La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement
sur la prescription
L’article L. 1332-4 du Code du travail dispose :
« Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. »
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
25 janvier 2023
Cour d’appel de Paris
RG n°
19/11027
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 3
ARRET DU 25 JANVIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11027 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CA4VG
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mai 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 17/09830
APPELANT
Monsieur [C] [N]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Yaya GOLOKO, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SAS FONCIERE DU MOULIN VERT
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Alexandre BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS, toque : J036
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 05 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Fabienne ROUGE, Présidente, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Fabienne ROUGE, présidente
Madame Anne MENARD, présidente
Madame Véronique MARMORAT, présidente
Greffier, lors des débats : Sarah SEBBAK, stagiaire en préaffectation sur poste
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Fabienne ROUGE, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [C] [N] a été embauché par la Société Immobilière du Moulin Vert à compter du 13 avril 2011 en qualité de Gardien d’immeuble, le 1er mars 2017, le contrat de travail de Monsieur [C] [N] a été transféré, en application des dispositions de l’article. L. 1224-1 du Code du travail, au sein de la société Foncière du Moulin Vert.
En dernier lieu il exerçait les fonctions de Gardien d’immeuble au sein la résidence sise [Adresse 6].
Monsieur [C] [N] était licencié pour faute grave par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 25 septembre 2017, énonçant les faits suivants :
‘ Vous occupez au sein de notre société, le poste de Gardien d’immeuble depuis le 13 avril 2011, sur la résidence sise [Adresse 6].
A ce titre, il vous appartient notamment et particulièrement d’assurer :
– l’accueil des résidents, des visiteurs et des entreprises extérieures ;
– l’entretien ménager des espaces communs ;
– la rotation et le nettoyage des containers ;
– la tranquillité des lieux ;
– le respect du règlement intérieur, ou encore,
– la surveillance générale du bâti, les états des lieux, les encaissements.
Au regard de vos fonctions, vous êtes le premier interlocuteur des locataires et représentez à ce titre le bailleur sur notre résidence.
Or, il a été porté à notre connaissance par des locataires de la résidence sur laquelle vous intervenez, que vous avez perçu des sommes d’argent de la part de plusieurs candidats à l’attribution d’un logement sur notre patrimoine et principalement sur [Localité 5] afin que leur dossier soit présenté et appuyé par vous-même en commission d’attribution logement. Vous promettiez également de procéder, par la suite et selon les disponibilités, à un échange de logement pour que ces candidats puissent accéder à un logement plus grand.
Vous avez donc sciemment, à l’insu de vos collègues, et à des fins manifestement financières profité non seulement de votre connaissance de la procédure d’attribution des logements mais surtout de la confiance qui vous est accordée en tant que salarié de la société pour faciliter l’acceptation des candidatures pour lesquelles vous aviez perçu des sommes d’argent.
De telles man’uvres ne sauraient être tolérées au sein de notre société en ce qu’elles se révèlent contraires à nos valeurs et à la manière dont les logements sont attribués sur notre patrimoine.
Si, comme vous l’avez rappelé lors de l’entretien préalable, vous n’êtes pas le décisionnaire s’agissant de l’attribution in fine des logements, vous n’avez néanmoins pas hésité à monnayer la transmission de dossiers dont vous saviez qu’ils étaient conformes aux règles d’attribution de nos logements (revenus suffisants, plafond de ressources respectés…,) pour percevoir indûment des sommes d’argent.
Ainsi, vous n’avez pas hésité à profiter de la situation précaire et difficile de certains candidats à l’attribution d’un logement pour leur réclamer des sommes d’argent alors même qu’au regard de leur dossier, ce que vous saviez au demeurant pertinemment, ceux-ci auraient pu prétendre, à un logement adapté non seulement à leur profil mais aussi à leurs critères de localisation.
Ce comportement parfaitement inadmissible qui justifie à lui seul la rupture immédiate de votre contrat de travail nuit par ailleurs gravement à notre image de professionnel de l’immobilier et entache nos relations avec les collectivités et les locataires.
Au-delà de ces manquements graves, nous avons eu connaissance d’un comportement à l’égard des locataires de la résidence sur laquelle vous intervenez manifestement déplacé. En effet, plusieurs locataires ont porté à notre connaissance les propos inadaptés voire vulgaires et injurieux que vous teniez à leur encontre.
Enfin, il nous a été rapporté l’attitude agressive et menaçante que vous adoptiez à l’égard de certains locataires avec lesquels vous étiez régulièrement en conflit. En effet, nous avons appris que vous menaciez de représailles ces locataires lesquels ont été contraints de déposer des mains courantes. »
Par jugement du 16 mai 2019, le Conseil de prud’hommes de Paris a débouté Monsieur [C] [N] de l’ensemble de ses demandes.
Monsieur [C] [N] en a interjeté appel.
