone géographique d’application pour être valable. En l’absence de définition précise, la clause est nulle. Dans cette affaire, la clause de mobilité du contrat de travail de Mme [D] ne précisait pas sa zone géographique d’application, la rendant ainsi nulle. Malgré les fonctions inhérentes de mobilité de Mme [D], la clause était jugée invalide en raison du manque de précision sur la zone géographique.
Sur le licenciement
La société Atalian Sécurité avait proposé à Mme [D] des affectations à des sites éloignés de son lieu de travail initial, ce qui constituait une modification de son contrat de travail. Mme [D] a refusé ces propositions en raison de l’impact sur sa vie familiale et personnelle. Le licenciement de Mme [D] pour ce motif a été jugé sans cause réelle et sérieuse, car la perte du marché Carrefour n’était pas une justification valable. La société n’a pas démontré de difficultés économiques pour justifier le licenciement.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [D] a obtenu des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, s’élevant à 10 000 euros. Le licenciement n’étant pas justifié par des motifs personnels ou économiques, cette indemnité a été accordée pour compenser le préjudice subi par la salariée.
Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat
La société Atalian Sécurité a remis les documents de fin de contrat à Mme [D] avec un léger retard, mais ce retard n’a pas causé de préjudice significatif à la salariée. Par conséquent, la demande de dommages et intérêts pour remise tardive a été rejetée.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
La société Atalian Sécurité a été condamnée à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à Mme [D] suite à son licenciement. Ce remboursement est limité à trois mois d’indemnités de chômage, conformément à la loi.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
La société Atalian Sécurité a été condamnée à verser à Mme [D] une somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. La société a également été condamnée aux dépens d’appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL
d’ANGERS
Chambre Sociale
ARRÊT N°
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00088 – N° Portalis DBVP-V-B7F-EYRX.
Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ANGERS, décision attaquée en date du 21 Janvier 2021, enregistrée sous le n° 19/00565
ARRÊT DU 30 Mars 2023
APPELANTE :
Madame [U] [D] Profession: agent de surveillance
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Paul CAO de la SCP IN-LEXIS, avocat au barreau de SAUMUR – N° du dossier 19-063B, substitué par Maître BOUCHAUD
INTIMEE :
La société ATALIAN SECURITE HOLDING anciennement dénommée ATALIAN SECURITE, anciennement dénommée S.A.S. LANCRY PROTECTION SECURITE Prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Inès RUBINEL de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS, avocat postulant et par Maître Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau au barreau PARIS, substituée par Maître MEHADJI
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 Janvier 2023 à 9 H 00, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS chargé d’instruire l’affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Mme Marie-Christine DELAUBIER
Conseiller : Madame Estelle GENET
Conseiller : Mme Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS
Greffier lors des débats : Madame Viviane BODIN
ARRÊT :
prononcé le 30 Mars 2023, contradictoire et mis à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame TRIQUIGNEAUX-MAUGARS, conseiller pour le président empêché, et par Madame Viviane BODIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
La Sasu Lancry Protection Sécurité, dorénavant nommée la Sasu Atalian Sécurité, applique la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité du 15 février 1985 et emploie plus de onze salariés.
À compter du 5 décembre 2007, Mme [U] [D] a été engagée par la société Atalian Sécurité dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d’agent de sécurité qualifié.
En dernier état de la relation contractuelle, sa rémunération mensuelle brute s’élevait à la somme de 1 690,79 euros.
Par courrier du 10 janvier 2018, la société Atalian Sécurité a informé Mme [D] de la perte de l’appel d’offre concernant le site de Carrefour [Localité 4] auquel elle était affectée, et de l’attribution du marché à la société Luxant Security à compter du 1er février 2018.
Par courrier du 25 janvier 2018, la société Luxant Security a proposé à Mme [D] de reprendre son contrat de travail et lui a transmis un projet d’avenant. Par courrier du 29 janvier 2018, la salariée a refusé.
