Effet dévolutif de l’appel
Il est rappelé que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement critiqués expressément et de ceux qui en dépendent. Seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement. Ainsi, lorsque la déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs de jugement critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas.
Procédure d’appel avec représentation obligatoire
L’appel du jugement des conseils de prud’hommes est soumis à une procédure avec représentation obligatoire. Les parties doivent constituer un avocat, sauf si elles sont représentées par un défenseur syndical. Ce dernier peut accomplir les actes requis par la procédure d’appel, même s’il n’est pas un professionnel du droit.
Déclaration d’appel non régularisée
Dans cette affaire, la déclaration d’appel ne mentionnait pas les chefs du jugement critiqués, empêchant ainsi l’effet dévolutif d’opérer. Aucune régularisation de la déclaration d’appel n’a été faite dans le délai imparti, ce qui signifie que la cour n’est saisie d’aucune demande.
Dépens d’appel et article 700
La partie qui succombe dans l’appel doit supporter les dépens. En l’espèce, il n’est pas inéquitable de débouter les parties de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 23 NOVEMBRE 2023
(n° 508, 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/00513 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CC7CQ
Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er décembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 19/07638
APPELANTE
Madame [M] [H]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Mme [F] [E] [Z] (Défenseur syndical ouvrier)
INTIMÉE
S.A.S.U. DERICHEBOURG RETAIL
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Geoffrey CENNAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0750
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 septembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre, chargée du rapport, et Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
La société Derichebourg Detail est la filiale accueil du groupe Derichebourg et employait à la fin de l’année 2018 91 salariés.
Elle assure la gestion, par délégation, des points de vente PMU City pour son client, la société PBS, propriétaire des boutiques.
Mme [H] a été embauchée par la société So’Gernord par contrat à durée indéterminée du 30 novembre 2015 en qualité de manager.
Le 1er janvier 2017, le contrat de travail a été transféré à la société Derichebourg Retail.
Par courrier du 07 septembre 2018, Mme [H] a été convoquée à un entretien préalable fixé au 19 septembre 2018.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 25 septembre 2018, la société Derichebourg Retail a notifié à Mme [H] son licenciement pour faute.
La relation de travail a pris fin à l’échéance du préavis, soit le 24 novembre 2018.
Mme [H] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris par requête en date du 21 août 2019.
Par jugement contradictoire du 1er décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
– débouté Mme [H] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la SAS Derichebourg Retail de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– condamné Mme [H] aux dépens de l’instance.
Par déclaration notifiée par le RPVA le 31 décembre 2020, Mme [H] a interjeté appel de cette décision.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 18 août 2021, Mme [H] demande à la cour de :
– déclarer irrecevable la demande de constatation de non saisine de la cour formulée par la SAS Derichebourg Retail ;
– dire et juger que la déclaration d’appel n°21/01561 de Mme [H] opère la dévolution des chefs critiqués du jugement du conseil de prud’hommes de Paris n°19/07638 notifié le 22 décembre 2020 ;
– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Paris dans toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :
– fixer la rémunération mensuelle brute à la somme de 2491, 03 euros ;
– condamner la SAS Derichebourg Retail à verser à Mme [H] les sommes de :
indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 25 000 euros,
retenue indemnité complémentaire : 768, 22 euros,
rappel de la prime de gestion de février 2018 : 247, 58 euros,
rappel de salaires sur retenues pour absences injustifiées d’août à septembre 2018 : 347, 51 euros + indemnité compensatrice de congés payés afférents : 34, 75 euros,
– délivrance des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés : certificat de travail, solde de tout compte attestation Pôle Emploi ;
astreinte : 50 euros par jour de retard 15 jours après la notification de la décision à intervenir le conseil se réservant le droit de liquider l’astreinte,
article 700: 1000 euros,
intérêts au taux légaux à compter de la notification de la convocation par le conseil de prud’hommes de Derichebourg Retail au bureau de conciliation et d’orientation (1231-6 du code civile) pour les créances à nature salariale et à compter de la notifiaction de l’arrêt pour les autres sommes allouées (1231-7 du code civil) ;
anatocisme 1343- 2 du code civil ;
dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions transmises par la voie électronique le 14 janvier 2022, la société Derichebourg Retail demande à la cour de :
in limine litis et à titre principal :
– prononcer l’absence d’effet dévolutif de la déclaration d’appel du 31 décembre 2021 enregistrée sous le numéro 21/01561 ;
– juger que les conclusions déposées par Mme [H] au soutien de son appel ne déterminent pas l’objet du litige porté devant la cour ;
– juger que la dévolution n’a donc pu s’opérer faute pour Mme [H] de soutenir son appel ;
– prononcer l’absence d’effet dévolutif de l’appel de Mme [H] enregistré sous le numéro RG 21/00513 ;
– juger qu’elle n’est pas valablement saisie des demandes de Mme [H] ;