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 15 janver 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, monsieur [N] demande à la cour d’infirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions
Constater que les faits invoqués motivant le licenciement sont prescrits,
Constater que le licenciement de M. [N] est sans cause réelle et sérieuse,
A défaut,
Constater l’absence de faute grave,
Constater que le licenciement de M. [N] est sans cause réelle et sérieuse,
En tout état de cause
Condamner la société Foncière du Moulin Vert à verser à Monsieur [N] les sommes suivantes :
– Indemnité de licenciement abusif : 14 661,08 € bruts
– Indemnité de préavis : 4 188,88 € bruts
– Dommages et intérêts pour licenciement dans des conditions portant préjudice :
– préjudice économique : 42 011,58 €
– préjudice moral : 31 416,42 €
– exécution du contrat de travail de mauvaise foi : 6 283,14 €
– Article 700 du code de procédure civile : 2 500,00 €
Dire qu’il y a lieu de publier dans la presse spécialisée la décision condamnant son
employeur pour licenciement abusif et sans cause réelle et sérieuse
Dire qu’il y a lieu à exécution provisoire en application de l’article 515 du code
procédure civile ;
Par conclusions récapitulatives déposées par RPVA, le 1er avril 2020 , auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, la société Foncière du Moulin Vert demande à la cour de confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 16 mai 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a débouté la Foncière du Moulin Vert de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
JUGER que le licenciement pour faute grave de Monsieur [C] [N] est bien fondé ;
En conséquence,
DEBOUTER Monsieur [C] [N] de ses demandes afférentes.
DEBOUTER Monsieur [C] [N] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
CONDAMNER Monsieur [C] [N] à verser à la société Foncière du Moulin Vert la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER Monsieur [C] [N] aux entiers dépens.
La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.
MOTIFS
sur la faute grave
La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et justifie son départ immédiat. L’employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ; à défaut de faute grave, le licenciement pour motif disciplinaire doit reposer sur des faits précis et matériellement vérifiables présentant un caractère fautif réel et sérieux
Il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement
sur la prescription
L’article L. 1332-4 du Code du travail dispose :
« Aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. »
Monsieur [N] soutient que l’employeur a eu connaissance des faits qu’il reproche au salarié le 2 juin 2017 mais qu’il n’a initiée la procédure de licenciement que le 20 septembre 2017 soit plus de 2 mois après avoir eu connaissance des faits . Les faits sont devenus prescrits .
La société soutient que la Cour de cassation a précisé que le délai de 2 mois prévu par l’article L. 1332-4 du Code du travail s’apprécie du jour où l’employeur a eu une connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits fautifs reprochés au salarié.
En l’espèce, l’employeur a eu connaissance des faits dès le 2 juin 2017 lorsque notamment Madame [R] [P] adresse un courriel à M. [O], employé de la société FMV, en y dénonçant des faits, des comportements « voyou », indiquant que ce dernier offrirait des logements « au plus offrants », des faits d’insultes et de menaces .
Cependant compte tenu de la nature des faits dénoncés , de l’enquête pénale qui a été déclenchée par le parquet, de l’appel d’un journaliste à la société , des vérifications qu’a dû entreprendre la société , la connaissance exacte des faits par l’employeur doit être daté de début septembre 2017.
La convocation à l’entretien préalable a été faite le 11 septembre 2017, l’entretien se tenant le 20 septembre , dès lors les faits ne sont pas prescrits .
Il convient de confirmer le jugement du conseil de Prud’hommes sur ce point .
Monsieur [N] conteste son implication dans les faits consistants à se faire financer pour appuyer une demande de logement exposant qu’il occupe le poste de gardien d’immeuble et qu’il ne siège pas à la commission d’attribution des logements et qu’il n’a donc aucun pouvoir de décision en la matière.
Il est versé aux débats des mails de monsieur [N] à monsieur [Y] appuyant des demandes de logement , ce qui montre d’une part son implication dans le choix des attributions . Il a également versés aux débats la dénonciation de madame [G] dénonçant l’attribution d’appartement contre versement d’espèces .
Ces faits sont établis .
Par ailleurs il est versé aux débats une pétition dénonçant la grossièreté et la violence du salarié qui insulte les locataires , les menaces , crève les pneus , et n’effectue pas ses tâches notamment d’entretien :
« Nous, résidants dans la résidence François villon [Localité 5], vous informons de notre mécontentement vis-à-vis du gardien M. [C] [N] chargés, des divers travaux dans la résidence, de la sortie des poubelles, nettoyage des parties communes etc…
Ce gardien est agressifs, médisants, vulgaires, racistes, malsains, demande bakchich pour réserver des appartements, violation de la vie privée des locataires, et enfin harcèlement sur les gens et agression des enfants seuls, isolés.’
Les faits reprochés sont démontrés par l’employeur, ces faits sont graves , le jugement sera confirmé en ce qu’il a dit le licenciement pour faute grave établi .
Monsieur [N] sera débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires à ce titre .
Sur la demande liée au préjudice moral
Monsieur [N] soutient qu’il a vécu son licenciement comme une humiliation .
Sur l’exécution du contrat de travail de mauvaise foi
Monsieur [N] soutient que son employeur a attendu la publication au Journal officiel du plafonnement des indemnités prud’homales dans le seul but de ne pas être soumis au risque de condamnation sur le fondement de la loi ancienne .
Il sera observé qu’il n’apporte aucun élément tendant à démontrer cette intention , dès lors il sera débouté de cette demande .
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l’article 450 du code de procédure civile,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions
Y ajoutant,
CONDAMNE monsieur [N] à payer à la société FONCIERE DU MOULIN VERT la somme de 1500€ en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
DÉBOUTE les parties du surplus des demandes ,
LAISSE les dépens à la charge de monsieur [N].
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE