Argumentation de l’appelante sur l’absence de fait accidentel
L’appelante soutient qu’il n’y a pas eu de fait accidentel particulier, soudain, précis, au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. Elle affirme que les lésions trouvent leur origine dans une apparition lente et progressive de la douleur, et non dans un événement accidentel. De plus, elle souligne que la salariée avait des antécédents médicaux qui pourraient expliquer les douleurs.
Argumentation de l’appelante sur le non-respect du contradictoire
L’appelante affirme que la caisse n’a pas respecté le contradictoire de l’instruction du dossier d’accident du travail, notamment en ne fournissant pas l’avis du service médical dans le dossier consulté. Elle estime que cet avis aurait pu influencer la décision de prise en charge de l’accident du travail.
Réplique de la CPAM
La CPAM soutient que l’employeur n’a pas contesté les circonstances de l’accident, et que tout accident survenant sur le lieu et au temps du travail est présumé être un accident du travail. Elle estime avoir rempli ses obligations lors de l’instruction du dossier et affirme que l’avis du service médical n’aurait pas changé la reconnaissance du caractère professionnel de l’accident.
Conclusion du jugement
Le tribunal confirme que l’accident du travail est bien survenu au temps et au lieu du travail, et que les événements traumatiques survenus pendant la journée de travail ont directement causé la lésion. De plus, l’absence de l’avis du service médical dans le dossier consulté par l’employeur n’a pas d’incidence sur la décision de prise en charge de l’accident du travail. Ainsi, le jugement est confirmé et l’appelante devra supporter les dépens de l’instance en appel.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C5
N° RG 21/03073
N° Portalis DBVM-V-B7F-K6WF
N° Minute :
Notifié le :
Copie exécutoire délivrée le :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE SOCIALE – PROTECTION SOCIALE
ARRÊT DU VENDREDI 31 MARS 2023
Ch.secu-fiva-cdas
Appel d’une décision (N° RG 18/00049)
rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble
en date du 20 mai 2021
suivant déclaration d’appel du 08 juillet 2021
APPELANTE :
S.A.S. [4], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Corinne POTIER de la SCP FLICHY GRANGÉ AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, substituée par Me Olivier MAMBRE, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
CPAM DE L’ISERE, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
comparante en la personne de Mme [Y] [V] [W], régulièrement munie d’un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,
Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller,
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 24 janvier 2023
M. Pascal VERGUCHT, Conseiller, en charge du rapport et Mme Isabelle DEFARGE, Conseiller, ont entendu les représentants des parties en leurs conclusions et plaidoiries, assistés de Mme Kristina YANCHEVA, Greffier, en présence de Mme Fatma DEVECI, Greffier stagiaire, et de Mme Laëtitia CHAUVEAU, Juriste assistant, conformément aux dispositions de l’article 945-1 du code de procédure civile, les parties ne s’y étant pas opposées ;
Puis l’affaire a été mise en délibéré au 31 mars 2023, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L’arrêt a été rendu le 31 mars 2023.
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon une déclaration d’accident du travail du 7 juillet 2017, Mme [C] [F], opératrice de production de la société [4], a présenté le 5 juillet 2017 à 18h00 (pour une journée de travail de 13h00 à 21h00) des douleurs au bras droit alors qu’elle travaillait sur une ligne d’adhésivage, l’employeur mentionnant qu’il n’y avait pas de fait accidentel et adressant une lettre de réserve du même jour.
Un certificat médical initial du 5 juillet 2017 a constaté une lésion musculaire du long supinateur de l’avant-bras droit.
À la suite de son instruction, la CPAM de l’Isère a notifié par courrier du 8 septembre 2017 à l’employeur la possibilité de consulter le dossier avant une prise de décision le 28 septembre 2017. A cette date, la CPAM a pris en charge l’accident du travail.
La commission de recours amiable de l’organisme a rejeté la contestation de l’employeur le 26 février 2018.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble saisi par la société [4] d’un recours contre la CPAM de l’Isère a décidé, par jugement du 20 mai 2021, de’:
– déclarer le recours de la société recevable mais mal fondé,
– débouter la société de sa demande d’inopposabilité,
– déclarer opposable à la société la prise en charge de l’accident de Mme [F] et les arrêts et soins prescrits à ce titre,
– condamner la société aux dépens.
Par déclaration du 8 juillet 2021, la SAS [4] a relevé appel de cette décision.
Par conclusions déposées le 2 août 2021 et reprises oralement à l’audience devant la cour, la SASU [4] demande’:
– l’infirmation du jugement,
– que lui soit déclarée inopposable la prise en charge de l’accident.
Par conclusions du 16 janvier 2023 reprises oralement à l’audience devant la cour, la CPAM de l’Isère demande’:
– la confirmation du jugement,
– que la prise en charge de l’accident et des arrêts de travails et soins prescrits à ce titre soient déclarés opposables à l’employeur.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est donc expressément référé aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.