Le 30 janvier 2018, Mme [D] a informé la société Atalian Sécurité de son refus de passer au service de la société Luxant Security et a sollicité un entretien afin d’échanger sur son avenir au sein de la société. Une éventuelle rupture conventionnelle a été envisagée. Les discussions n’ont pas abouti.
Mme [D] a été placée en congé maternité du 13 août 2018 au 11 février 2019, date de la visite de reprise au terme de laquelle le médecin du travail a rendu un avis d’aptitude précisant ‘travail en journée, 1 week-end sur deux maximum’.
Par courrier du 1er mars 2019, la société Atalian Sécurité a fait savoir à Mme [D] que faute de poste disponible sur la région de [Localité 4], elle l’affectait sur un poste à [Localité 5] (44) respectant les préconisations du médecin du travail, et lui transmettait son planning d’intervention à compter du 11 mars 2019.
Par lettre du 7 mars 2019, Mme [D] a refusé cette affectation au motif que son contrat de travail ne prévoyait pas de mobilité géographique et que ce poste était trop éloigné de son domicile (80 kilomètres).
Le 18 avril 2019, la société Atalian Sécurité a proposé à Mme [D] une nouvelle affectation sur le site de Tereos situé à [Localité 6], laquelle a été de nouveau refusée par la salariée le 22 avril 2019 au motif que son contrat de travail stipulait qu’elle devait travailler à [Localité 4].
Par courrier du 22 mai 2019, la société Atalian Sécurité a convoqué Mme [D] à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé le 3 juin 2019.
Par lettre recommandée avec demande d’avis de réception du 14 juin 2019, elle lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en ces termes:
‘(…) Lors de l’entretien préalable du 3 juin 2019, vous nous avez confirmé refuser nos propositions de reclassement.
Cependant, malgré nos nombreuses recherches, nous ne disposons pas d’autre poste de reclassement autres que ceux que nous vous avons proposés et que vous avez refusés.
En conséquence, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. (…)’
Le contrat de travail a pris fin le 17 août 2019. Les documents de fin de contrat ont été adressés à la salariée le 12 septembre 2019.
Contestant le bien fondé de son licenciement, Mme [D] a saisi le conseil de prud’hommes d’Angers le 20 septembre 2019 pour solliciter la nullité de la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail, et obtenir la condamnation de la société Atalian Sécurité, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, au paiement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat et d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Atalian Sécurité s’est opposée aux prétentions de Mme [D] et a sollicité sa condamnation au paiement d’une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement en date du 21 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a :
– dit et jugé que la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail est nulle ;
– dit et jugé que le licenciement de Mme [D] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;
– condamné la société Atalian Sécurité à verser à Mme [D] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
– débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Mme [D] a interjeté appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique au greffe de la cour d’appel le 5 février 2021, son appel portant sur tous les chefs lui faisant grief ainsi que ceux qui en dépendent et qu’elle énonce dans sa déclaration.
La société Atalian Sécurité a constitué avocat en qualité d’intimée le 12 février 2021.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 11 janvier 2023 et le dossier a été fixé à l’audience du conseiller rapporteur du 17 janvier 2023.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Mme [D], dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 25 juin 2021, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il :
– a dit et jugé que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
– l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que de dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat.
Statuant à nouveau de :
– dire que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– juger l’article L.1235-3 du code du travail contraire aux engagements internationaux de la France et en écarter l’application ;
– par conséquent, condamner la société Atalian Sécurité à lui verser 30 434,22 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail et de l’article 24 de la Charte sociale européenne ;
– condamner la société Atalian Sécurité à lui délivrer le bulletin de paye afférent aux condamnations salariales et l’attestation Pôle emploi rectifiée sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
– condamner la société Atalian Sécurité à lui verser 2 000 euros au titre de l’instance devant la cour d’appel d’Angers sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– confirmer le jugement dans ses autres dispositions ;
– débouter la société Atalian Sécurité de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société Atalian Sécurité aux dépens de l’instance.