A titre subsidiaire, sur le fond si la cour entendait néanmoins retenir l’affaire :
– confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris le 1er décembre 2020 en ce qu’il a jugé les griefs établis et le licenciement fondé ;
– confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris le 1er décembre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [H] de sa demande en remboursement de retenue indue au titre de la complémentaire santé ;
– confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris le 1er décembre 2020 en ce qu’il a jugé que Mme [H] n’est pas en droit d’obtenir le versement d’une prime de gestion au titre du 4ème trimestre 2017 ;
– confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris le 1er décembre 2020 en ce qu’il a jugé que Mme [H] n’est pas en droit d’obtenir un rappel de salaire sur retenues pour absences injustifiées d’août à septembre 2018 ;
– confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris le 1er décembre 2020 en ce qu’il a débouté Mme [H] de l’ensemble de ses demandes ;
En conséquence,
– débouter Mme [H] de l’intégralité de ses demandes ;
– infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud’hommes de Paris le 1er décembre 2020 en ce qu’il a débouté la société Derichebourg Retail au titre de sa demande d’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2.000 euros ;
En conséquence,
– condamner Mme [H] à payer à la société Derichebourg Retail la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance et 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel ainsi qu’aux entiers dépens ;
A titre infiniment subsidiaire,
Si par extraordinaire, la Cour devait entrer en voie de condamnation,
– limiter le montant des dommages et intérêts au titre de l’indemnité sans cause réelle et sérieuse à l’équivalent de 3 mois de salaire soit 7.466,28 euros.
La Cour se réfère pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties à leurs conclusions conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’instruction a été déclarée close le 24 mai 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Il résulte des dispositions de l’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017, que l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent, la dévolution ne s’opérant pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du
litige est indivisible. En outre, seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement.
Par ailleurs, l’article 901 du code de procédure civile édicte que la déclaration d’appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par l’article 57 et à peine de nullité :
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible…
Ainsi, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas. Aucune régularisation de la déclaration d’appel ne peut intervenir par conclusions. La régularisation peut toutefois s’opérer par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti à l’appelant pour conclure. Ces règles ne portent pas atteinte au droit d’accès au juge.
De même, lorsque la déclaration d’appel tend à la réformation du jugement en énonçant les demandes formulées devant les premiers juges mais sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l’effet dévolutif n’opère pas, quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé.
Par ailleurs, l’appel du jugement des conseils de prud’hommes est formé, instruit et jugé suivant la procédure avec représentation obligatoire.
Selon l’article R. 1461-1, alinéas 2 et 3, du code du travail, les parties sont tenues de constituer avocat à défaut d’être représentées par le défenseur syndical visé au 2° de l’article R. 1453-2, lequel accomplit valablement les actes mis à la charge de l’avocat, de même que ceux destinés à l’avocat sont valablement accomplis auprès du défenseur syndical.
Il s’ensuit que le défenseur syndical que choisit l’appelant pour le représenter, s’il n’est pas un professionnel du droit, n’en est pas moins à même d’accomplir les formalités requises par la procédure d’appel avec représentation obligatoire sans que la charge procédurale en résultant présente un caractère excessif de nature à porter atteinte au droit d’accès au juge garanti par l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
En l’espèce, la déclaration d’appel établie par l’appelante est ainsi libellée :
– indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
– retenue indue complémentaire santé ;
– rappel de salaires sur la prime de gestion de février 2018 ;
– rappel de salaires sur retenues pour absences injustifiées d’août et septembre 2018 ;
– indemnité compensatrice de congés payés afférents ;
– délivrance des bulletins de paie et documents de fin de contrat rectifiés ;
– article 700 ;
– intérêts légaux.
Force est ainsi de constater qu’il n’est fait mention d’aucun des chefs du jugement, étant relevé qu’aucune annexe n’accompagnait la déclaration d’appel.
En application des principes susvisés, la cour retient donc que l’effet dévolutif n’a pas opéré, dès lors que la déclaration d’appel ne mentionne pas les chefs du jugement qui sont critiqués et qu’elle n’a pas été régularisée par une nouvelle déclaration d’appel dans le délai imparti à l’appelante pour conclure au fond.
La cour n’est donc saisie d’aucune demande.
Mme [H] qui succombe doit supporter les dépens d’appel.
Il n’est pas inéquitable compte tenu des circonstances entourant le litige de débouter les parties de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
CONSTATE l’absence d’effet dévolutif de l’appel interjeté le 31 décembre 2020 par Mme [M] [H] et l’absence de saisine de la cour;
DÉBOUTE Mme [M] [H] et la SASU Derichebourg Retail de leur demande respective formée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [M] [H] aux dépens d’appel ;
DÉBOUTE les parties de toute autre demande.
La greffière, La présidente.