MOTIVATION
En premier lieu, l’appelante soutient qu’il n’y a pas eu de fait accidentel particulier, soudain, précis, tels un choc ou une chute, au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale. Elle précise que cela découle des déclarations de la salariée, du questionnaire qu’elle a rempli et des témoignages recueillis par l’enquêteur de la caisse, les lésions trouvant leur origine dans une apparition lente et progressive de la douleur qui était récurrente et à l’occasion d’un mouvement habituel et répété. La société souligne que le tribunal n’a caractérisé aucun fait accidentel. Elle ajoute que la salariée présentait un état pathologique antérieur selon l’enquête et ses déclarations, et souffrait d’une tendinite de l’épaule, d’arthrose, d’un pincement au niveau des cervicales et de douleurs consécutives à des opérations de ses deux canaux carpiens.
En second lieu, l’appelante soutient que la caisse n’a pas respecté le contradictoire de l’instruction du dossier d’accident du travail et les dispositions des articles R. 441-13 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, car le service médical a été interrogé sans que son avis figure dans le dossier qu’elle a consulté dans les locaux de la CPAM le 18 septembre 2017, ainsi que cela ressort de son bordereau de consultation. Elle précise que la caisse ne saurait prétendre que cet avis n’a pas compté pour justifier le bien-fondé de sa décision de prise en charge, comme elle le soutient dans ses conclusions en contradiction expresse avec ses conclusions en première instance, et alors que cet élément a permis l’imputabilité de la lésion au travail. La société ajoute que le tribunal a omis de répondre sur ce point, qui n’avait pas été conclu par écrit, mais qui avait été exposé oralement lors de l’audience, la caisse ayant été autorisée à déposer une note en délibéré sur ce point, ce qu’elle n’a pas fait.
La CPAM réplique, sur le premier point, que l’employeur n’aurait pas émis de réserves sur les circonstances de l’accident, et qu’un fait accidentel se produisant sur le lieu et au temps du travail est présumé être un accident du travail, l’employeur ayant la charge de la preuve pour combattre cette présomption d’imputabilité. Sur le second point, la caisse estime avoir rempli ses obligations lors de l’instruction du dossier et ajoute que l’avis du service médical sur l’imputation des lésions dont il est demandé la production n’a pas eu d’incidence sur la reconnaissance du caractère professionnel, la matérialité étant établie par les pièces du dossier, et la pièce de nature médicale ne pouvant être produite.
Il convient de rappeler que l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale dispose que’: «’Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d’entreprise.’»
Par ailleurs, il est constant que constitue un accident du travail un évènement ou une série d’évènements survenus à des dates certaines par le fait ou à l’occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle, quelle que soit la date d’apparition de celle-ci.
En l’espèce, il ressort des éléments versés au débat que’:
– en réponse au questionnaire de la caisse, Mme [F] a écrit le 25 juillet 2017 que’: «’au bout d’1h30 de travail, ça a tiré dans mon avant-bras et une gonfle est sortie’»’; «’je posais du papier sur des seuils et coupais avec un ciseau depuis le début du poste (13h00 à 15h15), changement de poste de 15h15 à 17h30’»’; heure de l’accident «’14h30 mais je suis parti aux urgences à 18h30, soin donné par un secouriste à 18h00’»’; réponse «’Oui’» à la question sur le caractère récurrent de ces douleurs’; «’ces lésions sont apparues de façon lente et progressive pour la première fois de la journée de travail du 5 juillet 2017′: douleurs de l’avant-bras au bout d’une heure et demie de production qui s’est accentué pour former une gonfle dans la demie-heure qui a suivie (constaté par [O] [H]) plus tard la douleur devenant insupportable, sur l’insistance de mes collègues, je me suis adressé à la contremaître de l’usine qui a prévenu les secours’».
– selon une attestation de témoignage de Mme [O] [H] du 24 juillet 2017, «’l’avant-bras droit de ma collègue [C] [F] était enflé. La partie enflée était rouge, dure et chaude. Environ trois heures après, au moment de la pause, devant la persistance de l’enflure et de sa douleur, nous avons, mon autre collègue et moi, insisté pour que [C] signale les faits à la contremaître et à la secouriste’».
La survenance de la lésion au temps et au lieu du travail n’est donc pas contestable.
La répétition de l’usage de ciseaux de bureau, pendant une heure trente, pour une découpe d’adhésifs, constitue une série d’évènements traumatiques bien précis et circonscrits dans le temps, desquels a directement découlé la lésion constatée par le certificat médical initial, nonobstant une récurrence qui n’est pas précisée et des états pathologiques antérieurs qui ont pu être aggravés par l’accident : la prise en charge de l’accident au titre de la législation professionnelle est donc bien opposable à l’employeur.
Par ailleurs, si aucun avis médical ni aucun échange historisé n’a figuré dans le dossier consulté par l’employeur, selon le bordereau qu’il a rempli précisément, aucun grief ne peut être retenu dans la mesure où les détails de l’avis sont couverts par le secret professionnel et que, la caisse étant tenue par l’avis de son service médical sur l’imputation de la lésion au travail, il ne pouvait être ignoré que cet avis était favorable à une telle imputabilité.
Le jugement sera donc confirmé et l’appelante supportera les dépens de l’instance en appel.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement et publiquement, après en avoir délibéré conformément à la loi’:
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Grenoble du 20 mai 2021,
Y ajoutant,
Condamne la SASU [4] aux dépens de l’instance en appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par M. Jean-Pierre Delavenay, président et par Mme Chrystel Rohrer, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président