Mme [D] fait valoir qu’en l’absence de précision de sa zone géographique d’application, la clause de mobilité insérée à l’article 4 de son contrat de travail doit être déclarée nulle. Elle affirme qu’elle était alors fondée à refuser les deux offres de reclassement proposées par la société Atalian Sécurité, situées dans le département de la Loire Atlantique (44), et donc dans un autre secteur géographique que le choletais où elle était initialement affectée. Elle souligne que ces propositions de reclassement impliquaient un temps de trajet quotidien de 3 heures incompatible avec ses contraintes familiales.
Mme [D] déduit de ce qui précède que les changements d’affectation proposés par la société Atalian Sécurité constituaient l’un et l’autre, une modification de son contrat de travail ne pouvant lui être imposée sans son accord, et que l’employeur ne pouvait la licencier pour les avoir refusés. Elle ajoute que celui-ci a fondé le licenciement sur la seule perte du marché Carrefour sans démontrer l’existence de difficultés économiques ou de mise en cause de sa compétitivité entraînée par la perte de ce marché.
La salariée prétend par ailleurs que le barème prévu par l’article L.1235-3 du code du travail est contraire aux engagements internationaux de la France qui, en vertu de l’article 55 de la Constitution, ont une autorité supérieure à celle des lois. Elle soutient que cet article méconnaît les articles 30 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union Européenne ainsi que les articles 4, 8 et 10 de la Convention nº 158 de l’Organisation internationale du travail en vertu desquels le juge doit être habilité à ordonner le versement d’une indemnité adéquate qu’elle estime pour sa part, à 18 mois de salaire.
Enfin, Mme [D] fait valoir que le retard dans la remise des documents de fin de contrat lui a causé un préjudice en ce qu’elle a dû attendre le versement de son indemnité de licenciement qui lui était nécessaire en période de rentrée scolaire, rappelant qu’elle a cinq enfants à charge, et qu’elle a eu des difficultés à s’inscrire à Pôle emploi, ce qui a été source d’anxiété et cause de décalage dans le versement des allocations chômage.
*
La société Atalian Sécurité, dans ses dernières conclusions, adressées au greffe le 2 janvier 2023, régulièrement communiquées, ici expressément visées et auxquelles il convient de se référer pour plus ample exposé, demande à la cour de :
– déclarer Mme [D] non fondée en son appel, l’en débouter ;
– la recevoir en son appel incident et y faisant droit ;
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
– dit et jugé que le licenciement de Mme [D] reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
– débouté Mme [D] de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que des dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat ;
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il :
– a dit et jugé que la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail est nulle ;
– l’a condamnée à verser à Mme [D] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Statuant à nouveau :
– dire et juger que la mobilité était inhérente aux fonctions exercées par Mme [D] ;
– dire et juger Mme [D] irrecevable en ses demandes nouvelles formulées à hauteur d’appel et infondée en l’ensemble de ses demandes ;
– débouter Mme [D] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner Mme [D] à lui verser à hauteur d’appel la somme de 2 000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Mme [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
La société Atalian Sécurité fait valoir que la mobilité prévue par l’article 4 du contrat de travail de Mme [D] est inhérente à ses fonctions, conformément aux dispositions de l’article 6.01 de la convention collective. Elle soutient que son affectation sur le site de [Localité 4] n’avait aucune valeur contractuelle de sorte que la salariée pouvait être affectée en dehors de ce secteur géographique sans que cela ne constitue une modification de son contrat de travail nécessitant son accord. Elle ajoute que les sites de [Localité 5] et [Localité 6], respectivement distants de 73 et 62 kilomètres, étaient accessibles en moins d’une heure de trajet, et étaient en tout état de cause, situés dans le même secteur géographique que [Localité 4], site initial d’affectation de Mme [D].
