Troubles de voisinage : résiliation du bail

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Sur la demande de résiliation du bail

Selon l’article 1729 du code civil, le bailleur peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail si le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement. Le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location, en application de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, rappelé par l’article 10 du contrat. La faute reprochée au locataire doit être suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du bail. Mme [H] ne conteste pas les manquements qui lui sont reprochés depuis courant 2017. Les nuisances sonores sont attestées par plusieurs voisins qui se plaignent, de la part de Mme [H] et de son compagnon, de cris et coups sur la porte d’entrée, de bruits de chute d’objets, de trainement de meubles et de claquements de porte en pleine nuit ainsi que d’aboiements de chien. Le bailleur a fait constater par voie d’huissier les plaintes contre Mme [H]. Le renouvellement des plaintes au cours de l’année 2020 démontre que le comportement de Mme [H] n’a pas évolué malgré les mises en garde qui lui ont été faites. De tels comportements, par leur nature et surtout leur répétition, malgré l’intervention du bailleur et du jugement dont appel constituent une violation grave et renouvelée par Mme [H] de ses obligations découlant du bail, à savoir user paisiblement des lieux loués et s’interdire de tout acte pouvant nuire à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu’à la tranquillité.

Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées. Mme [H] qui succombe en ses prétentions supportera la charge des dépens d’appel. L’équité commande enfin, en application de l’article 700 du code de procédure civile, de rejeter la demande de l’OPAC au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

27 septembre 2022
Cour d’appel d’Amiens
RG n°
21/03835

ARRET

[H]

C/

L’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – OPAC DE L’OISE

MS/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU VINGT SEPT SEPTEMBRE

DEUX MILLE VINGT DEUX

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/03835 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IFSK

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION DE COMPIEGNE DU VINGT SEPT MAI DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Madame [X] [H]

née le 17 Mars 1968 à [Localité 3]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Gérard FERREIRA, avocat au barreau de COMPIEGNE

(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/0113991 du 13/01/2022 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de AMIENS)

APPELANTE

ET

L’OFFICE PUBLIC DE L’HABITAT – OPAC DE L’OISE, prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Renaud DEVILLERS, avocat au barreau de BEAUVAIS

INTIMEE

DEBATS :

A l’audience publique du 28 juin 2022, l’affaire est venue devant Mme Myriam SEGOND, magistrat chargé du rapport siégeant sans opposition des avocats en vertu de l’article 805 du Code de procédure civile. Ce magistrat a avisé les parties à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

La Cour était assistée lors des débats de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :

Le magistrat chargé du rapport en a rendu compte à la Cour composée de M. Pascal BRILLET, Président, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, qui en ont délibéré conformément à la Loi.

PRONONCE DE L’ARRET :

Le 27 septembre 2022, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre, et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 19 novembre 2007, l’office public de l’habitat de l’Oise (l’OPAC) a donné à bail d’habitation à Mme [H] un appartement situé [Adresse 1].

Plusieurs voisins se sont plaints du comportement de Mme [H].

Alléguant l’existence de manquements graves et persistants à ses obligations de locataire d’user paisiblement des lieux loués, l’OPAC a assigné Mme [H] par acte du 14 octobre 2020 aux fins de résiliation du bail, d’expulsion et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.

Par jugement du 27 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Compiègne a :

– prononcé la résiliation du bail aux torts de Mme [H],

– dit qu’à défaut pour elle de libérer volontairement les lieux, il sera procédé à son expulsion et à celle de tout occupant de son chef ainsi que de tous biens avec si nécessaire le concours d’un serrurier et de la force pulique, deux mois après un commandement de quitter les lieux,

– condamné Mme [H] à payer à l’OPAC une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer augmenté des charges jusqu’à la libération définitive des lieux et remise des clés,

– dit que cette indemnité sera payable et variera selon les mêmes modalités que le loyer du bail résilié et que l’OPAC pourra procéder à la régularisation des charges,

– condamné Mme [H] à payer à l’OPAC une indemnité de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté toute demande plus ample et contraire,

– condamné Mme [H] aux dépens.

Par déclaration du 20 juillet 2021, Mme [H] a fait appel.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 1er décembre 2021.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions du 30 juillet 2021, Mme [H] demande à la cour d’infirmer la décision en toutes ses dispositions, débouter l’OPAC et la condamner aux dépens.

Elle fait valoir qu’atteinte de sclérose tubéreuse, d’épilepsie, de troubles de la personnalité et de multiples atteintes articulaires, les manquements reprochés s’expliquaient par son état de santé et ont disparu depuis la prise en charge de ses pathologies, son médecin ayant en outre attesté le 3 novembre 2020 de ce qu’il était préférable qu’elle puisse conserver son logement actuel.

Par conclusions du 23 septembre 2021, l’OPAC sollicite la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et la condamnation de Mme [H] au paiement d’une indemnité de procédure de 1 500 euros ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

Il réplique que Mme [H] manque de manière grave et réitérée à ses obligations de locataire, par des tapages diurnes et noctures, des bagarres avec son compagnon dans son logement, des dépôts de détritus dans les parties communes et des injures et menaces envers les locataires ou le gardien d’immeuble, ce depuis courant 2017. Il ajoute qu’en dépit de courriers de mises en demeure des 16 octobre 2017, 9 mars 2018, 12 septembre 2019 et 19novembre 2019 et d’un entretien du 5 novembre 2019, faisant suite à de nombreuses plaintes de locataires de l’immeuble, le comportement de Mme [H] n’a pas évolué et s’est poursuivi après l’audience et le jugement dont appel.