La société Atalian Sécurité prétend avoir exécuté loyalement le contrat de travail en proposant à la salariée les seuls postes de reclassement encore disponibles, les plus proches de son ancien lieu de travail, à la suite de la perte du marché Carrefour Cholet, que celle-ci a refusés. N’ayant pas d’autre poste disponible, elle a été contrainte de la licencier. Elle indique toutefois que Mme [D] aurait pu bénéficier du maintien de son poste à [Localité 4] en acceptant le transfert de son contrat de travail à la société Luxant Security.
Concernant l’indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sollicitée par Mme [D], la société Atalian Sécurité rappelle que le barème fixé à l’article L.1235-3 du code du travail a été validé par le Conseil d’État et la Cour de cassation. En tout état de cause, elle estime que la salariée ne produit aucun élément permettant de démontrer l’absence de réparation adéquate de son préjudice par le barème précité.
Enfin, la société Atalian Sécurité conteste la remise tardive des documents de fin de contrat soulignant qu’ils ont été transmis à Mme [D] début septembre 2019 alors que le terme du contrat de travail était fixé le 17 août 2019.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la clause de mobilité
Pour être valable, la clause de mobilité doit préciser la délimitation de la zone géographique d’application de façon à ce que le salarié qui la signe sache précisément à quoi il s’engage. Une clause de mobilité ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.
En l’absence de définition précise de sa zone géographique d’application, la clause de mobilité est nulle.
Mme [D] prétend que la clause de son contrat de travail figurant à son article 4, intitulé ‘lieu de travail et mobilité géographique’ ne précise pas sa zone géographique d’application et que partant, elle est nulle.
La société Atalian soutient que la mobilité de Mme [D] est inhérente à ses fonctions et qu’il s’agit d’une mobilité de droit dans la mesure où elle est prévue par l’article 6.01 de la convention collective des entreprises de prévention et de sécurité dont les dispositions ont été reprises dans son contrat de travail.
Selon les termes de l’article 6.01 de la convention collective nationale des entreprises de prévention et de sécurité applicable, « le salarié est embauché pour un emploi à tenir dans un ensemble de lieux et de services correspondant à la nature des prestations requises ».
L’article 4 du contrat de travail du 5 décembre 2007 intitulé ‘lieu de travail et mobilité géographique’ est ainsi rédigé:
‘Vos lieux de travail sont ceux des clients de l’établissement, tels qu’ils résultent de votre planning prévisionnel ou modifié. Ces sites pourront être ceux d’un ou plusieurs clients et vous pourrez être affectée indifféremment, successivement ou alternativement sur l’un quelconque de ces sites, en fonction des nécessités, urgences et priorités de services et d’organisation justifiées par la vocation et la nature des prestations de la société.’
Il résulte des dispositions conventionnelles précitées que l’agent de sécurité n’a aucun droit acquis à travailler exclusivement chez le même client et que, par nature, ses fonctions impliquent qu’il soit amené à travailler en des endroits différents selon les besoins du service, ce qu’au demeurant Mme [D] ne conteste pas.
Pour autant, la clause de mobilité figurant à l’article 4 de son contrat de travail qui prévoit que ses lieux de travail seront ceux des clients de l’établissement, où qu’ils soient, sans autre précision sur la zone géographique visée, ne permettait pas à Mme [D] de connaître exactement les lieux ou le périmètre d’implantation de la société Atalian Sécurité sur lesquels elle serait amenée à intervenir et de ce fait, l’étendue de son engagement.
La zone géographique n’ayant pas été délimitée de façon précise, cette clause doit être déclarée nulle, et le jugement confirmé de ce chef.
Sur le licenciement
Mme [D] prétend la société Atalian Sécurité ne pouvait valablement la licencier pour avoir refusé les propositions d’affectation à [Localité 5] et [Localité 6], lesquelles constituaient une modification de son contrat de travail en ce que ces sites ne se situent pas dans le même secteur géographique, que son temps de trajet aurait été de l’ordre de 3 heures par jour et que sa vie familiale et personnelle en aurait été fortement bouleversée, rappelant qu’elle a cinq enfants à charge dont un très jeune. Elle soutient que la société Atalian Sécurité ne pouvait pas davantage motiver son licenciement sur la seule perte du marché Carrefour sans démontrer l’existence de difficultés économiques ou la mise en cause de sa compétitivité consécutive à la perte de ce marché.
La société Atalian Sécurité prétend que Mme [D] a manqué à ses obligations contractuelles en refusant de se rendre sur son nouveau lieu d’affectation dans la mesure où ce changement de site était nécessaire compte tenu de la perte du marché Carrefour et de l’absence de poste sur un lieu plus proche de son domicile. Elle ajoute que les sites de [Localité 5] et de [Localité 6] sont situés dans le même secteur géographique en ce qu’ils sont distants respectivement de 73 et 62 kilomètres et accessibles en moins d’une heure de [Localité 4]. En tout état de cause, n’ayant pas d’autre poste disponible à lui proposer, elle n’avait pas d’autre choix que de la licencier.
La lettre de licenciement du 14 juin 2019 est motivée ainsi :
‘Pour mémoire, vous occupez le poste d’agent de sécurité magasin arrière-caisse au sein de notre société et vous étiez à ce titre affectée sur le site Supply Chain de [Localité 4].
Comme vous le savez, nous ne sommes plus titulaires de ce marché depuis le 31 janvier 2018, et vous avez refusé le transfert conventionnel de votre contrat de travail au nouvel adjudicataire du marché.
Vous vous êtes ensuite absentée dans le cadre de votre congé maternité qui a pris fin le 11 février 2019.
Dans le même temps, nous avons préocédé à des recherches de reclassement qui se sont avérées fructueuses.
Dans ce cadre, par courrier recommandé du 1er mars 2019, nous vous avons proposé une nouvelle affectation sur le site DB Schenker à [Localité 5].
Par réponse du 7 mars 2019, vous nous avez fait part de votre refus.
Nous avons alors procédé à de nouvelles recherches pour préserver dans les meilleures conditions votre emploi, et avons pu indentifier un autre poste de reclassement.
Par courrier du 18 avril 2019, nous vous avons proposé un nouveau poste sur le site de Tereos à [Localité 6].
Par courrier du 22 avril 2019, vous nous avez également fait part de votre refus.
Lors de l’entretien préalable du 3 juin 2019, vous nous avez confirmé refuser nos propositions de reclassement.
Cependant, malgré nos nombreuses recherches, nous ne disposons pas d’autre poste de reclassement autres que ceux que nous vous avons proposés et que vous avez refusés.
En conséquence, nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.’
Indépendamment de la validité de la clause de mobilité, l’affectation d’un salarié par l’employeur à l’intérieur d’un même secteur géographique constitue un simple changement de ses conditions de travail et s’impose à lui, tandis que son affectation au-delà des limites d’un même secteur géographique caractérise une modification de son contrat de travail soumise à son accord et qu’il est en droit de refuser.
Pour autant, en cas de refus par le salarié d’une modification de son contrat de travail, l’employeur peut engager une procédure de licenciement non pas pour refus de la modification, mais pour les raisons l’ayant conduit à décider de la modification du contrat de travail, étant précisé que le seul refus de la modification ne constitue pas en soi une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Au cas présent, si l’employeur ne pouvait se prévaloir de la clause de mobilité pour affecter Mme [D] sur les sites de [Localité 5] ou de [Localité 6], il convient toutefois d’apprécier si ces propositions constituent un changement de ses conditions de travail ou une modification de son contrat, puis dans la seconde hypothèse, si cette modification est justifiée.
Faute de définition précise du secteur géographique, il convient de se référer à des indices pour caractériser ce secteur tels que la distance, le bassin d’emploi, les infrastructures routières ou ferroviaires, les transports en communs.