MOTIVATION

1. Sur la demande de résiliation du bail

Selon l’article 1729 du code civil, le bailleur peut, suivant les circonstances, faire résilier le bail si le preneur n’use pas de la chose louée raisonnablement.

Le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location, en application de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, rappelé par l’article 10 du contrat. L’article 6-1 de la loi précitée fait obligation au bailleur, sauf motif légitime, d’utiliser les droits dont il dispose pour faire cesser les troubles de voisinage causés à des tiers par les personnes qui occupent les locaux.

La faute reprochée au locataire doit être suffisamment grave pour justifier la résiliation judiciaire du bail. La cour doit apprécier la situation à la date où elle statue.

Mme [H] ne conteste pas les manquements qui lui sont reprochés depuis courant 2017. Les nuisances sonores sont attestées par plusieurs voisins qui se plaignent, de la part de Mme [H] et de son compagnon, de cris et coups sur la porte d’entrée, de bruits de chute d’objets, de trainement de meubles et de claquements de porte en pleine nuit ainsi que d’aboiements de chien. Ces nuisances ont été relevées en 2019 par Mme [J] (courrier du 3 septembre 2019, attestation du 23 octobre 2019), M. [R] (attestation du 21 octobre 2019), Mme [Y] (attestation du 5 octobre 2019), M. [N] (attestation du 14 octobre 2019), M. [V] (attestation du 11 octobre 2019) et en 2020 par Mme [J] (attestation du 27 mai 2020), M. [N] (attestations des 25 mai 2020 et 17 août 2020, courriers du 25 juin 2020), M. [A] (attestation du 30 mai 2020), Mme [O] (courrier du 4 août 2020), M. [R] (attestations des 7 août 2020 et 11 septembre 2020), M. [F] (attestation du 7 août 2020).

Le bailleur a fait constater par voie d’huissier les plaintes contre Mme [H]. Aux termes d’un constat du 14 décembre 2020, Mme [Y] a confirmé les bruits et les bagarres dans les parties communes et dans l’ascenseur. M. et Mme [U] se sont plaints de bruits importants la nuit, de hurlements et coups dans les murs, le compagnon de Mme [H] dormant en outre dans les parties communes. M. [O] s’est plaint des bruits et dégradations causés par ce dernier qui est souvent alcoolisé et de l’attitude agressive de Mme [H]. M. [F] a confirmé entendre d’énormes bruits en pleine nuit provenant du compagnon de Mme [H] qui claque la porte et donne des coups de pied dans les parties communes et la porte lorsque celle-ci ne le laisse pas entrer. Il a ajouté avoir été victime d’injures de la part de celui-ci et avoir constaté des dégradations de l’ascenseur suite à son comportement violent. Confirmant les bruits, M. [I] a évoqué des traces de bière dans la cage d’escalier.

Par courriers des 16 octobre 2017, 9 mars 2018, 12 septembre 2019 et 19 novembre 2019 et lors d’un entretien du 5 novembre 2019, l’OPAC a informé Mme [H] des plaintes de ses voisins concernant les tapages diurnes et nocturnes, les disputes familiales, les dépôts de détritus dans les parties communes, les injures et menaces envers les autres locataires et le personnel de l’immeuble, la mettant en demeure de modifier son comportement sous peine de résiliation du bail.

Le renouvellement des plaintes au cours de l’année 2020 démontre que le comportement de Mme [H] n’a pas évolué malgré les mises en garde qui lui ont été faites.

Si un certificat médical du 18 février 2021 atteste du suivi de Mme [H] relativement à une sclérose tubéreuse, une épilepsie, un trouble de la personnalité et de multiples atteintes articulaires, celle-ci étant en outre titulaire d’une carte mobilité inclusion invalidité, il n’est pas établi que les troubles aient cessé postérieurement à ce suivi. L’OPAC démontre au contraire que les troubles ont perduré en 2021. Le 25 mai 2021, Mme [M] a porté plainte contre Mme [H] suite à une altercation dans l’immeuble le 23 mai 2021, indiquant que cette dernière avait essayé de la frapper. M. [N] s’est plaint à plusieurs reprises des nuisances sonores de Mme [H] (fiche prévention du 20 août 2021, courriers des 19, 23 et 30 août 2021). Les nuisances sont confirmées par le personnel de l’immeuble suivant fiche de prévention du 31 août 2021.

De tels comportements, par leur nature et surtout leur répétition, malgré l’intervention du bailleur et du jugement dont appel constituent une violation grave et renouvelée par Mme [H] de ses obligations découlant du bail, à savoir user paisiblement des lieux loués et s’interdire de tout acte pouvant nuire à la sécurité des personnes et des biens, ainsi qu’à la tranquillité.

Le jugement est donc confirmé en ce qu’il a prononcé la résiliation du bail, ordonné l’expulsion de Mme [H] et l’a condamnée à payer une indemnité d’occupation mensuelle.

2. Sur les frais du procès

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Mme [H] qui succombe en ses prétentions supportera la charge des dépens d’appel.

L’équité commande enfin, en application de l’article 700 du code de procédure civile, de rejeter la demande de l’OPAC au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant :

Condamne [X] [H] aux dépens d’appel,

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de l’Office public de l’habitat de l’Oise.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 

 

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