Il est acquis que Mme [D] travaillait à [Localité 4], étant précisé toutefois que son lieu de travail ne figure pas dans son contrat de travail, et elle habite [Localité 4].
Les villes de [Localité 4] et de [Localité 6] sont éloignées d’une soixantaine de kilomètres. Elles sont situées dans des départements différents et disposent chacune de leur tissu économique, même s’il existe des interactions.
[Localité 5] est une commune de la périphérie de [Localité 6] et se situe à 73 kilomètres de [Localité 4]. S’y rendre suppose, soit de prendre son véhicule et d’effectuer au moins une heure de trajet si ce n’est davantage au vu de la densité de la circulation à l’approche et dans le contournement de la ville, soit de prendre le train avec changement à [Localité 6] et par conséquent un temps de parcours encore supérieur. A cet égard, on notera que les évaluations de temps de trajet en voiture communiquées par la société Atalian Sécurité portent sur un parcours effectué à la mi-journée, à un horaire où la circulation est la moins dense. Le site Tereos se situe à 63 kilomètres de [Localité 4], dans le centre de [Localité 6], nécessitant pour s’y rendre, soit de prendre son véhicule avec les difficultés de circulation précitées pour accéder au centre de la ville, soit le train puis le bus, ces deux modes de transport générant là encore, un temps de parcours supérieur à une heure. Le temps de trajet aller/retour de Mme [D] d’un minimum de deux heures en aurait dès lors été considérablement allongé et sa vie familiale nécessairement impactée.
Il s’en suit que les propositions de changement d’affectation qui lui ont été formulées ne se situent pas dans le même secteur géographique que son lieu de travail initial, et s’analysent comme une modification de son contrat nécessitant son accord.
Il est avéré qu’elle les a refusées.
Le motif qui a conduit la société Atalian Sécurité à proposer les modifications du contrat de travail refusées résulte de la perte du marché Carrefour [Localité 4], motif non inhérent à la personne de Mme [D] et dont la matérialité non critiquée est établie par les pièces versées par l’employeur.
Dans le cas où le licenciement ne peut être justifié par des motifs personnels, il est nécessairement de nature économique, ce qui conduit à vérifier l’existence d’une cause économique valable.
Si la perte de ce marché a conduit la société Atalian Sécurité à une réorganisation de son activité de prestations de prévention et de sécurité, il n’est pas démontré ni même allégué que cette réorganisation découlait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Dès lors, la perte du marché de [Localité 4], comme la volonté non remise en cause de l’employeur de rechercher de nouvelles missions pour permettre le maintien de la relation contractuelle, le refus de nouvelles affectations proposées à la salariée, et la situation de blocage en résultant, ne peuvent constituer, au regard des principes ci-dessus énoncés, une cause réelle et sérieuse de nature à justifier le licenciement, cause qui serait distincte des deux seuls motifs, inhérent à la personne du salarié ou économique, légalement admis en pareil cas.
Par suite, dès lors qu’il n’est pas démontré que la réorganisation de la société Atalian Sécurité dans l’affectation de son personnel et en particulier de Mme [D] découlait de difficultés économiques ou de mutations technologiques ou qu’elle était nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité, le licenciement qui n’est fondé ni sur un motif inhérent à la personne du salarié, ni sur un motif économique, doit être considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Par conséquent, le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Les dispositions de la Charte sociale européenne n’ont pas d’effet direct entre particuliers de sorte que leur invocation devant le juge, dans le cadre de la contestation d’un licenciement, ne peut pas conduire à écarter l’application du barème prévu par les dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, étant par ailleurs acquis que ces dernières sont de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Il appartient seulement au juge d’apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l’article L.1235-3 du code du travail, lesquels sont compris, au vu de son ancienneté, entre 3 mois et 10,5 mois de salaire.
Mme [D] avait 11,5 ans d’ancienneté et elle était âgée de 38 ans au moment du licenciement. Elle ne justifie pas de sa situation postérieure au licenciement et allègue d’un préjudice constitué par l’incertitude dans laquelle elle est restée pendant plusieurs semaines du fait des propositions de la société Atalian Sécurité, et par l’anxiété qui en est découlée.
Compte tenu de ces éléments et sur la base non contestée d’un salaire mensuel brut de 1 690,79 euros, il lui sera alloué la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour remise tardive des documents de fin de contrat
La société Atalian Sécurité fait valoir que le préavis de Mme [D] a pris fin le 17 août 2019 et indique lui avoir transmis les documents de fin de contrat début septembre 2019. Elle considère dès lors n’avoir commis aucun manquement, ajoutant que Mme [D] ne démontre pas avoir subi un préjudice.
Mme [D] explique qu’au vu de son faible niveau de revenus et de ses charges de famille, le retard d’un mois dans la remise des documents de fin de contrat lui a causé un préjudice en ce qu’elle a dû attendre pour percevoir son indemnité de licenciement et a eu des difficultés à s’inscrire à Pôle emploi, cette situation étant cause de nouvelle anxiété, outre le fait que les allocations chômage ont été versées en décalé.
Le contrat a pris fin le 17 août 2019 et les documents de fin de contrat ont été adressés à Mme [D] le 12 septembre 2019, soit moins d’un mois plus tard. Par ailleurs, si Mme [D] justifie d’une demande le 11 septembre 2019 par Pôle emploi de l’attestation qui lui est destinée, on note que ce n’est pas le seul document manquant. Enfin, Mme [D] ne justifie ni de difficultés dans l’attente de son indemnité de licenciement, ni que les allocations chômage auxquelles elle pouvait prétendre le cas échéant, lui auraient été versées avec retard.
Elle doit par conséquent être déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.
Sur la remise d’un bulletin de paie et d’une attestation Pôle emploi rectifiée
Mme [D] ne développe pas ce moyen et se contente de solliciter dans son dispositif un bulletin de paie afférent aux condamnations salariales et une attestation Pôle emploi rectifiée.
La condamnation précitée étant indemnitaire et non salariale, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande qui s’avère sans objet.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Sur le remboursement des indemnités de chômage
Selon l’article L.1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles qu’il énonce, le juge ordonne le remboursement par l’employeur fautif aux organismes intéressés, de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage. Ce remboursement est ordonné d’office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l’instance ou n’ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.
Les conditions d’application de cet article étant réunies, il y a lieu d’ordonner le remboursement par la société Atalian Sécurité à Pôle emploi des indemnités de chômage effectivement versées à Mme [D] par suite de son licenciement et ce dans la limite de trois mois d’indemnités.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
L’équité commande de faire application de l’article 700 du code de procédure civile au profit de Mme [D] en appel et de condamner la société Atalian Sécurité à lui verser la somme de 1 500,00 euros à ce titre.
La société Atalian Sécurité qui succombe à l’instance doit être condamnée aux dépens d’appel et déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile présentée en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement, publiquement et par mise à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Angers le 7 janvier 2021 sauf en ce qu’il a dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et a débouté Mme [U] [D] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,
DIT que le licenciement de Mme [U] [D] est sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Sasu Atalian Sécurité à payer à Mme [U] [D] la somme de
10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
ORDONNE à la Sasu Atalian Sécurité de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage effectivement versées à Mme [U] [D] par suite de son licenciement et ce dans la limite de trois mois d’indemnités ;
CONDAMNE la Sasu Atalian Sécurité à payer à Mme [U] [D] la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d’appel ;
DEBOUTE la Sasu Atalian Sécurité de sa demande présentée en appel au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Sasu Atalian Sécurité aux dépens d’appel.
LE GREFFIER, P/LE PRÉSIDENT EMPÊCHÉ,
Viviane BODIN Claire TRIQUIGNEAUX-MAUGARS